Décisions
CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 10 septembre 2024, n° 21/04089
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/04089 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IH2M
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
19 octobre 2021
RG :20/00295
[N]
C/
S.E.L.A.F.A. MJA
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
Grosse délivrée le 10 septembre 2024 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 19 Octobre 2021, N°20/00295
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2024 prorogé au 10 septembre 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [P] [N]
né le 26 Décembre 1956 à [Localité 13]
[Adresse 12]
[Localité 4] / FRANCE
Représenté par Me Vincent REYMOND de la SELARL REYMOND KRIEF & GORDON, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉES :
S.E.L.A.F.A. MJA la SELAFA MJA Prise en la personne de Maître [V] es-qualité de liquidateur de la SAS MEETPHONE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST Association soumise à la loi du 1er juillet 1901, SIRENE 775 671 878 agissant en la personne de son représentant légal dûment habilité à ce effet
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Lisa MEFFRE de la SELARL MG, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Septembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
M. [P] [N] a été engagé à compter du 3 juillet 2017, suivant contrat à durée indéterminée, par la société Meetphone, en qualité de directeur marketing et du développement des solutions alliant boutons connectés et applications mobiles, notamment des bijoux connectés.
Suivant jugement du 17 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Meetphone en liquidation judiciaire et la société SELAFA MJA, représentée par Me [V], a été désignée ès qualités de mandataire liquidateur.
La société Meetphone a convoqué M. [P] [N] à un entretien préalable, fixé au 28 février 2019, et l'a informé de sa mise à pied, par courrier du 15 février 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2019, M. [P] [N] a été licencié, par la société Meetphone, pour faute lourde.
Par requêtes du 21 mars 2019 (RG 19/135) et du 29 juin 2020 (RG 20/295), la société Meetphone a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de dire que le licenciement pour faute lourde de M. [P] [N] est justifié et de le voir condamner à des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Par jugement du 19 octobre 2021, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- mis hors de cause L'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 8]
- donné acte à L'UNEDIC Délégation AGS CGEA ILE DE France Ouest de son intervention volontaire au lieu et place de L'AGS CGEA de [Localité 8]
- dit le licenciement de M. [N] fondé sur une faute lourde
- dit qu'il n'y a pas de contrat de travail entre la période du 1er janvier 2017 au 2 juillet 2017
- débouté [N] de l'ensemble de ses demandes
- débouté la société SELAFA MJA prise en la personne de Me [V] de sa demande de dommages-intérêts et du surplus de ses demandes
- condamné M. [N] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [N] aux entiers dépens.
Par acte du 15 novembre 2021, M. [P] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 5 septembre 2023, M. [P] [N] demande à la cour de :
- recevoir M. [P] [N] dans ses conclusions, les disant bien fondées ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit le licenciement de M. [P] [N] fondé sur une faute lourde
- dit qu'il n'y a pas de contrat de travail entre la période du 1er janvier 2017 au 2 juillet 2017
- débouté M. [P] [N] de l'ensemble de ses demandes
- condamné M. [P] [N] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné M. [P] [N] aux entiers dépens
Statuant à nouveau
A titre principal,
- requalifier le contrat de prestataire extérieur de M. [P] [N] en contrat de travail
- dire et juger que le licenciement de M. [P] [N] est nul
- fixer en conséquence la créance de M. [P] [N] au passif de la liquidation de la SAS Meetphone aux sommes suivantes :
- 70 392 euros au titre de l'indemnité de licenciement nul
- 17 499 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 749,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
A titre subsidiaire,
- dire et juger que le licenciement de M. [P] [N] est dénué de toute cause réelle et sérieuse,
- fixer en conséquence la créance de M. [P] [N] au passif de la liquidation de la SAS Meetphone aux sommes suivantes :
- 20 531 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 17 499 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 749,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
En tout état de cause
- débouter Meetphone de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- fixer, en outre, la créance de M. [P] [N] au passif de la liquidation de la SAS Meetphone aux sommes suivantes :
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir.
- dire ces sommes opposables au CGEA.
M. [P] [N] soutient en substance que :
- sur la requalification du contrat de travail sur la période du 1er janvier au 2 juillet 2017 : elle doit s'analyser comme une longue période d'essai, les missions confiées étant identiques à celles du contrat de travail et il se trouvait sous le même lien de subordination, sachant qu'à l'époque la société était son unique client
- sur le licenciement : il n'a jamais tenu de propos diffamatoires ou dénigrants à l'égard de l'entreprise; il n'a jamais cherché à manipuler l'actionnaire majoritaire [C] en vue d'un changement de présidence; la présidente a voulu l'évincer pour se protéger compte tenu des propos dénigrants qu'elle avait pu tenir à l'égard de cet actionnaire et dont il avait connaissance; elle a également, compte tenu de la situation financière de l'entreprise, voulu s'affranchir des règles du licenciement économique afin de sauver son propre poste.
En l'état de ses dernières écritures du 26 octobre 2023, contenant appel incident, la société SELAFA MJA, représentée par Me [V], ès qualités de mandataire liquidateur de la Meetphone a demandé à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon du 19 octobre 2021 en ce qu'il considérait que le licenciement pour faute lourde de M. [P] [N] était fondé,
- l'infirmer en ce qu'il déboutait le mandataire liquidateur de sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices subis par la société en raison de sa faute lourde,
En conséquence :
- débouter M. [P] [N] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [P] [N] à verser à la SELAFA MJA la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Sur la garantie de l'AGS, si par extraordinaire, la cour d'appel devait entrer en voie de fixation :
- juger que le liquidateur n'a pas à démontrer l'inexistence de fonds disponibles pour que la garantie de l'AGS CGEA soit mise en 'uvre,
- juger que l'obligation de l'AGS CGEA de l'Ile de France Ouest de s'acquitter des créances relevant de sa garantie, et notamment des sommes correspondant à des créances établies par décision de justice, est rendue exigible par la seule transmission des relevés de créances salariales consécutives à l'ouverture d'une procédure collective et non par la preuve que devrait rapporter le mandataire judiciaire / liquidateur que l'employeur n'est pas en mesure de payer ces créances sur les fonds disponibles.
- juger que l'AGS CGEA de l'Ile de France Ouest devra garantir l'ensemble des créances de M. [P] [N] fixées au passif de la société Meetphone.
- juger que l'AGS CGEA de l'Ile de France Ouest devra faire l'avance, et ce sans condition, de sommes représentant les créances garanties, sur présentation du relevé établi par
le liquidateur.
Dans tous les cas :
- condamner M. [P] [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 3 000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société SELAFA MJA, représentée par Me [V], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Meetphone fait valoir que :
- sur le bien-fondé du licenciement pour faute lourde :
- le salarié a adopté pendant toute la relation contractuelle une attitude de manipulation à l'égard de l'ensemble des personnes présentes dans l'entreprise et a tenu des propos dénigrants à l'encontre de Mme [R], la présidente
- il a employé des manoeuvres dolosives à l'égard de l'actionnaire principal aux fins d'obtenir un changement de présidence
- il a dénigré la société et sa dirigeante auprès des fournisseurs
- il s'est comporté depuis son embauche comme un dirigeant, refusant de se soumettre à l'autorité de Mme [R]
- il a demandé des enregistrements de conversations à l'insu de cette dernière, des fouilles de son bureau et la réalisation de photocopies de documents confidentiels
- il a commis des actes de concurrence déloyale
- il a usé de mensonges auprès de l'expert-comptable de la société, d'une amie de Mme [R] et a menti sur son expérience et ses précédents postes
- son comportement dictatorial confinait à un harcèlement moral gravement nuisible à Mme [R]
- la faute lourde du salarié a causé un préjudice financier important à la société mais également un préjudice moral et humain.
En l'état de ses dernières écritures du 4 septembre 2023, l'Unedic Délégation AGS CGEA de l'Ile de France Ouest a demandé à la cour de :
- dire et juger l'appel de M. [P] [N] mal fondé
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon en date du 19/10/2021 qui a constaté et validé la légitimité du licenciement pour faute lourde de
l'appelant et l'a débouté de ses demandes.
- statuer ce que de droit sur les demandes formulées par Me [V], mandataire
liquidateur de la société Meetphone
- dire et juger le licenciement pour faute lourde de M. [P] [N] justifié
- débouter M. [P] [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- dire et juger que l'Unedic Délégation AGS CGEA ne garantit ni les créances au titre des frais irrépétibles ni au titre d'une astreinte
Subsidiairement
- dire et juger le licenciement de M. [P] [N] comme ayant une cause réelle et sérieuse
- débouter M. [P] [N] de ses demandes indemnitaires non justifiées par un préjudice
Plus subsidiairement
- ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par M. [P] [N]
- dire et juger que M. [P] [N] ne peut être indemnisé en cas de licenciement sans
cause réelle et sérieuse au-delà d'une indemnisation de 0,5 mois de salaire brut
- débouter M. [P] [N] du surplus de ses demandes
En tout état de cause,
- déclarer le jugement opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest, dans les limites définies aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du Code du Travail et des plafonds prévus aux articles L 3253¬17 et D 3253-5 du même Code
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 32536 et L 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-17, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21 et L 3253-15 du Code du Travail
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par Mandataire Judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement
- mettre hors de cause le CGEA IDF OUEST, pour les demandes au titre des frais irrépétibles, astreinte, ou résultant d'une action en responsabilité
- arrêter le cours des intérêts au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'Unedic fait valoir que :
- elle s'en rapporte aux pièces et à l'argumentation développée par le mandataire liquidateur de la société Meetphone
- les pièces produites par l'employeur démontrent l'intention de nuire de M. [P] [N] et il est incontestable que son comportement a causé un préjudice à la société, tant pendant l'exécution du contrat de travail que postérieurement à son licenciement, de sorte que la cour ne pourra que légitimer le licenciement pour faute lourde
- si la cour estimait que le comportement de M. [N] ne constitue pas une faute lourde, il n'en demeure pas moins que le licenciement a bien une cause réelle et sérieuse
- sur les demandes indemnitaires de l'appelant, la preuve d'un préjudice n'est en tout état de cause par rapportée.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 5 septembre 2023 à 16 heures et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 5 octobre 2023. Par avis du 6 septembre 2023, l'examen de l'affaire a été déplacé à l'audience du 14 mars 2024.
