Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 6 septembre 2024, n° 19/00591
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 06 SEPTEMBRE 2024
N°2024/ 133
RG 19/00591
N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTQ6
[N] [V]
C/
SARL JALISWEBCOM
Copie exécutoire délivrée
le 06 Septembre 2024 à :
- Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 14 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00632.
APPELANT
Monsieur [N] [V], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL JALISWEBCOM, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Delphine ZAKINI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2024, délibéré prorogé au 26 Avril 2024, puis au 4 juillet 2024 puis au 06 Septembre 2024
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2024.
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
M. [N] [V] a été engagé à compter du 7 janvier 2013 par la société Jalis, en qualité d'attaché commercial avec un statut VRP exclusif.
Sa rémunération fixe mensuelle était de 1 900 euros bruts sur 12 mois et en sus, le salarié percevait une rémunération variable constituée de commissions sur toutes les affaires traitées directement par lui, arrêtée selon des modalités prévues page 5 & 6 du contrat de travail.
L'ensemble des activités commerciales de la société a été transféré au sein de la société Jaliswebcom, laquelle a repris le contrat de travail de M.[V] à partir du 1er janvier 2016.
Dans le cadre d'une unité économique et sociale des sociétés du groupe, le salarié a été élu membre suppléant de la délégation unique du personnel le 9 mai 2017.
Par lettre remise en mains propres le 19 février 2018, M.[V], reprochant divers manquements à son employeur, a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête du 27 mars 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir requalifier sa prise d'acte en licenciement nul, sollicitant diverses sommes à ce titre.
Selon jugement du 14 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté M.[V] de ses demandes, la société de ses demandes reconventionnelles et condamné le salarié aux dépens.
Le conseil de M.[V] a interjeté appel par déclaration du 11 janvier 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 16 février 2023, M.[V] demande à la cour de :
«Réformer le jugement de première instance,
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM a procédé à une modification unilatérale de la rémunération de Monsieur [V],
Dire et juger que la Société JALS WEBCOM a refusé abusivement les contrats signés par Monsieur [V],
Dire et juger que la société JALISWEBCOM a manqué à son obligation de compenser le salaire d'un salarié protégé pendant les heures de délégation
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM a manqué à son obligation de sécurité au travail,
Dire et juger en conséquence que la prise d'acte de Monsieur [N] [U] doit être requalifiée en licenciement nul,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 45 222 € pour rupture abusive du contrat de travail,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 22 611 € au titre d'indemnité de préavis et 2 261 € au titre des congés payés sur préavis,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 165 814 € d'indemnité pour violation de son statut protecteur,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 100 301,35 € au titre d'indemnité de clientèle,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 15 074 € au titre de la clause de non concurrence,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 5 013,98 € au titre de rappels de commissions,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 15 000 € de dommages et intérêts au titre du manquement de la Société JALIS WEBCOM à son obligation de sécurité au travail
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC,
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.»
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 18 janvier 2023, la société demande à la cour de :
«DECLARER RECEVABLE la Société JALISWEBCOM en sa qualité d'intimée au principal et d'appelante incidente ;
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes MARSEILLE le 14 décembre 2018 en ce qu'il a considéré que la prise d'acte de Monsieur [V] s'assimilait à une démission et débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes;
L'INFIRMER en ce qu'il a débouté la Société de sa demande reconventionelle au titre du Versement de l'indemnité compensatrice de préavis ;
En conséquence, et statuant à nouveau
A titre principal,
JUGER que les griefs invoqués par Monsieur [V] au soutien de sa prise d'acte sont injustifiés, celle-ci s'analysant en une démission ;
JUGER que la Société s'est bien acquittée de la contrepartie pécuniaire de non concurrence prévue par le contrat de travail et la convention collective ;
JUGER qu'aucun rappel de salaires sur commission n'est dû ;
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [V] de ses demandes relatives au versement :
- De l'indemnité compensatrice de préavis (et congés payés sur préavis) ;
- De l'indemnité pour violation du statut protecteur ;
- De l'indemnité pour rupture abusive du contrat ;
- De l'indemnité de clientèle ;
- De l'indemnité de licenciement ;
- Des dommages et intérêts au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de sécurité au travail.
DEBOUTER Monsieur [V] de ses demandes relatives au versement :
- D'un rappel de commission ;
- D'un reliquat d'indemnité de non concurrence.
REJETER l'ensemble des demandes indemnitaires, fins et prétentions de Monsieur [V];
A titre subsidiaire,
REDUIRE le montant du reliquat d'indemnité de non concurrence sollicitée en l'état de la déloyauté manifeste du salarié dans le respect de son obligation ;
REDUIRE les prétentions indemnitaires de Monsieur [V] à de plus justes proportions ;
A titre reconventionnel,
CONDAMNER à Monsieur [V] au versement de la somme nette de 22.611 € à la Société au titre du préavis non exécuté ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDANINER Monsieur [V] au versement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700.
CONDAMNER Monsieur [V] aux entiers dépens.»
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur les manquements invoqués
La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission.
C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur, s'il subsiste un doute, celui-ci profite à l'employeur.
A l'appui de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.
En l'espèce, M.[V] invoque :
- une modification unilatérale de sa rémunération et donc du contrat de travail ou à tout le moins de ses conditions de travail,
- un refus abusif par la société des contrats signés,
- un non respect de l'obligation de sécurité,
- un manquement à la garantie du maintien du salaire pendant les heures de délégation.
1- sur la modification de la rémunération
Le salarié fait valoir que le mode de calcul de sa rémunération variable est contractualisé.
Il expose que dès octobre 2017, son salaire a été impacté sans son consentement, par la facturation d'une formation non dispensée par la société.
Il indique qu'il était autorisé à pratiquer des remises aux clients sans l'accord de sa hiérarchie, et ce depuis son entrée dans la société, celle-ci ayant indiqué en 2014, par une simple note de service, que dès le 1er avril, une valeur de rachat était mise en place pour tout contrat signé avec une remise au client supérieure à 20 % concernant la part dépassant les 20 %, de sorte que concrètement, sa commission était impactée négativement dès les 20% de remise à un client.
Il précise que fin 2017, la société a indiqué par la voie d'une note de service qu'à partir du 1er janvier 2018, les remises n'étaient plus admises sans autorisation de la direction et que la rémunération variable serait impactée dès le premier pourcent de remise.
Il estime qu'une telle modification de la rémunération ne pouvait se faire sans son accord et ce quelle que soit la qualification donnée à la mesure.
Il indique que la révocation de l'usage ne lui est pas opposable, sa prise d'acte étant antérieure.
La société réplique qu'il n'est nullement question en l'espèce d'une quelconque modification du contrat de travail, mais bien d'une simple modification de la politique tarifaire de l'entreprise, laquelle relève du seul pouvoir de gestion de l'employeur et n'a au surplus jamais été contractualisée dans l'entreprise.
