Décisions
CA Colmar, ch. 2 a, 5 septembre 2024, n° 23/02080
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 315/2024
Copie exécutoire
aux avocats
Le 5 septembre 2024
La greffière
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/02080 -
N° Portalis DBVW-V-B7H-ICTY
Décision déférée à la cour : 09 Mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Mulhouse
APPELANT et INTMÉ SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [L] [E]
demeurant [Adresse 10] à [Localité 11]
représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour
plaidant : Me VERGOBBI, Avocat au barreau de Strasbourg
INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [S] [J]
demeurant [Adresse 12] à [Localité 15]
Monsieur [C] [J]
demeurant [Adresse 16] à [Localité 15]
Le G.A.E.C. SOURCE DE LA LARGUE pris en la personne de représentant légal
ayant son siège [Adresse 12] à [Localité 15]
représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseillère
Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
MM. [L] [E], [S] [J] et [C] [J] étaient associés du GAEC Source de la Largue (ci-après le GAEC). Par jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 21 septembre 2019, confirmé sur ces points par un arrêt de cette cour du 13 mai 2022, M. [E] a été autorisé à se retirer du GAEC, et à reprendre la jouissance de ses parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018.
Se plaignant de ce que le GAEC exploitait toujours ces terres, M. [E] l'a fait citer ainsi que MM. [S] et [C] [J] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse, selon exploits du 29 novembre 2022, aux fins de voir ordonner leur expulsion sous astreinte, et de les voir condamnés solidairement au paiement d'une provision à valoir sur son préjudice.
Par ordonnance en date du 9 mai 2023, le juge des référés a notamment, ordonné l'expulsion du GAEC et de MM. [J] de certaines parcelles qu'il a désignées, dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte, leur a fait interdiction de pénétrer sur lesdites parcelles, les a condamnés aux dépens, rejetant toutes autres demandes.
Le juge des référés a considéré qu'il était compétent pour connaître de la demande sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dès lors que ni le jugement ni l'arrêt n'avaient prononcé d'expulsion et qu'il n'appartenait pas au juge de l'exécution de l'ordonner.
Il a ensuite retenu que :
- si le GAEC avait pu indiquer ne pas être opposé à libérer les parcelles, son intention n'avait pas été suivie d'effet puisqu'il continuait à les exploiter ;
- l'urgence était caractérisée au regard de la durée réelle du litige - 19 ans -, et de l'atteinte au droit de propriété de M. [E] s'agissant des parcelles dont il est propriétaire,
- il a ensuite retenu, s'agissant des parcelles données à bail visées dans la liste MSA, que le GAEC et MM. [J] invoquaient une contestation sérieuse, un pourvoi en cassation étant en cours contre l'arrêt précité, et le GAEC ayant signé des baux avec différents propriétaires pour contourner cet arrêt,
- M. [E], qui est désormais charpentier, n'exploitant plus ces terres le principe de proportionnalité dans le trouble illicite ou l'atteinte portée conduisait à rejeter la demande portant sur les parcelles mises à disposition du GAEC autres que celles dont M. [E] était propriétaire,
- l'astreinte n'était pas utile puisque les défendeurs consentaient à remettre ces terres.
Pour rejeter la demande de provision au titre d'une perte d'exploitation, le juge des référés a retenu d'une part que cette perte dépendait du sort des parcelles actuellement en location et 'financées' par le GAEC, d'autre part que l'intention de M. [E] de les mettre en culture n'était pas démontrée au regard de son absence d'activité agricole.
M. [E] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 25 mai 2023, en ce qu'elle a rejeté toutes autres demandes, limité la portée de l'expulsion et dit n'y avoir lieu à une astreinte.
Par ordonnance du 26 juin 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile. L'avis de fixation a été adressé le même jour par le greffe.
A l'audience du 21 mars 2024, la cour a proposé une mesure de médiation et invité les parties à faire connaître si elles accepteraient une telle mesure. Les intimés ont donné leur accord. M. [E] a par contre indiqué que cette mesure ne lui paraissait pas utile au vu de la décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 28 mars 2024 ayant rejeté les pourvois formés contre l'arrêt du 13 mai 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 mars 2024, M. [E] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance des chefs visés dans la déclaration d'appel, et statuant à nouveau de :
- juger que le président du tribunal judiciaire disposait bien du pouvoir juridictionnel pour statuer,
- le déclarer recevable en ses demandes,
- prononcer l'expulsion du GAEC et de MM. [J], ainsi que de tout occupant de leur chef, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour, des parcelles listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018 dont il donne les désignations cadastrales,
- interdire au GAEC, à MM. [J] ainsi qu'à tout occupant de leur chef de pénétrer sur les parcelles litigieuses,
- condamner solidairement le GAEC et MM. [J] à lui payer une provision de 55 975,04 euros en réparation du préjudice qui lui est causé,
- confirmer 'le jugement' pour le surplus,
- déclarer l'appel incident irrecevable et mal fondé, le rejeter,
- débouter le GAEC et MM. [J] de leur demande additionnelle en restitution des parcelles récupérées par M. [E] et en indemnisation comme étant irrecevables, subsidiairement mal fondées,
- les débouter de l'ensemble de leurs conclusions et prétentions,
- les condamner solidairement, à tout le moins in solidum aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel il fait valoir que :
- le juges des référés était compétent pour connaître de la demande, à l'exclusion du juge de l'exécution puisque ni le jugement, ni l'arrêt n'avaient prononcé d'expulsion, sauf à modifier le dispositif des décisions ce que ce juge ne peut faire,
- le tribunal comme la cour n'ont pas opéré de distinction entre les parcelles dont il était propriétaire et celles dont il était locataire qui sont toutes listées dans le relevé MSA visé,
- l'expulsion est justifiée, sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile, s'agissant des parcelles dont il est propriétaire, le GAEC ne justifiant pas les avoir libérées et ne pouvant se prévaloir à cet égard d'une ordonnance du conseiller de la Cour de cassation postérieure aux débats devant le premier juge,
- elle l'est également pour les autres parcelles puisqu'il est privé de la possibilité de les exploiter, la mise à disposition de baux ruraux au profit du GAEC n'affectant pas la titularité du bail, alors qu'il a été autorisé à les retirer, ce qui lui cause un trouble évident qu'il est urgent de faire cesser,
- toute contestation sur le fondement du droit des baux ruraux se heurte à l'autorité de chose jugée puisque la question a été tranchée par le jugement et l'arrêt précités,
- les baux dont se prévaut le GAEC sont tous postérieurs à l'arrêt du 13 mai 2022, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'une occupation licite des parcelles,
- le fait que le GAEC et MM. [J] soient devenus propriétaires dans des conditions troubles de certaines parcelles alors que le bail était en cours, et ce au mépris de son droit de préemption n'a pas pour effet de mettre fin au bail,
- il n'a commis aucune voie de fait,
- le GAEC ne peut donc se prévaloir d'aucun préjudice d'exploitation, et sa demande additionnelle est nouvelle en appel.
