Livv
Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 6 septembre 2024, n° 23/00486

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/00486

6 septembre 2024

06/09/2024

ARRÊT N°2024/251

N° RG 23/00486 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PH64

E.B/CD

Décision déférée du 16 Janvier 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Toulouse

( 22/00942)

P. RODRIGUEZ-JAUZE

Section Encadrement

[J] [V]

C/

S.A.S. NATURE ET DEVELOPPEMENT

CONFIRMATION

Grosses délivrées

le 6/9/24

à Me CARRILLO, Me JOLLY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [J] [V]

[Localité 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Pauline CARRILLO de la SELARL LP AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

S.A.S. NATURE ET DEVELOPPEMENT

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E. BILLOT, vice présidente placée, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice présidente placée

Greffière, lors des débats : A. RAVEANE

Greffière, lors du prononcé : C.DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par C.DELVER , greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Lors de la création de la Sas Nature & Développement en 2017, M. [J] [V] exerçait les fonctions de Président. Le 1er juillet 2019, M. [V] a vendu une parties de ses parts à la société Alternative Collecte.

M. [V] a été embauché selon contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2019 par la société Nature & Développement en qualité de responsable commercial. Les bulletins de paie font état d'une ancienneté au 1er septembre 2017.

La convention collective du négoce et de l'industrie des produits du sol, engrais et produits connexes est applicable.

La société Nature & Développement emploie moins de 11 salariés.

A compter du 4 janvier 2022, M. [V] a été placé en arrêt de travail pour maladie, prolongé à plusieurs reprises.

M. [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 31 mai 2022.

Le 23 juin 2022, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de faire produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et faire constater que la société Nature & Développement a manqué à son obligation de préserver sa santé et sa sécurité.

Par jugement du 16 janvier 2023, le conseil a :

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture de M. [J] [V] s'analyse en une démission. A ce titre, a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes y afférents,

- dit et jugé que la Sas Nature & Développement n'a en rien manqué à son obligation de préserver la santé et la sécurité de M. [V]. A ce titre, a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes y afférents,

- dit et jugé qu'il n'y a pas lieu à préavis dans la mesure où M. [V] était en arrêt maladie au moment des faits. A ce titre, a débouté la société Nature & Développement de l'ensemble de ses demandes y afférents,

- condamné M. [V] aux entiers dépens de l'instance,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 10 février 2023, M. [V] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières écritures en date du 13 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [J] [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture de M. [J] [V] s'analyse en une démission,

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes y afférents,

- dit et jugé que la Sas Nature & Développement n'a en rien manqué à son obligation de préserver la santé et la sécurité de M. [V],

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes y afférents,

- condamné M. [V] aux entiers dépens de l'instance,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé qu'il n'y a pas lieu à préavis dans la mesure où M. [V] était en arrêt maladie au moment des faits,

- débouté la société Nature & Développement de l'ensemble de ses demandes y afférents.

Et, statuant à nouveau :

- juger que la prise d'acte de M. [V] s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Nature & Développement à verser à M. [V] :

- 5 067,44 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 13 378,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

- 24 323,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- juger que la société Nature & Développement a manqué à son obligation de préserver la santé et la sécurité de M. [V] ; condamner la société Nature & Développement à procéder à l'indemnisation de M. [V], à ce titre, à hauteur de six mois de salaire, soit la somme de 24 323,70 euros,

- ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir, d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir,

- condamner la société Nature & Développement à verser à M. [V] les intérêts au taux légal et prononcer l'anatocisme,

- condamner la société Nature & Développement à verser à M. [V] les intérêts au taux légal sur les sommes à caractère de salaire à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner la société Nature & Développement à verser à M. [V] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens,

- débouter la société Nature & Développement de l'intégralité de ses demandes.

Il soutient que sa prise d'acte est justifiée et invoque des manquements de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières écritures en date du 24 avril 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la Sas Nature & Développement demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

- dit et jugé qu'il n'y a pas lieu à préavis dans la mesure où M. [J] [V] était en arrêt maladie au moment des faits. A ce titre, débouté la Sas Nature & Développement de l'ensemble de ses demandes y afférents,

- débouté la société Nature & Développement du surplus de ses demandes.

