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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 4 septembre 2024, n° 24/00658

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 24/00658

4 septembre 2024

MINUTE N° 401/24

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties

Le 04.09.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 04 Septembre 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/00658 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IHVD

Décision déférée à la Cour : 31 Janvier 2024 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - Chambre commerciale

APPELANTE :

S.A.S. GROUPE PETERSON NORMIL

prise en la personne de son dirigeant Monsieur [P] [S]

[Adresse 1]

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

INTIMES :

S.E.L.A.R.L. MJ EST, prise en la personne de Maître [B] [I], liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE PETERSON NORMIL

[Adresse 2]

non représentée, assignée par voie d'huissier à personne habilitée le 04.04.2024

Le Procureur Général près la Cour d'Appel de COLMAR

[Adresse 3]

assigné par le commissaire de justice à personne habilitée le 08.04.2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2024, en chambre du conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

En présence de : Mme [F] [K], élève avocate en stage

Ministère Public :

représenté lors des débats par Mme VUILLET, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

- Réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La SAS GROUPE PETERSON NORMIL a été immatriculée au RCS, sous le numéro 831 065 768 (20B853).

Par requête du 12 octobre 2023, le procureur de la République de Mulhouse a sollicité l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la SAS GROUPE PETERSON NORMIL, au motif d'un état de cessation des paiements caractérisé par des dettes fiscales impayées depuis 2020 et le non-dépôt des comptes sociaux pour les exercices 2020, 2021, et 2022.

A l'audience du 31 janvier 2024, personne n'a comparu pour la SAS GROUPE PETERSON NORMIL. Le procureur de la République a maintenu sa demande.

Dans son jugement du 31 janvier 2024, le tribunal judiciaire de MULHOUSE a :

CONSTATE que la S.A.S. GROUPE PETERSON NORMIL est en état de cessation de paiements et que sa situation est irrémédiablement compromise

OUVERT la procédure de liquidation judiciaire de S.A.S. GROUPE PETERSON NORMIL

FIXE provisoirement la date de cessation de paiements au 02 Août 2023 ;

DÉSIGNE Monsieur Jean-Luc GENEY, en qualité de juge-commissaire et Monsieur [Z]

[R] [X] en qualité de juge-commissaire suppléant ;

DÉSIGNE la Selarl MJ EST, mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [B] [I] en qualité de liquidateur et lui a imparti un délai de treize mois à compter de l'ouverture de la procédure pour établir la liste prévue à l'article L. 641-14 du code de commerce ;

DIT n'y avoir lieu à ordonner un inventaire ;

INVITE la ou les personnes désignées par le comité social et économique, ou à défaut de ceux-ci les salariés, à désigner, au sein de l'entreprise, un représentant des salariés, qui sera élu par vote secret au scrutin uninominal à un tour et qui exercera la mission prévue à l'article L. 625-2 ou, le cas échéant, à l'article L. 621-4 du code de commerce ;

ORDONNE la cessation immédiate de l'activité ;

DIT que le présent jugement emporte de plein droit à dater de ce jour dessaisissement pour

le débiteur, de l'administration et de la disposition de ses biens et que ses droits et actions concernant son patrimoine seront exercés pendant toute la durée de la liquidation par le liquidateur ;

DIT que la clôture de la procédure devra intervenir dans un délai de 36 mois en application de l'article L. 643-9 du code de commerce ;

DIT que les mentions et formalités de publicité prévues par les articles R. 621-6 à R. 621-

8, R. 641-6 du code de commerce, seront accomplies à la diligence du greffier ;

DIT que pour la durée de la procédure, le siège social de l'entreprise est réputé fixé au domicile du mandataire judiciaire ;

DIT que le mandataire judiciaire devra établir dans le mois de sa désignation, un rapport sur

la situation juridique du débiteur, qui sera déposé au greffe de la chambre commerciale ;

DIT que le présent jugement prendra effet à compter de ce jour et qu'il sera exécutoire de plein droit à titre provisoire conformément à l'article R.661-l du code de commerce ;

DIT que les dépens seront liquidés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La SAS GROUPE PETERSON NORMIL a formé appel par déclaration du 8 février 2024.

