Décisions
CA Grenoble, ch. com., 5 septembre 2024, n° 23/04058
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 23/04058 - N° Portalis DBVM-V-B7H-MBGV
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL
LEXAVOUEGRENOBLE-CHAMBERY
la AARPI CAP CONSEIL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 05 SEPTEMBRE 2024
Appel d'une ordonnance (N° RG 23/00723)
rendue par le Président du TJ de VALENCE
en date du 22 novembre 2023
suivant déclaration d'appel du 30 novembre 2023
APPELANTES :
S.A.S. CHABANEL au capital de 50 968,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Romans-sur-Isère sous le numéro 302 117 023, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
S.A.R.L. NG DÉVELOPPEMENT au capital de 60 000,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Romans-sur-Isère sous le numéro 509 637 435, prise en la personne de son gérant domicilié ès-qualités audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentées par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Sémir GHARBI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.A.R.L. DUPUY STORES 26-07 au capital de 40 000,00 € immatriculée au RCS de AUBENAS sous le n° 912 619 434, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Valérie LIOTARD de l'AARPI CAP CONSEIL, avocat au barreau de VALENCE, postulant et plaidant par Me Houda ABADA, avocat au barreau de ST ETIENNE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 mai 2024, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. La société Chabanel est immatriculée depuis le 20 février 1975, et est spécialisée dans la fabrication et l'installation de stores, moustiquaires et autres équipements de fermetures. Son siège social est situé à [Localité 15] (26).
2. [D] [V] a été lié par un contrat à durée indéterminée en qualité de cadre avec la société Chabanel entre le 19 octobre 2005 et le 7 mars 2022. Il a quitté cette entreprise dans le cadre d'une démission. [O] [K] a été engagé par la société Chabanel, en qualité de poseur, le 23 novembre 2017. Suite à un avenant du 1er septembre 2018, il a exercé des fonctions commerciales. Il a quitté cette société le 3 décembre 2021 dans le cadre d'une rupture conventionnelle. Aucune clause de non-concurrence n'a été prévue dans les contrats de travail de ces personnes.
3. Par convention de cession d'actions régularisée le 30 septembre 2021, la Sarl BMA et [D] [V] ont cédé à la société NG Développement la totalité de leurs actions détenues dans la société Chabanel, soit respectivement 888 et 95 actions, moyennant les prix de 961.732 euros et de 102.889 euros. L'article 6 de cette convention a prévu une clause de non-concurrence précisant que les cédants s'engagent envers le cessionnaire, pendant une durée de cinq ans à compter de sa signature, à n'entreprendre par eux-même ou par l'intermédiaire de toute entreprise quelconque, aucune activité similaire à celle de la société émettrice des actions cédées, dans une zone de chalandise de 50Km autour de [Localité 15] (rectangle avec pour extrémités [Localité 13], [Localité 14], [Localité 10], [Localité 7] et [Localité 9]). L'article 10 de la convention a prévu l'application de la loi française pour la validité, l'interprétation et l'exécution, et en cas de litige, que le tribunal de commerce compétent est celui de Romans sur Isère.
4. Le 23 mars 2022, [D] [V], [O] [K], la société Camcap et la société FCZ Consulting ont constitué la société Dupuy Stores 26-07. Le capital social a été réparti en quatre parts égales entre ces fondateurs. Messieurs [K] et [V] ont été désignés gérants.
5. Par courrier du 21 juin 2022, la société Chabanel, après lui avoir rappelé qu'il avait intégré la société Dupuy Stores 26-07 domiciliée à [Localité 1] (07), soit dans la zone de chalandise visée par la clause de non-concurrence, a mis en demeure [D] [V] de cesser toute action de concurrence déloyale.
6. Le 29 mai 2012, la société Papa Holding a concédé à la société SV2A la licence de la marque Chabanel pour une durée indéterminée. Le 16 septembre 2014, la société Papa Holding a cédé à la société Chabanel la marque, et le même jour, la société Chabanel a accordé à la société SV2A la poursuite de l'exploitation de la marque.
7. Le 26 juillet 2022, la société NG Développement, contrôlant la société Chabanel, a adressé à la société SV2A une lettre d'intention pour une collaboration commune concernant une franchise Chabanel sur la zone industrielle de [Localité 12]. Cependant, par courrier du 12 janvier 2023, la société SV2A a notifié à la société Chabanel la résiliation du contrat de licence de marque, avec effet au 31 mars 2023. La société Chabanel a accepté le principe de cette résiliation, sous réserve du préavis contractuellement prévu et le paiement des redevances impayées au titre de l'année 2022. Ce paiement est intervenu le 27 janvier 2023.
8. Le 20 février 2023, un procès-verbal a été dressé par maître [W], commissaire de justice, constatant que la société SV2A a informé le public sur une évolution de «Chabanel [Localité 8] » devenant «Dupuy Stores [Localité 8]».
9. Le 1er avril 2023, la société SV2A a signé avec la société holding Camcap un contrat de licence de marque pour exploiter son activité sous l'enseigne Dupuy Stores [Localité 8].
10. Invoquant une opération de concurrence déloyale conduite par les sociétés Dupuy Stores et Dupuy Stores 26-07, avec la participation de messieurs [V] et [K], les sociétés NG Développement et Chabanel, par requête du 31 août 2023 fondée sur les articles 145 et 493 du code de procédure civile, ont sollicité du président du tribunal judiciaire de Valence la désignation d'un commissaire de justice, afin de se rendre dans les locaux de la société Dupuy Stores 26-07 situés à [Localité 1], de la société SV2A situés à [Localité 8], de la société Dupuy Stores situés à Saint-Etienne et/ou de leur expert-comptable et de leur commissaire aux comptes désignés par elles et/ou dans tout autre lieu désigné par elles où seraient conservés lesdits documents, afin d'obtenir la copie de l'extrait du registre du personnel de la société Dupuy Stores 26-07 mentionnant l'embauche de [D] [V] et de [O] [K], la copie des disques durs informatiques situés dans les locaux de la société Dupuy Stores 26-07 et de la société SV2A afin d'analyser les fichiers clients de la société Chabanel, la copie des contrats conclus entre la société Dupuy Stores 26-07 et les personnes ou entités extraites du fichier des devis clients établis par [O] [K] en 2021/2022 (soit une liste de 185 noms), la copie des dossiers des clients susvisés détenus éventuellement par la société Dupuy Stores 26-07, en version informatique et/ou papier, la copie des extraits du grand livre clients de la société Dupuy Stores 26-07 et de ses filiales concernant les sociétés clientes susvisées. Une ordonnance du 6 septembre 2023 a fait droit à cette requête.
11. Le 19 octobre 2023, la Sarl Dupuy Stores 26-07 a fait citer la Sas Chabanel et la Sarl NG Développement devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Valence, aux fins de voir prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023.
12. Par ordonnance du 22 novembre 2023, rendue dans le cadre de l'instance n°RG 23/723, le juge des référés :
- s'est déclaré compétent pour connaître de la présente affaire et par conséquent,
- a déclaré l'action recevable ;
- a ordonné la rétractation de son ordonnance du 6 septembre 2023 ;
- a constaté la perte de fondement juridique des mesures ordonnées par l'ordonnance précitée et donc la nullité des mesures réalisées par les commissaires de justice en application de l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023 ;
- a ordonné aux commissaires de justice mandatés pour mettre à exécution l'ordonnance susvisée, de procéder à la destruction des supports contenant les éléments dont il a été pris copies et/ou de procéder à la restitution des documents saisis concernant la société Dupuy Stores 26-07 ;
- a débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
- a condamné solidairement les sociétés NG Développement et Chabanel à payer à la société Dupuy Stores 26-07 la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ;
- a condamné solidairement la société NG Développement et la société Chabanel aux entiers de l'instance.
13. La société NG Développement et la société Chabanel ont interjeté appel de cette décision le 30 novembre 2023, en toutes ses dispositions reprises dans leur acte d'appel.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 2 mai 2024.
Prétentions et moyens des sociétés NG Développement et Chabanel :
14. Selon leurs conclusions n°2 remises par voie électronique le 23 avril 2024, elles demandent à la cour, au visa des articles 42, 46, 145, 367 et 700 du code de procédure civile :
- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
- statuant à nouveau, d'ordonner la jonction des instances d'appel RG N°23/04058, RG N°23/04059 et RG N°23/04060, au regard du lien existant entre les procédures en cours rendant nécessaire de les faire instruire et juger ensemble ;
- de juger que le président du tribunal judiciaire de Valence était bien compétent pour connaître de la requête présentée par les concluantes en date du 31 août 2023 ;
- de rejeter comme étant non fondée la demande de rétractation ainsi que la demande de modification présentées par la société Dupuy Stores à l'encontre de l'ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal judiciaire de Valence en date du 6 septembre 2023 ;
- de rejeter comme étant irrecevable et non fondée la demande de dommages-intérêts présentée à titre d'appel incident par la société Dupuy Stores 26-07 ;
- de condamner la société Dupuy Stores 26-07 à payer aux concluantes la somme de 5.000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société Dupuy Stores 26-07 aux dépens de l'instance.