- confirmer le jugement pour le surplus,

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- juger irrecevables ou injustifiées les demandes de M. [V],

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [V] à verser à la société Nature & Développement une somme de 9 924,18 euros à titre d'indemnité pour préavis non effectué.

A titre subsidiaire :

- condamner M. [V] à verser à la société Nature & Développement une somme de 5 549 euros à titre d'indemnité pour préavis non effectué.

En tout état de cause :

- condamner M. [V] aux entiers dépens,

- condamner M. [V] à verser à la société Nature & Développement une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste tout manquement à ses obligations, de sorte que la prise d'acte doit

produire les effets d'une démission, que le salarié doit être débouté de ses demandes financières mais doit en revanche être condamné au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, le préavis n'ayant pas été effectué.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes du salarié au titre de la prise d'acte et d'un manquement de l'employeur à l'obligation de préserver la santé et la sécurité

La rupture du contrat de travail est intervenue dans les termes d'une prise d'acte par le salarié selon lettre du 31 mai 2022.

Ce mode de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse s'il est établi des manquements graves de l'employeur à ses obligations ne permettant pas la poursuite du contrat de travail et d'une démission dans le cas contraire. La charge de la preuve repose sur le salarié.

À la différence du licenciement, la lettre de prise d'acte ne circonscrit pas le litige. Il convient donc en premier lieu d'apprécier les manquements articulés par le salarié puis de déterminer si ceux qui sont établis relèvent du degré de gravité justifiant la prise d'acte.

Contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, il est exact qu'il ne peut être reproché au salarié de ne pas avoir, préalablement à la prise d'acte saisi ni les instances représentatives du personnel, ni l'inspection du travail, ni la médecine du travail du conflit qui l'opposait à son employeur.

En l'espèce, M. [V] invoque différents manquements qu'il convient d'apprécier successivement.

- un rachat de ses actions à vil prix pour le rendre minoritaire : il expose à ce titre qu'au mois de juillet 2019, sous la pression de M. [W], il a accepté une vente immédiate de ses parts à un prix ridiculement bas, en l'occurrence pour un prix unitaire de 19 euros alors que la valeur nominale réelle était de 56 euros par action.

Le procès verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 1er juillet 2019 atteste effectivement du fait que M. [V] a cédé au profit de la SAS Alternative Collecte 780 actions sur les 1 000 qu'il détenait.

Cependant, au delà du fait que le manquement invoqué est ancien et est au surplus extérieur à la stricte relation contractuelle de travail, force est pour la cour de constater que M. [V] ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations.

Le manquement n'est donc pas établi.

- une modification unilatérale du périmètre de ses fonctions : il invoque à ce titre, avoir subi à compter du mois de juillet 2021 :

- la nomination d'un supérieur hiérarchique alors qu'il était jusqu'alors directement rattaché à la direction générale de la société ;

- une modification de ses fonctions, en l'occurrence la suppression de certaines tâches : l'élaboration de la politique commerciale et la facturation.

Il produit une attestation de l'ancienne comptable de la société (Mme [I]) laquelle déclare dans une première attestation dactylographiée et ne répondant pas à toutes les exigences de forme de l'article 202 du code de procédure civile mais à laquelle est joint un document d'identité de sorte qu'elle présente des garanties suffisantes pour que la

cour puisse en apprécier son contenu, que 'M. [R], responsable des achats de céréales à l'Alternative Collecte a eu la mission d'écarter M. [V] sur ses fonctions (référencement et achat des produits phytosanitaires, semences et engrais)'. Dans une seconde attestation manuscrite, Mme [I] confirme son premier témoignage. L'employeur observe à juste titre que la signature figurant sur la première attestation est différente de celle figurant sur la seconde attestation ainsi que sur la carte nationale d'identité.

Nonobstant le fait que l'attestation de Mme [I] peut être appréciée au fond, il subsiste qu'aucune précision n'est donnée sur les circonstances dans lesquelles cette personne a constaté que M. [R] avait eu pour mission de l'écarter de ses fonctions. Aucun fait précis ni exemple concret n'est en effet donné.