Elle précise que la note de service de 2014 concernant les modalités de calcul de la commission en cas d'octroi de remises par les commerciaux, n'est pas venue modifier des éléments du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié, rappelant que le contrat de travail n'autorisait pas l'octroi de remises et qu'au contraire, cela a bénéficié au salarié qui a vu sa rémunération augmenter.
Elle soutient qu'en fin d'année 2017, elle a reprécisé les conditions d'octroi de remises à la clientèle (et de commissionnement y afférent), relevant de son pouvoir général de gestion, et a décidé de se placer volontairement sur le terrain de l'usage, ce que savait M.[V] du fait de la convocation reçue avant sa prise d'acte.
Elle indique avoir abandonné l'exclusion des formations du contrat d'abonnement en février 2018 avec effet rétroactif, précisant que l'impact était minime.
Elle estime dès lors, que la prise d'acte était ainsi fondée sur un "supposé grief" non encore réalisé au jour de sa notification, soulignant que les critiques adressées par un salarié dans un mail cité par M.[V] sont antérieures à la décision officielle de ne pas modifier le mode de calcul de la rémunération variable des VRP.
L'article 5 du contrat de travail intitulé "Obligations professionnelles" prévoit :
« (...)Le représentant s'engage à respecter strictement les tarifs et conditions de vente qui lui auront été communiqués par la SOCIETE, étant précisé que ces conditions de vente et ces tarifs sont susceptibles d'évoluer au cours de l'exécution du présent contrat.
Le représentant ne pourra en aucun cas consentir des tarifs ou des conditions de ventes particulières sans en avoir préalablement obtenu l'accord express de la SOCIETE.
Toute opération de vente qui serait conclue à des conditions particulières sans l'accord préalable de la SOCIETE, n'ouvrira pas droit au paiement de la commission pour le représentant (...)».
L'article 7.2 du même contrat concerne la rémunération variable, et précise :
« En sus de la partie fixe calculée ci-dessus, il sera attribué au représentant une rémunération variable constituée de commissions sur toutes les affaires traitées directement par le représentant et arrêtée selon les modalités exposées ci-dessous.
Cette rémunération variable pourra être revue et fera l'objet d'annexes au contrat initial.
A - Droit à commission et règlement des commissions
Dans le cadre de son activité, le représentant percevra une rémunération mensuelle déterminée surles bases suivantes :[...]
a) En cas de réalisation de contrat conclu sur des RDV non pris par le représentant
b) S'il y a une remise sur le forfait d'installation : une déduction de 50 % du montant de cette remise sur la rémunération sera appliquée.
c) Le forfait d'installation est à récupérer par le représentant.
d) La rémunération du chiffre d'affaires est validée après encaissement total.
B - Les commissions ne sont définitivement acquises au représentant aux conditions suivantes:
Après encaissement (compte crédité) du prix total du produit ou service vendu sur les affaires
directement négociées par le représentant aux conditions générales de vente [...]».
Par avenant du 07/01/2013 les objectifs individuels de M.[V] ont été fixés et le calcul de la rémunération brute du VRP en pourcentage du montant de la "Valeur Abonnement totale (VAT)" en fonction du nombre de contrats.
Il était mentionné en fin de cet avenant : «Toutes les commissions et primes seront versées selon les modalités citées ci-dessus.
NB : Rémunération des cas particuliers soumis à validation
- Contrats haut risque HR (non accepté par organismes de financement)
- Les différentes modalités de négociations en dehors du cadre de rémunération existantes :
exemple rachat de contrat concurrence, geste commercial etc...».
Il résulte de ces dispositions contractuelles claires que la société interdisait à ses représentants de consentir des tarifs ou conditions de ventes particulières sans en avoir préalablement obtenu l'accord exprès de la société, étant précisé que toute opération de vente qui serait conclue à des conditions particulières sans cet accord préalable n'ouvrirait pas droit au paiement de la commission pour le représentant.
Dans la note de synthèse diffusée le 31 mars 2014 par la direction de la société au service commercial, il était indiqué : «Rappel : Votre marge de négociation actuelle est de 20 % maximum sur la Valeur Totale du Contrat» (...). « En cas de dépassement de la dite remise (Hors Cadre) et après acceptation du dossier en production par la direction, une VR Hors Cadre est mise en place pour la remise accordée au-delà des 20 %».
Dès lors, la pratique autorisée par cette note, totalement contraire aux dispositions contractuelles, ne permet pas à M.[V] de dire qu'elle était contractualisée, et qu'elle constituait une modification de son contrat de travail.
Elle ne pouvait être que qualifiée d'usage, du fait de sa constance pendant près de 4 ans, et ne pouvait pas être supprimée par une simple note de service, comme a tenté de le faire la société en diffusant une nouvelle note intitulée «Processus d'approbation des contrats. Mise en place à partir de janvier 2018», par laquelle la direction de la société informait ses représentants d'un nouveau processus de validation des contrats prévoyant notamment, lors de la deuxième étape, que le consultant valide notamment « l'application du calcul de la VR hors cadre à partir d'une remise > à 0% sauf dérogation ».
Consciente qu'elle ne pouvait supprimer un avantage ainsi, la société a décidé de convoquer la délégation unique du personnel à une réunion extraordinaire du 20 février 2018, informant celle-ci du projet de note de service de dénonciation d'usage, concernant «la pratique suivante constatée dans l'entreprise : Possibilité pour le personnel consultant/VRP d'appliquer des remises sur les services vendus sans accord préalable de la Direction et sans imputation de la remise sur le calcul de la rémunération variable. Cette dénonciation sera effective à compter du 1er juin 2018».
Il ressort de la pièce n°54 de la société que les convocations ont été adressées notamment à M.[V] dès le 9 février 2018, lequel en fait mention dans sa prise d'acte, son arrêt maladie n'ayant débuté que le 12 février 2018, de sorte que le salarié a bien été informé de la volonté de l'employeur de la suspension de son projet jusqu'au 1er juin 2018.
Quant à la gestion de la formation, le salarié se prévaut d'une anomalie sur une opportunité signée en octobre 2017 avec la Pharmacie de Beauvallon, la société ayant imposé une formation, avec un impact sur sa rémunération à hauteur de 6%.
La cour relève que la pièce 69 invoquée à l'appui de ses dires par M.[V] n'est pas produite et en conséquence, elle ne dispose d'aucun élément démontrant d'une part, que l'employeur a usé d'une manoeuvre afin de modifier la rémunération du salarié et d'autre part, pour en déterminer l'éventuelle ampleur.
Dès lors, le salarié protégé n'établit pas qu'à la date de la rupture, il avait subi une modification de sa rémunération ou de ses conditions de travail.