Elles soutiennent :
15. - concernant la jonction des procédures, que les sociétés Dupuy Stores, Dupuy Stores 26-07 et SV2A ayant le même avocat, ont fait délivrer chacune des assignations en référé-rétractation presque identiques dans leur rédaction créant ainsi artificiellement trois instances au lieu d'une seule ; que le premier juge a été trompé par ce procédé en rendant trois ordonnances de référé, alors que ces sociétés entretiennent des liens d'affaires étroits ; qu'en tout état de cause, il s'agit d'un litige unique et global justifiant que les trois procédures d'appel fassent l'objet d'un seul arrêt ; que la demande de jonction ne concerne que les appels en cours, puisque la disposition de l'ordonnance ayant rejeté la demande de jonction en première instance n'est pas susceptible de recours ; que cette demande de jonction n'a pas à être soumise au président de la chambre, mais relève de l'appréciation de la cour dans le cadre de la décision à intervenir ;
16. - concernant l'infirmation de l'ordonnance déféré concernant la compétence du juge du tribunal judiciaire de Valence, que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ;
17. - en l'espèce, que le premier juge a considéré à tort que les sociétés Dupuy Stores, Dupuy Stores 26-07 et SV2A n'entretiennent aucun lien juridique ou économique entre elles, pour conclure que l'ordonnance du 6 septembre 2013 doit être rétractée pour défaut de compétence territoriale ;
18. - en effet, que la société Dupuy Stores a pour gérant [G] [S] lequel est également gérant de la société Camcap qui est associée de la société Dupuy Stores 26-07 dans laquelle elle détient 1/3 du capital social ; que la société SV2A a pour enseigne «Dupuy Stores [Localité 8]» qui correspond à une marque complexe déposée par la société Camcap dirigée par [G] [S] et concédée par la société Dupuy Stores 26-07 ; qu'une communication
publicitaire de la société Dupuy Stores dans le mensuel Regard Magazine du mois d'avril 2024 présente bien toutes les entités Dupuy Stores (en Ardèche, dans la Drôme et dans la Loire) comme faisant partie d'un seul et même groupe avec un site internet centralisé Dupuystores.fr ; que les liens entre ces sociétés sont ainsi incontestables ;
19. - que la compétence territoriale du juge saisi par voie de requête découle également, selon l'article 46 du code de procédure civile, du lieu du fait dommageable ; que les concluantes ont chacune leur siège social dans le ressort du tribunal judiciaire de Valence; que si la société Dupuy Stores 26-07 indique que la mesure a été exécutée à [Localité 1] (située dans le département de l'Ardèche) ce qui aurait dû exclure la compétence de la juridiction de Valence, elle confond la compétence du juge de la requête avec la compétence de la juridiction de l'exécution de la mesure ordonnée ;
20. - concernant le bien fondé de la mesure ordonnée sur requête, que les circonstances retenues comme justifiant la dérogation au principe de contradiction sont notamment le risque de dépérissement des preuves et la nécessité de l'effet de surprise comme condition d'efficacité de la mesure sollicitée ; que les soupçons invoqués par le requérant d'actes de concurrence déloyale de certains de ses anciens salariés et d'une société concurrente sont légitimes et justifient que des mesures d'instruction soient prises quand diverses pièces caractérisent ces soupçons légitimes ;
21. - qu'en l'espèce, [D] [V] et [O] [K] qui occupaient deux postes essentiels au sein de la société Chabanel ont été débauchés pour rejoindre la société Dupuy Stores 26-07 au sein de laquelle ils sont tous deux gérants ; que [D] [V] qui détenait 9,6% des actions de la société Chabanel qui ont été acquises par la société NG Développement, a participé de façon active à la concurrence déloyale mise en 'uvre au détriment des concluantes, le comportement déloyal de [D] [V] étant d'autant plus grave qu'il viole sciemment les dispositions relatives à l'obligation de non-concurrence visée à l'article 6 de la convention de cession d'actions du 30 septembre 2021 ; qu'il n'appartient pas au juge des référés de discuter de la validité de cette clause alors qu'elle peut ne prévoir aucune contrepartie financière ;
22. - que la société Chabanel subit une concurrence déloyale orchestrée par la société Dupuy Stores, de laquelle la société SV2A s'est rapprochée, alors qu'elle était encore liée au titre du contrat de licence de marque ;
23. - qu'une confusion est entretenue, puisque par mail du 16 octobre 2023, le directeur des ventes de la société Brustor, fournisseur de la société Chabanel, a notifié à cette dernière une révision de taux de remise à compter du 1er novembre 2023 avec copie à monsieur [X], gérant de la société SV2A devenue Dupuy Stores [Localité 8] ; que [I] [Z], directrice de l'agence web et communication Boostacom atteste de faits de détournement d'identité numérique et de trafic web, à l'encontre de la marque Chabanel, observés entre le 3 avril 2023 et le 5 janvier 2024 concernant le nom de domaine Chabanel-[Localité 8].fr opérés par la société SV2A (Dupuy Stores [Localité 8]) ;
24. - que l'ensemble de ces faits et la difficulté d'en mesurer l'étendue, d'en établir la preuve et les risques de dépréciation de la preuve constituent, avant la saisie du juge du fond, un motif légitime nécessaire et une action par voie de requête ;
25. - que si la société Dupuy-Stores 26-07 invoque l'augmentation du chiffre d'affaires de la société Chabanel entre 2020 et 2022, celle-ci a cependant subi une diminution de son résultat d'exploitation au 31 décembre 2022 par rapport à celui de l'année précédente, avec une diminution de son chiffre d'affaires ; que cette société a dû exposer plus de moyens pour maintenir son chiffre et son équilibre ;
26. - que si la société Dupuy Stores invoque le fait que certains clients portent des noms très courants, de sorte qu'il n'est pas improbable que ces noms se retrouvent dans les fichiers clients sans que cela ne puisse lui être reproché, les noms en question ne sont pas courants et ne justifient pas une modification de l'ordonnance rendue sur requête notamment avec la précision des adresses de ces clients ;
27. - que la demande présentée en première instance par la société Dupuy Stores, afin que les éléments contenus dans les constats soient conservés par le commissaire de justice jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué au fond, est irrecevable, puisque c'est en fonction de ces éléments qu'une action au fond pourra être mise en 'uvre ;
28. - que l'appel incident de l'intimée est irrecevable et mal fondé, puisque sa demande indemnitaire ne repose sur aucun préjudice détaillé et ne vise qu'à nuire aux concluantes; que comme retenu par le premier juge, une demande reconventionnelle tendant à obtenir des dommages et intérêts est irrecevable dans le cadre d'une instance en rétractation.