Il soutient en outre que le fait que le GAEC ait finalement libéré certaines parcelles, sans que soit précisé lesquelles, ne le prive pas pour autant de son intérêt à agir car l'expulsion doit être assortie d'une interdiction de pénétrer sur les parcelles afin de lui garantir une jouissance paisible.
Enfin, le fait de n'avoir pu exploiter les parcelles qu'il était autorisé à reprendre dès le 23 mai 2022 lui cause un préjudice évident et certain, l'ordonnance devant donc être infirmée puisque le débat ne porte pas sur son activité professionnelle mais sur sa jouissance.
Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 1er mars 2024, le GAEC et MM. [J] demandent à la cour de rejeter l'appel, de confirmer partiellement l'ordonnance entreprise aux besoins par substitution de motifs, sous réserve de l'appel incident et de la demande additionnelle. Sur appel incident, ils demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :
Sur les fins de non-recevoir :
- dire et juger que le président du tribunal judiciaire n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer et que seul le juge de l'exécution était compétent,
- déclarer en conséquence M. [E] irrecevable en ses demandes.
- déclarer M. [E] irrecevable en l'ensemble de ses demandes et en tout état de cause mal fondé pour :
- défaut de qualité à agir
- défaut d'intérêt à agir
- les rejeter comme telles.
Subsidiairement
- dire et juger que la demande se heurte à une contestation sérieuse,
En conséquence
- dire n'y avoir lieu à référé et débouter M. [E] de l'intégralité de ses fins et conclusions.
Sur demande additionnelle :
- les déclarer recevables et fondés en leur demande additionnelle,
- condamner M. [E] à leur restituer les parcelles dont ils sont propriétaires ou locataires dont il a pris possession par voie de fait et ordonner son expulsion desdites parcelles sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à savoir les parcelles suivantes selon annexe 32 valant actualisation : (...)
- condamner M. [E] à payer au GAEC une provision sur le préjudice subi de 45 000 euros,
- condamner M. [E] aux entiers dépens des deux instances et à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que les demandes de M. [E] sont irrecevables en premier lieu pour défaut de pouvoir juridictionnel du président du tribunal judiciaire en ce que :
- le juge de l'exécution est seul compétent pour trancher les difficultés nées de l'exécution d'une décision, or la difficulté porte sur l'étendue des droits de M. [E] au regard du dispositif des deux décisions rendues, aucune condamnation n'ayant été prononcée, et M. [E] ayant seulement été autorisé à reprendre ses parcelles,
- le juge de l'exécution peut et doit interpréter la décision fondant les poursuites, or l'autorisation de reprendre 'ses' parcelles ne peut viser que celles sur lesquelles M. [E] détient des droits comme propriétaire ou locataire,
- il n'entre pas dans la compétence du président du tribunal judiciaire de prononcer une expulsion qui n'a pas été demandée dans une procédure au fond.
En deuxième lieu, ils invoquent le défaut d'intérêt à agir de M. [E] s'agissant des parcelles dont il est propriétaire puisqu'il ressort de l'ordonnance du conseiller de la Cour de cassation ayant rejeté sa demande de radiation du pourvoi qu'il n'a pas contesté le fait qu'ils avaient libéré ces parcelles à la fin de l'année culturale 2022, soit avant l'assignation, ce qui vaut reconnaissance judiciaire, ce fait n'étant au demeurant pas réellement contesté.
En troisième lieu, ils se prévalent du défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. [E] s'agissant des autres parcelles dont il a repris possession par la force en les ensemençant ainsi qu'ils en justifient.
En outre, il a pris possession de parcelles sur lesquelles il n'a aucun droit, s'appropriant ainsi des parcelles appartenant au GAEC, à MM. [J] et à d'autres personnes qui ont consentis des baux au GAEC après l'arrêt de la cour d'appel et pour lesquels celui-ci paie des fermages ainsi qu'il en justifie, de sorte que non seulement M. [E] n'a pas été privé de sa jouissance mais il s'est rendu coupable de voie de fait.
Ils soutiennent que si le juge des référés est bien le juge de l'évidence, cette évidence fait qu'il n'a pas compétence pour ordonner l'expulsion de terres alors que la preuve est rapportée que celui qui réclame l'expulsion n'a aucun droit sur ces terres ou en tous les cas que les droits revendiqués sont sérieusement contestés, l'autorité de chose jugée tirée de l'arrêt du 23 mai 2022 ne pouvant leur être opposée puisqu'elle ne s'attache pas aux motifs de la décision mais seulement à son dispositif.
Par voie de conséquence, M. [E] n'a donc pas qualité pour demander leur expulsion de terres sur lesquelles il n'a aucun droit et encore moins de parcelles sur lesquelles ce sont au contraire les intimés qui ont des droits en tant que propriétaires ou d'exploitants.
Ils font valoir ensuite que :
- M. [E] ne justifie d'aucune urgence sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile,
- qu'il ne demande aucune mesure conservatoire ou de remise en état, au sens de l'article 835 du même code,
- il n'est pas non plus recevable à solliciter une provision en l'absence d'obligations non sérieusement contestables,
- pour l'année 2022 la perte d'exploitation ne peut consister que dans le bénéfice perdu au prorata des droits de l'appelant et uniquement sur les parcelles dont il est propriétaire ou locataire à condition d'en justifier, et pour 2023 il a planté ses parcelles et les a récoltées de sorte qu'il n'a subi aucun préjudice,
- au contraire ce sont les intimés qui subissent une perte d'exploitation pour leurs parcelles, et qui sont donc fondés à faire cesser, en référé, la voie de fait commise par M. [E] et à obtenir une provision à ce titre, cette demande étant recevable dès lors que les faits sont postérieurs à l'audience de première instance.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
MOTIFS
A titre liminaire, l'appelant conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident mais sans soulever aucun moyen précis. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être relevée d'office, il y a lieu de déclarer l'appel incident recevable.