MOTIFS
Sur l'existence d'un contrat de travail pour la période du 1er janvier au 2 juillet 2017
M. [P] [N] fait valoir que s'il était initialement prévu qu'il collabore avec la société Meetphone en tant que prestataire extérieur, en réalité, les missions qui étaient les siennes dans le cadre de cette collaboration étaient parfaitement identiques à celles qu'il devait assumer dans le cadre de son contrat de travail à compter de juillet 2017, de sorte que la période antérieure s'analyse comme une longue période d'essai. Il ajoute que le lien de subordination ne fait aucun doute, étant dans une véritable dépendance économique à cette époque à l'égard de la société Meetphone qui était son unique client.
La cour relève que les notes d'honoraires de conseil délivrées par M. [P] [N] pour la période revendiquée mentionnent qu'il était inscrit au registre du commerce et des sociétés au titre de l'activité APE 4648Z.
Il résulte des articles L.1221-1 et L.1221-2 du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
En l'absence d'un contrat de travail écrit, c'est à celui qui allègue l'existence d'un tel contrat d'en rapporter la preuve. Le contrat de travail se caractérise par un lien de subordination juridique qui consiste pour l'employeur à donner des ordres, à en surveiller l'exécution et, le cas échéant, à en sanctionner les manquements.
Enfin, l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription (...) 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux et auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales; (...).
Cependant, l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit que la présomption de non-salariat peut être détruite dès lors qu'il est établi l'existence d'un lien de subordination, ce que ne fait nullement l'appelant ici.
En effet, force est de constater que M. [P] [N] ne produit aux débats aucun échange avec la société, courriel, texto ou lettre, pendant la période revendiquée, faisant ressortir que la société Meetphone lui aurait donné des ordres, en aurait surveillé l'exécution ou aurait exercé sur lui un quelconque pouvoir de sanction. L'existence d'un contrat de travail ne pouvant résulter de la seule similarité entre les missions confiées sur la période de janvier à juillet 2017 et celles assurées dans le cadre du contrat de travail conclu ensuite, ou encore du fait que la société aurait été son unique client, ce qui au demeurant ne ressort d'aucune des pièces produites.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas eu de contrat de travail sur la période du 1er janvier au 2 juillet 2017.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
La faute lourde est la faute commise par un salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise.
La lettre de licenciement du 8 mars 2019 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
'(...) nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'un faute lourde ayant pour conséquence de nuire à la société et sa présidente (...).
Sur vos recommandations, lors du déménagement des bureaux de [Localité 9] au Pôle technologique Agroparc à [Localité 7], a été embauchée votre fille, Mme [B] [G], au poste d'administratrice des ventes le 1er juin 2017 puis à compter du 5 février 2018 votre conjointe, Mme [S] [D] [A], en qualité de responsable produit et de commerciale, celle-ci ayant forcé son embauche. Enfin, le 1er octobre 2018, est venue rejoindre l'équipe des locaux déménagés - sur votre insistance et par capitulation de Mme [R] pour mettre un terme à votre agressivité et mauvaise humeur chaque matin en raison des embouteillages que vous disiez subir - à [Localité 10] avec ainsi votre domicile situé à moins de 10 mn de voiture, Mme [M] [W], assistante administrative (...). Les 13 et 14 février 2019, à la suite de nombreux témoignages concordants en provenance de Mme [W], de l'actionnaire majoritaire de la société, de prestataires et de fournisseurs, j'ai découvert avec stupeur l'ensemble des man'uvres dolosives orchestrées par votre conjointe et vous-même dans l'unique but de servir vos intérêts au détriment ceux de la société. Il ressort de ces révélations qu'en interne, de concert avec Mme [S] [D] [A], vous avez sournoisement manipulé Mme [W] ainsi que votre fille, Mme [G], afin d'une part d'usurper mon rôle de dirigeante de la société et de vous imposer comme seul dirigeant auprès d'elle, et d'autre part de les monter contre moi au point d'en arriver pour elles à me haïr et me rejeter par d'odieux procédés. De même, vous m'avez manipulée et tenu un discours mensonger en externe afin d'aboutir à mon éviction pour me succéder sans prendre les risques associés.
1) La découverte de vos dénigrements auprès de nos fournisseurs
Lors d'un rendez-vous à [Localité 9] le 12 février 2019 avec M. [H], fournisseur de la société, j'apprenais que fin janvier 2019 vous aviez appelé celui-ci pour lui dire qu'en raison d'une mauvaise gestion de la société, j'allais devoir quitter la société, et que la présidence vous avait été proposée et que vous aviez décliné l'offre. J'allais par la suite apprendre vous m'aviez volontairement coupée dès le départ du projet Oz-Bijoux de tout contact avec les fournisseurs de Meetphone sur la partie Oz-Bijoux pour me dénigrer auprès d'eux, vous présenter comme seul interlocuteur sérieux et valable au sein de la société et leur en donner ainsi extrêmement négative en totale contradiction avec les intérêts de la société.
2) La découverte des enregistrements de conversations, de fouilles de mon bureau à mon insu
Le 13 février 2019, j'apprenais avec stupeur que, depuis janvier 2019, vous aviez commandité des enregistrements vocaux de mes conversations au bureau à mon insu et pire, pour certains enregistrements, il s'agissait de conversations où vous m'aviez amené insidieusement à avoir des propos dépassant ma pensée en me poussant, de concert avec Mme [W] que vous avez odieusement manipulée, dans mes « retranchements » ceci afin de constituer un dossier à mon encontre. Ces enregistrements avaient une durée importante puisque dépassant pour certains plus d'une heure et demi (enregistrements commandités à Mme [A] reçus le 24 janvier 2019 : 45 min et 42 sec ; le 28 janvier 2019 : 42 min et 11 sec ; le 7 février 2019 : 11 min et 6 secondes : enregistrements commandités à Mme [W] reçus le 4 février 2019 : 2 enregistrements durant plus d'une heure trente).
Alors que nous étions ensemble en déplacement à [Localité 9], profitant de l'absence de votre fille et de la venue au bureau exceptionnellement un mercredi de Mme [W] vous avez également commandité le mercredi 9 janvier des fouilles de mon bureau aux fins de trouver des factures pour tenter de confirmer vos thèses mensongères et calomnieuses d'abus de bien social dans la gestion de l'entreprise. Vous avez renouvelé cette demande une seconde fois profitant de mes déplacements hebdomadaires (...). Vous avez, entre vos discours et par cet odieux procédé, convaincu Mesdames [W] et votre conjointe de participer à la création d'un dossier à mon encontre.
3) La découverte de vos man'uvres à l'encontre de M. [C] visant à obtenir un changement de présidence
Vous êtes parvenu à avoir un entretien d'une heure avec notre actionnaire M. [I] [C], le mardi 15 janvier 2019 (...). Vous n'avez alors cessé de me dénigrer dans le but d'obtenir mon éviction de la présidence en faisant part à M. [C] d'un prétendu état de burn-out et d'un souhait de quitter la présidence de la société et en lui demandant de faire nommer un mandataire ad hoc ou un nouveau président pour me libérer de mes fonctions. Vous n'hésitez pas non plus à m'accuser, à tort, de décisions et de gestions calamiteuses ainsi que de commentaires diffamatoires à son encontre.
Ces manipulations ont été poursuivies dans un mail adressé le 30 janvier 2019 ,sous couvert d'un intitulé «confidentiel , alors même que lors du déjeuner du 28 janvier chez vous, vous m'avez demandé d'adresser un mail aux dirigeants de l'enseigne Robbez Masson sur la défaillance temporaire de l'actionnaire de façon à ne pas perdre ce fournisseur indispensable. Alors que celui-ci avait été rédigé à votre demande vous avez ensuite transféré cet email en PJ à M. [C] dans un email mensonger et calomnieux pour me nuire. La veille de ces graves manipulations, le dimanche 27 janvier, vous m'invitiez en toute « amitié » à aller au cinéma avec vous ainsi que votre conjointe. Enfin, et alors que vous étiez mis à pied à titre conservatoire, vous adressiez un SMS à M. [C] le 21 février 2019 pour tenter d'obtenir un nouvel entretien avec celui-ci.
Votre comportement a porté atteinte à l'image de la société auprès de son principal actionnaire lequel est allé jusqu'à envisager ma révocation de la présidence et vous proposer de prendre ma place avant de se raviser en prenant conscience de vos manipulations à mon égard.
4) Vos mensonges auprès de M. [E] et Mme [L]
Vous avez, en parallèle, pris contact avec deux tiers en leur mentant, allant jusqu'à prétendre soit vous opposer à des décisions de gestion désastreuses ou soit exprimer des détournements de fonds de ma part afin de :
'convaincre M. [P] [E] ,expert-comptable et PDG du cabinet SEFAC qui intervient auprès de Meetphone, de la nécessité de m'ôter la présidence de Meetphone. À noter que vous enrobiez votre discours au prétexte de vous soucier de mon absence de couverture chômage du fait de mon statut de responsable du mandat social de l'entreprise, et ainsi obtenir son aval et vous en servir auprès de l'actionnaire ;
'convaincre mon amie, Mme [O] [L], de votre thèse mensongère afin d'obtenir des informations sur de prétendus détournements de fonds de ma part, toujours sous couvert d'une prétendue bienveillance et amitié à mon égard.
Vous n'avez pas manqué de mêler les salariés du bureau de [Localité 10] à ces échanges et aux informations récoltées aux dépens des personnes interrogées.
De tels propos injurieux, diffamatoires et excessifs ont grandement nui à ma personne et au bon fonctionnement de la société.
5) Votre mise à pied à titre conservatoire
Le 15 février 2019 vous avez été convoqué par mail et LRAR à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement assorti d'une mise à pied à titre conservatoire. Alors que vous n'étiez pas présent dans les locaux, vous avez fait irruption au siège de la société. Ayant cerné votre personnage, je m'étais enfermée dans les locaux. Refusant de partir malgré mes demandes répétées, je n'ai eu d'autre choix que de faire intervenir la gendarmerie pour vous faire quitter les lieux 45 minutes plus tard.
6) La découverte de vos manipulations depuis votre embauche
A la lumière de ces révélations, je comprends que vous n'avez cessé d'user de manigances depuis votre embauche pour m'évincer et vous mettre en avant.
Mensonge sur vos précédents postes
Lors de négociations en vue de votre embauche 2016 ,vous m'avez délibérément menti sur la situation dans laquelle vous vous trouviez chez votre précédent employeur, Elsa Groupe SAM. En effet, alors que dans un mail du 22 septembre 2016, vous critiquiez vivement votre ancien employeur et faisiez l'éloge de la société Meetphone et de son équipe, et m'indiquiez qu'un départ par la voie d'une rupture conventionnelle d'Elsa Groupe était envisagé, je viens d'apprendre qu'en réalité, vous aviez commis des agissements semblables chez votre ancien employeur conduisant à cette rupture conventionnelle.