2- Sur le refus abusif des contrats signés
Le salarié fait état d'une forme de chantage opéré par la société pour lui faire accepter le changement de rémunération, en annulant les rendez-vous programmés pour lesquels, il n'a pas accepté en janvier 2018, la modification de sa commission.
La société fait valoir que seuls 4 contrats ont été concernés sur la période litigieuse et expose que c'est M.[V] qui, de sa propre initiative, a refusé de valider ses opportunités, précisant que les rendez-vous concernés ont été reprogrammés le 24 janvier pour les deux premiers contrats, le 26 février pour le troisième contrat et le 08 mars pour le dernier contrat.
Elle ajoute qu'il n'en est résulté aucun préjudice pour le salarié, la société ayant décidé très rapidement de sursoir à la nouvelle procédure d'approbation qu'elle souhaitait mettre en place, et le salarié ayant bien perçu les commissions à ce titre selon l'ancien système, au mois de mars 2018.
Il résulte des pièces produites aux débats par les parties, que la société n'est pas à l'origine d'un refus de signature des contrats litigieux et que sur la courte période concernée, ayant décidé de restaurer les anciennes conditions de validation, elle justifie avoir prévu de nouveaux rendez-vous pour valider les contrats de M.[V], comme elle l'a indiqué dans sa lettre du 2 mars 2018 adressée au salarié.
Il est constant, par ailleurs, que par la convocation à la réunion des délégués du personnel portant sur la dénonciation de l'usage, intervenue avant la prise d'acte, le salarié était informé de la suspension de la nouvelle procédure.
Compte tenu des délais de traitement inhérents à la paie des VRP, la validation de ces contrats comme le paiement des commissions ont été opérés, certes après le départ de M.[V] de l'entreprise, et en conséquence, le grief doit être considéré comme non établi et en tous cas, non suffisamment grave, pour justifier à lui seul la prise d'acte.
3- Sur l'obligation de sécurité
Le code du travail impose cette obligation à l'employeur par les articles L.4121-1 & suivants, en ces termes:
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1 Des actions de prévention des risques professionnels;
2 Des actions d'information et de formation ;
3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l'article L.4121-2 du même code.
Il doit assurer l'effectivité de ces mesures.
Le salarié invoque les éléments suivants :
- une incitation à travailler le week-end et des mails adressés le week-end,
- une critique publique des salariés,
- la révélation des salaires des salariés, pour mettre la pression sur les autres,
- l'utilisation de la technique de benchmark de manière continue pour mettre en concurrence et
accentuer la pression sur les salariés,
- l'obligation de travailler pour le compte personnel de l'employeur, lequel n'a pas hésité à utiliser les moyens de l'entreprise et ses salariés pour mener une campagne électorale afin de se faire élire à la chambre de commerce en 2016.
Il fait valoir que ces éléments, pris ensemble, l'ont conduit à une fragilité psychologique qui n'a jamais été prise en compte par l'employeur.
Il indique que cette pression et ce harcèlement présents au sein de la société ont amené la médecine du travail à s'inquiéter de ces pratiques pour la santé des salariés mais que l'employeur a continué sa politique de pression et de harcèlement continu, ne laissant d'autre choix au salarié que de se mettre en maladie, avant de prendre acte de la rupture de son contrat.
Il indique que le médecin traitant a retenu un symptôme anxio dépressif et a prescrit des tranquillisants puis un traitement psychiatrique, rappelant avoir alerté son employeur dès le 11 janvier sur cette situation.
La société soutient que les pièces visées par M.[V] ne comportent aucune demande de l'employeur concernant un travail le week-end, souligne que lorsqu'elle a alerté le salarié sur un désinvestissement de sa part, le mail n'était pas adressé à d'autres salariés et qu'il est occulté l'envoi de messages très positifs à l'équipe.
Elle estime que le benchmark tel que mis en place par la société était licite et n'a jamais été remis en cause par le salarié.
Elle indique s'être rendue disponible pour la médecine du travail laquelle s'est déplacée dans l'entreprise au mois de juillet 2017 et n'a décélé aucune situation anormale liée aux RPS.
Il résulte de l'ensemble des courriels versés aux débats par l'appelant, adressés pour la plupart aux équipes commerciales, que :
- les mails soulignant la signature de contrats et la réalisation de chiffre d'affaires envoyés le samedi constituent des messages de félicitations et d'encouragement, délivrés également aux salariés pour leurs performances accomplies en semaine, aucun des messages ne donnant l'ordre formel aux salariés de travailler le week-end
- les courriels de l'employeur effectuent une comparaison quant aux performances réalisées par
les collaborateurs de l'entreprise, sans que ceux, dont la prestation est jugée mauvaise, fassent l'objet de critiques excessives ou vexatoires, les mails échangés en décembre 2017 concernant M.[V], n'ayant pas ces caractéristiques, quoique animés par un ton vif de part et d'autre
- la volonté exprimée par l'employeur dans un message d'ordre général, de procéder à des décommissionnements de dossiers dans un contexte d'insuffisance de résultats de certains sites ne traduit pas une attitude menaçante
- que les courriels rapportant les salaires les plus hauts perçus par certains salariés, qui sont seuls
susceptibles de se plaindre d'une divulgation de leurs salaires, sont destinés à valoriser les performances et stimuler les autres membres des équipes commerciales, étant observé que le salarié n'est pas personnellement cité dans ces mails
- le courriel effectuant une analyse des résultats de la semaine avec «les Top / Flop des activités»
traduit un recours par l'employeur à la technique du "benchmark" pour comparer les résultats obtenus, les salariés ayant réalisé les meilleures performances pouvant obtenir des récompenses; cependant, dans la mesure où ce mail ne révèle aucune critique excessive ou vexatoire et formule également des conseils et encouragements à l'égard des salariés dont les résultats sont jugés insuffisants, cette technique ne peut être considére comme illicite, pas plus qu'elle ne caractérise en soi un harcèlement
- les courriels demandant aux salariés d'inviter leurs clients et prospects à une soirée électorale et à sensibiliser les clients à voter aux élections de la chambre de commerce ne s'accompagnent pas de pressions exercées sur les salariés.
Dans un courrier du 2 juin 2017, le médecin du travail indique «être très préoccupé par la prévention des risques psychosociaux au sein de votre entreprise» et déplore n'avoir eu aucune nouvelle de l'employeur suite à sa demande d'entretien en compagnie de la psychologue du travail.
Or, il résulte des échanges intervenus par courriels entre le 28 avril 2017 et le 5 mai 2017 (pièce 57) que la société a répondu en indiquant ses disponibilités, mais que manifestement la fixation d'un rendez-vous tripartite, en raison de l'emploi du temps de la psychologue et du médecin du travail, n'a pas été possible.