Prétentions et moyens de la société Dupuy Stores 26-07 :
29. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 24 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 32-1, 145, 147, 367, 368, 493, 497 et 537 du code de procédure civile, de l'article L721-3 du code de commerce, de l'article 1240 du code civil :
- in limine litis, de déclarer irrecevable et mal fondée la demande de jonction des procédures RG N°23/04058, N°23/04059, N°23/04060 formée par les sociétés Chabanel et NG Développement en cause d'appel ;
- à titre principal, de confirmer l'ordonnance du 22 novembre 2023 en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance du 6 septembre 2023; en ce qu'elle a constaté la perte de fondement juridique des mesures ordonnées par l'ordonnance du 6 septembre 2023 et donc la nullité des mesures réalisées par les commissaires de justice en application de l'ordonnance du 6 septembre 2023; en ce qu'elle a ordonné aux commissaires de justice mandatés pour mettre à exécution l'ordonnance susvisée, de procéder à la destruction des supports contenant les éléments dont il a été pris copie et/ou de procéder à la restitution des documents saisis concernant la société Dupuy Stores 26-07; en ce qu'elle a condamné les sociétés Chabanel et NG Développement à verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- d'infirmer l'ordonnance du 22 novembre 2023 en ce qu'elle a débouté la concluante de sa demande de dommages et intérêts ;
- statuant à nouveau sur ce point, de condamner in solidum les sociétés Chabanel et NG Développement à lui verser la somme provisionnelle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de son préjudice pour procédure abusive ;
- le cas échéant, de prononcer telle amende civile qu'il plaira ;
- à titre subsidiaire, de constater l'absence de motif légitime à la demande de mesure d'instruction ;
- de constater l'absence de motifs permettant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ;
- d'ordonner en conséquence la rétractation de l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023 par le juge des requêtes du tribunal judiciaire de Valence à la demande des sociétés NG Développement et Chabanel ;
- à titre infiniment subsidiaire, de modifier l'ordonnance sur requête rendue le 6 septembre 2023 et de dire que seuls les documents portant le nom « VILLE» se rattachant à un client, une entité ou une personne peuvent être saisis; de préciser le prénom de chacun des clients listés dans l'ordonnance afin que les clients litigieux soient déterminables; de dire que tous les éléments (données,
documents, fichiers...) ainsi collectés seront conservés par l'huissier de justice désigné jusqu'à ce qu'un tribunal ait définitivement statué sur l'action au fond en vue de laquelle le présent constat est ordonné ; de dire que les éléments collectés pourront être remis à un expert ou à toute personne qui serait ultérieurement désignée par un tribunal saisi de l'action au fond en vue de laquelle le présent constat est ordonné; de dire qu'en revanche, les éléments collectés ne pourront pas être remis à la requérante qui ne pourra avoir accès qu'au procès-verbal établi par l'huissier ;
- en tout état de cause, de condamner in solidum les parties défenderesses à supporter les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître Valérie Liotard, de l'AARPI Cap Conseil Avocats ;
- de condamner in solidum les mêmes à verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée indique :
30. - qu'elle est liée à la société Camcap par un contrat de licence de marque, puisque cette dernière est propriétaire de la marque Dupuy Stores, ce qui explique que la concluante ait une dénomination similaire avec la société Dupuy Stores sises à [Localité 11], titulaire de la même franchise ; que la société Dupuy Stores a été créée en 1968 et est spécialisée dans la pose de menuiseries, serrureries, stores, volets roulants et grilles métalliques avec pour gérant [G] [S], avec l'absorption en 2019 des Etablissements Chabanoles créés en 1974 et radiées à compter de la fusion ; que 89 % des parts de la société Dupuy Stores appartiennent à la société Camcap, sise à [Localité 11] et dirigée par [G] [S] qui détient 85 % du capital ; que la concluante exerce la même activité que la société Dupuy Stores ;
31. - que la société SV2A a été créée en 2001 et a fait l'acquisition de la société Profermeture, exploitant l'enseigne Chabanel Sud [Localité 8] ; que son siège est situé à [Localité 8] ; qu'elle est spécialisée également dans la fabrication, la vente et la pose de fermetures et d'isolation, avec pour dirigeant [Y] [X] ; que cette société faisait partie du groupe Chabanel, détenant encore en 2017 10 % de son capital social, 10 % étant détenus par monsieur [M], et 80 % par la société Vicantoval détenue par les époux [X] ; qu'en raison de la licence de marque concédée par la société Chabanel en 2012, la société SV2A a utilisé son nom commercial et son enseigne ; qu'elle a résilié ce contrat suite à l'acquisition des titres de la société Chabanel par la société NG Développement et a décidé de rejoindre la marque Dupuy Stores, en concluant une licence avec la société Camcap, et en changeant de nom commercial pour celui de « Dupuy Stores [Localité 8] » ;
32. - qu'il n'existe aucun lien entre la concluante, basée en Ardèche, avec la société SV2A basée à [Localité 8], leur seul point commun étant l'exploitation de la même marque ;
33. - concernant la demande de jonction des procédures en appel, que comme retenu par le premier juge, il n'existe aucune communauté d'intérêts et aucun flux financier entre la concluante, la société Dupuy Stores et la société SV2A ; qu'en réalité, les appelantes tentent de solliciter la réformation de l'ordonnance déférée sur ce point, alors qu'aucun recours ne peut être formé, s'agissant d'une mesure d'administration judiciaire ; que la demande de jonction formée devant la cour porte sur la même cause que celle faite devant le premier juge, de sorte qu'il s'agit bien d'un recours en la cause irrecevable ; en outre, que cette demande de jonction devait être présentée au président de la chambre, s'agissant d'un incident d'instance ; que les préjudices découlant de l'exécution de l'ordonnance sur requête sont spécifiques à chacune des sociétés visées par cette mesure, lesquelles soulèvent des moyens propres à chacune ;
34. - concernant la compétence territoriale du juge de la requête, qu'elle est déterminée par le lieu d'exécution de la mesure par les articles 42, 46 et 145 du code de procédure civile ; qu'il est cependant admis qu'un juge des requêtes peut ordonner des mesures d'instruction à l'encontre d'une personne domiciliée dans le ressort d'une autre juridiction, dès lors qu'il est compétent pour connaître de l'éventuelle instance au fond ; en outre, que l'article L721-3 du code de commerce attribue aux tribunaux de commerce la connaissance des litiges entre commerçants, ce qui est le cas en l'espèce ;
35. - que seule la société SV2A dépend des juridictions de Valence en raison de son siège social, alors que la concluante dépend du tribunal de commerce de Privas et la société Dupuy Stores de celui de Saint Etienne ; qu'aucun élément ne justifiait ainsi la saisie du juge de Valence; qu'il s'agit de litiges distincts, puisqu'il est reproché d'une part à monsieur [V] d'avoir violé la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de cession de ses parts et d'avoir pris part, sur le territoire interdit, au capital de la concluante, et d'autre part, à la société SV2A d'avoir commis un acte de concurrence déloyale en ayant utilisé le nom «Chabanel [Localité 8]» ; ainsi, qu'aucun litige au fond concernant la concluante ne pourra être présenté devant la juridiction de Valence, d'autant que le contrat de cession de parts sociales conclu par monsieur [V] attribue la compétence territoriale au tribunal de commerce de Romans sur Isère ;
36. - qu'en raison de la nature du litige et de la qualité des parties, seule la juridiction commerciale est compétente, de sorte que la juridiction civile de Valence n'aura jamais à connaître d'une instance au fond ;
37. - que si les appelantes invoquent l'article 46 du code de procédure civile, permettant au demandeur de saisir, en matière délictuelle, la juridiction du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, ce texte ne concerne qu'une procédure contradictoire, en présence d'un défendeur cité nommément, alors que l'article 145 prescrit que la mesure in futurum doit être sollicitée du président du tribunal dans le ressort duquel la mesure devra être exécutée ;
38. - concernant le bien fondé de la mesure sollicitée à l'encontre de la concluante, qu'il n'existe aucun motif légitime puisque la clause de non-concurrence figurant dans l'acte de cession des parts de monsieur [V] n'est pas valide, sinon inopposable, de sorte qu'il pouvait s'établir sur le territoire visé par cette clause pour y exercer une activité par le biais de la concluante ; que monsieur [V] ayant également la qualité de salarié de la société Chabanel lors de la cession de ses parts, qui ne concernaient que 9,6 % du capital de la société Chabanel, la clause de non-concurrence doit s'apprécier au regard de sa qualité de salarié, avec notamment le paiement d'une contrepartie financière, mais qui n'a pas été stipulée ; que le seul fait qu'il ait rejoint la concluante ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, sauf à contrevenir à sa liberté de travailler;
39. - que si les appelantes invoquent une désorganisation, notamment au travers d'un litige avec le fournisseur Brustor, cela ne concerne pas la concluante, puisque c'est la société SV2A qui a été destinataire de la copie du mail adressé à la société Chabanel par ce fournisseur ;
40. - que si les appelantes ont constitué un listing des clients avec lesquels messieurs [K] et [V] avaient travaillé, avant de quitter la société Chabanel, elles ne produisent aucune attestation témoignant d'un détournement de clientèle ; que la société Chabanel ne peut même pas se prévaloir d'une baisse de chiffre d'affaires, lequel est en constante augmentation ;
41. - concernant la nécessité de déroger au principe du contradictoire, que les appelantes n'ont développé, dans leur requête, aucune circonstance concernant la concluante ;
42. - subsidiairement, s'agissant de la modification de l'ordonnance du 6 septembre 2023, que la présence du mot « Ville » a conduit le commissaire de justice à appréhender la quasi totalité des fichiers de la concluante ; que la saisie de ces fichiers peut aboutir à la divulgation de tous les clients de la concluante à ses concurrentes ; qu'il appartient ainsi à la cour de dire que seuls les documents portant le nom propre « VILLE » se rattachant à un client, une entité ou une personne peuvent être saisis, et d'ordonner par ailleurs aux appelantes de préciser le prénom de chacun des clients listés dans l'ordonnance, éventuellement leurs adresses, afin que les clients litigieux soient déterminables ;
43. - concernant l'appel incident de la concluante, que le juge des référés a retenu, à tort, que l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures ordonnées sur requête ; que cependant, une procédure de référé-rétractation n'exclut pas une demande de dommages et intérêts du fait d'une procédure sur requête abusive ; qu'en l'espèce, les appelantes tentent d'organiser un pillage de la concluante ; que lors de l'exécution de la mesure en litige, la concluante a été contrainte de cesser toute activité pour se consacrer uniquement à cette procédure.