Mensonge sur vos compétences
(...) C'est ainsi que nous devons faire le constat désolant que :
'vous avez refusé contre la demande de Mme [R] les ventes en ligne et délaissé la stratégie digitale, pourtant essentielle aujourd'hui, alors que tout produit spécialement issu du monde des nouvelles technologies est nécessairement vendu en ligne ,
'vous avez pris la décision de faire participer Meetphone au salon Bijhorca pour un lancement de très grande envergure de la ligne Oz-Bijoux et avez exigé pour cela l'obtention par Mme [R] d'une enveloppe budgétaire d'un montant conséquent de 135'000 € auprès de l'actionnaire majoritaire mettant en avant les retombées juteuses. Ce salon s'est bien avéré un désastre et conforme aux propos d'avertissement tenus lors du déjeuner du 25 mai 2018 par Mme [J] [Y], experte reconnue du secteur HBJO, qui vous avait expliqué et recommandé de ne surtout pas exposer au salon Bijhorca en raison du manque de fréquentation des bijoutiers, nous conseillant d'exposer seulement aux deux journées d'achats qui se tenaient en parallèle sur les péniches, seules journées sur lesquelles les commerçants se déplaçaient,
' grâce à la soi-disant confiance envers vous et votre conjointe des propriétaires et ex clients des points de vente HBJO que vous fournissiez, vous avez annoncé obtenir dans la foulée du salon Bijorcha l'ouverture de 100 points de vente et un chiffre d'affaires de 200'000 €. Or, contrairement à vos prévisions, seuls 15 points de vente ont été obtenus pour un chiffre d'affaires final de 23'000 €.
'Pour vous disculper alors que vous et votre compagne avez été seuls décisionnaires sur les designs des bijoux et de la collection, vous avez lors de sa tournée pré-vendu une prochaine collection inexistante mais annoncée par vos soins disponibles dès janvier alors que quasiment rien n'a été vendu que vous avez fait acquérir, stock s'élevant à plus de 3000 pièces au 31 décembre 2018,
'malgré ces résultats désastreux ,vous êtes demeuré satisfait de votre bilan, en témoigne le mail que vous adressiez à M. [C] 16 janvier 2019
Votre comportement dictatorial confinant à un harcèlement moral gravement nuisible à la société
Au sein de la société et à l'extérieur, vous avez fait preuve d'un comportement dictatorial en étant extrêmement agressif envers l'ensemble de vos interlocuteurs et en proférant des propos injurieux et diffamatoires me concernant de façon à nuire à la société. Ainsi, pour exemples :
'M. [ZO] [U], premier designer freelance à intervenir pour la collection Oz-Bijoux vous a adressé un mail en date du 18 mars 2018 duquel j'étais en copie décrivant votre comportement d'usurpation de qualité de dirigeant et de votre attitude agressive et tyrannique créant une atmosphère de travail délétère;
'lors du salon Bijhorca, vous avez eu un comportement d'une agressivité rare en proférant publiquement des insultes à mon encontre et alors que ce salon représentait un événement particulièrement important pour l'évolution du projet. Vous avez également tenu des propos dénigrants et injurieux à mon encontre auprès de ma propre mère et de mon amie Mme [O] [L], toutes deux présentes sur place, ce que Mme [L] relatera dans un mail du 22 octobre 2018 ;
'M. [T] [X], prestataire intervenant quasi quotidiennement sur l'infra-gérance du parc informatique me faisait part dans un mail du 22 octobre 2018 de son ressenti quant à votre attitude « tyrannique » et à ses difficultés à travailler avec vous.
A la suite de ces témoignages, alors que j'envisageais votre licenciement vous avez tout mis en 'uvre pour me convaincre de la nécessité de poursuivre la relation de travail.
Notamment, après une longue discussion de plus de trois heures le 29 octobre 2018, discussion à laquelle je vous rappelais à l'ordre sur votre comportement par mail du 24 octobre, vous n'avez cessé de me faire part de la grande amitié que vous ressentiez toujours à mon égard, laquelle nous liait depuis plus de dix ans. Également, vous m'assuriez que les dérives que vous avez reconnues de votre comportement étaient liées à votre engagement excessif dans ce projet en raison de votre détermination à réussir.
Vous m'aviez alors totalement convaincue qu'à l'issue de cet entretien, notre relation tant professionnelle que personnelle était redevenue saine et repartait sur de bonnes bases avec l'engagement que ces dérives ne se reproduiraient plus. Or, vous m'aviez une fois de plus manipulée.
Ainsi à peine huit jours après cette discussion, dès le 6 novembre vous contestiez à nouveau mes actions et refusiez de vous soumettre à votre hiérarchie pour vous rendre à un meeting fixé le 19 novembre.
En fin de compte, il apparaît que depuis votre embauche, vous vous êtes comporté comme si vous étiez président de la société.
Vous avez très vite exprimé et manifesté un refus catégorique de vous soumettre à mon autorité et à certaines de mes directives.
Ce comportement s'est aggravé à compter de janvier 2018, date à partir de laquelle ont démarré les travaux visant à faire aboutir le projet de la marque innovante Oz-Bijoux. Là vous m'avez exclu d'un très grand nombre de décisions stratégiques essentielles et de l'ensemble de vos contacts professionnels que vous vous vantiez d'avoir .
Les rapports de force étaient alors constants
Vous n'avez alors pas hésité à vous comporter à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise comme le seul représentant et dirigeant de la société.
Dans son mail du 18 mars 2018, M. [ZO] [U] vous reprochait effectivement de vous comporter comme le président de Meetphone, ce que vous n'étiez pas. Ainsi, vous vous adressiez à moi de façon inappropriée malgré mon statut de supérieure hiérarchique.
Vous avez imposé à la société vos décisions :
'vous avez à plusieurs reprises pris l'initiative avec votre conjointe et compagne Mme [A] de partir en tournée (par exemple à [Localité 6] ou à [Localité 11]) contre mon gré car étant en arrêt maladie, prétextant toujours que vous vous impliquiez en toute circonstance dans le seul but de me rendre service alors que votre seul but était de flatter votre personne auprès de l'actionnaire;
'vous avez refusé tout document ou action n'émanant pas de vous, à l'instar de la société de relations publiques Trends, recommandée par notre partenaire Swarovski. En validant le 20 juillet sans même l'avoir lu leur dossier de presse en vue du lancement le 7 septembre de la marque au salon Bijhorca qui était un enjeu fondamental vu les sommes engagées, vous avez gravement porté préjudice à la société sans parler de vos manipulations en interne comme en externe pour vous en disculper et en faire porter l'entière responsabilité à Mme [R] ;
'ces rapports de force constants et votre comportement tyrannique a eu d'importantes conséquences sur ma santé physique et mentale notamment, le stress induit m'a causé une paralysie faciale périphérique le 17 août, laquelle s'achèvera comme de par hasard le 12 septembre après le salon Bijorhca ;
Vous n'avez par ailleurs pas hésité à vous comporter comme le seul employeur des salariés du bureau de [Localité 10]. Notamment, vous autorisiez Mme [W] à modifier ses jours de présence dans l'entreprise sans mon accord. Vous l'avez également incitée à agir de façon déloyale vis-à-vis de la société pour que celle-ci obtienne un CDI. Pire encore, vous l'avez incitée à se rendre à l'inspection du travail avec les enregistrements clandestins et non consentis pour dénoncer mes soi-disant comportements odieux.
Au vu des faits découverts en février 2019, il donc est patent que depuis votre embauche, votre intention de nuire est caractérisée et qu'elle met et a déjà mis en cause le bon fonctionnement de la société. En effet et comme évoqué ,les man'uvres et mensonges mis en place ont causé de sérieux préjudices à la société ; compte tenu de votre double jeu, du harcèlement moral mené à mon encontre, de vos man'uvres dolosives, il aura fallu attendre la découverte le 13 février 2019 des faits d'une gravité exceptionnelle pour enclencher cette procédure de licenciement.
Les explications données lors de l'entretien n'ont donc pas permis de modifier notre position.
Par vos agissements d'une gravité exceptionnelle, vous avez volontairement nui à la société .
Nous considérons que ces faits constituent une faute lourde rendant impossible votre maintien même temporaire dans la société ».
L'employeur reproche ainsi au salarié :
- des manoeuvres à l'égard de l'actionnaire de la société aux fins d'obtenir un changement de présidence
- une manipulation de la présidente, Mme [R] et des autres salariés ainsi que la tenue permanente de propos dénigrants à l'encontre de la première
- le dénigrement de Mme [R] et la société Meetphone auprès des fournisseurs de la société
- un comportement de dirigeant depuis son embauche (refus de se soumettre à l'autorité de la présidente, comportement d'un employeur à l'égard des salariés et d'un dirigeant à l'égard de personnes tierces)
- la commande d'enregistrements de conversations avec Mme [R] à son insu
- la commande de fouilles du bureau de celle-ci en son absence et la réalisation de photocopies de documents confidentiels
- des actes de concurrence déloyale
- des mensonges auprès de personnes extérieures afin de dénigrer Mme [R] (comptable et amie de celle-ci)
- des mensonges sur son expérience, ses compétences et ses précédents postes
- un comportement dictatorial confinant à un harcèlement moral gravement nuisible à Mme [R].
L'employeur verse au débat l'attestation de M. [I] [C], actionnaire de la société qui déclare : « Le but de cette rencontre était aux dires de Mme [R] que M. [N] puisse me présenter sans influence aucune de sa part les usages du secteur HBJO dont il était coutumier ainsi que l'état de nos réalisations et avancées au sein de Meetphone avec notre marque Oz-bijoux. En lieu et place de cela, M. [P] [N] m'a dressé un portrait inattendu de Mme [R] et de la nécessité d'injecter au moins 100.000 € par mois dans cette société.
Enfin M [N] m'a relaté que Mme [R] se permettait de se répandre en commentaires diffamatoires à mon propos.
En conclusion M. [N] m'incitait à trouver un nouveau responsable et ne souhaitait pas lui-même reprendre cette fonction, me répondant quand je lui proposais « il faut que je réfléchisse, il faut en discuter...
J'atteste par la présente que j'aurais donné le bon dieu sans confession à M. [N] et que jamais je n'aurais pu alors soupçonner la moindre manipulation de sa part tant son discours était maîtrisé.