Sur le pouvoir juridictionnel du juge des référés
Comme l'a relevé avec pertinence le premier juge, ni le tribunal ni la cour d'appel dans son arrêt du 13 mai 2022 n'ont été appelés à se prononcer sur une demande d'expulsion, et une telle mesure ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution sauf à ajouter à ces décisions ce qu'il ne peut faire. La demande ne relève donc pas de la compétence du juge de l'exécution mais bien de celle du juge des référés, sous réserve que les conditions permettant sa saisine soient par ailleurs remplies.
Sur le défaut de qualité et d'intérêt à agir de M. [E]
L'existence d'un intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande.
Les intimés prétendent avoir libéré les parcelles dont M. [E] est propriétaire après la récolte 2022, ainsi que l'a constaté le conseiller délégué du premier président de la Cour de cassation dans une ordonnance du 30 mars 2023, aux termes de laquelle il a rejeté la demande de radiation du pourvoi présentée par M. [E], après avoir relevé que cette libération des terres, étayée par des attestations, n'était pas contredite.
Cette décision est certes postérieure à la saisine du juge des référés et aux débats de première instance, néanmoins les attestations produites par les intimés, en annexes n°14 à 19, auxquelles elle se réfère, qui font état d'une libération des terres respectivement après la récolte d'été pour certaines d'entre elles, le 17 octobre 2022, après la récolte de maïs pour d'autres, M. [F] précisant que le GAEC n'exploitait plus lesdites parcelles en novembre 2022, visent des faits antérieurs à la saisine du juge des référés par assignations délivrées le 29 novembre 2022.
Par ailleurs, si ces attestations sont imprécises s'agissant de la localisation des parcelles puisqu'elles font référence de manière générale 'aux parcelles en litige' sans spécifier lesquelles, et si l'absence de contestation ne vaut pas aveu judiciaire, pour autant il est admis par les intimés que seules les parcelles appartenant à M. [E] ont été libérées.
Le constat dressé par Me [R], huissier de justice, le 24 septembre 2023, dont se prévaut l'appelant ne va pas à l'encontre de cette affirmation puisqu'il porte notamment sur deux des parcelles appartenant à ce dernier, cadastrées commune d'[Localité 15], section 2 n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9], dont il a été constaté qu'elles avaient été entièrement récoltées, d'autres étant encore plantées de maïs à la date du constat. Enfin, par un courrier du 4 octobre 2022, le conseil du GAEC avait indiqué que les parcelles propriété de M. [L] [E] seraient libérées après récolte.
Par voie de conséquence, en l'état de ces constatations, il appartient à l'appelant de justifier de son intérêt à agir en établissant que certaines des parcelles lui appartenant n'auraient pas été libérées, ce qu'il ne fait pas.
La demande d'expulsion sera donc déclarée irrecevable, faute d'intérêt à agir, s'agissant des parcelles appartenant à M. [L] [E], et l'ordonnance entreprise sera donc infirmée en tant qu'elle a fait droit à sa demande d'expulsion pour lesdites parcelles. Il en sera de même de sa demande tendant à faire interdiction aux intimés de pénétrer sur ces parcelles dès lors qu'il n'établit pas davantage avoir un intérêt né et actuel à former une telle demande au jour de son assignation, faute d'établir qu'après libération des terres, les intimés auraient tenté d'y pénétrer à nouveau.
S'agissant des autres parcelles exploitées par M. [E], la demande sera déclarée recevable, dès lors d'une part que le GAEC admet ne pas les avoir spontanément libérées et se prétend au contraire titulaire de droits sur ces parcelles qui auraient été bafoués par l'appelant, et d'autre part car M. [E] a été autorisé par le jugement du 24 septembre 2019, confirmé sur ce point par l'arrêt du 13 mai 2022, à reprendre la jouissance de 'ses parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018", cette disposition ayant autorité de chose jugée.
Les intimés qui prétendent que l'appelant aurait pris possession de force des parcelles en question au mépris de leurs droits, ne le démontrent pas. En effet, tant les attestations précitées, dont le caractère imprécis quant à la localisation exacte des parcelles concernées a déjà été souligné, que le constat d'huissier dressé les 19 mai et 13 juin 2023 sont insuffisants à l'établir. Si l'officier ministériel a effectivement constaté que les parcelles qu'il liste avaient été, suivant le cas, labourées ou fauchées, il n'a cependant pu faire aucune constatation quant à l'auteur de ces travaux agricoles, et a seulement relaté les déclarations de son mandant, M. [C] [J], qui affirmait ne pas avoir réalisé ces travaux lui-même, ce qui est contesté par l'appelant. Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle, ' M. [E] a déclaré à la DDT qu'il a ensemencé toutes les parcelles litigieuses pour l'obtention des primes PAC n'est étayée par aucune pièce probante.
Par voie de conséquence, M. [E] justifiant d'un intérêt et de sa qualité à agir, ses demandes seront déclarées recevables s'agissant des parcelles dont il n'est pas propriétaire mais pour lesquelles il prétend être titulaire d'un droit personnel à les exploiter.
Sur les demandes d'expulsion et d'interdiction de pénétrer sur les parcelles libérées formées par M. [E]
Si le premier juge a visé indistinctement les articles 834 et 835 du code de procédure civile, l'appelant fonde sa demande, à hauteur de cour, sur les seules dispositions de l'article 834 du code de procédure civile aux termes desquelles : 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.'
Comme l'a retenu le premier juge, les parties étant en litige depuis de nombreuses années, l'urgence est suffisamment caractérisée par la nécessité pour M. [E] de pouvoir obtenir l'exécution du jugement l'ayant autorisé à se retirer du GAEC et à reprendre la jouissance des terres qu'il avait mises à disposition de celui-ci.
Toutefois, force est de constater que le dispositif du jugement confirmé par la cour est insuffisamment précis et sujet à interprétation dans la mesure où il autorise M. [E] à reprendre la jouissance de 'ses' parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018, ledit relevé d'exploitation se rapportant aux parcelles exploitées par le GAEC.
La demande de M. [E] ne porte toutefois pas sur la totalité des parcelles figurant sur ce relevé mais seulement sur celles lui appartenant et celles dont il prétend avoir été preneur avant de les mettre à disposition du GAEC lorsqu'il a intégré ce groupement qui sont identifiées dans le relevé MSA par un surlignage. Les intimés admettent d'ailleurs, en page 8 de leurs dernières conclusions, que le déterminant possessif 'ses' s'entend des parcelles visées dans le listing parcellaire et sur lesquelles il détient des droits comme propriétaire ou locataire.