Lors de sa venue dans l'entreprise au mois de juillet 2017, la fiche d'entreprise a été mise à jour (pièce 58) et mentionne page 9 au titre des RPS : « dans cette entreprise, on note une charge mentale liée :
- Au contact avec la clientèle (exigences des clients, gestion des situations difficiles)
- A la capacité d'adaptation, à la réactivité,
et au titre des mesures de prévention conseillées : «Toujours privilégier le dialogue et la communication avec le personnel».
Le salarié ne démontre pas et ne prétend pas avoir personnellement saisi le médecin du
travail, et produit un unique arrêt pour maladie du 12 au 18 février 2018 pour syndrome anxio dépressif (pièce 44), une prescription médicamenteuse du même jour (pièce 45), puis un certificat d'un psychiatre du 22 mars 2018 indiquant prendre en charge M.[V] «pour un état dépressif aggravé récemment, nécessitant un traitement médicamenteux et psychiatrique».
La cour relève que dans son mail du 11 janvier 2018 (pièce 34), le salarié demandait la suspension des mesures nouvelles prises, précisant «cela commence réellement à toucher mon psychique», puis le 16 janvier 2018 (pièce 7), il se disait «fatigué psychiquement et affecté» par l'absence de validation de ses contrats, et dans celui du 6 février 2018, prenait 2 demi-journées de congés sans solde, se disant très fatigué, mais la teneur de ces courriels ne permet pas de les retenir comme des messages d'alerte.
S'agissant de sa «fragilité psychologique» invoquée par l'appelant uniquement dans ses écritures, ou du harcèlement dont il fait état pour la première fois dans son courrier de prise d'acte du 19 février 2018, il ne peut sérieusement reprocher à la société de ne pas avoir réagi aux fins d'assurer la protection de sa santé.
En conséquence, l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est pas établie.
4- Sur les heures de délégation
Le salarié fait valoir que le paiement de ses heures de délégation, selon un principe continu de la Cour de cassation, est calculé sur la base du salaire réel des 12 derniers mois, en
intégrant la rémunération variable du salarié.
Il indique n'avoir reçu qu'un courrier en décembre 2017, l'informant que son taux horaire des 12 derniers mois était de 51,49 euros et celui du mois en cours supérieur (65,10 euros), de sorte qu'aucune compensation ne lui était due.
Il invoque une absence de compensation sur les mois de juin (réunion DUP), juillet (faux bulletin de salaire) et octobre 2017.
La société précise que le grief est invoqué pour la première fois en cause d'appel et ne pouvait empêcher la poursuite du contrat de travail, le salarié n'ayant manifestement même pas
conscience de l'existence possible d'un tel grief avant l'introduction de son appel, ne le citant pas dans la lettre de prise d'acte ni en 1ère instance.
Elle relève la mauvaise foi du salarié concernant le mois de juillet 2017 et considère le grief injustifié, M.[V] tentant de renverser la charge de la preuve, en faisant sommation à la société de communiquer les heures de délégation prises.
Concernant la rémunération du mois de juillet payée le 3 août, il existe bien une différence entre le duplicata du bulletin de salaire produit par la société (pièce 5) et le bulletin de salaire produit par l'appelant (pièce 35) mais la société établit que par message du 03/08 (pièce 73), c'est le salarié qui a indiqué une erreur en sa faveur à savoir une demi-journée prise en congés sans solde le 12 juillet.
La cour relève que le temps passé aux réunions du CE et du CHSCT est décompté comme du temps de travail effectif et n'est pas déduit des heures de délégation des représentants du personnel, de sorte que l'argumentation concernant le mois de juin est inopérante.
En tout état de cause, comme le soutient à juste titre l'employeur, il appartient au salarié protégé qui prétend ne pas avoir obtenu de compensation au titre de ses heures de délégation, de donner un tableau du nombre d'heures de délégation concernées mois par mois et de faire un calcul des sommes dues, mais le salarié ne cite aucune action en juillet ou octobre susceptible d'être qualifiée d'heure de délégation, son argumentation ne se référant qu'au taux horaire.
En conséquence, il n'établit pas de manquement de la part de l'employeur sur ce point.
Après avoir examiné chacun des manquements soutenus, celui concernant le changement d'équipe abusif ayant manifestement été abandonné, la cour dit que les griefs invoqués à l'appui de la prise d'acte de rupture ne sont pas justifiés et dès lors, la prise d'acte de M.[V] doit produire les effets d'une démission, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'une indemnité pour rupture abusive du contrat de travail et d'une indemnité pour violation du statut protecteur, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts s'agissant de l'obligation de sécurité.
Sur l'indemnité de clientèle
En vertu de l'article L.7313-13 du code du travail, l'indemnité de clientèle n'est due qu'en cas de rupture à l'initiative de l'employeur, en l'absence de faute grave.
En conséquence, le salarié n'est pas fondé à solliciter une somme à ce titre.
Sur le rappel de commissions
Se prévalant d'une modification unilatérale et donc sans son accord du mode de calcul des commissions à compter de 2014, le salarié prétend au principal que son salaire a été impacté alors qu'il avait été contractualisé, et subsidiairement reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté en 2014 la procédure de dénonce d'usage.
Il estime dès lors qu'il est en droit d'obtenir des rappels de commissions à compter d'avril 2015, soit dans les limites de la prescription de trois ans.
La société réplique que le contrat de travail n'a jamais autorisé l'octroi de remises ni garanti un commissionnement dans ces cas particuliers et qu'en toute logique, le salarié devrait reverser l'intégralité des commissions liées à des contrats ayant fait l'objet d'une remise de 20% sans l'aval de sa direction.
La cour ayant dit que la note de service de 2014 ne constituait pas une modification du contrat de travail, le salarié doit être débouté de sa demande, étant précisé au surplus que les pièces produites à l'appui sont de simples captures d'écran, sans caractère probant.
Sur la demande reconventionnelle
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M.[V] produisant les effets d'une démission, celui-ci était tenu en application de l'article L.1237-1 du code du travail, à l'accomplissement d'un préavis de trois mois, dans la mesure où dans sa lettre du 2 mars 2018, l'employeur ne l'en a pas dispensé.
En conséquence, par infirmation du jugement, aucun arrêt pour maladie n'étant produit pour la période postérieure au 19 février 2018, le préavis est dû à la société pour un montant brut de 22 611 euros.
Sur les frais et dépens
L'appelant succombant au principal doit s'acquitter des dépens d'appel, être débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, payer la somme de 1 500 euros à la société.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société,
Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant,
Condamne M.[M] [V] à payer à la société Jaliswebcom les sommes suivantes:
- l'équivalent en net de 22 611 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis non exécuté,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne M.[V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 06 SEPTEMBRE 2024
N°2024/ 133
RG 19/00591
N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTQ6
[N] [V]
C/
SARL JALISWEBCOM
Copie exécutoire délivrée
le 06 Septembre 2024 à :
- Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 14 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00632.