C'est en effet sous le couvert de la bienveillance envers celle qu'il n'a cessé de me présenter comme « son amie » Mme [R] qu'il me disait me confier tout cela afin d'aider Mme [R] à la soulager de ses responsabilités devenues trop écrasantes pour elle.
J'avoue ici que pris par la tournure de cette conversation et soucieux de l'état de santé de Mme [R] avec qui j'ai toujours entretenu une relation de confiance et d'amitié, j'ai demandé à M. [N] de me faire une offre pour qu'il prenne la présidence et libérer ainsi Mme [R].
Ce qui a été repris par un compte rendu de réunion envoyé le lendemain par M. [N] à mon attention ainsi qu'à celle de notre expert-comptable avec Mme [R] en copie.
J'ai immédiatement compris que quelque chose n'allait pas du tout lorsque dans la poursuite de ce compte-rendu, j'ai reçu les réactions de Mme [R].
Réalisant que quelque chose n'était pas clair, je l'ai ensuite tenu informée des faits suivants :
- La réception le 30 janvier 2019 d'un e-mail envoyé à son insu par M. [N] au contenu mensonger et diffamatoire à son égard avec pour intention manifeste de lui nuire ;
- La réception le 14 février 2019, d'un e-mail envoyé par M. [N] dans le but de se réhabiliter ; »
L'employeur produit également l'attestation particulièrement circonstanciée de Mme [M] [W] qui explique que, dès qu'elle est arrivée au sein de la société, M. [P] [N] s'est mis à dire devant tous les salariés présents et dans le dos de Mme [R] « qu'elle manquait de professionnalisme dans cette société et que l'absence de RP et de visibilité médiatique pour la marque Oz-Bijoux était entièrement sa faute ». Elle explique également comment Mme [R] a pu croire que la situation était assainie à la fin du mois d'octobre 2018 et comment, par la suite, M. [P] [N] a persisté dans la tenue de propos dénigrants à l'égard de la présidente. Elle indique ainsi pour exemples :
« A partir de ce jour [mi-décembre 2019] j'ai aussi vu que régulièrement il a refusé d'exécuter des décisions prises par Mme [R] et a passé son temps à nous tenir des
propos discriminatoires à son encontre comme par exemple :
- Elle ne sait rien faire, pas même un business plan. Je suis obligée de le faire;
- Elle se fait payer la formation du Chede qui coûte très chère à la société, juste pour rencontrer du beau monde. C'est une honte ;
- Elle m'a avoué avoir fait des dépenses qu'elle n'aurait pas dû faire ! Et s'engage à les rembourser ;
- Certains bijoutiers ne veulent plus la voir tellement elle parle mal aux gens ! et du coup je dois tout gérer !
Quand OD nous vire de l'argent il n'y a plus rien en très peu de temps, elle embauche n'importe qui à n'importe quel salaire...Elle va faire couler la Société ; »
S'agissant du dénigrement de Mme [R] et de la société Meetphone auprès des fournisseurs, M. [Z] [H], chef d'entreprise, atteste avoir reçu à la fin du mois de janvier 2019 un appel de M. [P] [N] l'informant du départ imminent de Mme [R] de la présidence de Meetphone « en raison notamment de sa mauvaise gestion de la société les années passées ».
Mme [W] explique encore comment M. [P] [N] lui a demandé de procéder à des enregistrements vocaux de conversations avec Mme [R], à l'insu de cette dernière, en la poussant à bout afin de lui faire tenir des propos dépassant ses pensées et pouvant être mal interprétés. Ce témoignage est complété par les captures d'écran des échanges de sms entre Mme [W] et M. [K] à propos desdits enregistrements et d'un procès-verbal de constat d'huissier confirmant que les photographies prises correspondent aux messages se trouvant dans le portable de Mme [W]. Cette dernière atteste également que M. [N] lui a demandé à plusieurs reprises de fouiller le bureau de Mme [R] en son absence dans le but de trouver tout document permettant de démontrer un éventuel détournement de fonds de sa part.
Il est produit également un courriel au nom de Mme [O] [L] adressé à Mme [R], intitulé « attestation » relatant : « Puis le 25 janvier à ma plus grande surprise j'ai reçu un appel de M. [N]. M. [N] a justifié son appel en se présentant dans un premier temps soucieux de savoir si Mme [R] m'aurait contacté afin de me tenir des propos médisants sur sa personne, m'expliquant la détresse des salariés à savoir lui, sa fille, sa compagne et mon amie [M], en raison de la méchanceté des propos et des agissements de Mme [R] à leur égard. De là, plus la conversation a continué, et plus M. [N] m'a dressé un portrait au vitriol de Mme [R], de sa personne à sa façon de gérer l'entreprise. Je précise que tout en me tenant ce discours M. [N] m'a entretenu dans la croyance qu'il agissait en ami de Mme [R] qu'il fallait protéger...contre elle. Ainsi, il m'a interrogé pour savoir si Mme [R] disposait bien d'un compte à Tahiti, m'expliquant que M. [C] se demandait où était passé tout l'argent qu'il avait injecté dans la société, me laissant entendre que Mme [R] s'était livrée à des détournements de cet argent à son profit ».
Il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce au motif qu'elle n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, alors que les faits qui y sont relatés sont particulièrement précis et qu'il est produit la carte d'identité de Mme [L].
M. [E], l'expert-comptable de la société, déclare encore : « M. [P] [N] m'a exposé à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines à la fois son amitié pour Mme [F] [R], Présidente de la société MEETPHONE, et son désaccord profond dans la gestion par elle de la société et corrélativement la nécessité de procéder le plus rapidement possible au changement de Président de ladite société. »
M. [E] confirme ainsi aussi l'usage de la méthode de manipulation utilisée par l'intéressé, consistant à attester de son amitié avec Mme [R] avant de la dénigrer.
Enfin, en tout état de cause, l'expert-comptable ajoutait : « Mme [R] est une personne d'une grande honnêteté », le confirmant dans un sms du 5 février 2019 adressé à M. [C] « Effectivement, il m'est aisé de confirmer que la Présidente n'a jamais engagé de sommes à d'autres objets que celui de la société ».
L'appelant, qui dénigrait ouvertement la dirigeante de l'entreprise, remettant en cause non seulement ses compétences mais également sa probité, ne peut sérieusement invoquer la liberté d'expression et indiquer qu'il a simplement voulu être transparent sur la situation financière obérée de la société Meetphone, rapportant en outre déloyalement à l'actionnaire majoritaire des échanges internes dans laquelle la présidente critiquait ce dernier.
Aucun des éléments produits par l'appelant ne vient contredire ceux suffisamment précis produits par l'employeur. Ainsi, en est-il notamment de l'attestation peu circonstanciée de sa fille, Mme [B] [G] ou encore de celles de clients louant son professionnalisme. Le fait que la société rencontrait effectivement des difficultés financières au moment du licenciement ou qu'une rupture conventionnelle ait pu être envisagée avant le 14 février 2019, ne permet en rien d'objectiver un quelconqe détournement des règles du licenciement économique et de douter de la réalité du motif du licenciement survenu après que l'employeur a eu connaissance de la réalité de la teneur de l'entretien intervenu entre le salarié et l'actionnaire majoritaire [C].
Sans qu'il ne soit besoin d'examiner les autres griefs reprochés au salarié, il résulte suffisamment de ce qui précède que M. [P] [N] s'est livré à un dénigrement permanent de la présidente de la société ainsi qu'à la tenue de propos insultants et diffamatoires, de même qu'à diverses manoeuvres dolosives destinées à la discréditer tant à l'interne, qu'à l'extérieur de la société et notamment auprès de l'actionnaire principal, afin d'obtenir le changement de présidence. Ce comportement déloyal commis dans l'intention de nuire à son employeur est bien constitutif d'une faute lourde.
Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une faute lourde, déboutant M. [P] [N] de ses demandes au titre d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'indemnité de préavis.
Sur les dommages et intérêts dus au titre des préjudices subis par la société en raison de la faute lourde
Le mandataire liquidateur fait état d'un préjudice financier d'une importance telle que l'avenir de la société se trouve irrémédiablement compromis ainsi que d'un préjudice moral et humain, en raison de l'impact sur l'état de santé de Mme [W] et de Mme [R], outre une atteinte à l'image.
Aucune des pièces fournies ne permet d'établir un lien direct et certain entre la situation financière de la société telle qu'exposée dans les conclusions du mandataire liquidateur et le comportement du salarié, alors que l'entreprise rencontrait déjà à l'époque des difficultés, étant relevé qu'il n'est nullement démontré que la participation de l'actionnaire principal aurait été impactée pour ce motif puisqu'il déclare maintenir sa confiance à la dirigeante de la société.
En revanche, le comportement du salarié a manifestement causé un préjudice d'image à la société, tel qu'exposé suffisamment dans le courrier de mise en demeure du 23 mai 2019, courrier auquel l'appelant n'a opposé et n'oppose aucune contestation alors qu'il y est fait état également de la poursuite du dénigrement après le licenciement.
En outre, le dénigrement de la présidente de l'entreprise a causé un préjudice moral à cette dernière, laquelle se voyait prescrire un antidépresseur et un anxiolytique dans la période contemporaine au licenciement.
Le préjudice subi sera suffisamment indemnisé par l'octroi d'une somme de 5000 euros.
Sur le licenciement brutal et vexatoire
Le licenciement pour faute lourde n'exclut pas la possibilité pour le salarié d'obtenir réparation de son préjudice en cas de circonstances brutales et vexatoires.
M. [P] [N] fait valoir que son licenciement « éhonté », pour une prétendue faute lourde imaginée de toutes pièces ainsi que le dénigrement dont il a fait l'objet dans le cadre de son éviction, caractérisent à eux seuls des circonstances pour le moins vexatoires ayant entraîné un préjudice moral manifeste.