Par ses conclusions en date du 23 avril 2024, transmises par voie électronique le 24 avril 2024, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SAS GROUPE PETERSON NORMIL demande à la Cour de :

DECLARER la société concluante recevable et fondée en son appel

Y FAISANT DROIT

- CONSTATER que Monsieur [P] [S] n'a pas été convoqué à l'audience du 31 janvier 2024,

ANNULER le jugement rendu subsidiairement INFIRMER le jugement entrepris

STATUANT A NOUVEAU

- CONSTATER que l'état de cessation de paiements de la société GROUPE PETERSON

NORMIL n'est pas caractérisé

En conséquence

DEBOUTER Le Procureur de sa demande

JUGER n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire

- STATUER ce que droit quant aux frais et dépens.

Par actes du commissaire de justice des 4 et 8 avril 2024, la SAS GROUPE PETERSON NORMIL a signifié à la SELARL MJ EST, prise en la personne de Me [I], et à Monsieur le procureur général de la cour d'appel de Colmar, la déclaration d'appel du 8 février 2024, l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, l'ordonnance de fixation du 2 avril 2024 et l'avis de convocation à l'audience de conférence du 17 mai 2024.

Elle a, de plus, signifié ses conclusions d'appel datées du 23 avril 2024, le 29 avril 2024 à la société la SELARL MJ EST, prise en la personne de Me [I] et le 2 mai 2024 à Monsieur le procureur général de la cour d'appel de Colmar.

La SELARL MJ EST, prise en la personne de Me [I], n'a pas constitué avocat et n'est pas représentée à l'instance.

Le parquet général a déposé des écritures datées du 04 juin 2024, transmises par voie électronique le 06 juin 2024, concluant à l'irrecevabilité de l'appel, au rejet des demandes de nullité formées par la société appelante et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

L'appelante a été autorisée à déposer une note en délibéré, sur la question de l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de capacité de Monsieur [S].

Elle ne déposait cependant aucun mémoire.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits de la procédure et de leurs prétentions, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

1) Sur la recevabilité de l'appel :

La société SAS GROUPE PETERSON NORMIL, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître [J] [T], a fait appel, par voie électronique le 8 février 2024, de la décision du 31 janvier 2024 prononçant la liquidation judiciaire de la société.

Le nom de son représentant n'est pas mentionné dans la déclaration d'appel, ni dans les conclusions d'appel.

Cependant, en page 3 de ses conclusions, Monsieur [P] [S] est présenté comme étant le 'dirigeant de la société SAS GROUPE PETERSON NORMIL'.

Il s'en déduit que l'appel a été formé le 8 février 2024 par la société GROUPE PETERSON NORMIL, représentée par Monsieur [P] [S].

Le parquet conteste la capacité de Monsieur [P] [S] à former régulièrement appel ; pour ce faire, il fait référence à un jugement du 27 mars 2024 rendu par la même juridiction, qui indiquerait dans sa décision du 31 janvier 2024, outre l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, que la SARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [C] [N], a été désignée en qualité de mandataire ad'hoc de la société, aux fins d'assurer sa représentation lors des opérations de liquidation, eu égard au placement sous contrôle judiciaire de Monsieur [S], avec notamment une interdiction de gérer ladite société.

Cependant, la cour observe que le jugement qui lui est déféré du 31 janvier 2024 ne comporte aucun développement, dans son dispositif, quant à cette désignation d'un administrateur ad'hoc. Il n'est pas davantage rapporté aux débats l'existence d'une autre décision portant désignation de l'administrateur ad'hoc.

De la sorte, il n'est pas démontré que Monsieur [S] était privé de la capacité de faire appel de la décision plaçant la société en liquidation judiciaire ; le présent appel de la société, représentée par Monsieur [S], est dès lors recevable.

2) Sur la nullité alléguée du jugement :

Au soutien de son appel, la société appelante remet en cause la validité de l'assignation qui est sensée lui avoir été remise, affirmant que son dirigeant n'aurait pas été régulièrement convoqué à l'audience, de sorte que la procédure serait viciée et que le jugement devrait être annulé.

Aux termes de l'article 656 alinéa 1er du code de procédure civile : 'Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.'

L'article 690 du même code prévoit que la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement, c'est-à-dire au lieu de son siège social tel que figurant sur le Kbis.