*****
44. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la jonction des procédures :
45. Selon l'ordonnance déférée, concernant la jonction des procédures, les liens entre les sociétés Dupuy Stores basée à [Localité 11] (42), Dupuy Stores 26-07 ayant son siège social à [Localité 1] (07) et SV2A Dupuy Stores située à [Localité 8] (26), résident dans des contrats de licence de marque signés indépendamment avec la société Camcap, étant précisé que cette dernière détient un quart du capital de la société Dupuy Stores 26-07 et que son gérant est la même personne physique que le gérant de la société Dupuy Stores [Localité 11]. La société Dupuy Stores 26-07 n'ayant aucun lien direct avec la société SV2A qui aurait pu fonder la compétence du juge valentinois, en l'absence de clause attributive, aucune mesure d'instruction n'aurait du être ordonnée à son encontre.
46. La cour constate en premier lieu, concernant sa compétence pour apprécier cette demande, que la présente procédure s'inscrit dans le cadre de l'article 905 du code de procédure civile, sans mise en état préalable. Ce problème relève bien ainsi des pouvoirs de la cour.
47. En second lieu, concernant la recevabilité de la demande de jonction devant la cour, il résulte des motifs de l'ordonnance entreprise que le juge des référés a rejeté cette demande de jonction, même si le dispositif de cette ordonnance ne prévoit aucune mention à ce sujet. Devant la cour, les appelantes sollicitent non la jonction des procédures suivies en première instance, mais celles en cours devant la présente juridiction, visant les numéros de leur enrôlement devant la cour. Cette demande est ainsi recevable, ne tendant pas à l'infirmation des trois ordonnances entreprises séparément.
48. Concernant le bien fondé de cette demande, les trois sociétés en cause sont situées sur des ressorts différents. Il n'existe aucun flux financier entre elles, et le seul point commun est l'exploitation de la marque Dupuy Stores. Les demandes dont est saisie la cour sont différentes selon ces trois intimées, et les moyens présentés distincts. Il n'existe ainsi aucun intérêt de joindre ces trois dossiers afin qu'une seule décision soit rendue. La cour rejettera ainsi cette demande.
2) Sur la compétence territoriale du juge des requêtes du tribunal judiciaire de Valence :
49. Le premier juge a énoncé que le président du tribunal judiciaire de Valence pouvait être territorialement compétent pour connaître de la requête déposée devant lui le 31 août 2023 puisque l'une des trois mesures sollicitées devait être diligentée dans une société ayant son siège social à [Localité 8] (26). Cependant, il échet à la partie qui soutient que la juridiction valentinoise était compétente de démontrer l'existence de liens entre les trois sociétés défenderesses à la requête initiale. Il en a retiré que faute de ce faire, le juge de Valence n'était territorialement pas compétent pour connaître de ladite demande, la société Dupuy Stores 26-07 ayant son siège dans le département de l'Ardèche. Le juge des référés a noté qu'admettre l'inverse conférerait au juge des requêtes une compétence non prévue par la loi tendant à ordonner des actes sur l'étendue du territoire aux motifs que la demanderesse a son siège dans la Drôme et alors que l'exécution de la mesure dans un ressort pouvant être éloigné rend ainsi plus complexe l'exercice des droits de la défense pour une société potentiellement éloignée du juge des requêtes. Il a relevé que les sociétés Chabanel et NG Développement ne démontrent en rien le lien entre les trois défenderesses hormis le fait qu'elles commercialisent toutes le même produit ce qui ne saurait constituer la démonstration de l'existence de liens juridiques et a fortiori d'une entente illicite. Il a ajouté qu'il s'évince de ces éléments que si le juge des référés avait eu connaissance de l'absence de liens juridiques entre ces sociétés et alors que les pièces produites inclinaient à penser que les défenderesses agissaient de concert pour un parasitisme économique, l'incompétence aurait été constatée. Il a en conséquence ordonné la rétractation de l'ordonnance du 6 septembre 2023 pour défaut de compétence territoriale, la société Dupuy Stores 26-07 ayant son siège social à [Localité 1] (07).
50. La cour constate que les articles 42 et suivants du code de procédure civile n'opèrent pas de distinction selon que la procédure est contradictoire, ou qu'elle est engagée sur requête. Si le principe est que le juge compétent est celui du domicile du défendeur, cependant l'article 46 prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. Les articles 493 et suivants du même code relatifs à la procédure sur requête ne prévoient pas de dérogation à ces règles générales, pas plus que l'article 145 concernant les mesures d'instruction in futurum.
51. En la cause, les appelantes sont toutes deux domiciliées dans le département de la Drôme, lequel n'a qu'un seul tribunal judiciaire, à savoir celui de Valence. A supposer que les faits de concurrence déloyale soient avérés, le préjudice est subi au domicile de ses sociétés, qui peuvent ainsi saisir au fond le tribunal judiciaire de Valence. Si l'intimée oppose la qualité de commerçantes pour toutes les parties, puisqu'il s'agit soit de Sarl, soit de Sas et ainsi de sociétés commerciales par nature, de sorte que le juge des requêtes du tribunal de commerce de Romans sur Isère était compétent, la cour indique néanmoins que la compétence d'attribution du tribunal de commerce n'est pas d'ordre public, alors que le tribunal judiciaire a une compétence générale, et qu'il ne peut ainsi, d'office, se déclarer incompétent au profit de la juridiction commerciale dans le cadre d'une procédure contradictoire, en dehors des cas pour lesquels la loi ou le règlement confère une compétence exclusive à la juridiction commerciale. Il en ressort qu'à ce stade de la procédure, le juge des requêtes du tribunal judiciaire avait une compétence concurrente avec celle du juge des requêtes du tribunal de commerce.
52. Il en résulte que les appelantes étaient fondées à présenter leur requête au juge des requêtes du tribunal judiciaire de Valence, compétent pour tout le département de la Drôme.
3) Sur le bien fondé de la demande visant à ordonner une mesure d'instruction sur requête :
53. Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Il en résulte que si la mesure d'instruction est sollicitée par voie de requête, celle-ci doit énoncer les raisons pour lesquelles le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse, conformément aux articles 493 et 494, ce dernier précisant que la requête doit être motivée.
54. En l'espèce, la cour constate que la requête présentée par les appelantes est imprécise concernant les raisons les fondant à ne pas agir contradictoirement. Il n'est fait référence qu'à des décisions de la Cour de cassation ou de cours d'appel, mais concernant des motifs généraux, et les requérantes n'ont développé aucune circonstance tenant à l'affaire elle-même justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire. Il est seulement indiqué qu'il existe des actes de concurrence déloyale, une difficulté pour en mesurer l'étendue, en établir la preuve, avec des risques de dépréciation, mais sans autre considération permettant de justifier une procédure sur requête.
55. En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer, la cour ne peut que constater que les conditions prévues aux articles précités ne sont pas réunies. Il en résulte que par ces motifs substitués à ceux de l'ordonnance entreprise, cette dernière sera confirmée en ce que le juge des référés a ordonné la rétractation de l'ordonnance du 6 septembre 2023, avec les conséquences mentionnées dans l'ordonnance déférée.
4) Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :
56. Le juge des référés a retenu que l'instance en rétractation, prévue par l'article 497 du code de procédure civile, a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, et que la demande reconventionnelle tendant à obtenir l'allocation de dommages et intérêts est irrecevable puisqu'elle a été introduite dans le cadre d'une instance en rétractation.
57. La cour indique que dans le cadre d'une instance en rétractation, aucune disposition n'interdit au juge des référés d'apprécier le caractère dommageable de la procédure engagée sur requête, pourvu que les conditions du référé soient réunies, à savoir en l'occurrence l'existence d'une obligation non sérieusement contestable découlant du caractère abusif de la procédure suivie sur requête et du préjudice subi par l'intimée.
58. Cependant, en la cause, l'intimée ne justifie pas d'une obligation non sérieusement contestable, tant sur le caractère abusif de la procédure entreprise que sur le préjudice invoqué à hauteur de 50.000 euros, lequel ne repose sur aucune pièce permettant d'en apprécier l'existence et le montant. Cette demande échappe ainsi à l'appréciation du juge des référés. Il en résulte que l'ordonnance sera confirmée en ce que le premier juge a débouté les parties de leurs plus amples demandes.