Cependant, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, d'interpréter, la décision d'un juge du fond. A ce stade, et en l'absence de tout autre élément permettant à la cour, exerçant les pouvoirs du juge des référés, juge de l'évidence, de se convaincre d'une occupation illicite par le GAEC des parcelles en cause, celui-ci se prévalant de baux ruraux sur certaines d'entre elles, et les parties se reprochant mutuellement d'exploiter indûment les différentes parcelles, l'ordonnance entreprise sera confirmée en tant qu'elle a considéré que la demande d'expulsion et corrélativement, celle de pénétrer sur les parcelles se heurtaient à des contestations sérieuses.
Sur la demande de provision
M. [E] fonde sa demande sur les dispositions de l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile.
Au vu de ce qui précède, le principe de sa créance est sérieusement contestable s'agissant des parcelles ne lui appartenant pas.
S'agissant des parcelles dont il est le propriétaire, il est incontestable que le fait de n'avoir pu les exploiter entre le 23 mai 2022, date à laquelle il a été autorisé à se retirer du GAEC et à reprendre la jouissance de ses terres, et le mois de novembre 2022 lui a nécessairement causé un préjudice, peu important qu'il exerce par ailleurs la
profession de charpentier. Le principe de la créance n'est au demeurant pas sérieusement contesté par les intimés pour l'année 2022, ces derniers faisant valoir toutefois que la perte d'exploitation ne peut consister que dans le bénéfice perdu au prorata des droits de l'appelant.
M. [E] produit une attestation de la chambre d'agriculture d'Alsace du 16 novembre 2022 indiquant que la valeur annuelle unitaire du barème d'éviction applicable aux surfaces agricoles du Haut-Rhin s'élève à 13,54 €/are et peut être pris en compte pour apprécier la perte d'exploitation, ce qui n'est pas discuté.
Au vu de ce qui précède, cette perte a, de manière non contestable, concerné 5 mois, de juin à octobre 2022 inclus.
La superficie des terres appartenant à M. [E] totalisant 9 ha 13 a 41 ca, (96 a 50 ca à [Localité 13], 7 ha 77 a 71 ca à [Localité 14] et 39 a 20 ca à [Localité 15]), la perte d'exploitation subie peut être évaluée à un montant arrondi à 5 153 euros (= 913,41x13,54x5/12), qui sera alloué à M. [E] à titre de provision valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande, le GAEC qui exploitait les parcelles étant seul condamné au paiement de cette provision, la demande étant rejetée pour le surplus.
Sur la demande additionnelle du GAEC Source de la Largue
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Contrairement à ce qui est soutenu la demande d'expulsion formée à hauteur de cour qui ne procède pas de la révélation d'un fait puisque les attestations de MM. [U] [H], [T] [H], et [T] [Z], toutes datées du 22 février 2023, qui avaient déjà été produites en première instance, faisaient état du fait que M. [L] [E] et M. [N] [J] avaient procédé à des travaux sur les parcelles en litige, notamment les semis d'automne. Cette demande est donc irrecevable en application de ce texte comme nouvelle en appel.
En revanche, la demande de provision qui tend à opposer compensation est recevable, mais ne peut prospérer puisqu'il résulte de ce qui précède que les droits des parties sur les parcelles en question sont litigieux, les baux dont se prévaut le GAEC ayant été conclus postérieurement à l'arrêt précité qui a confirmé le jugement ayant autorisé M. [E] à reprendre la jouissance de ses parcelles, et l'un de ces baux étant argué de faux.
Sur les dépens et les frais exclus des dépens
En considération de la solution du litige, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné le GAEC et MM. [J] aux dépens et de la confirmer en ce qu'elle a rejeté les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient de condamner chacune des parties à supporter les dépens
qu'elle a exposés en première instance comme en cause d'appel, et de rejeter les demandes réciproques présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
DÉCLARE l'appel incident recevable ;
INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse du 9 mai 2023 en ce qu'elle a :
- ordonné l'expulsion du GAEC Source de la Largue, de MM. [S] [J] et [C] [J], ainsi que de tous occupants de leur chef des parcelles cadastrées :
* commune 067 n°[Cadastre 2] section 4 d'une contenance de 96 ares 50 centiares
* commune [Cadastre 7] n°00028 section A [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] d'une contenance de 7 hectares 77 ares 71 centiares,
* commune 243 n°[Cadastre 1] section 2 d'une contenance de 39 ares 20 centiares,
- leur a fait interdiction de pénétrer sur lesdites parcelles,
- les a condamnés aux dépens,
- rejeté la demande de provision formée par M. [L] [E] ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant à ladite ordonnance,
DÉCLARE irrecevables les demandes de M. [L] [E] aux fins d'expulsion du GAEC Source de la Largue, de MM. [S] [J] et [C] [J], ainsi que de tous occupants de leur chef et d'interdiction de pénétrer en tant qu'elles portent sur les parcelles cadastrées :
* commune de [Localité 13] n°[Cadastre 2] section 4 d'une contenance de 96 ares 50 centiares,
* commune de [Localité 14] n°00028 section A [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] d'une contenance de 7 hectares 77 ares 71 centiares,
* commune d'[Localité 15] n°[Cadastre 1] section 2 d'une contenance de 39 ares 20 centiares, pour défaut d'intérêt à agir ;
DÉCLARE recevables les mêmes demandes en tant qu'elles portent sur les autres parcelles ;
DIT n'y avoir lieu à référé sur ces demandes ;
CONDAMNE le GAEC Source de la Largue à payer à M. [L] [E] une somme de 5 153 € (cinq mille cent cinquante trois euros) à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
REJETTE la demande de provision pour le surplus et en tant qu'elle est dirigée contre MM. [S] [J] et [C] [J] ;
DÉCLARE la demande additionnelle du GAEC Source de la Largue aux fins de restitution de certaines parcelles et d'expulsion irrecevable ;
DÉCLARE sa demande de provision recevable ;
REJETTE la demande de provision du GAEC Source de la Largue ;
REJETTE les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [L] [E] d'une part, le GAEC Source de la Largue, et MM. [S] [J] et [C] [J], d'autre part à supporter, chacun, les dépens qu'ils ont exposés en première instance et en cause d'appel.
