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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 5 septembre 2024, n° 23/03999

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gai Gp (Sté)

Défendeur :

AJ UP (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Mihajlovic, Me Thouvenot, Me Grimaud, Me Berard

TJ Vienne, du 6 sept. 2023, n° 21/00763

6 septembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

La SAS HO 36, présidée par la société SIDEL a pour activité l'exploitation d'hôtels gérés sous l'enseigne H0 36. Au cours de l'année 2016, la société HO 36, qui recherchait un partenaire financier en vue de développer de nouveaux projets, s'est rapprochée du groupe GAI.

Le partenariat des parties s'est concrétisé en deux opérations distinctes :

- un investissement de la société GAI SCOP le 19 avril 2017 au sein de la société HO 36 par le biais d'une prise de participation et d'une souscription à un emprunt obligataire, visant au développement « global » du groupe,

- la constitution de la société SEIMLP, le 13 octobre 2017 ayant pour objet de porter l'investissement immobilier réalisé pour l'ouverture d'un hôtel de [4].

Le 6 juin 2017, les sociétés GAI SCOP et SIDEL se sont réunies afin de décider de l'acquisition par la société HO 36 à la barre du tribunal d'un hôtel situé dans la station de [4], propriété de l'ASPTT Paris Ile de France, placée en liquidation judiciaire.

Compte tenu de la nécessité de procéder au paiement du prix d'acquisition de ce bien immobilier dans des délais très courts, la société GAI SCOP a libéré les obligations convertibles de la tranche 2 et viré sur le compte de la société HO 36 la somme de 900.000 euros dans l'attente de la constitution de la société SEIMLP destinée à porter le projet de rachat dudit bien immobilier.

Par jugement du 29 juin 2017, le tribunal de grande instance de Paris a arrêté le plan de cession de l'hôtel de La Plagne au profit de la société HO 36 et en a fixé le prix à la somme de 1.450.001 euros, avec faculté de substitution au profit de la société à constituer.

Les parties ont constitué la société SEIMLP le 13 octobre 2017 aux fins de se substituer à la société HO 36 dans le cadre du processus de rachat de l'hôtel.

La société GAI SCOP a cédé à la société GAI BP sa créance relative au paiement du prix d'acquisition de l'hôtel entre les mains de la société HO 36 dans l'attente de la constitution de la société SEIMLP.

Le capital de la société SEIMLP est détenu à 40% par la société H036 et à 60% par la société GAI BP à laquelle la société GAI SCOP avait cédé sa créance relative au paiement du prix d'acquisition de l'hôtel entre les mains de la société HO 36 dans l'attente de la constitution de la société SEIMLP.

La société GAI GP déclare venir aux droits de la société GAI BP.

Par acte du 13 octobre 2017, les sociétés HO 36 et GAI BP ont régularisé, en présence de la société GAI SCOP et de la société SEIMLP, un pacte d'associés définissant les conditions et modalités de participation des dites sociétés dans la société SEIM LP devenue propriétaire de l'ensemble immobilier et redevable envers la société GAI BP de la dette contractée pour son acquisition.

Le 26 septembre 2018, les associés de la société SEIMLP ont cédé les murs de l'hôtel à la société FINAMUR pour un prix net vendeur de 852.988,52 euros afin de refinancer les comptes courants d'associés. La société SEIMLP a conclu avec la société FINAMUR un contrat de crédit-bail immobilier. Un contrat de bail commercial a également été régularisé entre la société SEIMLP et la société Les Mélezes filiale à 100% de la société HO36 et assurant l'exploitation de l'hôtel.

Un différend est né entre les associés de la société SEIMLP et selon ordonnance rendue le 7 mai 2020, le président du tribunal de commerce de Lyon, à désigné M. [N] en qualité de mandataire ad hoc des sociétés SEIMLP et HO 36. La mission du mandataire ad hoc a pris fin le 6 décembre 2020 à défaut d'accord entre les associés.

Suivant ordonnance en date du 31 août 2020, le président du tribunal de commerce de Lyon a désigné la Selarl AJ UP représentée par Maître [I] en qualité d'administrateur provisoire de la société SEIMLP.