*****
59. L'ordonnance déférée sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions. Succombant en leur appel, les sociétés NG Développement et Chabanel seront condamnées in solidum à payer à la société Dupuy Stores 26/07 la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 145, 493 et suivants du code de procédure civile ;
Déclare la demande de jonction présentée par les sociétés NG Développement et Chabanel recevable devant la cour, mais mal fondée ;
Rejette en conséquence la demande des sociétés NG Développement et Chabanel tendant à la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 23/04058, RG 23/4059 et RG 23/4060 ;
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
y ajoutant ;
Condamne in solidum les sociétés NG Développement et Chabanel à payer à la société Dupuy Stores 26-07 la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés NG Développement et Chabanel aux dépens exposés en cause d'appel, avec distraction au profit de maître Liotard, de l'AARPI Cap Conseil Avocats ;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL
LEXAVOUEGRENOBLE-CHAMBERY
la AARPI CAP CONSEIL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 05 SEPTEMBRE 2024
Appel d'une ordonnance (N° RG 23/00723)
rendue par le Président du TJ de VALENCE
en date du 22 novembre 2023
suivant déclaration d'appel du 30 novembre 2023
APPELANTES :
S.A.S. CHABANEL au capital de 50 968,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Romans-sur-Isère sous le numéro 302 117 023, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
S.A.R.L. NG DÉVELOPPEMENT au capital de 60 000,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Romans-sur-Isère sous le numéro 509 637 435, prise en la personne de son gérant domicilié ès-qualités audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentées par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Sémir GHARBI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.A.R.L. DUPUY STORES 26-07 au capital de 40 000,00 € immatriculée au RCS de AUBENAS sous le n° 912 619 434, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Valérie LIOTARD de l'AARPI CAP CONSEIL, avocat au barreau de VALENCE, postulant et plaidant par Me Houda ABADA, avocat au barreau de ST ETIENNE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 mai 2024, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. La société Chabanel est immatriculée depuis le 20 février 1975, et est spécialisée dans la fabrication et l'installation de stores, moustiquaires et autres équipements de fermetures. Son siège social est situé à [Localité 15] (26).
2. [D] [V] a été lié par un contrat à durée indéterminée en qualité de cadre avec la société Chabanel entre le 19 octobre 2005 et le 7 mars 2022. Il a quitté cette entreprise dans le cadre d'une démission. [O] [K] a été engagé par la société Chabanel, en qualité de poseur, le 23 novembre 2017. Suite à un avenant du 1er septembre 2018, il a exercé des fonctions commerciales. Il a quitté cette société le 3 décembre 2021 dans le cadre d'une rupture conventionnelle. Aucune clause de non-concurrence n'a été prévue dans les contrats de travail de ces personnes.
3. Par convention de cession d'actions régularisée le 30 septembre 2021, la Sarl BMA et [D] [V] ont cédé à la société NG Développement la totalité de leurs actions détenues dans la société Chabanel, soit respectivement 888 et 95 actions, moyennant les prix de 961.732 euros et de 102.889 euros. L'article 6 de cette convention a prévu une clause de non-concurrence précisant que les cédants s'engagent envers le cessionnaire, pendant une durée de cinq ans à compter de sa signature, à n'entreprendre par eux-même ou par l'intermédiaire de toute entreprise quelconque, aucune activité similaire à celle de la société émettrice des actions cédées, dans une zone de chalandise de 50Km autour de [Localité 15] (rectangle avec pour extrémités [Localité 13], [Localité 14], [Localité 10], [Localité 7] et [Localité 9]). L'article 10 de la convention a prévu l'application de la loi française pour la validité, l'interprétation et l'exécution, et en cas de litige, que le tribunal de commerce compétent est celui de Romans sur Isère.
4. Le 23 mars 2022, [D] [V], [O] [K], la société Camcap et la société FCZ Consulting ont constitué la société Dupuy Stores 26-07. Le capital social a été réparti en quatre parts égales entre ces fondateurs. Messieurs [K] et [V] ont été désignés gérants.
5. Par courrier du 21 juin 2022, la société Chabanel, après lui avoir rappelé qu'il avait intégré la société Dupuy Stores 26-07 domiciliée à [Localité 1] (07), soit dans la zone de chalandise visée par la clause de non-concurrence, a mis en demeure [D] [V] de cesser toute action de concurrence déloyale.
6. Le 29 mai 2012, la société Papa Holding a concédé à la société SV2A la licence de la marque Chabanel pour une durée indéterminée. Le 16 septembre 2014, la société Papa Holding a cédé à la société Chabanel la marque, et le même jour, la société Chabanel a accordé à la société SV2A la poursuite de l'exploitation de la marque.
7. Le 26 juillet 2022, la société NG Développement, contrôlant la société Chabanel, a adressé à la société SV2A une lettre d'intention pour une collaboration commune concernant une franchise Chabanel sur la zone industrielle de [Localité 12]. Cependant, par courrier du 12 janvier 2023, la société SV2A a notifié à la société Chabanel la résiliation du contrat de licence de marque, avec effet au 31 mars 2023. La société Chabanel a accepté le principe de cette résiliation, sous réserve du préavis contractuellement prévu et le paiement des redevances impayées au titre de l'année 2022. Ce paiement est intervenu le 27 janvier 2023.
8. Le 20 février 2023, un procès-verbal a été dressé par maître [W], commissaire de justice, constatant que la société SV2A a informé le public sur une évolution de «Chabanel [Localité 8] » devenant «Dupuy Stores [Localité 8]».
9. Le 1er avril 2023, la société SV2A a signé avec la société holding Camcap un contrat de licence de marque pour exploiter son activité sous l'enseigne Dupuy Stores [Localité 8].
10. Invoquant une opération de concurrence déloyale conduite par les sociétés Dupuy Stores et Dupuy Stores 26-07, avec la participation de messieurs [V] et [K], les sociétés NG Développement et Chabanel, par requête du 31 août 2023 fondée sur les articles 145 et 493 du code de procédure civile, ont sollicité du président du tribunal judiciaire de Valence la désignation d'un commissaire de justice, afin de se rendre dans les locaux de la société Dupuy Stores 26-07 situés à [Localité 1], de la société SV2A situés à [Localité 8], de la société Dupuy Stores situés à Saint-Etienne et/ou de leur expert-comptable et de leur commissaire aux comptes désignés par elles et/ou dans tout autre lieu désigné par elles où seraient conservés lesdits documents, afin d'obtenir la copie de l'extrait du registre du personnel de la société Dupuy Stores 26-07 mentionnant l'embauche de [D] [V] et de [O] [K], la copie des disques durs informatiques situés dans les locaux de la société Dupuy Stores 26-07 et de la société SV2A afin d'analyser les fichiers clients de la société Chabanel, la copie des contrats conclus entre la société Dupuy Stores 26-07 et les personnes ou entités extraites du fichier des devis clients établis par [O] [K] en 2021/2022 (soit une liste de 185 noms), la copie des dossiers des clients susvisés détenus éventuellement par la société Dupuy Stores 26-07, en version informatique et/ou papier, la copie des extraits du grand livre clients de la société Dupuy Stores 26-07 et de ses filiales concernant les sociétés clientes susvisées. Une ordonnance du 6 septembre 2023 a fait droit à cette requête.
11. Le 19 octobre 2023, la Sarl Dupuy Stores 26-07 a fait citer la Sas Chabanel et la Sarl NG Développement devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Valence, aux fins de voir prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023.
12. Par ordonnance du 22 novembre 2023, rendue dans le cadre de l'instance n°RG 23/723, le juge des référés :
- s'est déclaré compétent pour connaître de la présente affaire et par conséquent,
- a déclaré l'action recevable ;
- a ordonné la rétractation de son ordonnance du 6 septembre 2023 ;
- a constaté la perte de fondement juridique des mesures ordonnées par l'ordonnance précitée et donc la nullité des mesures réalisées par les commissaires de justice en application de l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023 ;
- a ordonné aux commissaires de justice mandatés pour mettre à exécution l'ordonnance susvisée, de procéder à la destruction des supports contenant les éléments dont il a été pris copies et/ou de procéder à la restitution des documents saisis concernant la société Dupuy Stores 26-07 ;
- a débouté les parties de leurs plus amples demandes ;
- a condamné solidairement les sociétés NG Développement et Chabanel à payer à la société Dupuy Stores 26-07 la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ;
- a condamné solidairement la société NG Développement et la société Chabanel aux entiers de l'instance.
13. La société NG Développement et la société Chabanel ont interjeté appel de cette décision le 30 novembre 2023, en toutes ses dispositions reprises dans leur acte d'appel.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 2 mai 2024.
Prétentions et moyens des sociétés NG Développement et Chabanel :
14. Selon leurs conclusions n°2 remises par voie électronique le 23 avril 2024, elles demandent à la cour, au visa des articles 42, 46, 145, 367 et 700 du code de procédure civile :
- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;
- statuant à nouveau, d'ordonner la jonction des instances d'appel RG N°23/04058, RG N°23/04059 et RG N°23/04060, au regard du lien existant entre les procédures en cours rendant nécessaire de les faire instruire et juger ensemble ;
- de juger que le président du tribunal judiciaire de Valence était bien compétent pour connaître de la requête présentée par les concluantes en date du 31 août 2023 ;
- de rejeter comme étant non fondée la demande de rétractation ainsi que la demande de modification présentées par la société Dupuy Stores à l'encontre de l'ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal judiciaire de Valence en date du 6 septembre 2023 ;
- de rejeter comme étant irrecevable et non fondée la demande de dommages-intérêts présentée à titre d'appel incident par la société Dupuy Stores 26-07 ;
- de condamner la société Dupuy Stores 26-07 à payer aux concluantes la somme de 5.000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société Dupuy Stores 26-07 aux dépens de l'instance.