La greffière, La présidente,
Copie exécutoire
aux avocats
Le 5 septembre 2024
La greffière
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/02080 -
N° Portalis DBVW-V-B7H-ICTY
Décision déférée à la cour : 09 Mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Mulhouse
APPELANT et INTMÉ SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [L] [E]
demeurant [Adresse 10] à [Localité 11]
représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour
plaidant : Me VERGOBBI, Avocat au barreau de Strasbourg
INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [S] [J]
demeurant [Adresse 12] à [Localité 15]
Monsieur [C] [J]
demeurant [Adresse 16] à [Localité 15]
Le G.A.E.C. SOURCE DE LA LARGUE pris en la personne de représentant légal
ayant son siège [Adresse 12] à [Localité 15]
représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseillère
Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
MM. [L] [E], [S] [J] et [C] [J] étaient associés du GAEC Source de la Largue (ci-après le GAEC). Par jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 21 septembre 2019, confirmé sur ces points par un arrêt de cette cour du 13 mai 2022, M. [E] a été autorisé à se retirer du GAEC, et à reprendre la jouissance de ses parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018.
Se plaignant de ce que le GAEC exploitait toujours ces terres, M. [E] l'a fait citer ainsi que MM. [S] et [C] [J] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse, selon exploits du 29 novembre 2022, aux fins de voir ordonner leur expulsion sous astreinte, et de les voir condamnés solidairement au paiement d'une provision à valoir sur son préjudice.
Par ordonnance en date du 9 mai 2023, le juge des référés a notamment, ordonné l'expulsion du GAEC et de MM. [J] de certaines parcelles qu'il a désignées, dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte, leur a fait interdiction de pénétrer sur lesdites parcelles, les a condamnés aux dépens, rejetant toutes autres demandes.
Le juge des référés a considéré qu'il était compétent pour connaître de la demande sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dès lors que ni le jugement ni l'arrêt n'avaient prononcé d'expulsion et qu'il n'appartenait pas au juge de l'exécution de l'ordonner.
Il a ensuite retenu que :
- si le GAEC avait pu indiquer ne pas être opposé à libérer les parcelles, son intention n'avait pas été suivie d'effet puisqu'il continuait à les exploiter ;
- l'urgence était caractérisée au regard de la durée réelle du litige - 19 ans -, et de l'atteinte au droit de propriété de M. [E] s'agissant des parcelles dont il est propriétaire,
- il a ensuite retenu, s'agissant des parcelles données à bail visées dans la liste MSA, que le GAEC et MM. [J] invoquaient une contestation sérieuse, un pourvoi en cassation étant en cours contre l'arrêt précité, et le GAEC ayant signé des baux avec différents propriétaires pour contourner cet arrêt,
- M. [E], qui est désormais charpentier, n'exploitant plus ces terres le principe de proportionnalité dans le trouble illicite ou l'atteinte portée conduisait à rejeter la demande portant sur les parcelles mises à disposition du GAEC autres que celles dont M. [E] était propriétaire,
- l'astreinte n'était pas utile puisque les défendeurs consentaient à remettre ces terres.
Pour rejeter la demande de provision au titre d'une perte d'exploitation, le juge des référés a retenu d'une part que cette perte dépendait du sort des parcelles actuellement en location et 'financées' par le GAEC, d'autre part que l'intention de M. [E] de les mettre en culture n'était pas démontrée au regard de son absence d'activité agricole.
M. [E] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 25 mai 2023, en ce qu'elle a rejeté toutes autres demandes, limité la portée de l'expulsion et dit n'y avoir lieu à une astreinte.
Par ordonnance du 26 juin 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile. L'avis de fixation a été adressé le même jour par le greffe.
A l'audience du 21 mars 2024, la cour a proposé une mesure de médiation et invité les parties à faire connaître si elles accepteraient une telle mesure. Les intimés ont donné leur accord. M. [E] a par contre indiqué que cette mesure ne lui paraissait pas utile au vu de la décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 28 mars 2024 ayant rejeté les pourvois formés contre l'arrêt du 13 mai 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 mars 2024, M. [E] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance des chefs visés dans la déclaration d'appel, et statuant à nouveau de :
- juger que le président du tribunal judiciaire disposait bien du pouvoir juridictionnel pour statuer,
- le déclarer recevable en ses demandes,
- prononcer l'expulsion du GAEC et de MM. [J], ainsi que de tout occupant de leur chef, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour, des parcelles listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018 dont il donne les désignations cadastrales,
- interdire au GAEC, à MM. [J] ainsi qu'à tout occupant de leur chef de pénétrer sur les parcelles litigieuses,
- condamner solidairement le GAEC et MM. [J] à lui payer une provision de 55 975,04 euros en réparation du préjudice qui lui est causé,
- confirmer 'le jugement' pour le surplus,
- déclarer l'appel incident irrecevable et mal fondé, le rejeter,
- débouter le GAEC et MM. [J] de leur demande additionnelle en restitution des parcelles récupérées par M. [E] et en indemnisation comme étant irrecevables, subsidiairement mal fondées,
- les débouter de l'ensemble de leurs conclusions et prétentions,
- les condamner solidairement, à tout le moins in solidum aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel il fait valoir que :
- le juges des référés était compétent pour connaître de la demande, à l'exclusion du juge de l'exécution puisque ni le jugement, ni l'arrêt n'avaient prononcé d'expulsion, sauf à modifier le dispositif des décisions ce que ce juge ne peut faire,
- le tribunal comme la cour n'ont pas opéré de distinction entre les parcelles dont il était propriétaire et celles dont il était locataire qui sont toutes listées dans le relevé MSA visé,
- l'expulsion est justifiée, sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile, s'agissant des parcelles dont il est propriétaire, le GAEC ne justifiant pas les avoir libérées et ne pouvant se prévaloir à cet égard d'une ordonnance du conseiller de la Cour de cassation postérieure aux débats devant le premier juge,
- elle l'est également pour les autres parcelles puisqu'il est privé de la possibilité de les exploiter, la mise à disposition de baux ruraux au profit du GAEC n'affectant pas la titularité du bail, alors qu'il a été autorisé à les retirer, ce qui lui cause un trouble évident qu'il est urgent de faire cesser,
- toute contestation sur le fondement du droit des baux ruraux se heurte à l'autorité de chose jugée puisque la question a été tranchée par le jugement et l'arrêt précités,
- les baux dont se prévaut le GAEC sont tous postérieurs à l'arrêt du 13 mai 2022, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'une occupation licite des parcelles,
- le fait que le GAEC et MM. [J] soient devenus propriétaires dans des conditions troubles de certaines parcelles alors que le bail était en cours, et ce au mépris de son droit de préemption n'a pas pour effet de mettre fin au bail,
- il n'a commis aucune voie de fait,
- le GAEC ne peut donc se prévaloir d'aucun préjudice d'exploitation, et sa demande additionnelle est nouvelle en appel.
