CA Versailles, ch. com. 3-2, 10 septembre 2024, n° 23/01830
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Iso Bat (SASU)
Défendeur :
PJA (SELARL), Urssaf Centre-Val de Loire (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guerlot
Conseillers :
M. Roth, Mme Cougard
Avocats :
Me Lamirand, Me Babin, Me Chateauneuf, Me Stacoffe
EXPOSE DU LITIGE
Le 30 septembre 2021, la SASU Iso Bat s'est déclarée en cessation des paiements.
Le 7 octobre 2021, le tribunal de commerce de Chartres l'a placée en redressement judiciaire, nommé la société AJAssociés en qualité d'administrateur judiciaire et la société PJA en qualité de mandataire judiciaire.
Le 13 octobre 2021, l'URSSAF Centre ' Val de Loire (l'URSSAF) a déclaré deux créances au passif de la procédure collective.
Par une ordonnance du 7 mars 2023, le juge-commissaire a :
- constaté que la créance déclarée par l'URSSAF revêt un caractère définitif ;
- constaté que la contestation de la créance déclarée par l'URSSAF est sérieuse et dépasse l'office juridictionnel du juge-commissaire ;
- sursis à statuer dans l'attente du jugement qui sera rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres ;
- débouté l'URSSAF de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné que les dépens de la présente ordonnance soient passés en frais privilégiés de procédure.
Le 17 mars 2023, la société Iso Bat a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
La déclaration d'appel a été signifiée à la société PJA le 26 mai 2023 à personne habilitée. Les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées le 26 juin 2023 suivant les mêmes modalités. Le mandataire judiciaire n'a pas constitué avocat.
Par dernières conclusions du 6 juin 2023, la société Iso Bat demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté que la créance chirographaire déclarée par l'URSSAF revêtait un caractère définitif, constaté que la contestation de la créance déclarée par l'URSSAF est sérieuse et dépasse l'office juridictionnel du juge commissaire et sursis à statuer dans l'attente du jugement qui sera rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres ;
Statuant à nouveau,
- juger que la créance chirographaire déclarée par l'URSSAF est forclose, faute pour l'URSSAF de lui avoir notifié une contrainte dans le délai imparti par l'article L 624-1 du code de commerce ;
- déclarer par conséquent l'URSSAF irrecevable en sa demande d'admission au passif ;
A titre subsidiaire,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté que la créance déclarée par l'URSSAF revêt un caractère définitif
Statuant à nouveau,
- déclarer par conséquent l'URSSAF irrecevable en sa demande d'admission au passif ;
En tout état de cause,
- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 4 septembre 2023, l'URSSAF intimée demande à la cour de :
- déclarer la société Iso Bat mal fondée en son appel ;
- débouter la société Iso Bat de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- juger qu'elle a émis une contrainte dans le délai de vérification des créances de telle sorte qu'aucune forclusion n'est encourue ;
- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- fixer au passif de la société Iso Bat sa créance à la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles dus par la société Iso Bat dans le cadre de la présente instance ;
- condamner la société Iso Bat aux entiers dépens qui seront liquidés en frais privilégiés de procédure collective.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 mars 2024.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, les créances des URSSAF qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré ; sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1.
Selon l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, tous les effets d'un jugement.
De là suit que la contrainte délivrée par le directeur d'une URSSAF est un titre exécutoire permettant, sous réserve d'une instance devant le tribunal compétent pour connaître d'une éventuelle opposition à ce titre, l'admission définitive de sa créance (Com, 9 avril 2013, n°12-14.967 ; 17 septembre 2002, n°99-16.840, publié ; 3 déc. 2003, n° 01-10.012).
Selon l'article L. 624-2 du code de commerce, si la demande d'admission est recevable, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
En l'espèce, le 13 octobre 2021, l'URSSAF a déclaré au passif de la procédure collective une créance d'un montant de 128 897 euros à titre chirographaire et une créance de 18 190, 25 euros à titre privilégié ; pour leur recouvrement, son directeur a émis le 19 mai 2022 une contrainte n°0062640368 d'un montant de 83 758 euros et le 19 janvier 2023 une contrainte n°62789525 d'un montant de 64 458,68 euros.
L'URSSAF soutient que sa créance doit être définitivement admise au passif dans son principe.
Mais l'appelante produit une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 31 janvier 2023 valant opposition aux deux contraintes en cause, ainsi que la preuve que ce courrier a été remis à son destinataire, à savoir le greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Chartres, le 2 février suivant.
L'URSSAF ne conteste pas que ce tribunal reste saisi d'une opposition à ces deux titres exécutoires, ce qui implique, d'une part, pour le juge-commissaire, et la cour statuant à sa suite avec les pouvoirs de ce juge, de surseoir à statuer, d'autre part, que ses créances ne peuvent pas être considérées comme définitives.
Pour autant, le juge-commissaire a, de manière incohérente, dans le dispositif de son ordonnance, d'une part constaté que la créance de l'URSSAF était définitive, sans d'ailleurs en fixer le montant, d'autre part prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire à intervenir.
Cette ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a dit définitive la créance de l'URSSAF, confirmée en ce qu'elle a sursis à statuer et en ses autres dispositions.
L'équité commande de mettre les dépens à la charge de la société débitrice et de rejeter les demandes d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS,
la cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a constaté que la créance déclarée par l'URSSAF avait un caractère définitif ;
Condamne la société Iso Bat aux dépens d'appel, qui seront liquidés en frais privilégiés de procédure ;
Rejette les demandes formulées au titre des frais non compris dans les dépens.