Elles soutiennent :
15. - concernant la jonction des procédures, que les sociétés Dupuy Stores, Dupuy Stores 26-07 et SV2A ayant le même avocat, ont fait délivrer chacune des assignations en référé-rétractation presque identiques dans leur rédaction créant ainsi artificiellement trois instances au lieu d'une seule ; que le premier juge a été trompé par ce procédé en rendant trois ordonnances de référé, alors que ces sociétés entretiennent des liens d'affaires étroits ; qu'en tout état de cause, il s'agit d'un litige unique et global justifiant que les trois procédures d'appel fassent l'objet d'un seul arrêt ; que la demande de jonction ne concerne que les appels en cours, puisque la disposition de l'ordonnance ayant rejeté la demande de jonction en première instance n'est pas susceptible de recours ; que cette demande de jonction n'a pas à être soumise au président de la chambre, mais relève de l'appréciation de la cour dans le cadre de la décision à intervenir ;
16. - concernant l'infirmation de l'ordonnance déféré concernant la compétence du juge du tribunal judiciaire de Valence, que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ;
17. - en l'espèce, que le premier juge a considéré à tort que les sociétés Dupuy Stores, Dupuy Stores 26-07 et SV2A n'entretiennent aucun lien juridique ou économique entre elles, pour conclure que l'ordonnance du 6 septembre 2013 doit être rétractée pour défaut de compétence territoriale ;
18. - en effet, que la société Dupuy Stores a pour gérant [G] [S] lequel est également gérant de la société Camcap qui est associée de la société Dupuy Stores 26-07 dans laquelle elle détient 1/3 du capital social ; que la société SV2A a pour enseigne «Dupuy Stores [Localité 8]» qui correspond à une marque complexe déposée par la société Camcap dirigée par [G] [S] et concédée par la société Dupuy Stores 26-07 ; qu'une communication
publicitaire de la société Dupuy Stores dans le mensuel Regard Magazine du mois d'avril 2024 présente bien toutes les entités Dupuy Stores (en Ardèche, dans la Drôme et dans la Loire) comme faisant partie d'un seul et même groupe avec un site internet centralisé Dupuystores.fr ; que les liens entre ces sociétés sont ainsi incontestables ;
19. - que la compétence territoriale du juge saisi par voie de requête découle également, selon l'article 46 du code de procédure civile, du lieu du fait dommageable ; que les concluantes ont chacune leur siège social dans le ressort du tribunal judiciaire de Valence; que si la société Dupuy Stores 26-07 indique que la mesure a été exécutée à [Localité 1] (située dans le département de l'Ardèche) ce qui aurait dû exclure la compétence de la juridiction de Valence, elle confond la compétence du juge de la requête avec la compétence de la juridiction de l'exécution de la mesure ordonnée ;
20. - concernant le bien fondé de la mesure ordonnée sur requête, que les circonstances retenues comme justifiant la dérogation au principe de contradiction sont notamment le risque de dépérissement des preuves et la nécessité de l'effet de surprise comme condition d'efficacité de la mesure sollicitée ; que les soupçons invoqués par le requérant d'actes de concurrence déloyale de certains de ses anciens salariés et d'une société concurrente sont légitimes et justifient que des mesures d'instruction soient prises quand diverses pièces caractérisent ces soupçons légitimes ;
21. - qu'en l'espèce, [D] [V] et [O] [K] qui occupaient deux postes essentiels au sein de la société Chabanel ont été débauchés pour rejoindre la société Dupuy Stores 26-07 au sein de laquelle ils sont tous deux gérants ; que [D] [V] qui détenait 9,6% des actions de la société Chabanel qui ont été acquises par la société NG Développement, a participé de façon active à la concurrence déloyale mise en 'uvre au détriment des concluantes, le comportement déloyal de [D] [V] étant d'autant plus grave qu'il viole sciemment les dispositions relatives à l'obligation de non-concurrence visée à l'article 6 de la convention de cession d'actions du 30 septembre 2021 ; qu'il n'appartient pas au juge des référés de discuter de la validité de cette clause alors qu'elle peut ne prévoir aucune contrepartie financière ;
22. - que la société Chabanel subit une concurrence déloyale orchestrée par la société Dupuy Stores, de laquelle la société SV2A s'est rapprochée, alors qu'elle était encore liée au titre du contrat de licence de marque ;
23. - qu'une confusion est entretenue, puisque par mail du 16 octobre 2023, le directeur des ventes de la société Brustor, fournisseur de la société Chabanel, a notifié à cette dernière une révision de taux de remise à compter du 1er novembre 2023 avec copie à monsieur [X], gérant de la société SV2A devenue Dupuy Stores [Localité 8] ; que [I] [Z], directrice de l'agence web et communication Boostacom atteste de faits de détournement d'identité numérique et de trafic web, à l'encontre de la marque Chabanel, observés entre le 3 avril 2023 et le 5 janvier 2024 concernant le nom de domaine Chabanel-[Localité 8].fr opérés par la société SV2A (Dupuy Stores [Localité 8]) ;
24. - que l'ensemble de ces faits et la difficulté d'en mesurer l'étendue, d'en établir la preuve et les risques de dépréciation de la preuve constituent, avant la saisie du juge du fond, un motif légitime nécessaire et une action par voie de requête ;
25. - que si la société Dupuy-Stores 26-07 invoque l'augmentation du chiffre d'affaires de la société Chabanel entre 2020 et 2022, celle-ci a cependant subi une diminution de son résultat d'exploitation au 31 décembre 2022 par rapport à celui de l'année précédente, avec une diminution de son chiffre d'affaires ; que cette société a dû exposer plus de moyens pour maintenir son chiffre et son équilibre ;
26. - que si la société Dupuy Stores invoque le fait que certains clients portent des noms très courants, de sorte qu'il n'est pas improbable que ces noms se retrouvent dans les fichiers clients sans que cela ne puisse lui être reproché, les noms en question ne sont pas courants et ne justifient pas une modification de l'ordonnance rendue sur requête notamment avec la précision des adresses de ces clients ;
27. - que la demande présentée en première instance par la société Dupuy Stores, afin que les éléments contenus dans les constats soient conservés par le commissaire de justice jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué au fond, est irrecevable, puisque c'est en fonction de ces éléments qu'une action au fond pourra être mise en 'uvre ;
28. - que l'appel incident de l'intimée est irrecevable et mal fondé, puisque sa demande indemnitaire ne repose sur aucun préjudice détaillé et ne vise qu'à nuire aux concluantes; que comme retenu par le premier juge, une demande reconventionnelle tendant à obtenir des dommages et intérêts est irrecevable dans le cadre d'une instance en rétractation.