Il soutient en outre que le fait que le GAEC ait finalement libéré certaines parcelles, sans que soit précisé lesquelles, ne le prive pas pour autant de son intérêt à agir car l'expulsion doit être assortie d'une interdiction de pénétrer sur les parcelles afin de lui garantir une jouissance paisible.
Enfin, le fait de n'avoir pu exploiter les parcelles qu'il était autorisé à reprendre dès le 23 mai 2022 lui cause un préjudice évident et certain, l'ordonnance devant donc être infirmée puisque le débat ne porte pas sur son activité professionnelle mais sur sa jouissance.
Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 1er mars 2024, le GAEC et MM. [J] demandent à la cour de rejeter l'appel, de confirmer partiellement l'ordonnance entreprise aux besoins par substitution de motifs, sous réserve de l'appel incident et de la demande additionnelle. Sur appel incident, ils demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :
Sur les fins de non-recevoir :
- dire et juger que le président du tribunal judiciaire n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer et que seul le juge de l'exécution était compétent,
- déclarer en conséquence M. [E] irrecevable en ses demandes.
- déclarer M. [E] irrecevable en l'ensemble de ses demandes et en tout état de cause mal fondé pour :
- défaut de qualité à agir
- défaut d'intérêt à agir
- les rejeter comme telles.
Subsidiairement
- dire et juger que la demande se heurte à une contestation sérieuse,
En conséquence
- dire n'y avoir lieu à référé et débouter M. [E] de l'intégralité de ses fins et conclusions.
Sur demande additionnelle :
- les déclarer recevables et fondés en leur demande additionnelle,
- condamner M. [E] à leur restituer les parcelles dont ils sont propriétaires ou locataires dont il a pris possession par voie de fait et ordonner son expulsion desdites parcelles sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à savoir les parcelles suivantes selon annexe 32 valant actualisation : (...)
- condamner M. [E] à payer au GAEC une provision sur le préjudice subi de 45 000 euros,
- condamner M. [E] aux entiers dépens des deux instances et à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que les demandes de M. [E] sont irrecevables en premier lieu pour défaut de pouvoir juridictionnel du président du tribunal judiciaire en ce que :
- le juge de l'exécution est seul compétent pour trancher les difficultés nées de l'exécution d'une décision, or la difficulté porte sur l'étendue des droits de M. [E] au regard du dispositif des deux décisions rendues, aucune condamnation n'ayant été prononcée, et M. [E] ayant seulement été autorisé à reprendre ses parcelles,
- le juge de l'exécution peut et doit interpréter la décision fondant les poursuites, or l'autorisation de reprendre 'ses' parcelles ne peut viser que celles sur lesquelles M. [E] détient des droits comme propriétaire ou locataire,
- il n'entre pas dans la compétence du président du tribunal judiciaire de prononcer une expulsion qui n'a pas été demandée dans une procédure au fond.
En deuxième lieu, ils invoquent le défaut d'intérêt à agir de M. [E] s'agissant des parcelles dont il est propriétaire puisqu'il ressort de l'ordonnance du conseiller de la Cour de cassation ayant rejeté sa demande de radiation du pourvoi qu'il n'a pas contesté le fait qu'ils avaient libéré ces parcelles à la fin de l'année culturale 2022, soit avant l'assignation, ce qui vaut reconnaissance judiciaire, ce fait n'étant au demeurant pas réellement contesté.
En troisième lieu, ils se prévalent du défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. [E] s'agissant des autres parcelles dont il a repris possession par la force en les ensemençant ainsi qu'ils en justifient.
En outre, il a pris possession de parcelles sur lesquelles il n'a aucun droit, s'appropriant ainsi des parcelles appartenant au GAEC, à MM. [J] et à d'autres personnes qui ont consentis des baux au GAEC après l'arrêt de la cour d'appel et pour lesquels celui-ci paie des fermages ainsi qu'il en justifie, de sorte que non seulement M. [E] n'a pas été privé de sa jouissance mais il s'est rendu coupable de voie de fait.
Ils soutiennent que si le juge des référés est bien le juge de l'évidence, cette évidence fait qu'il n'a pas compétence pour ordonner l'expulsion de terres alors que la preuve est rapportée que celui qui réclame l'expulsion n'a aucun droit sur ces terres ou en tous les cas que les droits revendiqués sont sérieusement contestés, l'autorité de chose jugée tirée de l'arrêt du 23 mai 2022 ne pouvant leur être opposée puisqu'elle ne s'attache pas aux motifs de la décision mais seulement à son dispositif.
Par voie de conséquence, M. [E] n'a donc pas qualité pour demander leur expulsion de terres sur lesquelles il n'a aucun droit et encore moins de parcelles sur lesquelles ce sont au contraire les intimés qui ont des droits en tant que propriétaires ou d'exploitants.
Ils font valoir ensuite que :
- M. [E] ne justifie d'aucune urgence sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile,
- qu'il ne demande aucune mesure conservatoire ou de remise en état, au sens de l'article 835 du même code,
- il n'est pas non plus recevable à solliciter une provision en l'absence d'obligations non sérieusement contestables,
- pour l'année 2022 la perte d'exploitation ne peut consister que dans le bénéfice perdu au prorata des droits de l'appelant et uniquement sur les parcelles dont il est propriétaire ou locataire à condition d'en justifier, et pour 2023 il a planté ses parcelles et les a récoltées de sorte qu'il n'a subi aucun préjudice,
- au contraire ce sont les intimés qui subissent une perte d'exploitation pour leurs parcelles, et qui sont donc fondés à faire cesser, en référé, la voie de fait commise par M. [E] et à obtenir une provision à ce titre, cette demande étant recevable dès lors que les faits sont postérieurs à l'audience de première instance.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
MOTIFS
A titre liminaire, l'appelant conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident mais sans soulever aucun moyen précis. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être relevée d'office, il y a lieu de déclarer l'appel incident recevable.