Toutefois, le licenciement pour faute lourde était justifié et le salarié n'a fait l'objet d'aucun dénigrement, la procédure de licenciement s'étant en outre déroulée normalement. Il n'est pas démontré de circonstances brutales et vexatoires, de sorte que la demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée, le jugement entrepris étant, par motifs ajoutés, confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de l'appel seront mis à la charge de M. [P] [N] et il serait inéquitable de laisser à la charge du mandataire liquidateur les frais de justice exposés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme le jugement rendu le 19 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'octroyer de dommages et intérêts,
- Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,
- Condamne M. [P] [N] à verser à la SELAFA MJA la somme de 5000 euros de dommages et intérêts,
- Rejette le surplus de la demande,
- Condamne M. [P] [N] à verser à la SELAFA MJA la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [P] [N] aux dépens de l'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/04089 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IH2M
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
19 octobre 2021
RG :20/00295
[N]
C/
S.E.L.A.F.A. MJA
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
Grosse délivrée le 10 septembre 2024 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 19 Octobre 2021, N°20/00295
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2024 prorogé au 10 septembre 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [P] [N]
né le 26 Décembre 1956 à [Localité 13]
[Adresse 12]
[Localité 4] / FRANCE
Représenté par Me Vincent REYMOND de la SELARL REYMOND KRIEF & GORDON, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉES :
S.E.L.A.F.A. MJA la SELAFA MJA Prise en la personne de Maître [V] es-qualité de liquidateur de la SAS MEETPHONE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST Association soumise à la loi du 1er juillet 1901, SIRENE 775 671 878 agissant en la personne de son représentant légal dûment habilité à ce effet
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Lisa MEFFRE de la SELARL MG, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Septembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
M. [P] [N] a été engagé à compter du 3 juillet 2017, suivant contrat à durée indéterminée, par la société Meetphone, en qualité de directeur marketing et du développement des solutions alliant boutons connectés et applications mobiles, notamment des bijoux connectés.
Suivant jugement du 17 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Meetphone en liquidation judiciaire et la société SELAFA MJA, représentée par Me [V], a été désignée ès qualités de mandataire liquidateur.
La société Meetphone a convoqué M. [P] [N] à un entretien préalable, fixé au 28 février 2019, et l'a informé de sa mise à pied, par courrier du 15 février 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2019, M. [P] [N] a été licencié, par la société Meetphone, pour faute lourde.
Par requêtes du 21 mars 2019 (RG 19/135) et du 29 juin 2020 (RG 20/295), la société Meetphone a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de dire que le licenciement pour faute lourde de M. [P] [N] est justifié et de le voir condamner à des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Par jugement du 19 octobre 2021, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- mis hors de cause L'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 8]
- donné acte à L'UNEDIC Délégation AGS CGEA ILE DE France Ouest de son intervention volontaire au lieu et place de L'AGS CGEA de [Localité 8]
- dit le licenciement de M. [N] fondé sur une faute lourde
- dit qu'il n'y a pas de contrat de travail entre la période du 1er janvier 2017 au 2 juillet 2017
- débouté [N] de l'ensemble de ses demandes
- débouté la société SELAFA MJA prise en la personne de Me [V] de sa demande de dommages-intérêts et du surplus de ses demandes
- condamné M. [N] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [N] aux entiers dépens.
Par acte du 15 novembre 2021, M. [P] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 5 septembre 2023, M. [P] [N] demande à la cour de :
- recevoir M. [P] [N] dans ses conclusions, les disant bien fondées ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit le licenciement de M. [P] [N] fondé sur une faute lourde
- dit qu'il n'y a pas de contrat de travail entre la période du 1er janvier 2017 au 2 juillet 2017
- débouté M. [P] [N] de l'ensemble de ses demandes
- condamné M. [P] [N] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné M. [P] [N] aux entiers dépens
Statuant à nouveau
A titre principal,
- requalifier le contrat de prestataire extérieur de M. [P] [N] en contrat de travail
- dire et juger que le licenciement de M. [P] [N] est nul
- fixer en conséquence la créance de M. [P] [N] au passif de la liquidation de la SAS Meetphone aux sommes suivantes :
- 70 392 euros au titre de l'indemnité de licenciement nul
- 17 499 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 749,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
A titre subsidiaire,
- dire et juger que le licenciement de M. [P] [N] est dénué de toute cause réelle et sérieuse,
- fixer en conséquence la créance de M. [P] [N] au passif de la liquidation de la SAS Meetphone aux sommes suivantes :
- 20 531 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 17 499 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 749,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
En tout état de cause
- débouter Meetphone de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- fixer, en outre, la créance de M. [P] [N] au passif de la liquidation de la SAS Meetphone aux sommes suivantes :
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir.
- dire ces sommes opposables au CGEA.
M. [P] [N] soutient en substance que :
- sur la requalification du contrat de travail sur la période du 1er janvier au 2 juillet 2017 : elle doit s'analyser comme une longue période d'essai, les missions confiées étant identiques à celles du contrat de travail et il se trouvait sous le même lien de subordination, sachant qu'à l'époque la société était son unique client
- sur le licenciement : il n'a jamais tenu de propos diffamatoires ou dénigrants à l'égard de l'entreprise; il n'a jamais cherché à manipuler l'actionnaire majoritaire [C] en vue d'un changement de présidence; la présidente a voulu l'évincer pour se protéger compte tenu des propos dénigrants qu'elle avait pu tenir à l'égard de cet actionnaire et dont il avait connaissance; elle a également, compte tenu de la situation financière de l'entreprise, voulu s'affranchir des règles du licenciement économique afin de sauver son propre poste.
En l'état de ses dernières écritures du 26 octobre 2023, contenant appel incident, la société SELAFA MJA, représentée par Me [V], ès qualités de mandataire liquidateur de la Meetphone a demandé à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon du 19 octobre 2021 en ce qu'il considérait que le licenciement pour faute lourde de M. [P] [N] était fondé,
- l'infirmer en ce qu'il déboutait le mandataire liquidateur de sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices subis par la société en raison de sa faute lourde,
En conséquence :
- débouter M. [P] [N] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [P] [N] à verser à la SELAFA MJA la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Sur la garantie de l'AGS, si par extraordinaire, la cour d'appel devait entrer en voie de fixation :
- juger que le liquidateur n'a pas à démontrer l'inexistence de fonds disponibles pour que la garantie de l'AGS CGEA soit mise en 'uvre,
- juger que l'obligation de l'AGS CGEA de l'Ile de France Ouest de s'acquitter des créances relevant de sa garantie, et notamment des sommes correspondant à des créances établies par décision de justice, est rendue exigible par la seule transmission des relevés de créances salariales consécutives à l'ouverture d'une procédure collective et non par la preuve que devrait rapporter le mandataire judiciaire / liquidateur que l'employeur n'est pas en mesure de payer ces créances sur les fonds disponibles.
- juger que l'AGS CGEA de l'Ile de France Ouest devra garantir l'ensemble des créances de M. [P] [N] fixées au passif de la société Meetphone.
- juger que l'AGS CGEA de l'Ile de France Ouest devra faire l'avance, et ce sans condition, de sommes représentant les créances garanties, sur présentation du relevé établi par
le liquidateur.
Dans tous les cas :
- condamner M. [P] [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 3 000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société SELAFA MJA, représentée par Me [V], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Meetphone fait valoir que :
- sur le bien-fondé du licenciement pour faute lourde :
- le salarié a adopté pendant toute la relation contractuelle une attitude de manipulation à l'égard de l'ensemble des personnes présentes dans l'entreprise et a tenu des propos dénigrants à l'encontre de Mme [R], la présidente
- il a employé des manoeuvres dolosives à l'égard de l'actionnaire principal aux fins d'obtenir un changement de présidence
- il a dénigré la société et sa dirigeante auprès des fournisseurs
- il s'est comporté depuis son embauche comme un dirigeant, refusant de se soumettre à l'autorité de Mme [R]
- il a demandé des enregistrements de conversations à l'insu de cette dernière, des fouilles de son bureau et la réalisation de photocopies de documents confidentiels
- il a commis des actes de concurrence déloyale
- il a usé de mensonges auprès de l'expert-comptable de la société, d'une amie de Mme [R] et a menti sur son expérience et ses précédents postes
- son comportement dictatorial confinait à un harcèlement moral gravement nuisible à Mme [R]
- la faute lourde du salarié a causé un préjudice financier important à la société mais également un préjudice moral et humain.
En l'état de ses dernières écritures du 4 septembre 2023, l'Unedic Délégation AGS CGEA de l'Ile de France Ouest a demandé à la cour de :
- dire et juger l'appel de M. [P] [N] mal fondé
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon en date du 19/10/2021 qui a constaté et validé la légitimité du licenciement pour faute lourde de
l'appelant et l'a débouté de ses demandes.
- statuer ce que de droit sur les demandes formulées par Me [V], mandataire
liquidateur de la société Meetphone
- dire et juger le licenciement pour faute lourde de M. [P] [N] justifié
- débouter M. [P] [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- dire et juger que l'Unedic Délégation AGS CGEA ne garantit ni les créances au titre des frais irrépétibles ni au titre d'une astreinte
Subsidiairement
- dire et juger le licenciement de M. [P] [N] comme ayant une cause réelle et sérieuse
- débouter M. [P] [N] de ses demandes indemnitaires non justifiées par un préjudice
Plus subsidiairement
- ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par M. [P] [N]
- dire et juger que M. [P] [N] ne peut être indemnisé en cas de licenciement sans
cause réelle et sérieuse au-delà d'une indemnisation de 0,5 mois de salaire brut
- débouter M. [P] [N] du surplus de ses demandes
En tout état de cause,
- déclarer le jugement opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest, dans les limites définies aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du Code du Travail et des plafonds prévus aux articles L 3253¬17 et D 3253-5 du même Code
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 32536 et L 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-17, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21 et L 3253-15 du Code du Travail
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par Mandataire Judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement
- mettre hors de cause le CGEA IDF OUEST, pour les demandes au titre des frais irrépétibles, astreinte, ou résultant d'une action en responsabilité
- arrêter le cours des intérêts au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'Unedic fait valoir que :
- elle s'en rapporte aux pièces et à l'argumentation développée par le mandataire liquidateur de la société Meetphone
- les pièces produites par l'employeur démontrent l'intention de nuire de M. [P] [N] et il est incontestable que son comportement a causé un préjudice à la société, tant pendant l'exécution du contrat de travail que postérieurement à son licenciement, de sorte que la cour ne pourra que légitimer le licenciement pour faute lourde
- si la cour estimait que le comportement de M. [N] ne constitue pas une faute lourde, il n'en demeure pas moins que le licenciement a bien une cause réelle et sérieuse
- sur les demandes indemnitaires de l'appelant, la preuve d'un préjudice n'est en tout état de cause par rapportée.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 5 septembre 2023 à 16 heures et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 5 octobre 2023. Par avis du 6 septembre 2023, l'examen de l'affaire a été déplacé à l'audience du 14 mars 2024.