Prétentions et moyens de la société Dupuy Stores 26-07 :
29. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 24 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 32-1, 145, 147, 367, 368, 493, 497 et 537 du code de procédure civile, de l'article L721-3 du code de commerce, de l'article 1240 du code civil :
- in limine litis, de déclarer irrecevable et mal fondée la demande de jonction des procédures RG N°23/04058, N°23/04059, N°23/04060 formée par les sociétés Chabanel et NG Développement en cause d'appel ;
- à titre principal, de confirmer l'ordonnance du 22 novembre 2023 en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance du 6 septembre 2023; en ce qu'elle a constaté la perte de fondement juridique des mesures ordonnées par l'ordonnance du 6 septembre 2023 et donc la nullité des mesures réalisées par les commissaires de justice en application de l'ordonnance du 6 septembre 2023; en ce qu'elle a ordonné aux commissaires de justice mandatés pour mettre à exécution l'ordonnance susvisée, de procéder à la destruction des supports contenant les éléments dont il a été pris copie et/ou de procéder à la restitution des documents saisis concernant la société Dupuy Stores 26-07; en ce qu'elle a condamné les sociétés Chabanel et NG Développement à verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- d'infirmer l'ordonnance du 22 novembre 2023 en ce qu'elle a débouté la concluante de sa demande de dommages et intérêts ;
- statuant à nouveau sur ce point, de condamner in solidum les sociétés Chabanel et NG Développement à lui verser la somme provisionnelle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de son préjudice pour procédure abusive ;
- le cas échéant, de prononcer telle amende civile qu'il plaira ;
- à titre subsidiaire, de constater l'absence de motif légitime à la demande de mesure d'instruction ;
- de constater l'absence de motifs permettant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ;
- d'ordonner en conséquence la rétractation de l'ordonnance rendue le 6 septembre 2023 par le juge des requêtes du tribunal judiciaire de Valence à la demande des sociétés NG Développement et Chabanel ;
- à titre infiniment subsidiaire, de modifier l'ordonnance sur requête rendue le 6 septembre 2023 et de dire que seuls les documents portant le nom « VILLE» se rattachant à un client, une entité ou une personne peuvent être saisis; de préciser le prénom de chacun des clients listés dans l'ordonnance afin que les clients litigieux soient déterminables; de dire que tous les éléments (données,
documents, fichiers...) ainsi collectés seront conservés par l'huissier de justice désigné jusqu'à ce qu'un tribunal ait définitivement statué sur l'action au fond en vue de laquelle le présent constat est ordonné ; de dire que les éléments collectés pourront être remis à un expert ou à toute personne qui serait ultérieurement désignée par un tribunal saisi de l'action au fond en vue de laquelle le présent constat est ordonné; de dire qu'en revanche, les éléments collectés ne pourront pas être remis à la requérante qui ne pourra avoir accès qu'au procès-verbal établi par l'huissier ;
- en tout état de cause, de condamner in solidum les parties défenderesses à supporter les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître Valérie Liotard, de l'AARPI Cap Conseil Avocats ;
- de condamner in solidum les mêmes à verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée indique :
30. - qu'elle est liée à la société Camcap par un contrat de licence de marque, puisque cette dernière est propriétaire de la marque Dupuy Stores, ce qui explique que la concluante ait une dénomination similaire avec la société Dupuy Stores sises à [Localité 11], titulaire de la même franchise ; que la société Dupuy Stores a été créée en 1968 et est spécialisée dans la pose de menuiseries, serrureries, stores, volets roulants et grilles métalliques avec pour gérant [G] [S], avec l'absorption en 2019 des Etablissements Chabanoles créés en 1974 et radiées à compter de la fusion ; que 89 % des parts de la société Dupuy Stores appartiennent à la société Camcap, sise à [Localité 11] et dirigée par [G] [S] qui détient 85 % du capital ; que la concluante exerce la même activité que la société Dupuy Stores ;
31. - que la société SV2A a été créée en 2001 et a fait l'acquisition de la société Profermeture, exploitant l'enseigne Chabanel Sud [Localité 8] ; que son siège est situé à [Localité 8] ; qu'elle est spécialisée également dans la fabrication, la vente et la pose de fermetures et d'isolation, avec pour dirigeant [Y] [X] ; que cette société faisait partie du groupe Chabanel, détenant encore en 2017 10 % de son capital social, 10 % étant détenus par monsieur [M], et 80 % par la société Vicantoval détenue par les époux [X] ; qu'en raison de la licence de marque concédée par la société Chabanel en 2012, la société SV2A a utilisé son nom commercial et son enseigne ; qu'elle a résilié ce contrat suite à l'acquisition des titres de la société Chabanel par la société NG Développement et a décidé de rejoindre la marque Dupuy Stores, en concluant une licence avec la société Camcap, et en changeant de nom commercial pour celui de « Dupuy Stores [Localité 8] » ;
32. - qu'il n'existe aucun lien entre la concluante, basée en Ardèche, avec la société SV2A basée à [Localité 8], leur seul point commun étant l'exploitation de la même marque ;
33. - concernant la demande de jonction des procédures en appel, que comme retenu par le premier juge, il n'existe aucune communauté d'intérêts et aucun flux financier entre la concluante, la société Dupuy Stores et la société SV2A ; qu'en réalité, les appelantes tentent de solliciter la réformation de l'ordonnance déférée sur ce point, alors qu'aucun recours ne peut être formé, s'agissant d'une mesure d'administration judiciaire ; que la demande de jonction formée devant la cour porte sur la même cause que celle faite devant le premier juge, de sorte qu'il s'agit bien d'un recours en la cause irrecevable ; en outre, que cette demande de jonction devait être présentée au président de la chambre, s'agissant d'un incident d'instance ; que les préjudices découlant de l'exécution de l'ordonnance sur requête sont spécifiques à chacune des sociétés visées par cette mesure, lesquelles soulèvent des moyens propres à chacune ;
34. - concernant la compétence territoriale du juge de la requête, qu'elle est déterminée par le lieu d'exécution de la mesure par les articles 42, 46 et 145 du code de procédure civile ; qu'il est cependant admis qu'un juge des requêtes peut ordonner des mesures d'instruction à l'encontre d'une personne domiciliée dans le ressort d'une autre juridiction, dès lors qu'il est compétent pour connaître de l'éventuelle instance au fond ; en outre, que l'article L721-3 du code de commerce attribue aux tribunaux de commerce la connaissance des litiges entre commerçants, ce qui est le cas en l'espèce ;
35. - que seule la société SV2A dépend des juridictions de Valence en raison de son siège social, alors que la concluante dépend du tribunal de commerce de Privas et la société Dupuy Stores de celui de Saint Etienne ; qu'aucun élément ne justifiait ainsi la saisie du juge de Valence; qu'il s'agit de litiges distincts, puisqu'il est reproché d'une part à monsieur [V] d'avoir violé la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de cession de ses parts et d'avoir pris part, sur le territoire interdit, au capital de la concluante, et d'autre part, à la société SV2A d'avoir commis un acte de concurrence déloyale en ayant utilisé le nom «Chabanel [Localité 8]» ; ainsi, qu'aucun litige au fond concernant la concluante ne pourra être présenté devant la juridiction de Valence, d'autant que le contrat de cession de parts sociales conclu par monsieur [V] attribue la compétence territoriale au tribunal de commerce de Romans sur Isère ;
36. - qu'en raison de la nature du litige et de la qualité des parties, seule la juridiction commerciale est compétente, de sorte que la juridiction civile de Valence n'aura jamais à connaître d'une instance au fond ;
37. - que si les appelantes invoquent l'article 46 du code de procédure civile, permettant au demandeur de saisir, en matière délictuelle, la juridiction du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, ce texte ne concerne qu'une procédure contradictoire, en présence d'un défendeur cité nommément, alors que l'article 145 prescrit que la mesure in futurum doit être sollicitée du président du tribunal dans le ressort duquel la mesure devra être exécutée ;
38. - concernant le bien fondé de la mesure sollicitée à l'encontre de la concluante, qu'il n'existe aucun motif légitime puisque la clause de non-concurrence figurant dans l'acte de cession des parts de monsieur [V] n'est pas valide, sinon inopposable, de sorte qu'il pouvait s'établir sur le territoire visé par cette clause pour y exercer une activité par le biais de la concluante ; que monsieur [V] ayant également la qualité de salarié de la société Chabanel lors de la cession de ses parts, qui ne concernaient que 9,6 % du capital de la société Chabanel, la clause de non-concurrence doit s'apprécier au regard de sa qualité de salarié, avec notamment le paiement d'une contrepartie financière, mais qui n'a pas été stipulée ; que le seul fait qu'il ait rejoint la concluante ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, sauf à contrevenir à sa liberté de travailler;
39. - que si les appelantes invoquent une désorganisation, notamment au travers d'un litige avec le fournisseur Brustor, cela ne concerne pas la concluante, puisque c'est la société SV2A qui a été destinataire de la copie du mail adressé à la société Chabanel par ce fournisseur ;
40. - que si les appelantes ont constitué un listing des clients avec lesquels messieurs [K] et [V] avaient travaillé, avant de quitter la société Chabanel, elles ne produisent aucune attestation témoignant d'un détournement de clientèle ; que la société Chabanel ne peut même pas se prévaloir d'une baisse de chiffre d'affaires, lequel est en constante augmentation ;
41. - concernant la nécessité de déroger au principe du contradictoire, que les appelantes n'ont développé, dans leur requête, aucune circonstance concernant la concluante ;
42. - subsidiairement, s'agissant de la modification de l'ordonnance du 6 septembre 2023, que la présence du mot « Ville » a conduit le commissaire de justice à appréhender la quasi totalité des fichiers de la concluante ; que la saisie de ces fichiers peut aboutir à la divulgation de tous les clients de la concluante à ses concurrentes ; qu'il appartient ainsi à la cour de dire que seuls les documents portant le nom propre « VILLE » se rattachant à un client, une entité ou une personne peuvent être saisis, et d'ordonner par ailleurs aux appelantes de préciser le prénom de chacun des clients listés dans l'ordonnance, éventuellement leurs adresses, afin que les clients litigieux soient déterminables ;
43. - concernant l'appel incident de la concluante, que le juge des référés a retenu, à tort, que l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures ordonnées sur requête ; que cependant, une procédure de référé-rétractation n'exclut pas une demande de dommages et intérêts du fait d'une procédure sur requête abusive ; qu'en l'espèce, les appelantes tentent d'organiser un pillage de la concluante ; que lors de l'exécution de la mesure en litige, la concluante a été contrainte de cesser toute activité pour se consacrer uniquement à cette procédure.