Par ordonnance du 21 juillet 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a désigné Me [B], huissier de justice, en qualité de séquestre, afin de conserver temporairement les parts que la société GAI GP détient dans la société SEIMLP.

Par ordonnance rendue le 26 juillet 2021, il a été mis fin à la mission de la Selarl AJ UP conformément à la requête de cette dernière eu égard à la persistance du conflit entre les associés.

Suivant ordonnance rendue le 2 août 2021, le tribunal de commerce statuant en référés, a constaté qu'il avait été mis fin à la mission de Maître [I] et a désigné Maître [U], en lieu et place en qualité d'administrateur provisoire de la société SEIMLP.

Par acte d'huissier délivré le 2 août 2021, les sociétés SEIMLP et GAI GP ont fait délivrer assignation à la Selarl AJ UP prise en la personne de son représentant légal M.[I], à M. [O], commissaire aux comptes et à M. [G], expert-comptable devant le tribunal judiciaire de Vienne aux 'ns d'obtenir, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil:

- la condamnation de la Selarl AJ UP à verser à la société SEIMLP la somme de 190.600 euros en réparation de son préjudice financier,

- la condamnation in solidum des trois défendeurs à verser à la société GAI GP la somme de 198.481, 89 euros au titre des intérêts de compte courant à parfaire au jour du jugement et 25.620 euros au titre des frais exposés dans le cadre de sa défense,

- la condamnation de la Selarl AJ UP à verser à la société GAI GP la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral, outre la condamnation in solidum des trois défendeurs à verser tant à la société SEIMLP qu'à la société GAI GP la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 6 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Vienne a :

- rejeté l'exception de procédure tirée de la nullité de l'acte introductif d'instance délivré le 2 août 2021 soulevée par la Selarl AJ UP,

- déclaré la société GAI GP irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la Selarl AJ UP et de M. [O],

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

- réservé les dépens de l'incident.

Par déclaration du 23 novembre 2023, la société GAI GP a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle l'a déclaré irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la Selarl AJ UP et de M. [O], en intimant la Selarl AJ UP et M. [O].

Prétentions et moyens de la société GAI GP:

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 30 avril 2024, la société GAI GP demande à la cour au visa des articles 117, 119 et 122 du code de procédure civile de :

- dire et juger recevable son appel formé contre l'ordonnance,

- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Vienne le 6 septembre 2023 en ce qu'elle a dit pour droit qu'elle était dépourvue de la qualité d'agir,

Statuant à nouveau,

- dire et juger recevables ses demandes,

- condamner in solidum les défendeurs à payer une indemnité procédurale de 6.000 euros ainsi que les entiers entiers dépens.

Elle soutient avoir qualité à agir pour la défense de son patrimoine, conformément aux stipulations du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en vertu duquel « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international »,

- elle ne peut être privée d'agir aux fins de respect de ses biens, le séquestre n'ayant pas mission pour ce faire et ne pouvant y faire obstacle, comme l'affirme à tort l'ordonnance querellée,

- à la date de l'introduction de l'action en justice, le constat d'une situation de séquestre soulevé en défense n'était pas établi.

Prétentions et moyens de la Selarl AJ UP :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 29 janvier 2024, la Selarl AJ UP demande à la cour au visa des articles 122, 696, 700, 789 du code de procédure civile, de l'article L.223-14 du code de commerce et de l'article 1355 du code civil de :

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes de la société GAI GP,

Y ajoutant,

- condamner la société GAI GP à lui payer une indemnité procédurale de 5.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl LX Avocats, représentée par Me Franck Grimaud,

- débouter la société GAI GP de ses appel, moyens et demandes.

Elle soutient qu'il a été jugé le 21 juillet 2021 que les parts détenues par la société GAI BP dans la société SEIMLP ont fait l'objet d'une cession sans que la procédure d'agrément prévue à l'article L.223-14 du code de commerce, d'ordre public et à l'article 9 des statuts de la société SEIMLP, ait été mise en 'uvre, les parts de la société GAI GP, dont il a été pour ce motif dit qu'elle ne peut revendiquer la qualité d'associée, ayant en conséquence été judiciairement placées sous séquestre.

Elle fait en outre valoir que:

- au-delà de son existence alléguée, la cession entre la société GAI BP et la société GAI GP (qui appartiennent au même « groupe » et ont les mêmes animateurs) est dépourvue d'effet et ne peut affecter la titularité des parts sociales concernées, le défaut d'agrément contrevenant tant à la loi qu'aux statuts de la société SEIMLP,

- l'ordonnance dont appel, outre qu'elle relève que les parts sociales sont séquestrées, a également constaté que la société GAI GP ne produit pas de pièce démontrant qu'elle viendrait aux droits de la société GAI BP (étant ajouté qu'elle ne peut avoir plus de droits que celle-ci) et jugé qu'elle ne justifie pas d'une décision définitive quant à la titularité des parts sociales,

- l'ordonnance dont appel ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle a en conséquence dit irrecevables les demandes de la société GAI GP, qui est sans qualité ni intérêt à agir.

M. [O] n'ayant pas constitué avocat dans le délai légal, la société GAI SCOOP lui a fait signifier la déclaration d'appel selon acte de commissaire de justice du 13 décembre 2023 délivré conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile et lui a fait délivrer assignation avec signification de ses conclusions selon acte de commissaire de justice du 25 janvier 2024 délivré à personne habilitée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024, l'affaire a été appelée à l'audience du 23 mai 2024 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 5 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour observe qu'il n'est formé ni appel principal ni appel incident de la disposition de l'ordonnance rejetant l'exception de procédure tirée de la nullité de l'acte introductif d'instance délivré le 2 août 2021, ainsi que de celle disant n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties, et de celle réservant les dépens de l'incident, de sorte que ces dispositions ne sont pas dévolues à la cour.

Sur la recevabilité des demandes de la société GAI GP

En application de l'article L.223-14 du code de commerce, les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.

Lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.

Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d'expertise sont à la charge de la société. A la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.

La société peut également, avec le consentement de l'associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus. Un délai de paiement qui ne saurait excéder deux ans peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice. Les sommes dues portent intérêt au taux légal en matière commerciale.

Si, à l'expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues aux troisième et quatrième alinéas ci-dessus n'est intervenue, l'associé peut réaliser la cession initialement prévue.

Sauf en cas de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux, ou de donation au profit d'un conjoint, ascendant ou descendant, l'associé cédant ne peut se prévaloir des dispositions des troisième et cinquième alinéas ci-dessus s'il ne détient ses parts depuis au moins deux ans.

Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite.

En l'espèce, s'il n'est pas contestable comme le soutient justement la société GAI GP qu'elle a qualité à agir aux fins de préservation de ses biens, la cour relève, comme l'a exactement retenu le premier juge, que l'appelante a néanmoins introduit une action au fond devant le tribunal judiciaire de Vienne aux fins d'obtenir réparation par la Selarl AJ UP ès-qualité d'administrateur provisoire et de M. [J], ès-qualité de commissaire aux comptes, en réparation de préjudices qu'elle aurait subi en sa qualité d'associée de la société SEIMLP, à raison de manquements fautifs imputables à ces derniers.

Or, la société GAI GP ne justifie pas davantage à hauteur d'appel qu'en première instance de la transmission universelle de patrimoine de la société GAI BP, dont elle affirme venir aux droits, ainsi que du respect de la procédure d'agrément prévue par les statuts de la société SEIMLP en cas de cession des parts sociales et prescrite également par l'article L.223-14 du code de commerce précité.

C'est donc par des motifs exacts que la cour adopte et qui répondent aux moyens soulevés en cause d'appel, que le premier juge a retenu que la société GAI GP est irrecevable en ses demandes formées contre le Selarl AJ Up et M. [J] pour défaut de qualité à agir. L'ordonnance déférée est en conséquence être confirmée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

La société GAI GP doit supporter les dépens d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés. En revanche, l'équité commande de débouter chaque partie de sa demande au titre de de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme l'ordonnance déférée en ses dispositions soumises à la cour,

Ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société GAI GP aux dépens d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la Selarl LX Avocats, représentée par Me Franck Grimaud, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.