L'attestation de M. [O], ancien collègue de travail qui décrit les missions de M. [R], n'est pas non plus contributive alors que la société justifie par les attestations de M. [R] lui-même et de M. [W], ancien directeur général de la société Nature & Développement, dont l'attestation n'a pas à être écartée des débats au motif que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, la preuve étant libre en matière prud'homale, que les périmètres d'action de M. [R] et de M. [V] étaient différents, le premier étant en charge de la partie collecte à savoir la récupération et vente des céréales des agriculteurs, tandis que M. [V] était en charge de la partie approvisionnement, à savoir la vente de produits phytosanitaires.

S'agissant du mail du 1er septembre 2021 ayant pour objet 'réunion du mardi 31 août 8h45" adressé par M. [R] à plusieurs salariés de la société dans lequel M. [R] dresse le bilan de la réunion, il ne saurait être déduit de ce seul courriel la réalité de directives de travail données à M. [V] et, par là, l'existence d'un lien de subordination.

Il ressort par ailleurs de l'attestation de M. [R], dont la cour observe d'ailleurs qu'il n'est plus lié par un lien de subordination à la société intimée, que ce dernier avait été embauché le 1er juillet 2021 sur un poste de directeur commercial sur le volet achat/vente de grains, tandis que M. [V] était en charge du référencement et de la vente des produits phytosanitaires. Il décrit ainsi un travail en collaboration, sans lien de subordination.

Aucun élément objectif ne permet ainsi de conclure que l'embauche de M. [R] a eu pour conséquence de priver M. [V] de sa mission de participation aux référencements prix marché et politique commerciale, telle que listée à son contrat de travail.

Au surplus, alors que M. [V] soutient qu'il s'est vu retirer ses missions de facturation, il ne démontre ces faits par aucune pièce alors que la société rétorque de son côté que la partie facturation était gérée par une secrétaire et que la cour observe en outre qu'aucune mission de facturation n'est prévue à son contrat de travail.

Le manquement n'est donc pas établi.

- des pressions pour inciter le salarié à démissionner et une mise d'office en congés payés :

Il est constant que lors d'une réunion hebdomadaire de décembre 2021, M. [V] a fait part à M. [W], représentant de la société, de sa démotivation pour exercer ses fonctions. M. [V] est parti en congés du 7 décembre 2021 au 3 janvier 2022.

M. [V] expose que ces congés lui ont été imposés par son employeur en réponse à son refus de démissionner. La société soutient quant à elle que suite à la réunion sus évoquée, il a été proposé à M. [V] d'anticiper son départ en congés, pour se reposer et réfléchir, ce que ce dernier a accepté.

L'attestation de l'épouse de M. [V] est en l'espèce dénuée de force probante au regard des liens qui l'unit à M. [V] et du fait qu'il ne s'agit que d'un témoignage indirect en ce qu'elle rapporte des faits auxquels elle n'a pas personnellement assisté.

Quant à l'attestation de Mme [I] dans laquelle elle indique avoir entendu l'échange entre M. [V] et M. [W] 'M. [W] l'a mis par force en congé, il lui a demandé de rendre sa voiture professionnelle. Il hurlait dans le bureau (je l'ai 'foutu' dehors, je l'ai 'foutu' dehors....). Il l'a poussé à la démission' , au delà des observations formulées en amont sur sa force probante, il y a lieu de constater que son contenu est imprécis sur les circonstances dans lesquelles elle affirme avoir entendu de tels propos alors que l'employeur justifie que le bureau de Mme [I] est éloigné de la pièce dans laquelle la réunion litigieuse s'est tenue, de sorte qu'à défaut d'autre élément d'explication, il apparaît difficilement concevable que Mme [I] ait effectivement pu être témoin auditif de la conversation entre M. [V] et M. [R].

Dès lors, la réalité des pressions invoquées de même que la matérialité d'une inexécution par l'employeur de ses obligations reposant sur le respect des droits du salarié en matière de congés payés ne sont pas caractérisées.