L'huissier de justice n'a l'obligation de tenter la signification qu'au lieu du siège social, dont l'existence n'est pas contestée.

Une société est réputée conserver son siège social au lieu fixé par les statuts et publié au registre du commerce et des sociétés, tant qu'elle n'a pas fait choix d'un nouveau siège social.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article 690 du code de procédure civile, la signification destinée à une personne morale doit être délivrée à son siège social et non au domicile du gérant.

En l'espèce, le 24 novembre 2023 le commissaire de justice a délivré une assignation à la SAS GROUPE PETERSON NORMIL, à l'adresse du [Adresse 1].

La cour constate que l'huissier s'est présenté à l'adresse de la société figurant sur son extrait Kbis.

Force, en outre, est de constater que c'est toujours cette adresse qui figure sur la déclaration d'appel, ainsi que sur les conclusions de l'appelante, de sorte qu'il est vain pour cette dernière de prétendre que cette adresse ne serait plus la sienne.

En outre, la lecture du procès-verbal du commissaire de justice démontre que les prescriptions imposées par les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile ont été respectées. Il y est notamment exposé qu'à l'adresse indiquée, le Golf est fermé, que les numéros figurant sur internet ne sont plus attribués, que la mairie ne connaît pas la société, ni son gérant, que des recherches infructueuses sur les pages jaunes ont été réalisées, que la consultation du RCS mentionne un état de cessation depuis le 15 janvier 2022 et enfin, qu'aucun élément sur place ne permet de localiser la société.

Dès lors, les diligences du commissaire de justice qui a tenté de signifier le 20 janvier 2023, l'acte qui lui avait été confié au lieu du siège social de la SAS GROUPE PETERSON NORMIL - dont l'existence n'est pas contestée (Civ. 2ème, 21 février 1990, n°88-17.230) - sont suffisantes et valables, étant rappelé que l'huissier n'a pas à rechercher le domicile du gérant (Civ. 2ème, 21 juin 1995, n° 93-16.761 et Civ. 2ème, 7 octobre 1992, n°91-12.499).

Dès lors, la nullité du jugement n'est pas encourue.

3) Sur l'état de cessation des paiements :

L'article L.640-1 du code de commerce dispose que : 'il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.'

L'article L.631-1 du même code définit l'état de cessation de paiement, par l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Il est constant que la SAS GROUPE PETERSON NORMIL a cessé son activité le 15 janvier 2022, sans formalité de radiation, qu'elle n'a pas déposé ses comptes sociaux des années 2020, 2021 et 2022.

Elle a présenté une dette fiscale d'un montant de 3 940 euros, dont le caractère exigible n'est pas contestable.

Le mandataire judiciaire établit dans son rapport du 21 mai 2024, qui a été communiqué à la partie appelante et à Monsieur le procureur général le 10 juin 2024, que le passif définitif échu est de 99 592,84 euros, la société ne disposant pas d'actif disponible. Il rappelle que depuis 2018, il n'y avait plus de trace de dépôt des bilans comptables et que le gérant a été mis en examen pour blanchiment aggravé, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, abus de biens sociaux et placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de gérer sa société.

La SAS GROUPE PETERSON NORMIL ne rapporte pas de preuve de nature à venir infirmer les développements du mandataire judiciaire, et ne démontre pas davantage notamment l'existence d'un actif disponible, qui lui permettrait de régler les dettes de plus de 99 000 euros.

L'état de cessation des paiements est alors caractérisé.

Quant à la possibilité d'une reprise d'activité, nulle preuve n'est rapportée à ce sujet. La cour rappelle que la société a cessé toute activité depuis 2018 et que, suite au placement de Monsieur [S] sous contrôle judiciaire avec interdiction de gérer la société, ce dernier est en tout état de cause, dans l'impossibilité de relancer cette activité.

Dans ces conditions, il convient de confirmer en toutes ses dispositions la décision de première instance.

4) Sur la question des dépens d'appel :

Les frais et dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

DECLARE recevable l'appel,

REJETTE la demande d'annulation de la signification de la citation et corrélativement du jugement rendu le 31 janvier 2024 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2024 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse,

Et y ajoutant,

DIT que les frais et dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :