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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 9 septembre 2024, n° 21/21404

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Bryan E and Co Limited

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

M. Le Vaillant, Mme Primevert

Avocats :

Me Ribaut, Me Boccon Gibod

T. com. Paris, du 1 juin 2017, n° 201206…

1 juin 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La société anonyme [Z] Group, fondée par M. [T] [Z], était spécialisée dans la production et la distribution de programmes télévisés. Elle a été cotée à partir de 2001. Les titres ont été négociés sur le compartiment B d'Euronext [Localité 6], puis à partir du 21 janvier 2008, sur le compartiment C. Le cours a été suspendu le 31 mars 2008. Les titres ont été radiés du marché le 5 janvier 2011.

La société de droit anglais Bryan [E] & Co Limited (ci-après désignée 'la société Bryan [E]') est une banque d'affaires et d'investissements.

Suivant mandats du 28 février 2006 et du 10 mars 2008, modifié par avenant du 19 mai 2008, la société Bryan [E] s'est vu confier la mission d'assister la société [Z] Group dans le processus de réalisation d'une opération d'adossement auprès d'un acteur industriel ou financier et de refinancement de la dette.

Confrontée à des difficultés financières, une procédure de conciliation a été ouverte au profit de la société [Z] Group par décision du tribunal de commerce de Bobigny du 11 mars 2008.

Le 30 décembre 2008, la société [Z] Group a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny, converti en liquidation judiciaire par jugement du 9 juillet 2010. La SCP Moyrand Bally a été désignée en qualité de liquidateur.

Considérant que les offres de reprise présentées par l'intermédiaire de la société Bryan [E] étaient insuffisantes au regard de la valorisation de son catalogue de droits audiovisuels et soutenant que la société Bryan [E] avait oeuvré dans le but de faire baisser les cours de bourse afin de permettre l'acquisition de la société [Z] Group à un prix moindre, M. [T] [S], dit [T] [Z], a fait assigner la société Bryan [E] en responsabilité délictuelle sollicitant la réparation d'un préjudice financier à concurrence de dix millions d'euros et d'un préjudicie moral à concurrence de deux millions d'euros.

Suite au décès de [T] [Z] le 9 avril 2014, l' action judiciaire a été reprise par l'un de ses deux fils, M. [J] [S] dit [Z].

Par jugement du 1er juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

'- Dit M. [J] [T] [S] ayant pour pseudonyme [Z] irrecevable en ses demandes pour défaut d'intérêt à agir ;

- Déboute la S.A.R.L. Bryan [E] and Co Limited de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamne M. [J] [T] [S] ayant pour pseudonyme [Z] à payer à la S.A.R.L. Bryan [E] and Co Limited la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPCP ;

- Condamne M. [J] [T] [S] ayant pour pseudonyme [Z] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 82,44 € dont 13,52 € de TVA.'

M. [J] [S] dit [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Devant la cour d'appel, M. [J] [Z] a engagé à titre principal la responsabilité contractuelle de la société Bryan [E] et, à titre subsidiaire, sa responsabilité délictuelle.

Par arrêt du 10 décembre 2018, la chambre 10 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris a statué comme suit :

'- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- Déclare l'action de M. [J] [Z] pris en qualité d'héritier de son père [T] [Z] recevable ;

- Condamne la société Bryan [E] à payer à M. [J] [Z], en sa qualité d'héritier de son père [T] [Z], la somme de 3 790 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Rejette la demande au titre du préjudice moral ;

- Rejette les autres demandes ;

- Condamne la société Bryan [E] aux dépens d'appel.'

La société Bryan [E] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. M. [J] [S] dit [Z] a formé un pourvoi incident.

Par arrêt du 4 novembre 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a statué comme suit :

'- Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

- Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

- Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.'

Sur le pourvoi principal, la cassation a été prononcée au visa des articles 1382, devenu 1240, du code civil et 31 du code de procédure civile au motif suivant : 'En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice financier allégué par M. [Z] en sa qualité d'actionnaire n'était pas, en tout ou partie, le corollaire du préjudice subi par la société [Z] Group du fait de la dépréciation alléguée du catalogue d'oeuvres constituant son principal actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.'

Sur le pourvoi incident, la cassation a été prononcée au visa de l'article 1382, devenu 1240, du code civil au motif suivant : 'Pour rejeter la demande formée au titre du préjudice moral, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice distinct de celui qui est réparé au titre du préjudice financier.

En statuant ainsi, après avoir constaté que la société Bryan [E] avait, par sa faute, terni l'image de [T] [Z] auprès de la presse et des actionnaires, ce dont il résultait un préjudice moral qui n'était pas réparé par l'indemnisation du préjudice financier, la cour d'appel a violé le texte susvisé.'

Par déclaration du 2 décembre 2021, M. [J] [S] dit [Z] a saisi la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2023, M. [J] [S] dit [Z] demande à la cour de :

'- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 1er juin 2017 ;

Statuant à nouveau,

- Juger l'action de M. [J] [Z], pris en sa qualité d'héritier de son père M. [T] [Z], recevable ;

- Condamner la société Bryan [E] à payer 8 millions d'euros de dommages-intérêts à M. [J] [Z] - pris en sa qualité d'héritier de son père M.r [T] [Z] - en réparation du préjudice financier subi par ce dernier et consistant en sa perte de chance de céder ses actions [Z] Group ;

- Condamner la société Bryan [E] à payer 4 millions d'euros de dommages-intérêts à M. [J] [Z] - pris en sa qualité d'héritier de son père M. [T] [Z] - en réparation du préjudice moral subi par ce dernier ;

- Débouter la société Bryan [E] de l'ensemble de ses moyens, demandes et prétentions ;

- Condamner la société Bryan [E] à payer 100 000 euros à M. [J] [Z] - pris en sa qualité d'héritier de son père M.r [T] [Z] - au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, la société Bryan [E] demande à la cour de :

'Vu les articles 6, 9, 122, 31 et 32 du code de procédure civile,

Vu l'article 1382 ancien code civil,

Vu l'article L.622-20 du code de commerce,

Vu la jurisprudence,

Vu les termes de Mandat de Bryan [E], dans la lettre de mission du 28 février 2006 et le contrat d'assistance conclu le 10 mars 2008, tels que modifiés par l'avenant en date du 19 mai 2008,

À titre liminaire,

- Constater que M. [J] [Z] ne démontre pas l'existence d'un préjudice personnel, distinct de celui des autres créanciers de [Z] Group ainsi qu'un préjudice personnel, distinct de celui subi par [Z] Group ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé M. [J] [Z] irrecevable en ses demandes pour défaut de droit à agir ;

- Déclarer l'action de M. [J] [Z] irrecevable pour défaut de droit à agir ;

À titre principal,

- Constater que Bryan [E] n'a commis aucune faute dans l'exécution de son Mandat ;

En conséquence,

- Débouter M. [J] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

À titre subsidiaire,

- Constater que les préjudices allégués par M. [J] [Z] sont irrecevables dans leur principe et dans leur quantum ;

En conséquence,

- Déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation des préjudices de M. [J] [Z] ;

À titre très subsidiaire,

- Constater que M. [J] [Z] s'abstient de démontrer tout lien de causalité entre les fautes et les préjudices allégués ;

En conséquence,

- Déclarer irrecevables les demandes de M. [J] [Z] ;

En tout état de cause :

- Débouter M. [J] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner M. [J] [Z] à verser à Bryan [E] la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [J] [Z] aux entiers dépens.'

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- Sur l'irrecevabilité des demandes pour défaut de droit à agir

Enoncé des moyens

M. [J] [Z] soutient qu'aux termes des mandats des 28 février 2006 et 10 mars 2008, la société Bryan [E] avait reçu mission de la part de [T] [Z] d'identifier un investisseur susceptible de lui racheter sa participation de 25 % du capital de la société [Z] Group au meilleur prix et ainsi en devenir le nouvel actionnaire de référence.

Il conteste la position de la société Bryan [E] selon laquelle les mandats ne portaient que sur les seuls intérêts de la société [Z] Group et ne comportaient pas une mission de vente des actions de son père au motif que l'ensemble des faits postérieurs à la conclusion du premier mandat confirment que tel était bien l'objectif de la mission confiée à la société Bryan [E].

Il fait valoir que l'inexécution du mandat de vente, du fait de l'inertie da la société Bryan [E] pendant un an, puis, à compter du mois de janvier 2008, la commission de fautes graves par la société Bryan [E] dans l'exécution de ce mandat ont compromis les chances de [T] [Z] de céder sa participation et ont même anéanti cette possibilité puisqu'elles ont conduit à la liquidation judiciaire de la société [Z] Group.

M. [J] [Z] soutient que le préjudice financier subi par son père ne consiste pas en la perte de valeur de ses actions, ce qu'il reconnaît être un préjudice social, mais en la perte de chance d'avoir pu vendre ses actions à un nouvel actionnaire de référence, ce qui constitue un préjudice nécessairement personnel pour [T] [Z] qui ne se confond en rien avec un préjudice social car s'il était parvenu à vendre ses titres, la situation de la société [Z] Group aurait été quant à elle inchangée.

Il fait valoir que l'essentiel des fautes commises par la société Bryan [E] et du préjudice subi par [T] [Z] se situe antérieurement à la dépréciation du catalogue des droits audiovisuels de la société [Z] Group, intervenue le 30 avril 2008 après la suspension des cotations des actions de cette dernière, de sorte que le préjudice consécutif à ces fautes ne peut pas être le corollaire de la dépréciation du catalogue.

La société Bryan [E] fait valoir que les mandats des 28 février 2006 et 10 mars 2008 ont été conclus entre elle et la société [Z] Group, [T] [Z] ne les ayant signé qu'en qualité de représentant légal ainsi que de simple actionnaire de cette dernière. Elle soutient que l'objet des mandats consistait exclusivement à assister la société [Z] Group dans un processus d'adossement à un acteur industriel ou financier et le refinancement de la dette du groupe, la vente des titres de [T] [Z] n'étant alors envisagée qu'à titre accessoire sans constituer l'objet du mandat qui lui était confié.

Elle en déduit qu'il appartient à M. [Z] de justifier, pour que son action en responsabilité soit recevable, d'un préjudice personnel et distinct du préjudice social susceptible de résulter de l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard de la société [Z] Group, rappelant que la perte de valeur des droits sociaux ne constitue pas un dommage personnel et distinct des actionnaires.

La société Bryan [E] fait valoir que la perte de chance alléguée par M. [J] [Z] d'avoir, pour [T] [Z], pu vendre ses actions à un nouvel actionnaire ne peut résulter que de la liquidation judiciaire de la société [Z] Group ouverte le 9 juillet 2010 car, à défaut, [T] [Z] aurait eu la possibilité de céder ses titres, de sorte que le préjudice invoqué ne se distingue pas de celui subi par la collectivité des créanciers de la société [Z] Group.

La société Bryan [E] en déduit que M. [J] [Z] n'a ni intérêt personnel à agir, ni qualité à agir à son encontre.

Réponse de la cour

Devant la cour d'appel de renvoi, la société Bryan [E] produit une copie de la lettre de mission valant mandat qui lui a été donné le 28 février 2006 par la société [Z] Group, dûment signée par messieurs [H] [E] et [U] [P] en tant que 'Managing Directors' de la société Bryan [E] et par [T] [Z] 'en sa qualité de Président du Conseil de surveillance et d'actionnaire de [Z] Group' (pièce n°1 de l'intimée).

Aux termes de ce mandat, il est confié à la société Bryan [E] 'la mission d'assister [Z] Group (ci-après désignée 'la Société') dans le processus devant conduire à la réalisation d'une opération d'adossement auprès d'un acteur industriel ou financier ('l'Opération')'.