*****
44. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la jonction des procédures :
45. Selon l'ordonnance déférée, concernant la jonction des procédures, les liens entre les sociétés Dupuy Stores basée à [Localité 11] (42), Dupuy Stores 26-07 ayant son siège social à [Localité 1] (07) et SV2A Dupuy Stores située à [Localité 8] (26), résident dans des contrats de licence de marque signés indépendamment avec la société Camcap, étant précisé que cette dernière détient un quart du capital de la société Dupuy Stores 26-07 et que son gérant est la même personne physique que le gérant de la société Dupuy Stores [Localité 11]. La société Dupuy Stores 26-07 n'ayant aucun lien direct avec la société SV2A qui aurait pu fonder la compétence du juge valentinois, en l'absence de clause attributive, aucune mesure d'instruction n'aurait du être ordonnée à son encontre.
46. La cour constate en premier lieu, concernant sa compétence pour apprécier cette demande, que la présente procédure s'inscrit dans le cadre de l'article 905 du code de procédure civile, sans mise en état préalable. Ce problème relève bien ainsi des pouvoirs de la cour.
47. En second lieu, concernant la recevabilité de la demande de jonction devant la cour, il résulte des motifs de l'ordonnance entreprise que le juge des référés a rejeté cette demande de jonction, même si le dispositif de cette ordonnance ne prévoit aucune mention à ce sujet. Devant la cour, les appelantes sollicitent non la jonction des procédures suivies en première instance, mais celles en cours devant la présente juridiction, visant les numéros de leur enrôlement devant la cour. Cette demande est ainsi recevable, ne tendant pas à l'infirmation des trois ordonnances entreprises séparément.
48. Concernant le bien fondé de cette demande, les trois sociétés en cause sont situées sur des ressorts différents. Il n'existe aucun flux financier entre elles, et le seul point commun est l'exploitation de la marque Dupuy Stores. Les demandes dont est saisie la cour sont différentes selon ces trois intimées, et les moyens présentés distincts. Il n'existe ainsi aucun intérêt de joindre ces trois dossiers afin qu'une seule décision soit rendue. La cour rejettera ainsi cette demande.
2) Sur la compétence territoriale du juge des requêtes du tribunal judiciaire de Valence :
49. Le premier juge a énoncé que le président du tribunal judiciaire de Valence pouvait être territorialement compétent pour connaître de la requête déposée devant lui le 31 août 2023 puisque l'une des trois mesures sollicitées devait être diligentée dans une société ayant son siège social à [Localité 8] (26). Cependant, il échet à la partie qui soutient que la juridiction valentinoise était compétente de démontrer l'existence de liens entre les trois sociétés défenderesses à la requête initiale. Il en a retiré que faute de ce faire, le juge de Valence n'était territorialement pas compétent pour connaître de ladite demande, la société Dupuy Stores 26-07 ayant son siège dans le département de l'Ardèche. Le juge des référés a noté qu'admettre l'inverse conférerait au juge des requêtes une compétence non prévue par la loi tendant à ordonner des actes sur l'étendue du territoire aux motifs que la demanderesse a son siège dans la Drôme et alors que l'exécution de la mesure dans un ressort pouvant être éloigné rend ainsi plus complexe l'exercice des droits de la défense pour une société potentiellement éloignée du juge des requêtes. Il a relevé que les sociétés Chabanel et NG Développement ne démontrent en rien le lien entre les trois défenderesses hormis le fait qu'elles commercialisent toutes le même produit ce qui ne saurait constituer la démonstration de l'existence de liens juridiques et a fortiori d'une entente illicite. Il a ajouté qu'il s'évince de ces éléments que si le juge des référés avait eu connaissance de l'absence de liens juridiques entre ces sociétés et alors que les pièces produites inclinaient à penser que les défenderesses agissaient de concert pour un parasitisme économique, l'incompétence aurait été constatée. Il a en conséquence ordonné la rétractation de l'ordonnance du 6 septembre 2023 pour défaut de compétence territoriale, la société Dupuy Stores 26-07 ayant son siège social à [Localité 1] (07).
50. La cour constate que les articles 42 et suivants du code de procédure civile n'opèrent pas de distinction selon que la procédure est contradictoire, ou qu'elle est engagée sur requête. Si le principe est que le juge compétent est celui du domicile du défendeur, cependant l'article 46 prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. Les articles 493 et suivants du même code relatifs à la procédure sur requête ne prévoient pas de dérogation à ces règles générales, pas plus que l'article 145 concernant les mesures d'instruction in futurum.
51. En la cause, les appelantes sont toutes deux domiciliées dans le département de la Drôme, lequel n'a qu'un seul tribunal judiciaire, à savoir celui de Valence. A supposer que les faits de concurrence déloyale soient avérés, le préjudice est subi au domicile de ses sociétés, qui peuvent ainsi saisir au fond le tribunal judiciaire de Valence. Si l'intimée oppose la qualité de commerçantes pour toutes les parties, puisqu'il s'agit soit de Sarl, soit de Sas et ainsi de sociétés commerciales par nature, de sorte que le juge des requêtes du tribunal de commerce de Romans sur Isère était compétent, la cour indique néanmoins que la compétence d'attribution du tribunal de commerce n'est pas d'ordre public, alors que le tribunal judiciaire a une compétence générale, et qu'il ne peut ainsi, d'office, se déclarer incompétent au profit de la juridiction commerciale dans le cadre d'une procédure contradictoire, en dehors des cas pour lesquels la loi ou le règlement confère une compétence exclusive à la juridiction commerciale. Il en ressort qu'à ce stade de la procédure, le juge des requêtes du tribunal judiciaire avait une compétence concurrente avec celle du juge des requêtes du tribunal de commerce.
52. Il en résulte que les appelantes étaient fondées à présenter leur requête au juge des requêtes du tribunal judiciaire de Valence, compétent pour tout le département de la Drôme.
3) Sur le bien fondé de la demande visant à ordonner une mesure d'instruction sur requête :
53. Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Il en résulte que si la mesure d'instruction est sollicitée par voie de requête, celle-ci doit énoncer les raisons pour lesquelles le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse, conformément aux articles 493 et 494, ce dernier précisant que la requête doit être motivée.
54. En l'espèce, la cour constate que la requête présentée par les appelantes est imprécise concernant les raisons les fondant à ne pas agir contradictoirement. Il n'est fait référence qu'à des décisions de la Cour de cassation ou de cours d'appel, mais concernant des motifs généraux, et les requérantes n'ont développé aucune circonstance tenant à l'affaire elle-même justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire. Il est seulement indiqué qu'il existe des actes de concurrence déloyale, une difficulté pour en mesurer l'étendue, en établir la preuve, avec des risques de dépréciation, mais sans autre considération permettant de justifier une procédure sur requête.
55. En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer, la cour ne peut que constater que les conditions prévues aux articles précités ne sont pas réunies. Il en résulte que par ces motifs substitués à ceux de l'ordonnance entreprise, cette dernière sera confirmée en ce que le juge des référés a ordonné la rétractation de l'ordonnance du 6 septembre 2023, avec les conséquences mentionnées dans l'ordonnance déférée.
4) Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :
56. Le juge des référés a retenu que l'instance en rétractation, prévue par l'article 497 du code de procédure civile, a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, et que la demande reconventionnelle tendant à obtenir l'allocation de dommages et intérêts est irrecevable puisqu'elle a été introduite dans le cadre d'une instance en rétractation.
57. La cour indique que dans le cadre d'une instance en rétractation, aucune disposition n'interdit au juge des référés d'apprécier le caractère dommageable de la procédure engagée sur requête, pourvu que les conditions du référé soient réunies, à savoir en l'occurrence l'existence d'une obligation non sérieusement contestable découlant du caractère abusif de la procédure suivie sur requête et du préjudice subi par l'intimée.
58. Cependant, en la cause, l'intimée ne justifie pas d'une obligation non sérieusement contestable, tant sur le caractère abusif de la procédure entreprise que sur le préjudice invoqué à hauteur de 50.000 euros, lequel ne repose sur aucune pièce permettant d'en apprécier l'existence et le montant. Cette demande échappe ainsi à l'appréciation du juge des référés. Il en résulte que l'ordonnance sera confirmée en ce que le premier juge a débouté les parties de leurs plus amples demandes.
*****
59. L'ordonnance déférée sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions. Succombant en leur appel, les sociétés NG Développement et Chabanel seront condamnées in solidum à payer à la société Dupuy Stores 26/07 la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 145, 493 et suivants du code de procédure civile ;
Déclare la demande de jonction présentée par les sociétés NG Développement et Chabanel recevable devant la cour, mais mal fondée ;
Rejette en conséquence la demande des sociétés NG Développement et Chabanel tendant à la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 23/04058, RG 23/4059 et RG 23/4060 ;
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
y ajoutant ;
Condamne in solidum les sociétés NG Développement et Chabanel à payer à la société Dupuy Stores 26-07 la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés NG Développement et Chabanel aux dépens exposés en cause d'appel, avec distraction au profit de maître Liotard, de l'AARPI Cap Conseil Avocats ;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente