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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 5 septembre 2024, n° 24/00429

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/00429

5 septembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024

(n° 292 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00429 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIWHA

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Novembre 2023 -Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 23/04137

APPELANTE

Mme [G] [L] veuve [W]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A546

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-004971 du 27/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉ

E.P.I.C. [Localité 4] HABITAT-OPH, RCS de Paris sous le n°344 810 825, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD - WEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0128

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, devant Laurent NAJEM, Conseiller, chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michèle CHOPIN, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée et par Jeanne PAMBO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 14 août 2008, l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH anciennement OPAC de [Localité 4], a consenti un bail d'habitation à M. [W] et Mme [W], née [L], sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5].

M. [W] est décédé le 15 juin 2014.

Par actes d'huissier de justice du 17 décembre 2021, le bailleur a fait délivrer à M. [W] et Mme [W], née [L], un commandement de payer la somme principale de 5.008,41 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

Par acte du 13 avril 2023, l'établissement public Paris habitat-OPH a saisi en référé le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :

constater l'acquisition de la clause résolutoire ;

être autorisé à faire procéder à l'expulsion de M. [W] et Mme [L] et obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :

* une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal à celui du loyer majoré de 50% et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération des lieux ;

* 8.116,15 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif ;

* 350 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 30 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

constaté que le contrat conclu le 14 août 2008 entre l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH, d'une part, et Mme [L] d'autre part concernant les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5] est résilié depuis le 18 février 2022 ;

rejeté la demande de délais de paiement suspensifs de la clause résolutoire ;

ordonné à Mme [L] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au [Adresse 1] à [Localité 5] ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement ;

dit qu'à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et le concours d'un serrurier à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux ;

rappelé que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

condamné Mme [L] à payer à l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH la somme de 9 862,57 euros à titre de provision sur l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêté au 31 août 2023, terme d'août 2023 inclus ;

condamné Mme [L] à payer à l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH à titre provisionnel une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, ce à compter du terme de septembre 2023 et jusqu'à libération effective des lieux ;

rejeté toutes les autres demandes ;

dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision ;

débouté l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [L] aux dépens comprenant notamment le coût des commandements de payer du 17 décembre 2021 et celui des assignations du 13 avril 2023.

Par déclaration du 15 décembre 2023, Mme [L] a interjeté appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 janvier 2024, elle demande à la cour, au visa de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, de :

la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

En conséquence :

réformer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

A titre principal :

débouter l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire du bail ;

lui accorder des délais à hauteur de 24 mois pour régler sa dette ;

A titre subsidiaire :

lui accorder des délais à hauteur de 12 mois pour quitter son logement ;

dire que chaque partie gardera la charge de ses dépens et frais irrépétibles, tant en première instance qu'en cause d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 février 2024, l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH demande à la cour, au visa des articles 7, 24 de la loi du 6 juillet 1989 et 834, 835 du code de procédure civile, de :

débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

les dire non fondées ;

confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne sa créance qu'il convient d'actualiser à la somme de 10.860,27 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupations dus au 14 février 2024 (janvier 2024 inclus) ;

subsidiairement, si la cour faisait droit à la demande de suspension du jeu de la clause résolutoire, dire qu'en cas de non-respect d'une mensualité ou du loyer courant, l'intégralité de la dette redeviendra immédiatement exigible et qu'il pourra alors être procédé l'expulsion de Mme [L] au besoin avec le concours de la force publique ;

confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné Mme [L] à lui payer titre provisionnel une somme égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail et ce jusqu'à complète restitution des lieux libres de toute occupation ;

si la cour fait droit à la demande de délais pour quitter les lieux, dire qu'en cas de non règlement de l'indemnité d'occupation courante, l'expulsion pourra être de nouveau poursuivie au besoin avec le concours de la force publique ;

condamner Mme [L] à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [L] aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.

SUR CE,

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de location en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre conformément aux dispositions d'ordre public de la loi applicable en matière de baux d'habitation.

L'article 24, I, de la même loi dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l'espèce, le contrat de bail signé par les parties contient une clause prévoyant sa résiliation de plein droit, deux mois après une mise en demeure infructueuse, en cas de défaut de paiement du loyer ou des charges.

La validité du commandement de payer délivré par le bailleur le 17 décembre 2021 n'est pas contesté. La locataire ne conteste pas davantage l'existence d'un arriéré ou le fait qu'elle ne s'est pas acquittée des causes du commandement dans le délai de deux mois rappelé dans l'acte.

C'est à bon droit que le premier juge a retenu que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies.

Comme le réclame le bailleur, il y a lieu d'actualiser la condamnation provisionnelle au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation à la somme de 10.860,27 euros arrêtée au 14 février 2024 (terme de janvier 2024 inclus). L'ordonnance sera infirmée compte tenu de ce nouvel arriéré.

Selon l'article 1343-5 alinéa 1er du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Mme [L] fait état d'une retraite mensuelle de 1.200 euros et de ce qu'elle a repris le paiement des loyers courants. Elle sollicite des délais à hauteur de 24 mois afin de régler sa dette.

L'intimé s'y oppose exposant que le loyer est manifestement disproportionné par rapport aux revenus de l'appelante.

La cour ne peut que constater que l'arriéré locatif a augmenté de près de 1.000 euros depuis la première instance et que si la bonne foi de l'appelante est indéniable, au regard de ses ressources elle n'apparaît pas en mesure de s'acquitter d'une quelconque somme en plus du loyer courant et dès lors, d'apurer l'arriéré dans les délais légaux.

La première décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement.

Selon l'article L.412-3 alinéas 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.

Mme [R] rappelle qu'elle est âgée de 77 ans et qu'elle ne parvient pas à trouver un logement dans le secteur privé ou social. Elle sollicite un délai de 8 mois compte tenu de son âge et de sa situation.

[Localité 4] Habitat OPH relève qu'il n'est justifié d'aucune démarche, ni suivi social.

L'âge de l'appelante est un élément objectif qui rend effectivement crédibles les difficultés de l'intéressée pour retrouver un logement, notamment dans le parc privé.

Il lui sera accordé un délai de 6 mois.

Le sens de la présente décision conduit à confirmer les dispositions de l'ordonnance entreprise au titre des frais irrépétibles et des dépens.

A hauteur d'appel, Mme [L] sera condamnée aux dépens mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a :

condamné Mme [L] épouse [W] à payer à l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH la somme de 9.862,57 euros à titre de provision sur l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêté au 31 août 2023, terme d'août 2023 inclus ;

dit qu'à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et le concours d'un serrurier à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Accorde à Mme [L] un délai de 6 mois à compter de la date du présent arrêt pour quitter les lieux ;

Dit qu'à défaut de libération volontaire à l'issue de ce délai de 6 mois, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et le concours d'un serrurier à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux ;

Condamne Mme [L] épouse [W] à payer à payer à l'établissement public [Localité 4] habitat-OPH la somme de 10.860,27 euros à titre de provision sur l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêté au 14 février 2024 (terme de janvier 2024 inclus) ;

Condamne Mme [L] épouse [W] aux dépens d'appel ;

Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle ;

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE

EMPÊCHÉE