Les postes de la mission sont ensuite détaillés dans le mandat du 28 février 2006 (soit, en substance, planification de l'Opération, préparation d'un dossier de présentation, identification d'acquéreurs potentiels, assistance à la détermination d'une position de négociation, assistance à la constitution d'une dataroom, approche confidentielle des acquéreurs potentiels préalablement sélectionnés, validation de l'intérêt des acquéreurs potentiels pour l'acquisition de la société, organisation d'une série de réunions, assistance à la négociation avec les acquéreurs potentiels, assistance dans la définition de la communication adressée au marché financier et aux autorités de marché).

Contrairement à ce que soutient à présent M. [J] [Z], il n'est pas stipulé dans l'acte du 28 février 2006 que la mission de la société Bryan [E] devait inclure la cession de la participation de [T] [Z] de 25 % du capital social de la société [Z] Group au meilleur prix à un nouvel actionnaire de référence.

L'objet du contrat est dénué d'ambiguïté et ne porte que sur la recherche et la mise en oeuvre d'une solution de croissance externe de la société [Z] Group par un investissement en capital d'un acteur industriel ou financier pouvant s'opérer au moyen de cessions de titres détenus par les actionnaires de la société [Z] Group, sans que cette option soit présentée comme la seule devant être envisagée et sans que [T] [Z] soit expressément visé comme le seul actionnaire dont les titres devaient être cédés.

A cet égard, la rémunération de la société Bryan [E] se décomposait, en cas de succès de l'Opération, en deux parties soit '2 % HT de l'Assiette de la Transaction payable par la Société' et '0,75 % HT de la valeur de cession effectuée par les actionnaires, payable par chaque actionnaire proportionnellement à leur cession.'.

Il convient d'ajouter à ce dernier point que le mandat ne stipulait d'obligations réciproques qu'entre la société Bryan [E] et la société [Z] Group. La clause d'exclusivité notamment n'est stipulée au profit de la société Bryan [E] qu'à la charge de la société [Z] Group. Il est en effet prévu dans le mandat du 28 février 2006 ce qui suit : 'Il est entendu que pendant la durée du présent accord, la Société ne confiera à aucun tiers une mission similaire à l'Opération (...)

La Société s'engage à ne pas entreprendre de négociations directement ou indirectement sans avoir préalablement informé Bryan [E] & Co et s'être concerté avec lui.'

Il en résulte que le mandat n'a été donné à la société Bryan [E] que par la société [Z] Group. [T] [Z], au profit de qui le mandat ne stipule aucune obligation à la charge de la société Bryan Group et qui ne tire aucun droit du mandat, n'est pas intervenu à l'acte du 28 février 2006 en tant que co-mandant.

Il est constant qu'il a participé à l'acte en qualité d'actionnaire de la société [Z] Group mais cette intervention ne lui confère pas la qualité de partie au contrat de mandat car elle n'intervient qu'au soutien de la société [Z] Group sans être génératrice de droits et d'obligations. La situation de [T] [Z], du fait de cette intervention à l'acte, n'est pas pour autant différente de celle des autres actionnaires de la société [Z] Group dont les titres pourraient également être cédés dans le cadre de la réalisation de l'opération de croissance externe.

Le second mandat a été signé le 10 mars 2008 par M. [H] [E] en tant que 'Managing Director' de la société Bryan [E] et la société [Z] Group représentée par [Y] [A] en qualité de président du directoire et [T] [Z] en qualité de président du conseil de surveillance(pièce n°10 de l'appelant).

Le préambule du contrat précise qu'il 'formalise et inclut le travail déjà réalisé depuis près de deux années par Bryan [E] dans le cadre de la mission décrite aux présentes.'. Il précise également que le contrat est adressé 'à la fois au nom de [T] [Z] en tant que Président du Conseil de Surveillance et actionnaire de la Société et au nom de la Société elle-même représentée par [Y] [A] (ensemble, le 'Mandant').'

La mission confiée à la société Bryan [E] demeure uniquement stipulée au profit de la société [Z] Group puisqu'il est indiqué qu'il est confié à la société Bryan [E] 'la mission d'assister [Z] Group (ci-après désignée 'la Société') dans le processus devant conduire à la réalisation d'une opération d'adossement auprès d'un acteur industriel ou financier ('l'Opération') et de refinancement de la dette, financière et non financière (en ce compris les engagements de la Société à l'égard des actionnaires de ses filiales).'

Si la mission de la société Bryan Group a évolué afin de tenir compte des difficultés financières avérées à cette date puisque ce mandat est concomitant à l'ouverture d'une procédure de conciliation par décision du tribunal de commerce de Bobigny du 11 mars 2008 afin de parvenir à un accord de rééchelonnement de la dette d'emprunts de la société [Z] Group à l'égard de ses prêteurs institutionnels, elle n'inclut pas davantage d'obligations de la société Bryan [E] à l'égard de [T] [Z] en qualité d'actionnaire. Plus spécifiquement, il n'y est toujours pas stipulé que la mission de Bryan [E] inclut une obligation de parvenir à une cession de la participation de [T] [Z] de 25 % du capital social de la société [Z] Group au meilleur prix à un nouvel actionnaire de référence.

La rémunération de la société Bryan [E] n'est plus un pourcentage du montant de l'Opération et du prix de cession des actions mais une commission fixe et une commission de succès forfaitaire en cas de signature d'un protocole d'accord.

Contrairement à ce que soutient M. [J] [Z], la société Bryan [E] n'a pas facturé [T] [Z] du montant de la rémunération forfaitaire de succès après la conclusion du protocole de conciliation entre les sociétés [Z] Group SA, [Z] Group DA, [T] [Z], les établissements de crédit créanciers des sociétés [Z] Group et la société Alesa Holding au mois de juillet 2008 (pièce n°2 de l'intimée). Il ressort au contraire de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 février 2011 que l'action en paiement de la facture de rémunérations de la société Bryan [E] dues en exécution du mandat du 10 mars 2008 n'a été poursuivie qu'à l'encontre de la société [Z] Group, par voie d'inscription à son passif de redressement puis de liquidation judiciaire (pièce n°7 de l'intimée).

Il s'infère au demeurant du protocole de conciliation du mois de juillet 2008 que la réalisation de l'opération d'adossement d'un acteur industriel ou financier externe n'impliquait pas nécessairement la cession du bloc minoritaire d'actions de [T] [Z] puisque tel n'a pas été finalement le schéma retenu par les parties au protocole qui consistait, en substance, en une cession pour un euro par [T] [Z] de sa créance en compte courant d'actionnaire à la société Alesa Holding, une réduction du capital social de la société [Z] Group SA par une réduction de la valeur nominale des actions de 4,40 euros à une valeur proche de zéro, suivie d'une augmentation de capital d'environ 35 millions d'eurs réservée aux établissements de crédit, une augmentation de capital d'environ 3 500 000 euros réservée aux actionnaires minoritaires de certaines filiales du groupe et enfin une augmentation de capital par appel au marché avec un objectif de levée de fonds de 30 millions d'euros.

Par suite, [T] [Z] en qualité d'actionnaire de la société [Z] Group n'était pas davantage le mandant de la société Bryan [E] pour l'exécution de la mission confiée à cette dernière par acte du 10 mars 2008. L'intervention de [T] [Z] à l'acte en qualité d'actionnaire de la société [Z] Group n'était génératrice pour lui d'aucun droit et d'aucune obligation personnelle.

Il apparaît que [T] [Z] a initialement opéré cette analyse des rapports juridiques entre les parties puisqu'il a fondé son action en responsabilité à l'encontre de la société Bryan Group uniquement sur les dispositions de l'ancien article 1382 du code civil dans son assignation du 27 septembre 2012 (pièce n°11 de l'intimée) avant que M. [J] [Z] ne modifie le fondement de ses demandes en cause d'appel après avoir été déclaré irrecevable pour cause de défaut d'intérêt à agir par le jugement déféré du tribunal de commerce de Paris du 1er juin 2017.

Devant la cour d'appel de renvoi, M. [J] [Z] agit en responsabilité à l'encontre de la société Bryan [E] uniquement sur un fondement contractuel, invoquant une inexécution par la société Bryan [E] de ses obligations nées du contrat de mandat du 28 février 2006 et des manquements contractuels graves au titre de ce mandat et du mandat du 10 mars 2008.

Or, à supposer caractérisés l'inexécution et les manquements contractuels invoqués, le préjudice qui en résulte ne peut avoir été subi que par la société [Z] Group à l'égard de laquelle, seule, la société Bryan [E] avait souscrit des obligations contractuelles de moyen.

En tant qu'actionnaire de la société [Z] Group, n'ayant donné personnellement aucun mandat à la société Bryan [E] pour l'exécution d'une mission ne portant que sur l'exercice de ses droits propres, M. [J] [Z], succédant à [T] [Z], ne peut se prévaloir d'aucun préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société [Z] Group du fait de l' inexécution et des manquements contractuels allégués. Son préjudice en tant qu'actionnaire du fait de la responsabilité contractuelle de la société Bryan [E] à l'égard de la société [Z] Group est indissociable du préjudice social.

A cet égard, la qualification du préjudice de l'actionnaire est indifférente. Le fait que M. [J] [Z] invoque à présent un préjudice de perte de chance de [T] [Z] d'avoir pu vendre ses actions à un nouvel actionnaire n'est pas de nature à lui ouvrir un droit d'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société Bryan [E].

En premier lieu, il est établi que les mandats des 28 février 2006 et 10 mars 2008 ne contiennent aucune mission de parvenir à la cession des actions détenues par [T] [Z] au meilleur prix à un nouvel actionnaire. En second lieu, le préjudice de perte de chance allégué ne se distingue pas de la perte de valeur des droits sociaux, ce qui constitue un préjudice social comme le reconnaît M. [Z], dès lors que ce qui est en cause est la perte de l'éventualité favorable de vendre les actions détenues par [T] [Z] pour une valeur supérieure à celle découlant notamment de la dépréciation d'actif par suite de la correction de la valeur comptable du catalogue de droits audiovisuels de la société [Z] Group au moyen de l'inscription d'une provision de 115 millions d'euros dans les comptes clos au 31 décembre 2007.

Il est significatif à ce titre que M. [J] [Z] calcule le préjudice de perte de chance qu'il invoque par référence à la valeur de cotation des actions au 1er février 2006, attestant ainsi que sa demande indemnitaire correspond à une partie de la perte de valeur des droits sociaux, ce qui ne constitue pas un préjudice personnel de l'actionnaire distinct du préjudice social.

M. [J] [Z] ne justifie donc pas d'un intérêt personnel à agir en réparation du préjudice de perte de chance allégué.

Devant la cour d'appel de renvoi, M. [J] [Z] fonde sa demande de réparation du préjudice moral qu'il invoque sur l'inexécution et les manquements contractuels imputés à la société Bryan [E] au titre des mandats des 28 février 2006 et 10 mars 2008.

Son action en responsabilité aux fins d'indemnisation de ce préjudice moral repose donc sur les mêmes actes et les mêmes faits générateurs que sa demande d'indemnisation d'un préjudice de perte de chance. M. [J] [Z] ne justifie pas dès lors davantage d'un intérêt à agir relativement à cette demande indemnitaire faute de justifier d'un préjudice personnel et distinct qui ne serait pas effacé par la réparation du préjudice social.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré M. [J] [Z] irrecevable en ses demandes pour cause de défaut d'intérêt à agir.

2.- Sur les frais du procès

En considération de la confirmation intervenue sur la fin de non recevoir, le jugement déféré sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, M. [J] [Z] sera débouté de ses demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens d'appel, en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile, et à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 15 000 euros à la société Bryan [E].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne M. [J] [T] [S] dit [Z] aux dépens de l'instance d'appel,

Déboute M. [J] [T] [S] dit [Z] de ses demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [J] [T] [S] dit [Z] à payer la somme de 15 000 euros à la société Bryan [E] & Co Limited en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette le surplus des demandes formées par la société Bryan [E] & Co Limited sur ce fondement,