- l'absence de réponse de l'employeur à ses courriels : le 07 décembre 2021 à 20 heures, M. [V] a adressé un mail à sa hiérarchie dans lequel il sollicite cette dernière sur son devenir suite à la réunion du même jour ; le 10 décembre 2021, M. [V] a relancé sa hiérarchie, de même que le 27 décembre 2021 en sollicitant dans ce dernier mail un entretien pour le 30 ou 31 décembre 2021. Il est constant que l'employeur n'a pas donné suite aux courriels des 7, 10 et 27 décembre 2021, étant toutefois précisé que la société était fermée sur la période du 17 décembre 2021 au 03 janvier 2022. Le 3 janvier 2022 au matin, M. [V] s'est présenté sur son lieu de travail et a été reçu en entretien par la direction.

Ainsi, le fait consistant en l'absence de réponse de l'employeur aux mails du salarié est établi, sans que l'employeur ne puisse valablement se retrancher derrière le fait que les parties n'avaient jusqu'alors pas utilisé ce mode de communication.

- l'absence d'acceptation d'une rupture conventionnelle : il fait valoir à ce titre que la société a mis un terme à la possibilité d'une rupture conventionnelle et lui a fait du chantage pour qu'il cède ses dernières actions. S'il est constant que les parties ont un temps engagé des pourparlers en vue d'une rupture conventionnelle du contrat de travail, il ne saurait en revanche être reproché à l'employeur que la procédure ne soit pas arrivée à son terme. Au surplus, le choix de la société de conditionner une rupture conventionnelle à la vente par le salarié du reliquat des parts sociales dont il était toujours détenteur ne saurait, sans autre élément d'explication objective et preuve de pressions, s'analyser en un manquement de l'employeur. Les SMS produits au dossier par l'employeur concernant les échanges relatifs aux parts sociales témoignent au contraire de l'absence de toute forme de pression (à titre d'illustrations, SMS du 03 février 2022 : 'Bonjour [J] J'espère que tu vas bien ! Tu ne ma pas dit ce que tu compte faire avec tes parts. Merci et bonne journée', message auquel M. [V] a répondu 'Salut. Je ne sais pas pour l'instant' ; le 4 mars 2022, M. [V] a adressé le SMS suivant en réponse à des messages vocaux : 'Bonjour. As tu une réponse de la juriste pour ma rupture conventionnelle ' ', message auquel il lui a été répondu 'Bonjour [J] Nous attendons ton accord écrit pour la valeur et vente de tes parts. Bonne journée'.

La cour constate en outre que ce fait, à le supposer établi, relèverait des circonstances pouvant émailler l'exécution d'un contrat et d'un désaccord mais non d'un manquement de l'employeur.

- le recrutement d'un salarié pour le remplacer avec communication interne sur cette décision : le salarié expose que le recrutement de M. [K] avait vocation à le remplacer en tant que responsable commercial alors qu'il n'y avait jusqu'alors qu'un seul poste de responsable commercial.

La société intimée réplique que M. [K] a été embauché le 7 février 2022 pour remplacer non pas M. [V] mais M. [O] qui avait démissionné le 21 janvier 2022 mais admet que M. [K] a été amené à réaliser une partie des missions de M. [V] qui était absent depuis le début du mois de janvier 2022.

S'il est exact qu'il ressort d'attestations de plusieurs agriculteurs clients de la société que M. [K] a effectivement exercé une partie des missions de M. [V] durant son absence pour maladie, il subsiste que l'employeur démontre par les pièces versées aux débats que M. [K] a été recruté suite à la démission de M. [O], agent commercial responsable de secteur, pour remplacer ce dernier et non pour remplacer M. [V], indépendamment de la question de sa classification et de son niveau de revenu qui reposent sur d'autres considérations liées à ses qualifications et son expérience.

L'attestation de Mme [I], déjà analysée, aux termes de laquelle il est mentionné que 'la société a embauché M. [K] sous les mêmes conditions que M. [V]' et le mail de M. [O] du 28 novembre 2022 adressé au conseil du salarié, dans lequel il 'atteste que M. [K] a été embauché pour remplacer [J] [V] au 7 février 2022' sont, sans autre élément d'explication, insuffisants à établir la matérialité du fait invoqué.