MOTIFS
Sur l'existence d'un contrat de travail pour la période du 1er janvier au 2 juillet 2017
M. [P] [N] fait valoir que s'il était initialement prévu qu'il collabore avec la société Meetphone en tant que prestataire extérieur, en réalité, les missions qui étaient les siennes dans le cadre de cette collaboration étaient parfaitement identiques à celles qu'il devait assumer dans le cadre de son contrat de travail à compter de juillet 2017, de sorte que la période antérieure s'analyse comme une longue période d'essai. Il ajoute que le lien de subordination ne fait aucun doute, étant dans une véritable dépendance économique à cette époque à l'égard de la société Meetphone qui était son unique client.
La cour relève que les notes d'honoraires de conseil délivrées par M. [P] [N] pour la période revendiquée mentionnent qu'il était inscrit au registre du commerce et des sociétés au titre de l'activité APE 4648Z.
Il résulte des articles L.1221-1 et L.1221-2 du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
En l'absence d'un contrat de travail écrit, c'est à celui qui allègue l'existence d'un tel contrat d'en rapporter la preuve. Le contrat de travail se caractérise par un lien de subordination juridique qui consiste pour l'employeur à donner des ordres, à en surveiller l'exécution et, le cas échéant, à en sanctionner les manquements.
Enfin, l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription (...) 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux et auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales; (...).
Cependant, l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit que la présomption de non-salariat peut être détruite dès lors qu'il est établi l'existence d'un lien de subordination, ce que ne fait nullement l'appelant ici.
En effet, force est de constater que M. [P] [N] ne produit aux débats aucun échange avec la société, courriel, texto ou lettre, pendant la période revendiquée, faisant ressortir que la société Meetphone lui aurait donné des ordres, en aurait surveillé l'exécution ou aurait exercé sur lui un quelconque pouvoir de sanction. L'existence d'un contrat de travail ne pouvant résulter de la seule similarité entre les missions confiées sur la période de janvier à juillet 2017 et celles assurées dans le cadre du contrat de travail conclu ensuite, ou encore du fait que la société aurait été son unique client, ce qui au demeurant ne ressort d'aucune des pièces produites.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas eu de contrat de travail sur la période du 1er janvier au 2 juillet 2017.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
La faute lourde est la faute commise par un salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise.
La lettre de licenciement du 8 mars 2019 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
'(...) nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'un faute lourde ayant pour conséquence de nuire à la société et sa présidente (...).
Sur vos recommandations, lors du déménagement des bureaux de [Localité 9] au Pôle technologique Agroparc à [Localité 7], a été embauchée votre fille, Mme [B] [G], au poste d'administratrice des ventes le 1er juin 2017 puis à compter du 5 février 2018 votre conjointe, Mme [S] [D] [A], en qualité de responsable produit et de commerciale, celle-ci ayant forcé son embauche. Enfin, le 1er octobre 2018, est venue rejoindre l'équipe des locaux déménagés - sur votre insistance et par capitulation de Mme [R] pour mettre un terme à votre agressivité et mauvaise humeur chaque matin en raison des embouteillages que vous disiez subir - à [Localité 10] avec ainsi votre domicile situé à moins de 10 mn de voiture, Mme [M] [W], assistante administrative (...). Les 13 et 14 février 2019, à la suite de nombreux témoignages concordants en provenance de Mme [W], de l'actionnaire majoritaire de la société, de prestataires et de fournisseurs, j'ai découvert avec stupeur l'ensemble des man'uvres dolosives orchestrées par votre conjointe et vous-même dans l'unique but de servir vos intérêts au détriment ceux de la société. Il ressort de ces révélations qu'en interne, de concert avec Mme [S] [D] [A], vous avez sournoisement manipulé Mme [W] ainsi que votre fille, Mme [G], afin d'une part d'usurper mon rôle de dirigeante de la société et de vous imposer comme seul dirigeant auprès d'elle, et d'autre part de les monter contre moi au point d'en arriver pour elles à me haïr et me rejeter par d'odieux procédés. De même, vous m'avez manipulée et tenu un discours mensonger en externe afin d'aboutir à mon éviction pour me succéder sans prendre les risques associés.
1) La découverte de vos dénigrements auprès de nos fournisseurs
Lors d'un rendez-vous à [Localité 9] le 12 février 2019 avec M. [H], fournisseur de la société, j'apprenais que fin janvier 2019 vous aviez appelé celui-ci pour lui dire qu'en raison d'une mauvaise gestion de la société, j'allais devoir quitter la société, et que la présidence vous avait été proposée et que vous aviez décliné l'offre. J'allais par la suite apprendre vous m'aviez volontairement coupée dès le départ du projet Oz-Bijoux de tout contact avec les fournisseurs de Meetphone sur la partie Oz-Bijoux pour me dénigrer auprès d'eux, vous présenter comme seul interlocuteur sérieux et valable au sein de la société et leur en donner ainsi extrêmement négative en totale contradiction avec les intérêts de la société.
2) La découverte des enregistrements de conversations, de fouilles de mon bureau à mon insu
Le 13 février 2019, j'apprenais avec stupeur que, depuis janvier 2019, vous aviez commandité des enregistrements vocaux de mes conversations au bureau à mon insu et pire, pour certains enregistrements, il s'agissait de conversations où vous m'aviez amené insidieusement à avoir des propos dépassant ma pensée en me poussant, de concert avec Mme [W] que vous avez odieusement manipulée, dans mes « retranchements » ceci afin de constituer un dossier à mon encontre. Ces enregistrements avaient une durée importante puisque dépassant pour certains plus d'une heure et demi (enregistrements commandités à Mme [A] reçus le 24 janvier 2019 : 45 min et 42 sec ; le 28 janvier 2019 : 42 min et 11 sec ; le 7 février 2019 : 11 min et 6 secondes : enregistrements commandités à Mme [W] reçus le 4 février 2019 : 2 enregistrements durant plus d'une heure trente).
Alors que nous étions ensemble en déplacement à [Localité 9], profitant de l'absence de votre fille et de la venue au bureau exceptionnellement un mercredi de Mme [W] vous avez également commandité le mercredi 9 janvier des fouilles de mon bureau aux fins de trouver des factures pour tenter de confirmer vos thèses mensongères et calomnieuses d'abus de bien social dans la gestion de l'entreprise. Vous avez renouvelé cette demande une seconde fois profitant de mes déplacements hebdomadaires (...). Vous avez, entre vos discours et par cet odieux procédé, convaincu Mesdames [W] et votre conjointe de participer à la création d'un dossier à mon encontre.
3) La découverte de vos man'uvres à l'encontre de M. [C] visant à obtenir un changement de présidence
Vous êtes parvenu à avoir un entretien d'une heure avec notre actionnaire M. [I] [C], le mardi 15 janvier 2019 (...). Vous n'avez alors cessé de me dénigrer dans le but d'obtenir mon éviction de la présidence en faisant part à M. [C] d'un prétendu état de burn-out et d'un souhait de quitter la présidence de la société et en lui demandant de faire nommer un mandataire ad hoc ou un nouveau président pour me libérer de mes fonctions. Vous n'hésitez pas non plus à m'accuser, à tort, de décisions et de gestions calamiteuses ainsi que de commentaires diffamatoires à son encontre.
Ces manipulations ont été poursuivies dans un mail adressé le 30 janvier 2019 ,sous couvert d'un intitulé «confidentiel , alors même que lors du déjeuner du 28 janvier chez vous, vous m'avez demandé d'adresser un mail aux dirigeants de l'enseigne Robbez Masson sur la défaillance temporaire de l'actionnaire de façon à ne pas perdre ce fournisseur indispensable. Alors que celui-ci avait été rédigé à votre demande vous avez ensuite transféré cet email en PJ à M. [C] dans un email mensonger et calomnieux pour me nuire. La veille de ces graves manipulations, le dimanche 27 janvier, vous m'invitiez en toute « amitié » à aller au cinéma avec vous ainsi que votre conjointe. Enfin, et alors que vous étiez mis à pied à titre conservatoire, vous adressiez un SMS à M. [C] le 21 février 2019 pour tenter d'obtenir un nouvel entretien avec celui-ci.
Votre comportement a porté atteinte à l'image de la société auprès de son principal actionnaire lequel est allé jusqu'à envisager ma révocation de la présidence et vous proposer de prendre ma place avant de se raviser en prenant conscience de vos manipulations à mon égard.
4) Vos mensonges auprès de M. [E] et Mme [L]
Vous avez, en parallèle, pris contact avec deux tiers en leur mentant, allant jusqu'à prétendre soit vous opposer à des décisions de gestion désastreuses ou soit exprimer des détournements de fonds de ma part afin de :
'convaincre M. [P] [E] ,expert-comptable et PDG du cabinet SEFAC qui intervient auprès de Meetphone, de la nécessité de m'ôter la présidence de Meetphone. À noter que vous enrobiez votre discours au prétexte de vous soucier de mon absence de couverture chômage du fait de mon statut de responsable du mandat social de l'entreprise, et ainsi obtenir son aval et vous en servir auprès de l'actionnaire ;
'convaincre mon amie, Mme [O] [L], de votre thèse mensongère afin d'obtenir des informations sur de prétendus détournements de fonds de ma part, toujours sous couvert d'une prétendue bienveillance et amitié à mon égard.
Vous n'avez pas manqué de mêler les salariés du bureau de [Localité 10] à ces échanges et aux informations récoltées aux dépens des personnes interrogées.
De tels propos injurieux, diffamatoires et excessifs ont grandement nui à ma personne et au bon fonctionnement de la société.
5) Votre mise à pied à titre conservatoire
Le 15 février 2019 vous avez été convoqué par mail et LRAR à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement assorti d'une mise à pied à titre conservatoire. Alors que vous n'étiez pas présent dans les locaux, vous avez fait irruption au siège de la société. Ayant cerné votre personnage, je m'étais enfermée dans les locaux. Refusant de partir malgré mes demandes répétées, je n'ai eu d'autre choix que de faire intervenir la gendarmerie pour vous faire quitter les lieux 45 minutes plus tard.
6) La découverte de vos manipulations depuis votre embauche
A la lumière de ces révélations, je comprends que vous n'avez cessé d'user de manigances depuis votre embauche pour m'évincer et vous mettre en avant.
Mensonge sur vos précédents postes
Lors de négociations en vue de votre embauche 2016 ,vous m'avez délibérément menti sur la situation dans laquelle vous vous trouviez chez votre précédent employeur, Elsa Groupe SAM. En effet, alors que dans un mail du 22 septembre 2016, vous critiquiez vivement votre ancien employeur et faisiez l'éloge de la société Meetphone et de son équipe, et m'indiquiez qu'un départ par la voie d'une rupture conventionnelle d'Elsa Groupe était envisagé, je viens d'apprendre qu'en réalité, vous aviez commis des agissements semblables chez votre ancien employeur conduisant à cette rupture conventionnelle.
Mensonge sur vos compétences
(...) C'est ainsi que nous devons faire le constat désolant que :
'vous avez refusé contre la demande de Mme [R] les ventes en ligne et délaissé la stratégie digitale, pourtant essentielle aujourd'hui, alors que tout produit spécialement issu du monde des nouvelles technologies est nécessairement vendu en ligne ,
'vous avez pris la décision de faire participer Meetphone au salon Bijhorca pour un lancement de très grande envergure de la ligne Oz-Bijoux et avez exigé pour cela l'obtention par Mme [R] d'une enveloppe budgétaire d'un montant conséquent de 135'000 € auprès de l'actionnaire majoritaire mettant en avant les retombées juteuses. Ce salon s'est bien avéré un désastre et conforme aux propos d'avertissement tenus lors du déjeuner du 25 mai 2018 par Mme [J] [Y], experte reconnue du secteur HBJO, qui vous avait expliqué et recommandé de ne surtout pas exposer au salon Bijhorca en raison du manque de fréquentation des bijoutiers, nous conseillant d'exposer seulement aux deux journées d'achats qui se tenaient en parallèle sur les péniches, seules journées sur lesquelles les commerçants se déplaçaient,
' grâce à la soi-disant confiance envers vous et votre conjointe des propriétaires et ex clients des points de vente HBJO que vous fournissiez, vous avez annoncé obtenir dans la foulée du salon Bijorcha l'ouverture de 100 points de vente et un chiffre d'affaires de 200'000 €. Or, contrairement à vos prévisions, seuls 15 points de vente ont été obtenus pour un chiffre d'affaires final de 23'000 €.
'Pour vous disculper alors que vous et votre compagne avez été seuls décisionnaires sur les designs des bijoux et de la collection, vous avez lors de sa tournée pré-vendu une prochaine collection inexistante mais annoncée par vos soins disponibles dès janvier alors que quasiment rien n'a été vendu que vous avez fait acquérir, stock s'élevant à plus de 3000 pièces au 31 décembre 2018,
'malgré ces résultats désastreux ,vous êtes demeuré satisfait de votre bilan, en témoigne le mail que vous adressiez à M. [C] 16 janvier 2019
Votre comportement dictatorial confinant à un harcèlement moral gravement nuisible à la société
Au sein de la société et à l'extérieur, vous avez fait preuve d'un comportement dictatorial en étant extrêmement agressif envers l'ensemble de vos interlocuteurs et en proférant des propos injurieux et diffamatoires me concernant de façon à nuire à la société. Ainsi, pour exemples :
'M. [ZO] [U], premier designer freelance à intervenir pour la collection Oz-Bijoux vous a adressé un mail en date du 18 mars 2018 duquel j'étais en copie décrivant votre comportement d'usurpation de qualité de dirigeant et de votre attitude agressive et tyrannique créant une atmosphère de travail délétère;
'lors du salon Bijhorca, vous avez eu un comportement d'une agressivité rare en proférant publiquement des insultes à mon encontre et alors que ce salon représentait un événement particulièrement important pour l'évolution du projet. Vous avez également tenu des propos dénigrants et injurieux à mon encontre auprès de ma propre mère et de mon amie Mme [O] [L], toutes deux présentes sur place, ce que Mme [L] relatera dans un mail du 22 octobre 2018 ;
'M. [T] [X], prestataire intervenant quasi quotidiennement sur l'infra-gérance du parc informatique me faisait part dans un mail du 22 octobre 2018 de son ressenti quant à votre attitude « tyrannique » et à ses difficultés à travailler avec vous.
A la suite de ces témoignages, alors que j'envisageais votre licenciement vous avez tout mis en 'uvre pour me convaincre de la nécessité de poursuivre la relation de travail.
Notamment, après une longue discussion de plus de trois heures le 29 octobre 2018, discussion à laquelle je vous rappelais à l'ordre sur votre comportement par mail du 24 octobre, vous n'avez cessé de me faire part de la grande amitié que vous ressentiez toujours à mon égard, laquelle nous liait depuis plus de dix ans. Également, vous m'assuriez que les dérives que vous avez reconnues de votre comportement étaient liées à votre engagement excessif dans ce projet en raison de votre détermination à réussir.
Vous m'aviez alors totalement convaincue qu'à l'issue de cet entretien, notre relation tant professionnelle que personnelle était redevenue saine et repartait sur de bonnes bases avec l'engagement que ces dérives ne se reproduiraient plus. Or, vous m'aviez une fois de plus manipulée.
Ainsi à peine huit jours après cette discussion, dès le 6 novembre vous contestiez à nouveau mes actions et refusiez de vous soumettre à votre hiérarchie pour vous rendre à un meeting fixé le 19 novembre.
En fin de compte, il apparaît que depuis votre embauche, vous vous êtes comporté comme si vous étiez président de la société.
Vous avez très vite exprimé et manifesté un refus catégorique de vous soumettre à mon autorité et à certaines de mes directives.
Ce comportement s'est aggravé à compter de janvier 2018, date à partir de laquelle ont démarré les travaux visant à faire aboutir le projet de la marque innovante Oz-Bijoux. Là vous m'avez exclu d'un très grand nombre de décisions stratégiques essentielles et de l'ensemble de vos contacts professionnels que vous vous vantiez d'avoir .
Les rapports de force étaient alors constants
Vous n'avez alors pas hésité à vous comporter à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise comme le seul représentant et dirigeant de la société.
Dans son mail du 18 mars 2018, M. [ZO] [U] vous reprochait effectivement de vous comporter comme le président de Meetphone, ce que vous n'étiez pas. Ainsi, vous vous adressiez à moi de façon inappropriée malgré mon statut de supérieure hiérarchique.
Vous avez imposé à la société vos décisions :
'vous avez à plusieurs reprises pris l'initiative avec votre conjointe et compagne Mme [A] de partir en tournée (par exemple à [Localité 6] ou à [Localité 11]) contre mon gré car étant en arrêt maladie, prétextant toujours que vous vous impliquiez en toute circonstance dans le seul but de me rendre service alors que votre seul but était de flatter votre personne auprès de l'actionnaire;
'vous avez refusé tout document ou action n'émanant pas de vous, à l'instar de la société de relations publiques Trends, recommandée par notre partenaire Swarovski. En validant le 20 juillet sans même l'avoir lu leur dossier de presse en vue du lancement le 7 septembre de la marque au salon Bijhorca qui était un enjeu fondamental vu les sommes engagées, vous avez gravement porté préjudice à la société sans parler de vos manipulations en interne comme en externe pour vous en disculper et en faire porter l'entière responsabilité à Mme [R] ;
'ces rapports de force constants et votre comportement tyrannique a eu d'importantes conséquences sur ma santé physique et mentale notamment, le stress induit m'a causé une paralysie faciale périphérique le 17 août, laquelle s'achèvera comme de par hasard le 12 septembre après le salon Bijorhca ;
Vous n'avez par ailleurs pas hésité à vous comporter comme le seul employeur des salariés du bureau de [Localité 10]. Notamment, vous autorisiez Mme [W] à modifier ses jours de présence dans l'entreprise sans mon accord. Vous l'avez également incitée à agir de façon déloyale vis-à-vis de la société pour que celle-ci obtienne un CDI. Pire encore, vous l'avez incitée à se rendre à l'inspection du travail avec les enregistrements clandestins et non consentis pour dénoncer mes soi-disant comportements odieux.
Au vu des faits découverts en février 2019, il donc est patent que depuis votre embauche, votre intention de nuire est caractérisée et qu'elle met et a déjà mis en cause le bon fonctionnement de la société. En effet et comme évoqué ,les man'uvres et mensonges mis en place ont causé de sérieux préjudices à la société ; compte tenu de votre double jeu, du harcèlement moral mené à mon encontre, de vos man'uvres dolosives, il aura fallu attendre la découverte le 13 février 2019 des faits d'une gravité exceptionnelle pour enclencher cette procédure de licenciement.
Les explications données lors de l'entretien n'ont donc pas permis de modifier notre position.
Par vos agissements d'une gravité exceptionnelle, vous avez volontairement nui à la société .
Nous considérons que ces faits constituent une faute lourde rendant impossible votre maintien même temporaire dans la société ».
L'employeur reproche ainsi au salarié :
- des manoeuvres à l'égard de l'actionnaire de la société aux fins d'obtenir un changement de présidence
- une manipulation de la présidente, Mme [R] et des autres salariés ainsi que la tenue permanente de propos dénigrants à l'encontre de la première
- le dénigrement de Mme [R] et la société Meetphone auprès des fournisseurs de la société
- un comportement de dirigeant depuis son embauche (refus de se soumettre à l'autorité de la présidente, comportement d'un employeur à l'égard des salariés et d'un dirigeant à l'égard de personnes tierces)
- la commande d'enregistrements de conversations avec Mme [R] à son insu
- la commande de fouilles du bureau de celle-ci en son absence et la réalisation de photocopies de documents confidentiels
- des actes de concurrence déloyale
- des mensonges auprès de personnes extérieures afin de dénigrer Mme [R] (comptable et amie de celle-ci)
- des mensonges sur son expérience, ses compétences et ses précédents postes
- un comportement dictatorial confinant à un harcèlement moral gravement nuisible à Mme [R].
L'employeur verse au débat l'attestation de M. [I] [C], actionnaire de la société qui déclare : « Le but de cette rencontre était aux dires de Mme [R] que M. [N] puisse me présenter sans influence aucune de sa part les usages du secteur HBJO dont il était coutumier ainsi que l'état de nos réalisations et avancées au sein de Meetphone avec notre marque Oz-bijoux. En lieu et place de cela, M. [P] [N] m'a dressé un portrait inattendu de Mme [R] et de la nécessité d'injecter au moins 100.000 € par mois dans cette société.
Enfin M [N] m'a relaté que Mme [R] se permettait de se répandre en commentaires diffamatoires à mon propos.
En conclusion M. [N] m'incitait à trouver un nouveau responsable et ne souhaitait pas lui-même reprendre cette fonction, me répondant quand je lui proposais « il faut que je réfléchisse, il faut en discuter...
J'atteste par la présente que j'aurais donné le bon dieu sans confession à M. [N] et que jamais je n'aurais pu alors soupçonner la moindre manipulation de sa part tant son discours était maîtrisé.