APPELANT
Monsieur [N] [V], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL JALISWEBCOM, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Delphine ZAKINI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2024, délibéré prorogé au 26 Avril 2024, puis au 4 juillet 2024 puis au 06 Septembre 2024
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2024.
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
M. [N] [V] a été engagé à compter du 7 janvier 2013 par la société Jalis, en qualité d'attaché commercial avec un statut VRP exclusif.
Sa rémunération fixe mensuelle était de 1 900 euros bruts sur 12 mois et en sus, le salarié percevait une rémunération variable constituée de commissions sur toutes les affaires traitées directement par lui, arrêtée selon des modalités prévues page 5 & 6 du contrat de travail.
L'ensemble des activités commerciales de la société a été transféré au sein de la société Jaliswebcom, laquelle a repris le contrat de travail de M.[V] à partir du 1er janvier 2016.
Dans le cadre d'une unité économique et sociale des sociétés du groupe, le salarié a été élu membre suppléant de la délégation unique du personnel le 9 mai 2017.
Par lettre remise en mains propres le 19 février 2018, M.[V], reprochant divers manquements à son employeur, a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête du 27 mars 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir requalifier sa prise d'acte en licenciement nul, sollicitant diverses sommes à ce titre.
Selon jugement du 14 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté M.[V] de ses demandes, la société de ses demandes reconventionnelles et condamné le salarié aux dépens.
Le conseil de M.[V] a interjeté appel par déclaration du 11 janvier 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 16 février 2023, M.[V] demande à la cour de :
«Réformer le jugement de première instance,
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM a procédé à une modification unilatérale de la rémunération de Monsieur [V],
Dire et juger que la Société JALS WEBCOM a refusé abusivement les contrats signés par Monsieur [V],
Dire et juger que la société JALISWEBCOM a manqué à son obligation de compenser le salaire d'un salarié protégé pendant les heures de délégation
Dire et juger que la Société JALIS WEBCOM a manqué à son obligation de sécurité au travail,
Dire et juger en conséquence que la prise d'acte de Monsieur [N] [U] doit être requalifiée en licenciement nul,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 45 222 € pour rupture abusive du contrat de travail,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 22 611 € au titre d'indemnité de préavis et 2 261 € au titre des congés payés sur préavis,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 165 814 € d'indemnité pour violation de son statut protecteur,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 100 301,35 € au titre d'indemnité de clientèle,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 15 074 € au titre de la clause de non concurrence,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 5 013,98 € au titre de rappels de commissions,
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 15 000 € de dommages et intérêts au titre du manquement de la Société JALIS WEBCOM à son obligation de sécurité au travail
Condamner la Société JALIS WEBCOM à payer à Monsieur [V] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC,
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.»
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 18 janvier 2023, la société demande à la cour de :
«DECLARER RECEVABLE la Société JALISWEBCOM en sa qualité d'intimée au principal et d'appelante incidente ;
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes MARSEILLE le 14 décembre 2018 en ce qu'il a considéré que la prise d'acte de Monsieur [V] s'assimilait à une démission et débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes;
L'INFIRMER en ce qu'il a débouté la Société de sa demande reconventionelle au titre du Versement de l'indemnité compensatrice de préavis ;
En conséquence, et statuant à nouveau
A titre principal,
JUGER que les griefs invoqués par Monsieur [V] au soutien de sa prise d'acte sont injustifiés, celle-ci s'analysant en une démission ;
JUGER que la Société s'est bien acquittée de la contrepartie pécuniaire de non concurrence prévue par le contrat de travail et la convention collective ;
JUGER qu'aucun rappel de salaires sur commission n'est dû ;
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [V] de ses demandes relatives au versement :
- De l'indemnité compensatrice de préavis (et congés payés sur préavis) ;
- De l'indemnité pour violation du statut protecteur ;
- De l'indemnité pour rupture abusive du contrat ;
- De l'indemnité de clientèle ;
- De l'indemnité de licenciement ;
- Des dommages et intérêts au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de sécurité au travail.
DEBOUTER Monsieur [V] de ses demandes relatives au versement :
- D'un rappel de commission ;
- D'un reliquat d'indemnité de non concurrence.
REJETER l'ensemble des demandes indemnitaires, fins et prétentions de Monsieur [V];
A titre subsidiaire,
REDUIRE le montant du reliquat d'indemnité de non concurrence sollicitée en l'état de la déloyauté manifeste du salarié dans le respect de son obligation ;
REDUIRE les prétentions indemnitaires de Monsieur [V] à de plus justes proportions ;
A titre reconventionnel,
CONDAMNER à Monsieur [V] au versement de la somme nette de 22.611 € à la Société au titre du préavis non exécuté ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDANINER Monsieur [V] au versement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700.
CONDAMNER Monsieur [V] aux entiers dépens.»
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur les manquements invoqués
La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission.
C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur, s'il subsiste un doute, celui-ci profite à l'employeur.
A l'appui de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.
En l'espèce, M.[V] invoque :
- une modification unilatérale de sa rémunération et donc du contrat de travail ou à tout le moins de ses conditions de travail,
- un refus abusif par la société des contrats signés,
- un non respect de l'obligation de sécurité,
- un manquement à la garantie du maintien du salaire pendant les heures de délégation.
1- sur la modification de la rémunération
Le salarié fait valoir que le mode de calcul de sa rémunération variable est contractualisé.
Il expose que dès octobre 2017, son salaire a été impacté sans son consentement, par la facturation d'une formation non dispensée par la société.
Il indique qu'il était autorisé à pratiquer des remises aux clients sans l'accord de sa hiérarchie, et ce depuis son entrée dans la société, celle-ci ayant indiqué en 2014, par une simple note de service, que dès le 1er avril, une valeur de rachat était mise en place pour tout contrat signé avec une remise au client supérieure à 20 % concernant la part dépassant les 20 %, de sorte que concrètement, sa commission était impactée négativement dès les 20% de remise à un client.
Il précise que fin 2017, la société a indiqué par la voie d'une note de service qu'à partir du 1er janvier 2018, les remises n'étaient plus admises sans autorisation de la direction et que la rémunération variable serait impactée dès le premier pourcent de remise.
Il estime qu'une telle modification de la rémunération ne pouvait se faire sans son accord et ce quelle que soit la qualification donnée à la mesure.
Il indique que la révocation de l'usage ne lui est pas opposable, sa prise d'acte étant antérieure.