La société Nature & Développement justifie par ailleurs qu'elle dispose actuellement de deux responsables commerciaux, M. [K] et M. [X], de sorte que le moyen développé par M. [V] consistant à soutenir que l'activité de la société ne nécessitait pas l'embauche d'un second responsable commercial est inopérant.

Au surplus, ainsi que le relève à juste titre la société intimée, M. [V] ne démontre nullement en quoi ce recrutement intervenu au mois de février 2022 a eu une incidence sur sa propre situation et plus particulièrement sur ses conditions de travail.

Au final, seul le fait tenant à l'absence de réponse aux mails du salarié est établi et imputable à l'employeur, lequel s'analyse davantage en un manque de réactivité de la part de la société, le salarié ayant été reçu en entretien dès son retour de congé et la réouverture de la société, soit le 03 janvier 2022 au matin. A cet égard, les attestations des proches de M. [V] sont dénués d'objectivité en ce qu'ils n'ont rien pu constater personnellement sur les conditions de travail au sein de la société Nature & Développement, se bornent à rapporter les dires de M. [V] et à évoquer sa souffrance. S'il est exact que M. [V] a été placé en arrêt de travail dès le 04 janvier 2022, il n'en demeure pas moins qu'aucun lien n'est établi entre cet arrêt de travail et des manquements de l'employeur à ses obligations, étant observé en outre que le médecin traitant n'a pas davantage établi de lien entre l'état de santé de M. [V] et des conditions de travail dégradées en mentionnant le 02 mai 2023 que l'état de santé de M. [V] a nécessité un arrêt de travail à compter du 2 janvier 2022 qui a été prolongé régulièrement selon les besoins du patient jusqu'au 31 mai 2022, correspondant à 150 jours d'ITT pour une pathologie ayant nécessité un suivi médical strict et un traitement médicamenteux rigoureux. La production d'une ordonnance de prescription de Lysanxia en date du 05 janvier 2021 est elle aussi peu contributive, et ce d'autant qu'elle est bien antérieure à la survenance du conflit entre M. [V] et son employeur qui a débuté au mois de décembre 2021 au vu des pièces produites de part et d'autre.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le défaut de réponse immédiate de l'employeur aux mails adressés par le salarié en décembre 2021 est, au regard des circonstances de l'espèce, à lui seul insuffisant pour caractériser un manquement suffisamment grave de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

La cour estime donc, comme le conseil de prud'hommes, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que M. [V] doit être débouté de ses demandes liées à la rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

M. [V] sera également débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité qui est articulée sur les mêmes manquements que ceux développés au titre de la prise d'acte alors que, contrairement aux allégations du salarié, il n'est pas démontré que l'employeur a oeuvré pour dégrader les conditions de travail de M. [V] et, par conséquent, a fragilisé sa santé psychologique.

Sur la demande reconventionnelle au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail entraîne la cessation immédiate de celui-ci.

Il résulte des articles L.1231-1 et L.1237-1 du code du travail que lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail mais que celle-ci n'est pas justifiée, il doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis.

Le versement de l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas subordonné à l'existence d'un préjudice. Cependant, lorsque le salarié est dans l'incapacité d'effectuer le préavis, cette indemnité compensatrice n'est pas due.

En l'espèce, au moment de la prise d'acte, M. [V] était toujours en arrêt de travail pour cause de maladie, arrêt qui avait débuté plusieurs mois auparavant. L'employeur qui sollicite le paiement du préavis ne démontre cependant pas que M. [V] était en capacité de l'exécuter alors qu'au jour de la prise d'acte son contrat de travail était toujours suspendu.

Il s'ensuit que le salarié ne saurait se voir condamner au paiement du préavis qu'il n'était pas en mesure d'exécuter, ainsi que l'a justement retenu la décision déférée qui sera confirmée.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La salariée qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L'équité commande de laisser à la charge de l'employeur ses propres frais exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [J] [V] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C.DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C. BRISSET

.