C'est en effet sous le couvert de la bienveillance envers celle qu'il n'a cessé de me présenter comme « son amie » Mme [R] qu'il me disait me confier tout cela afin d'aider Mme [R] à la soulager de ses responsabilités devenues trop écrasantes pour elle.
J'avoue ici que pris par la tournure de cette conversation et soucieux de l'état de santé de Mme [R] avec qui j'ai toujours entretenu une relation de confiance et d'amitié, j'ai demandé à M. [N] de me faire une offre pour qu'il prenne la présidence et libérer ainsi Mme [R].
Ce qui a été repris par un compte rendu de réunion envoyé le lendemain par M. [N] à mon attention ainsi qu'à celle de notre expert-comptable avec Mme [R] en copie.
J'ai immédiatement compris que quelque chose n'allait pas du tout lorsque dans la poursuite de ce compte-rendu, j'ai reçu les réactions de Mme [R].
Réalisant que quelque chose n'était pas clair, je l'ai ensuite tenu informée des faits suivants :
- La réception le 30 janvier 2019 d'un e-mail envoyé à son insu par M. [N] au contenu mensonger et diffamatoire à son égard avec pour intention manifeste de lui nuire ;
- La réception le 14 février 2019, d'un e-mail envoyé par M. [N] dans le but de se réhabiliter ; »
L'employeur produit également l'attestation particulièrement circonstanciée de Mme [M] [W] qui explique que, dès qu'elle est arrivée au sein de la société, M. [P] [N] s'est mis à dire devant tous les salariés présents et dans le dos de Mme [R] « qu'elle manquait de professionnalisme dans cette société et que l'absence de RP et de visibilité médiatique pour la marque Oz-Bijoux était entièrement sa faute ». Elle explique également comment Mme [R] a pu croire que la situation était assainie à la fin du mois d'octobre 2018 et comment, par la suite, M. [P] [N] a persisté dans la tenue de propos dénigrants à l'égard de la présidente. Elle indique ainsi pour exemples :
« A partir de ce jour [mi-décembre 2019] j'ai aussi vu que régulièrement il a refusé d'exécuter des décisions prises par Mme [R] et a passé son temps à nous tenir des
propos discriminatoires à son encontre comme par exemple :
- Elle ne sait rien faire, pas même un business plan. Je suis obligée de le faire;
- Elle se fait payer la formation du Chede qui coûte très chère à la société, juste pour rencontrer du beau monde. C'est une honte ;
- Elle m'a avoué avoir fait des dépenses qu'elle n'aurait pas dû faire ! Et s'engage à les rembourser ;
- Certains bijoutiers ne veulent plus la voir tellement elle parle mal aux gens ! et du coup je dois tout gérer !
Quand OD nous vire de l'argent il n'y a plus rien en très peu de temps, elle embauche n'importe qui à n'importe quel salaire...Elle va faire couler la Société ; »
S'agissant du dénigrement de Mme [R] et de la société Meetphone auprès des fournisseurs, M. [Z] [H], chef d'entreprise, atteste avoir reçu à la fin du mois de janvier 2019 un appel de M. [P] [N] l'informant du départ imminent de Mme [R] de la présidence de Meetphone « en raison notamment de sa mauvaise gestion de la société les années passées ».
Mme [W] explique encore comment M. [P] [N] lui a demandé de procéder à des enregistrements vocaux de conversations avec Mme [R], à l'insu de cette dernière, en la poussant à bout afin de lui faire tenir des propos dépassant ses pensées et pouvant être mal interprétés. Ce témoignage est complété par les captures d'écran des échanges de sms entre Mme [W] et M. [K] à propos desdits enregistrements et d'un procès-verbal de constat d'huissier confirmant que les photographies prises correspondent aux messages se trouvant dans le portable de Mme [W]. Cette dernière atteste également que M. [N] lui a demandé à plusieurs reprises de fouiller le bureau de Mme [R] en son absence dans le but de trouver tout document permettant de démontrer un éventuel détournement de fonds de sa part.
Il est produit également un courriel au nom de Mme [O] [L] adressé à Mme [R], intitulé « attestation » relatant : « Puis le 25 janvier à ma plus grande surprise j'ai reçu un appel de M. [N]. M. [N] a justifié son appel en se présentant dans un premier temps soucieux de savoir si Mme [R] m'aurait contacté afin de me tenir des propos médisants sur sa personne, m'expliquant la détresse des salariés à savoir lui, sa fille, sa compagne et mon amie [M], en raison de la méchanceté des propos et des agissements de Mme [R] à leur égard. De là, plus la conversation a continué, et plus M. [N] m'a dressé un portrait au vitriol de Mme [R], de sa personne à sa façon de gérer l'entreprise. Je précise que tout en me tenant ce discours M. [N] m'a entretenu dans la croyance qu'il agissait en ami de Mme [R] qu'il fallait protéger...contre elle. Ainsi, il m'a interrogé pour savoir si Mme [R] disposait bien d'un compte à Tahiti, m'expliquant que M. [C] se demandait où était passé tout l'argent qu'il avait injecté dans la société, me laissant entendre que Mme [R] s'était livrée à des détournements de cet argent à son profit ».
Il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce au motif qu'elle n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, alors que les faits qui y sont relatés sont particulièrement précis et qu'il est produit la carte d'identité de Mme [L].
M. [E], l'expert-comptable de la société, déclare encore : « M. [P] [N] m'a exposé à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines à la fois son amitié pour Mme [F] [R], Présidente de la société MEETPHONE, et son désaccord profond dans la gestion par elle de la société et corrélativement la nécessité de procéder le plus rapidement possible au changement de Président de ladite société. »
M. [E] confirme ainsi aussi l'usage de la méthode de manipulation utilisée par l'intéressé, consistant à attester de son amitié avec Mme [R] avant de la dénigrer.
Enfin, en tout état de cause, l'expert-comptable ajoutait : « Mme [R] est une personne d'une grande honnêteté », le confirmant dans un sms du 5 février 2019 adressé à M. [C] « Effectivement, il m'est aisé de confirmer que la Présidente n'a jamais engagé de sommes à d'autres objets que celui de la société ».
L'appelant, qui dénigrait ouvertement la dirigeante de l'entreprise, remettant en cause non seulement ses compétences mais également sa probité, ne peut sérieusement invoquer la liberté d'expression et indiquer qu'il a simplement voulu être transparent sur la situation financière obérée de la société Meetphone, rapportant en outre déloyalement à l'actionnaire majoritaire des échanges internes dans laquelle la présidente critiquait ce dernier.
Aucun des éléments produits par l'appelant ne vient contredire ceux suffisamment précis produits par l'employeur. Ainsi, en est-il notamment de l'attestation peu circonstanciée de sa fille, Mme [B] [G] ou encore de celles de clients louant son professionnalisme. Le fait que la société rencontrait effectivement des difficultés financières au moment du licenciement ou qu'une rupture conventionnelle ait pu être envisagée avant le 14 février 2019, ne permet en rien d'objectiver un quelconqe détournement des règles du licenciement économique et de douter de la réalité du motif du licenciement survenu après que l'employeur a eu connaissance de la réalité de la teneur de l'entretien intervenu entre le salarié et l'actionnaire majoritaire [C].
Sans qu'il ne soit besoin d'examiner les autres griefs reprochés au salarié, il résulte suffisamment de ce qui précède que M. [P] [N] s'est livré à un dénigrement permanent de la présidente de la société ainsi qu'à la tenue de propos insultants et diffamatoires, de même qu'à diverses manoeuvres dolosives destinées à la discréditer tant à l'interne, qu'à l'extérieur de la société et notamment auprès de l'actionnaire principal, afin d'obtenir le changement de présidence. Ce comportement déloyal commis dans l'intention de nuire à son employeur est bien constitutif d'une faute lourde.
Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une faute lourde, déboutant M. [P] [N] de ses demandes au titre d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'indemnité de préavis.
Sur les dommages et intérêts dus au titre des préjudices subis par la société en raison de la faute lourde
Le mandataire liquidateur fait état d'un préjudice financier d'une importance telle que l'avenir de la société se trouve irrémédiablement compromis ainsi que d'un préjudice moral et humain, en raison de l'impact sur l'état de santé de Mme [W] et de Mme [R], outre une atteinte à l'image.
Aucune des pièces fournies ne permet d'établir un lien direct et certain entre la situation financière de la société telle qu'exposée dans les conclusions du mandataire liquidateur et le comportement du salarié, alors que l'entreprise rencontrait déjà à l'époque des difficultés, étant relevé qu'il n'est nullement démontré que la participation de l'actionnaire principal aurait été impactée pour ce motif puisqu'il déclare maintenir sa confiance à la dirigeante de la société.
En revanche, le comportement du salarié a manifestement causé un préjudice d'image à la société, tel qu'exposé suffisamment dans le courrier de mise en demeure du 23 mai 2019, courrier auquel l'appelant n'a opposé et n'oppose aucune contestation alors qu'il y est fait état également de la poursuite du dénigrement après le licenciement.
En outre, le dénigrement de la présidente de l'entreprise a causé un préjudice moral à cette dernière, laquelle se voyait prescrire un antidépresseur et un anxiolytique dans la période contemporaine au licenciement.
Le préjudice subi sera suffisamment indemnisé par l'octroi d'une somme de 5000 euros.
Sur le licenciement brutal et vexatoire
Le licenciement pour faute lourde n'exclut pas la possibilité pour le salarié d'obtenir réparation de son préjudice en cas de circonstances brutales et vexatoires.
M. [P] [N] fait valoir que son licenciement « éhonté », pour une prétendue faute lourde imaginée de toutes pièces ainsi que le dénigrement dont il a fait l'objet dans le cadre de son éviction, caractérisent à eux seuls des circonstances pour le moins vexatoires ayant entraîné un préjudice moral manifeste.
Toutefois, le licenciement pour faute lourde était justifié et le salarié n'a fait l'objet d'aucun dénigrement, la procédure de licenciement s'étant en outre déroulée normalement. Il n'est pas démontré de circonstances brutales et vexatoires, de sorte que la demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée, le jugement entrepris étant, par motifs ajoutés, confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de l'appel seront mis à la charge de M. [P] [N] et il serait inéquitable de laisser à la charge du mandataire liquidateur les frais de justice exposés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme le jugement rendu le 19 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'octroyer de dommages et intérêts,
- Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,
- Condamne M. [P] [N] à verser à la SELAFA MJA la somme de 5000 euros de dommages et intérêts,
- Rejette le surplus de la demande,
- Condamne M. [P] [N] à verser à la SELAFA MJA la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [P] [N] aux dépens de l'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,