La société réplique qu'il n'est nullement question en l'espèce d'une quelconque modification du contrat de travail, mais bien d'une simple modification de la politique tarifaire de l'entreprise, laquelle relève du seul pouvoir de gestion de l'employeur et n'a au surplus jamais été contractualisée dans l'entreprise.
Elle précise que la note de service de 2014 concernant les modalités de calcul de la commission en cas d'octroi de remises par les commerciaux, n'est pas venue modifier des éléments du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié, rappelant que le contrat de travail n'autorisait pas l'octroi de remises et qu'au contraire, cela a bénéficié au salarié qui a vu sa rémunération augmenter.
Elle soutient qu'en fin d'année 2017, elle a reprécisé les conditions d'octroi de remises à la clientèle (et de commissionnement y afférent), relevant de son pouvoir général de gestion, et a décidé de se placer volontairement sur le terrain de l'usage, ce que savait M.[V] du fait de la convocation reçue avant sa prise d'acte.
Elle indique avoir abandonné l'exclusion des formations du contrat d'abonnement en février 2018 avec effet rétroactif, précisant que l'impact était minime.
Elle estime dès lors, que la prise d'acte était ainsi fondée sur un "supposé grief" non encore réalisé au jour de sa notification, soulignant que les critiques adressées par un salarié dans un mail cité par M.[V] sont antérieures à la décision officielle de ne pas modifier le mode de calcul de la rémunération variable des VRP.
L'article 5 du contrat de travail intitulé "Obligations professionnelles" prévoit :
« (...)Le représentant s'engage à respecter strictement les tarifs et conditions de vente qui lui auront été communiqués par la SOCIETE, étant précisé que ces conditions de vente et ces tarifs sont susceptibles d'évoluer au cours de l'exécution du présent contrat.
Le représentant ne pourra en aucun cas consentir des tarifs ou des conditions de ventes particulières sans en avoir préalablement obtenu l'accord express de la SOCIETE.
Toute opération de vente qui serait conclue à des conditions particulières sans l'accord préalable de la SOCIETE, n'ouvrira pas droit au paiement de la commission pour le représentant (...)».
L'article 7.2 du même contrat concerne la rémunération variable, et précise :
« En sus de la partie fixe calculée ci-dessus, il sera attribué au représentant une rémunération variable constituée de commissions sur toutes les affaires traitées directement par le représentant et arrêtée selon les modalités exposées ci-dessous.
Cette rémunération variable pourra être revue et fera l'objet d'annexes au contrat initial.
A - Droit à commission et règlement des commissions
Dans le cadre de son activité, le représentant percevra une rémunération mensuelle déterminée surles bases suivantes :[...]
a) En cas de réalisation de contrat conclu sur des RDV non pris par le représentant
b) S'il y a une remise sur le forfait d'installation : une déduction de 50 % du montant de cette remise sur la rémunération sera appliquée.
c) Le forfait d'installation est à récupérer par le représentant.
d) La rémunération du chiffre d'affaires est validée après encaissement total.
B - Les commissions ne sont définitivement acquises au représentant aux conditions suivantes:
Après encaissement (compte crédité) du prix total du produit ou service vendu sur les affaires
directement négociées par le représentant aux conditions générales de vente [...]».
Par avenant du 07/01/2013 les objectifs individuels de M.[V] ont été fixés et le calcul de la rémunération brute du VRP en pourcentage du montant de la "Valeur Abonnement totale (VAT)" en fonction du nombre de contrats.
Il était mentionné en fin de cet avenant : «Toutes les commissions et primes seront versées selon les modalités citées ci-dessus.
NB : Rémunération des cas particuliers soumis à validation
- Contrats haut risque HR (non accepté par organismes de financement)
- Les différentes modalités de négociations en dehors du cadre de rémunération existantes :
exemple rachat de contrat concurrence, geste commercial etc...».
Il résulte de ces dispositions contractuelles claires que la société interdisait à ses représentants de consentir des tarifs ou conditions de ventes particulières sans en avoir préalablement obtenu l'accord exprès de la société, étant précisé que toute opération de vente qui serait conclue à des conditions particulières sans cet accord préalable n'ouvrirait pas droit au paiement de la commission pour le représentant.
Dans la note de synthèse diffusée le 31 mars 2014 par la direction de la société au service commercial, il était indiqué : «Rappel : Votre marge de négociation actuelle est de 20 % maximum sur la Valeur Totale du Contrat» (...). « En cas de dépassement de la dite remise (Hors Cadre) et après acceptation du dossier en production par la direction, une VR Hors Cadre est mise en place pour la remise accordée au-delà des 20 %».
Dès lors, la pratique autorisée par cette note, totalement contraire aux dispositions contractuelles, ne permet pas à M.[V] de dire qu'elle était contractualisée, et qu'elle constituait une modification de son contrat de travail.
Elle ne pouvait être que qualifiée d'usage, du fait de sa constance pendant près de 4 ans, et ne pouvait pas être supprimée par une simple note de service, comme a tenté de le faire la société en diffusant une nouvelle note intitulée «Processus d'approbation des contrats. Mise en place à partir de janvier 2018», par laquelle la direction de la société informait ses représentants d'un nouveau processus de validation des contrats prévoyant notamment, lors de la deuxième étape, que le consultant valide notamment « l'application du calcul de la VR hors cadre à partir d'une remise > à 0% sauf dérogation ».
Consciente qu'elle ne pouvait supprimer un avantage ainsi, la société a décidé de convoquer la délégation unique du personnel à une réunion extraordinaire du 20 février 2018, informant celle-ci du projet de note de service de dénonciation d'usage, concernant «la pratique suivante constatée dans l'entreprise : Possibilité pour le personnel consultant/VRP d'appliquer des remises sur les services vendus sans accord préalable de la Direction et sans imputation de la remise sur le calcul de la rémunération variable. Cette dénonciation sera effective à compter du 1er juin 2018».
Il ressort de la pièce n°54 de la société que les convocations ont été adressées notamment à M.[V] dès le 9 février 2018, lequel en fait mention dans sa prise d'acte, son arrêt maladie n'ayant débuté que le 12 février 2018, de sorte que le salarié a bien été informé de la volonté de l'employeur de la suspension de son projet jusqu'au 1er juin 2018.
Quant à la gestion de la formation, le salarié se prévaut d'une anomalie sur une opportunité signée en octobre 2017 avec la Pharmacie de Beauvallon, la société ayant imposé une formation, avec un impact sur sa rémunération à hauteur de 6%.
La cour relève que la pièce 69 invoquée à l'appui de ses dires par M.[V] n'est pas produite et en conséquence, elle ne dispose d'aucun élément démontrant d'une part, que l'employeur a usé d'une manoeuvre afin de modifier la rémunération du salarié et d'autre part, pour en déterminer l'éventuelle ampleur.
Dès lors, le salarié protégé n'établit pas qu'à la date de la rupture, il avait subi une modification de sa rémunération ou de ses conditions de travail.
2- Sur le refus abusif des contrats signés
Le salarié fait état d'une forme de chantage opéré par la société pour lui faire accepter le changement de rémunération, en annulant les rendez-vous programmés pour lesquels, il n'a pas accepté en janvier 2018, la modification de sa commission.
La société fait valoir que seuls 4 contrats ont été concernés sur la période litigieuse et expose que c'est M.[V] qui, de sa propre initiative, a refusé de valider ses opportunités, précisant que les rendez-vous concernés ont été reprogrammés le 24 janvier pour les deux premiers contrats, le 26 février pour le troisième contrat et le 08 mars pour le dernier contrat.
Elle ajoute qu'il n'en est résulté aucun préjudice pour le salarié, la société ayant décidé très rapidement de sursoir à la nouvelle procédure d'approbation qu'elle souhaitait mettre en place, et le salarié ayant bien perçu les commissions à ce titre selon l'ancien système, au mois de mars 2018.
Il résulte des pièces produites aux débats par les parties, que la société n'est pas à l'origine d'un refus de signature des contrats litigieux et que sur la courte période concernée, ayant décidé de restaurer les anciennes conditions de validation, elle justifie avoir prévu de nouveaux rendez-vous pour valider les contrats de M.[V], comme elle l'a indiqué dans sa lettre du 2 mars 2018 adressée au salarié.
Il est constant, par ailleurs, que par la convocation à la réunion des délégués du personnel portant sur la dénonciation de l'usage, intervenue avant la prise d'acte, le salarié était informé de la suspension de la nouvelle procédure.
Compte tenu des délais de traitement inhérents à la paie des VRP, la validation de ces contrats comme le paiement des commissions ont été opérés, certes après le départ de M.[V] de l'entreprise, et en conséquence, le grief doit être considéré comme non établi et en tous cas, non suffisamment grave, pour justifier à lui seul la prise d'acte.
3- Sur l'obligation de sécurité
Le code du travail impose cette obligation à l'employeur par les articles L.4121-1 & suivants, en ces termes:
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1 Des actions de prévention des risques professionnels;
2 Des actions d'information et de formation ;
3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l'article L.4121-2 du même code.
Il doit assurer l'effectivité de ces mesures.
Le salarié invoque les éléments suivants :
- une incitation à travailler le week-end et des mails adressés le week-end,
- une critique publique des salariés,
- la révélation des salaires des salariés, pour mettre la pression sur les autres,
- l'utilisation de la technique de benchmark de manière continue pour mettre en concurrence et
accentuer la pression sur les salariés,
- l'obligation de travailler pour le compte personnel de l'employeur, lequel n'a pas hésité à utiliser les moyens de l'entreprise et ses salariés pour mener une campagne électorale afin de se faire élire à la chambre de commerce en 2016.
Il fait valoir que ces éléments, pris ensemble, l'ont conduit à une fragilité psychologique qui n'a jamais été prise en compte par l'employeur.
Il indique que cette pression et ce harcèlement présents au sein de la société ont amené la médecine du travail à s'inquiéter de ces pratiques pour la santé des salariés mais que l'employeur a continué sa politique de pression et de harcèlement continu, ne laissant d'autre choix au salarié que de se mettre en maladie, avant de prendre acte de la rupture de son contrat.
Il indique que le médecin traitant a retenu un symptôme anxio dépressif et a prescrit des tranquillisants puis un traitement psychiatrique, rappelant avoir alerté son employeur dès le 11 janvier sur cette situation.
La société soutient que les pièces visées par M.[V] ne comportent aucune demande de l'employeur concernant un travail le week-end, souligne que lorsqu'elle a alerté le salarié sur un désinvestissement de sa part, le mail n'était pas adressé à d'autres salariés et qu'il est occulté l'envoi de messages très positifs à l'équipe.
Elle estime que le benchmark tel que mis en place par la société était licite et n'a jamais été remis en cause par le salarié.
Elle indique s'être rendue disponible pour la médecine du travail laquelle s'est déplacée dans l'entreprise au mois de juillet 2017 et n'a décélé aucune situation anormale liée aux RPS.
Il résulte de l'ensemble des courriels versés aux débats par l'appelant, adressés pour la plupart aux équipes commerciales, que :
- les mails soulignant la signature de contrats et la réalisation de chiffre d'affaires envoyés le samedi constituent des messages de félicitations et d'encouragement, délivrés également aux salariés pour leurs performances accomplies en semaine, aucun des messages ne donnant l'ordre formel aux salariés de travailler le week-end
- les courriels de l'employeur effectuent une comparaison quant aux performances réalisées par
les collaborateurs de l'entreprise, sans que ceux, dont la prestation est jugée mauvaise, fassent l'objet de critiques excessives ou vexatoires, les mails échangés en décembre 2017 concernant M.[V], n'ayant pas ces caractéristiques, quoique animés par un ton vif de part et d'autre
- la volonté exprimée par l'employeur dans un message d'ordre général, de procéder à des décommissionnements de dossiers dans un contexte d'insuffisance de résultats de certains sites ne traduit pas une attitude menaçante
- que les courriels rapportant les salaires les plus hauts perçus par certains salariés, qui sont seuls
susceptibles de se plaindre d'une divulgation de leurs salaires, sont destinés à valoriser les performances et stimuler les autres membres des équipes commerciales, étant observé que le salarié n'est pas personnellement cité dans ces mails
- le courriel effectuant une analyse des résultats de la semaine avec «les Top / Flop des activités»
traduit un recours par l'employeur à la technique du "benchmark" pour comparer les résultats obtenus, les salariés ayant réalisé les meilleures performances pouvant obtenir des récompenses; cependant, dans la mesure où ce mail ne révèle aucune critique excessive ou vexatoire et formule également des conseils et encouragements à l'égard des salariés dont les résultats sont jugés insuffisants, cette technique ne peut être considére comme illicite, pas plus qu'elle ne caractérise en soi un harcèlement
- les courriels demandant aux salariés d'inviter leurs clients et prospects à une soirée électorale et à sensibiliser les clients à voter aux élections de la chambre de commerce ne s'accompagnent pas de pressions exercées sur les salariés.
Dans un courrier du 2 juin 2017, le médecin du travail indique «être très préoccupé par la prévention des risques psychosociaux au sein de votre entreprise» et déplore n'avoir eu aucune nouvelle de l'employeur suite à sa demande d'entretien en compagnie de la psychologue du travail.
Or, il résulte des échanges intervenus par courriels entre le 28 avril 2017 et le 5 mai 2017 (pièce 57) que la société a répondu en indiquant ses disponibilités, mais que manifestement la fixation d'un rendez-vous tripartite, en raison de l'emploi du temps de la psychologue et du médecin du travail, n'a pas été possible.