Sur le pouvoir juridictionnel du juge des référés
Comme l'a relevé avec pertinence le premier juge, ni le tribunal ni la cour d'appel dans son arrêt du 13 mai 2022 n'ont été appelés à se prononcer sur une demande d'expulsion, et une telle mesure ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution sauf à ajouter à ces décisions ce qu'il ne peut faire. La demande ne relève donc pas de la compétence du juge de l'exécution mais bien de celle du juge des référés, sous réserve que les conditions permettant sa saisine soient par ailleurs remplies.
Sur le défaut de qualité et d'intérêt à agir de M. [E]
L'existence d'un intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande.
Les intimés prétendent avoir libéré les parcelles dont M. [E] est propriétaire après la récolte 2022, ainsi que l'a constaté le conseiller délégué du premier président de la Cour de cassation dans une ordonnance du 30 mars 2023, aux termes de laquelle il a rejeté la demande de radiation du pourvoi présentée par M. [E], après avoir relevé que cette libération des terres, étayée par des attestations, n'était pas contredite.
Cette décision est certes postérieure à la saisine du juge des référés et aux débats de première instance, néanmoins les attestations produites par les intimés, en annexes n°14 à 19, auxquelles elle se réfère, qui font état d'une libération des terres respectivement après la récolte d'été pour certaines d'entre elles, le 17 octobre 2022, après la récolte de maïs pour d'autres, M. [F] précisant que le GAEC n'exploitait plus lesdites parcelles en novembre 2022, visent des faits antérieurs à la saisine du juge des référés par assignations délivrées le 29 novembre 2022.
Par ailleurs, si ces attestations sont imprécises s'agissant de la localisation des parcelles puisqu'elles font référence de manière générale 'aux parcelles en litige' sans spécifier lesquelles, et si l'absence de contestation ne vaut pas aveu judiciaire, pour autant il est admis par les intimés que seules les parcelles appartenant à M. [E] ont été libérées.
Le constat dressé par Me [R], huissier de justice, le 24 septembre 2023, dont se prévaut l'appelant ne va pas à l'encontre de cette affirmation puisqu'il porte notamment sur deux des parcelles appartenant à ce dernier, cadastrées commune d'[Localité 15], section 2 n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9], dont il a été constaté qu'elles avaient été entièrement récoltées, d'autres étant encore plantées de maïs à la date du constat. Enfin, par un courrier du 4 octobre 2022, le conseil du GAEC avait indiqué que les parcelles propriété de M. [L] [E] seraient libérées après récolte.
Par voie de conséquence, en l'état de ces constatations, il appartient à l'appelant de justifier de son intérêt à agir en établissant que certaines des parcelles lui appartenant n'auraient pas été libérées, ce qu'il ne fait pas.
La demande d'expulsion sera donc déclarée irrecevable, faute d'intérêt à agir, s'agissant des parcelles appartenant à M. [L] [E], et l'ordonnance entreprise sera donc infirmée en tant qu'elle a fait droit à sa demande d'expulsion pour lesdites parcelles. Il en sera de même de sa demande tendant à faire interdiction aux intimés de pénétrer sur ces parcelles dès lors qu'il n'établit pas davantage avoir un intérêt né et actuel à former une telle demande au jour de son assignation, faute d'établir qu'après libération des terres, les intimés auraient tenté d'y pénétrer à nouveau.
S'agissant des autres parcelles exploitées par M. [E], la demande sera déclarée recevable, dès lors d'une part que le GAEC admet ne pas les avoir spontanément libérées et se prétend au contraire titulaire de droits sur ces parcelles qui auraient été bafoués par l'appelant, et d'autre part car M. [E] a été autorisé par le jugement du 24 septembre 2019, confirmé sur ce point par l'arrêt du 13 mai 2022, à reprendre la jouissance de 'ses parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018", cette disposition ayant autorité de chose jugée.
Les intimés qui prétendent que l'appelant aurait pris possession de force des parcelles en question au mépris de leurs droits, ne le démontrent pas. En effet, tant les attestations précitées, dont le caractère imprécis quant à la localisation exacte des parcelles concernées a déjà été souligné, que le constat d'huissier dressé les 19 mai et 13 juin 2023 sont insuffisants à l'établir. Si l'officier ministériel a effectivement constaté que les parcelles qu'il liste avaient été, suivant le cas, labourées ou fauchées, il n'a cependant pu faire aucune constatation quant à l'auteur de ces travaux agricoles, et a seulement relaté les déclarations de son mandant, M. [C] [J], qui affirmait ne pas avoir réalisé ces travaux lui-même, ce qui est contesté par l'appelant. Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle, ' M. [E] a déclaré à la DDT qu'il a ensemencé toutes les parcelles litigieuses pour l'obtention des primes PAC n'est étayée par aucune pièce probante.
Par voie de conséquence, M. [E] justifiant d'un intérêt et de sa qualité à agir, ses demandes seront déclarées recevables s'agissant des parcelles dont il n'est pas propriétaire mais pour lesquelles il prétend être titulaire d'un droit personnel à les exploiter.
Sur les demandes d'expulsion et d'interdiction de pénétrer sur les parcelles libérées formées par M. [E]
Si le premier juge a visé indistinctement les articles 834 et 835 du code de procédure civile, l'appelant fonde sa demande, à hauteur de cour, sur les seules dispositions de l'article 834 du code de procédure civile aux termes desquelles : 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.'
Comme l'a retenu le premier juge, les parties étant en litige depuis de nombreuses années, l'urgence est suffisamment caractérisée par la nécessité pour M. [E] de pouvoir obtenir l'exécution du jugement l'ayant autorisé à se retirer du GAEC et à reprendre la jouissance des terres qu'il avait mises à disposition de celui-ci.
Toutefois, force est de constater que le dispositif du jugement confirmé par la cour est insuffisamment précis et sujet à interprétation dans la mesure où il autorise M. [E] à reprendre la jouissance de 'ses' parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018, ledit relevé d'exploitation se rapportant aux parcelles exploitées par le GAEC.
La demande de M. [E] ne porte toutefois pas sur la totalité des parcelles figurant sur ce relevé mais seulement sur celles lui appartenant et celles dont il prétend avoir été preneur avant de les mettre à disposition du GAEC lorsqu'il a intégré ce groupement qui sont identifiées dans le relevé MSA par un surlignage. Les intimés admettent d'ailleurs, en page 8 de leurs dernières conclusions, que le déterminant possessif 'ses' s'entend des parcelles visées dans le listing parcellaire et sur lesquelles il détient des droits comme propriétaire ou locataire.
Cependant, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, d'interpréter, la décision d'un juge du fond. A ce stade, et en l'absence de tout autre élément permettant à la cour, exerçant les pouvoirs du juge des référés, juge de l'évidence, de se convaincre d'une occupation illicite par le GAEC des parcelles en cause, celui-ci se prévalant de baux ruraux sur certaines d'entre elles, et les parties se reprochant mutuellement d'exploiter indûment les différentes parcelles, l'ordonnance entreprise sera confirmée en tant qu'elle a considéré que la demande d'expulsion et corrélativement, celle de pénétrer sur les parcelles se heurtaient à des contestations sérieuses.
Sur la demande de provision
M. [E] fonde sa demande sur les dispositions de l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile.
Au vu de ce qui précède, le principe de sa créance est sérieusement contestable s'agissant des parcelles ne lui appartenant pas.
S'agissant des parcelles dont il est le propriétaire, il est incontestable que le fait de n'avoir pu les exploiter entre le 23 mai 2022, date à laquelle il a été autorisé à se retirer du GAEC et à reprendre la jouissance de ses terres, et le mois de novembre 2022 lui a nécessairement causé un préjudice, peu important qu'il exerce par ailleurs la
profession de charpentier. Le principe de la créance n'est au demeurant pas sérieusement contesté par les intimés pour l'année 2022, ces derniers faisant valoir toutefois que la perte d'exploitation ne peut consister que dans le bénéfice perdu au prorata des droits de l'appelant.
M. [E] produit une attestation de la chambre d'agriculture d'Alsace du 16 novembre 2022 indiquant que la valeur annuelle unitaire du barème d'éviction applicable aux surfaces agricoles du Haut-Rhin s'élève à 13,54 €/are et peut être pris en compte pour apprécier la perte d'exploitation, ce qui n'est pas discuté.
Au vu de ce qui précède, cette perte a, de manière non contestable, concerné 5 mois, de juin à octobre 2022 inclus.
La superficie des terres appartenant à M. [E] totalisant 9 ha 13 a 41 ca, (96 a 50 ca à [Localité 13], 7 ha 77 a 71 ca à [Localité 14] et 39 a 20 ca à [Localité 15]), la perte d'exploitation subie peut être évaluée à un montant arrondi à 5 153 euros (= 913,41x13,54x5/12), qui sera alloué à M. [E] à titre de provision valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande, le GAEC qui exploitait les parcelles étant seul condamné au paiement de cette provision, la demande étant rejetée pour le surplus.
Sur la demande additionnelle du GAEC Source de la Largue
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Contrairement à ce qui est soutenu la demande d'expulsion formée à hauteur de cour qui ne procède pas de la révélation d'un fait puisque les attestations de MM. [U] [H], [T] [H], et [T] [Z], toutes datées du 22 février 2023, qui avaient déjà été produites en première instance, faisaient état du fait que M. [L] [E] et M. [N] [J] avaient procédé à des travaux sur les parcelles en litige, notamment les semis d'automne. Cette demande est donc irrecevable en application de ce texte comme nouvelle en appel.
En revanche, la demande de provision qui tend à opposer compensation est recevable, mais ne peut prospérer puisqu'il résulte de ce qui précède que les droits des parties sur les parcelles en question sont litigieux, les baux dont se prévaut le GAEC ayant été conclus postérieurement à l'arrêt précité qui a confirmé le jugement ayant autorisé M. [E] à reprendre la jouissance de ses parcelles, et l'un de ces baux étant argué de faux.
Sur les dépens et les frais exclus des dépens
En considération de la solution du litige, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné le GAEC et MM. [J] aux dépens et de la confirmer en ce qu'elle a rejeté les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient de condamner chacune des parties à supporter les dépens
qu'elle a exposés en première instance comme en cause d'appel, et de rejeter les demandes réciproques présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
DÉCLARE l'appel incident recevable ;
INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse du 9 mai 2023 en ce qu'elle a :
- ordonné l'expulsion du GAEC Source de la Largue, de MM. [S] [J] et [C] [J], ainsi que de tous occupants de leur chef des parcelles cadastrées :
* commune 067 n°[Cadastre 2] section 4 d'une contenance de 96 ares 50 centiares
* commune [Cadastre 7] n°00028 section A [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] d'une contenance de 7 hectares 77 ares 71 centiares,
* commune 243 n°[Cadastre 1] section 2 d'une contenance de 39 ares 20 centiares,
- leur a fait interdiction de pénétrer sur lesdites parcelles,
- les a condamnés aux dépens,
- rejeté la demande de provision formée par M. [L] [E] ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant à ladite ordonnance,
DÉCLARE irrecevables les demandes de M. [L] [E] aux fins d'expulsion du GAEC Source de la Largue, de MM. [S] [J] et [C] [J], ainsi que de tous occupants de leur chef et d'interdiction de pénétrer en tant qu'elles portent sur les parcelles cadastrées :
* commune de [Localité 13] n°[Cadastre 2] section 4 d'une contenance de 96 ares 50 centiares,
* commune de [Localité 14] n°00028 section A [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] d'une contenance de 7 hectares 77 ares 71 centiares,
* commune d'[Localité 15] n°[Cadastre 1] section 2 d'une contenance de 39 ares 20 centiares, pour défaut d'intérêt à agir ;
DÉCLARE recevables les mêmes demandes en tant qu'elles portent sur les autres parcelles ;
DIT n'y avoir lieu à référé sur ces demandes ;
CONDAMNE le GAEC Source de la Largue à payer à M. [L] [E] une somme de 5 153 € (cinq mille cent cinquante trois euros) à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
REJETTE la demande de provision pour le surplus et en tant qu'elle est dirigée contre MM. [S] [J] et [C] [J] ;
DÉCLARE la demande additionnelle du GAEC Source de la Largue aux fins de restitution de certaines parcelles et d'expulsion irrecevable ;
DÉCLARE sa demande de provision recevable ;
REJETTE la demande de provision du GAEC Source de la Largue ;
REJETTE les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [L] [E] d'une part, le GAEC Source de la Largue, et MM. [S] [J] et [C] [J], d'autre part à supporter, chacun, les dépens qu'ils ont exposés en première instance et en cause d'appel.
La greffière, La présidente,