Lors de sa venue dans l'entreprise au mois de juillet 2017, la fiche d'entreprise a été mise à jour (pièce 58) et mentionne page 9 au titre des RPS : « dans cette entreprise, on note une charge mentale liée :
- Au contact avec la clientèle (exigences des clients, gestion des situations difficiles)
- A la capacité d'adaptation, à la réactivité,
et au titre des mesures de prévention conseillées : «Toujours privilégier le dialogue et la communication avec le personnel».
Le salarié ne démontre pas et ne prétend pas avoir personnellement saisi le médecin du
travail, et produit un unique arrêt pour maladie du 12 au 18 février 2018 pour syndrome anxio dépressif (pièce 44), une prescription médicamenteuse du même jour (pièce 45), puis un certificat d'un psychiatre du 22 mars 2018 indiquant prendre en charge M.[V] «pour un état dépressif aggravé récemment, nécessitant un traitement médicamenteux et psychiatrique».
La cour relève que dans son mail du 11 janvier 2018 (pièce 34), le salarié demandait la suspension des mesures nouvelles prises, précisant «cela commence réellement à toucher mon psychique», puis le 16 janvier 2018 (pièce 7), il se disait «fatigué psychiquement et affecté» par l'absence de validation de ses contrats, et dans celui du 6 février 2018, prenait 2 demi-journées de congés sans solde, se disant très fatigué, mais la teneur de ces courriels ne permet pas de les retenir comme des messages d'alerte.
S'agissant de sa «fragilité psychologique» invoquée par l'appelant uniquement dans ses écritures, ou du harcèlement dont il fait état pour la première fois dans son courrier de prise d'acte du 19 février 2018, il ne peut sérieusement reprocher à la société de ne pas avoir réagi aux fins d'assurer la protection de sa santé.
En conséquence, l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est pas établie.
4- Sur les heures de délégation
Le salarié fait valoir que le paiement de ses heures de délégation, selon un principe continu de la Cour de cassation, est calculé sur la base du salaire réel des 12 derniers mois, en
intégrant la rémunération variable du salarié.
Il indique n'avoir reçu qu'un courrier en décembre 2017, l'informant que son taux horaire des 12 derniers mois était de 51,49 euros et celui du mois en cours supérieur (65,10 euros), de sorte qu'aucune compensation ne lui était due.
Il invoque une absence de compensation sur les mois de juin (réunion DUP), juillet (faux bulletin de salaire) et octobre 2017.
La société précise que le grief est invoqué pour la première fois en cause d'appel et ne pouvait empêcher la poursuite du contrat de travail, le salarié n'ayant manifestement même pas
conscience de l'existence possible d'un tel grief avant l'introduction de son appel, ne le citant pas dans la lettre de prise d'acte ni en 1ère instance.
Elle relève la mauvaise foi du salarié concernant le mois de juillet 2017 et considère le grief injustifié, M.[V] tentant de renverser la charge de la preuve, en faisant sommation à la société de communiquer les heures de délégation prises.
Concernant la rémunération du mois de juillet payée le 3 août, il existe bien une différence entre le duplicata du bulletin de salaire produit par la société (pièce 5) et le bulletin de salaire produit par l'appelant (pièce 35) mais la société établit que par message du 03/08 (pièce 73), c'est le salarié qui a indiqué une erreur en sa faveur à savoir une demi-journée prise en congés sans solde le 12 juillet.
La cour relève que le temps passé aux réunions du CE et du CHSCT est décompté comme du temps de travail effectif et n'est pas déduit des heures de délégation des représentants du personnel, de sorte que l'argumentation concernant le mois de juin est inopérante.
En tout état de cause, comme le soutient à juste titre l'employeur, il appartient au salarié protégé qui prétend ne pas avoir obtenu de compensation au titre de ses heures de délégation, de donner un tableau du nombre d'heures de délégation concernées mois par mois et de faire un calcul des sommes dues, mais le salarié ne cite aucune action en juillet ou octobre susceptible d'être qualifiée d'heure de délégation, son argumentation ne se référant qu'au taux horaire.
En conséquence, il n'établit pas de manquement de la part de l'employeur sur ce point.
Après avoir examiné chacun des manquements soutenus, celui concernant le changement d'équipe abusif ayant manifestement été abandonné, la cour dit que les griefs invoqués à l'appui de la prise d'acte de rupture ne sont pas justifiés et dès lors, la prise d'acte de M.[V] doit produire les effets d'une démission, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'une indemnité pour rupture abusive du contrat de travail et d'une indemnité pour violation du statut protecteur, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts s'agissant de l'obligation de sécurité.
Sur l'indemnité de clientèle
En vertu de l'article L.7313-13 du code du travail, l'indemnité de clientèle n'est due qu'en cas de rupture à l'initiative de l'employeur, en l'absence de faute grave.
En conséquence, le salarié n'est pas fondé à solliciter une somme à ce titre.
Sur le rappel de commissions
Se prévalant d'une modification unilatérale et donc sans son accord du mode de calcul des commissions à compter de 2014, le salarié prétend au principal que son salaire a été impacté alors qu'il avait été contractualisé, et subsidiairement reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté en 2014 la procédure de dénonce d'usage.
Il estime dès lors qu'il est en droit d'obtenir des rappels de commissions à compter d'avril 2015, soit dans les limites de la prescription de trois ans.
La société réplique que le contrat de travail n'a jamais autorisé l'octroi de remises ni garanti un commissionnement dans ces cas particuliers et qu'en toute logique, le salarié devrait reverser l'intégralité des commissions liées à des contrats ayant fait l'objet d'une remise de 20% sans l'aval de sa direction.
La cour ayant dit que la note de service de 2014 ne constituait pas une modification du contrat de travail, le salarié doit être débouté de sa demande, étant précisé au surplus que les pièces produites à l'appui sont de simples captures d'écran, sans caractère probant.
Sur la demande reconventionnelle
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M.[V] produisant les effets d'une démission, celui-ci était tenu en application de l'article L.1237-1 du code du travail, à l'accomplissement d'un préavis de trois mois, dans la mesure où dans sa lettre du 2 mars 2018, l'employeur ne l'en a pas dispensé.
En conséquence, par infirmation du jugement, aucun arrêt pour maladie n'étant produit pour la période postérieure au 19 février 2018, le préavis est dû à la société pour un montant brut de 22 611 euros.
Sur les frais et dépens
L'appelant succombant au principal doit s'acquitter des dépens d'appel, être débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, payer la somme de 1 500 euros à la société.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société,
Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant,
Condamne M.[M] [V] à payer à la société Jaliswebcom les sommes suivantes:
- l'équivalent en net de 22 611 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis non exécuté,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne M.[V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT