CA Orléans, ch. civ., 10 septembre 2024, n° 21/03008
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Fertemis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Conseillers :
M. Sousa, Mme Grua
Avocats :
Me Laval, Me Stoven-Blanche, Me Berwick
FAITS ET PROCÉDURE
Le 3 janvier 2019, M. [F], exploitant agricole, a commandé à la société Fertemis 27 tonnes d'engrais NPK 13-5-10 pour un montant de 9 088,20 euros TTC.
La société Fertemis a sollicité et obtenu du tribunal judiciaire d'Orléans une injonction de payer condamnant M. [F] à lui payer la somme de 6 448,20 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 juin 2019 et 40 euros au titre des frais accessoires pour facture impayée.
Par déclaration enregistrée au greffe en date du 23 octobre 2020, M. [F] a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer.
Par jugement en date du 15 juillet 2021, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- déclaré l'opposition à l'injonction de payer formée par M. [F] recevable mais non fondée ;
- confirmé l'ordonnance de requête en injonction de payer n° 21-20-000517 rendue le 25 juin 2020 par le juge du tribunal judiciaire d'Orléans au profit de la société Fertemis ;
Et substituant le présent jugement à l'ordonnance ;
- condamné M. [F] à verser à la société Fertemis, au titre de la facture n°FAC1901MND00072 du 11 janvier 2019, la somme de 6 448,20 euros en
principal avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2019, date de la mise en demeure ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- débouté M. [F] de sa demande reconventionnelle ;
- débouté la société Fertemis de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamné M. [F] à payer à la société Fertemis la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [F] aux dépens de l'instance, en ce compris la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Par déclaration en date du 25 novembre 2021, M. [F] a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 août 2022, M. [F] demande à la cour de :
- dire recevable et bien fondé son appel interjeté par M. [F] à l'encontre du jugement déféré, le réformer en ce qu'il a déclaré l'opposition à l'injonction de payer formée recevable, mais non fondée en droit, confirmé l'ordonnance de requête en injonction de payer n°21-20-000517 rendue le 25 juin 2020 par le juge du tribunal judiciaire d'Orléans au profit de la société Fertemis ; condamné M. [F] [I] à verser à la société Fertemis, au titre de la facture n°FAC1901MND00072 du 11 janvier 2019, la somme de 6448,20 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2019, date la mise en demeure ; ordonné la capitalisation des intérêts ; débouté M. [F] [I] de sa demande reconventionnelle ; condamné M. [F] [I] à payer à la société Fertemis la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; dit que l'exécution provisoire est de droit ; condamné M. [F] [I] aux dépens de l'instance, en ce compris la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
Statuant à nouveau :
À titre principal,
- mettre à néant l'ordonnance sur injonction de payer en date du 25 juin 2020 ;
- débouter la société Fertemis de sa demande en paiement du solde de la facture d'un montant de 6 448,20 euros ;
- condamner la société Fertemis à lui verser une somme de 18 161,85 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'exploitation ;
- débouter la société Fertemis de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires et de son appel incident ;
- condamner la société Fertemis à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Fertemis aux entiers dépens de première instance et d'appel, et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la société Laval - Firkowski, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile ;
À titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée :
- ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer si l'engrais objet du litige était ou non vicié au jour de sa livraison ;
- dire que la provision à valoir sur les frais d'expertise sera consignée par M. [F].
En ce cas,
- réserver les dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2022, la société Fertemis demande à la cour de :
- écarter des débats les pièces adverses suivantes et qui ne lui ont pas été communiquées en temps utile à l'intimé : 28. Jugement du tribunal judiciaire d'Orléans du 15 juillet 2021 ; 29. La mise en 'uvre du programme d'actions nitrates en région Centre Val de Loire ; 30. Mail de M. [F] à M. [H] et décompte ' exécution jugement ; 31. Source AGRESTE 2020 du ministère de l'agriculture ; 32. Courrier du Crédit Mutuel du 4 novembre 2021 ;
- écarter des débats la pièce adverse n°4, cette pièce étant contraire au principe de loyauté dans l'administration de la preuve tel qu'associé à l'article 9 du code de procédure civile ;
- dire et juger non fondé l'appel interjeté par M. [F] à l'encontre du jugement ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a : déclaré l'opposition à l'injonction de payée formée par M. [F] [I] non fondée en droit ; confirmé l'ordonnance de requête en injonction de payer n° 21-20-000517 rendue le 25 juin 2020 par le juge du tribunal judiciaire d'Orléans au profit de la société Fertemis ; Y substituant le jugement du 15 juillet 2021, condamné, M. [F] [I] à verser à la société Fertemis, au titre de la facture n°FAC1901MND00072 du 11 janvier 2019, la somme de 6448,20 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2019, date de la mise en demeure ; ordonné la capitalisation des intérêts ; débouté M. [F] [I] de sa demande reconventionnelle ; condamné M. [F] [I] à payer à la société Fertemis la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; dit que l'exécution provisoire est de droit ; condamné M. [F] [I] aux dépens de première instance en ce compris la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;
Statuant à nouveau,
- débouter purement et simplement M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause,
- donner acte à la société Fertemis de ce qu'elle sollicite d'ores et déjà le débouté de tous moyens et prétentions contraires aux présentes écritures et toutes demandes additionnelles qui pourraient être développés ultérieurement par tout contestant ;
- condamner M. [I] [F] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts ;
- condamner M. [I] [F] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la demande de rejet de pièces
Moyens des parties
La société Fertemis indique qu'aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent a'n que chacune soit à même d'organiser sa défense ; que l'article 132 du code de procédure civile prévoit que la partie qui fait état d'une pièce, s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance et la communication des pièces doit être spontanée ; que devant la cour d'appel, l'article 906 du code de procédure civile impose une communication simultanée à la notification des conclusions ; que dans son avis n° 12005 en date du 25 juin 2012, la Cour de cassation a estimé que la cour d'appel devait écarter des débats toute pièce non communiquée simultanément, la communication des pièces devant être complète et entière ; que l'article 135 du code de procédure civile édicte d'ailleurs que le juge peut écarter des débats les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile ; qu'en l'espèce, les pièces n° 28 à 32 de l'appelant ne lui ont pas été communiquées le 25 février 2022 simultanément aux conclusions d'appelant ni même postérieurement à réception des écritures de l'intimé ; qu'elle a dû attendre le 9 août 2022 pour se voir transmettre l'intégralité des pièces de l'appelant toujours selon un bordereau de pièces communiqué inexact puisque portant la date du 25 février 2022 ; que la cour devra donc écarter des débats les pièces n° 28 à 32 de l'intimé ; qu'en outre, il convient d'écarter la pièce adverse n° 4, contraire au principe de loyauté dans l'administration de la preuve tel qu'associé à l'article 9 du code de procédure civile ; qu'en e'et, toute preuve qui serait le produit d'une infraction est irrecevable et il en va de même pour son utilisation ; que M. [F] a en effet procédé à la modification de la lettre de voiture en date du 7 janvier 2019, en apposant postérieurement à son établissement et pour les seuls besoins de la cause, la mention « Les big bags sont détrempés » seule la signature de M. [F] ayant été apposée lors de la livraison.
M. [F] n'a formé aucune observation sur ces demandes.
Réponse de la cour
L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
L'article 906 du code de procédure civile dispose que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.
En l'espèce, M. [F] a notifié par voie électronique ses premières conclusions d'appel à l'intimé le 25 février 2022 avec ses pièces n° 1 à 27 alors que le bordereau de communications de pièces faisait état de 32 pièces.
Le 8 août 2022, l'appelant a notifié à l'intimé de nouvelles conclusions et lui a communiqué l'ensemble de ses pièces n° 1 à 32 comprenant les pièces litigieuses suivantes :
28. Jugement du Tribunal Judiciaire d'Orléans du 15 juillet 2021
29. La mise en 'uvre du programme d'actions nitrates en région Centre Val de Loire
30. Mail de Monsieur [F] à Monsieur [H] et décompte ' exécution jugement
31. Source AGRESTE 2020 du ministère de l'agriculture
32. Courrier du Crédit Mutuel du 4 novembre 2021
Trois de ces pièces litigieuses sont relatives au jugement de première instance et à son exécution par M. [F]. L'intimé a ensuite notifié ses conclusions le 8 septembre 2022 et l'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2024.
Il résulte de ces éléments que l'appelant a communiqué à l'intimé ses pièces en temps utile, l'intimé ne démontrant pas que cette communication des pièces de l'appelant en deux temps aurait contribué à désorganiser sa défense, outre le fait que seules deux pièces servaient de fondement aux moyens de l'appelant qui étaient déjà connus de l'intimé depuis le 25 février 2022.
Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les pièces de l'appelant n° 28 à 32.
S'agissant de la pièce n° 4 de l'appelant, celle-ci a été retirée du bordereau de pièces communiquées au regard de celui précédemment notifié le 25 février 2022. Le bordereau de pièces mentionne au titre du n° 4 « pas de pièce », et le dossier remis à la cour ne comporte pas de pièce n° 4. La demande de l'intimé tendant à voir écarter la pièce n° 4 de l'appelant est donc sans objet.
Sur la demande en paiement
Moyens des parties
M. [F] soutient que le vendeur est tenu de livrer une chose, conforme au bon de commande, et exempte de vice rendant la chose impropre à une utilisation normale ; que le vendeur engage sa responsabilité contractuelle du fait d'une exécution imparfaite du contrat, n'ayant pas livré une chose conforme au bon de commande et impropre à sa destination ; que l'acheteur, qui a reçu la chose et découvre les vices dont elle est affectée, peut en demander réparation auprès du vendeur, et cela peut prendre la forme d'une réduction du prix et de l'allocation de dommages et intérêts en application de l'article 1217 du code civil ; qu'il conteste devoir la somme de 6 448,20 € à la société Fertemis, car il existe des contestations sérieuses au regard de l'exigibilité de la dette ; que la société Fertemis lui a livré 27 tonnes d'engrais de mauvaise qualité ; qu'une partie de l'engrais n'a pas pu être utilisée et l'autre partie n'a pas pu être correctement utilisée, rendant l'épandage des champs de février 2019 très inégalitaire ; qu'en 2018, il avait récolté, pour la même quantité semée, 7,4 tonnes d'orge par hectare, alors qu'à la moisson 2019, il n'en a récolté que 3,16 tonnes par hectare ; que ce résultat est une cause directe et certaine d'un problème d'épandage dû à la mauvaise qualité de l'engrais livré par la société Fertemis, ce que celle-ci a elle-même reconnu dès le 18 février 2019, lorsqu'elle a reçu les photos qu'il lui a envoyées ; que les sacs d'engrais sont arrivés détrempés le 8 janvier 2019 à son exploitation et à l'ouverture des sacs, l'engrais était aggloméré et formait un bloc ; que cela signifiait qu'il y avait eu soit une erreur de fabrication, soit un mauvais stockage de l'engrais chez le fabricant, de sorte qu'il était impossible de le mettre, en l'état, dans le semoir à épandage ; qu'il a fallu le casser et c'est la raison pour laquelle il n'a utilisé que 15 tonnes sur les 27 prévues et qu'il n'a pas pu procéder à l'épandage de l'intégralité de son champ ; que l'engrais n'a pas été fabriqué courant janvier mais la fabrication devait, au contraire, remonter à plusieurs mois et la société Fertemis ne rapporte pas la preuve du contraire et ne donne aucun justificatif quant à la date de production de l'engrais livré en janvier 2019 ; que la venderesse lui a livré un engrais daté qui ne répondait pas au bon de commande et qui ne correspondait pas aux caractéristiques habituelles de ce type de produit, puisque l'engrais doit en effet être présenté sous forme de granules non agglomérées, afin de pouvoir se répandre de façon uniforme sur la terre ; qu'il a réglé, pour partie, la facture de la société Fertemis au prorata de l'engrais effectivement utilisé et en tenant compte de la non-conformité du produit ; que la société Fertemis voyant visiblement qu'il ne céderait pas à son chantage commercial, a commencé à nier la mauvaise qualité de l'engrais versé et s'est refusée à faire procéder à toute expertise sur les big bags restant et non utilisés ; que la société Fertemis ne peut donc se prévaloir des conditions générales de vente pour échapper à sa responsabilité ; que la cour déclarera non écrites les stipulations opposées, en application de l'article 1171 du code civil ; qu'il a produit l'intégralité des éléments de faits pour démontrer qu'un vice affectait bel et bien l'engrais ainsi que la preuve écrite que la société Fertemis avait reconnu la mauvaise qualité de l'engrais livré ; que le fait qu'il ait pu utiliser une partie de l'engrais n'est pas de nature à mettre en doute ses réclamations puisque la part d'engrais utilisée l'a été difficilement et n'a pas conduit à une récolte abondante, normalement attendue ; que si l'engrais avait été conforme à la commande et exempt de vices, il aurait utilisé l'intégralité des big bags et aurait semé l'ensemble de sa parcelle dédiée à l'orge de printemps ; qu'il a indiqué à la société Fertemis, dès le 18 février 2019, qu'il tenait les sacs litigieux à sa disposition pour expertise, mais celle-ci n'a pas répondu à cette demande ; qu'un huissier de justice a ouvert quelques-uns des big bags et a constaté que l'engrais ne s'écoulait pas, qu'il était pris en masse et colmaté ; que la cour mettra à néant l'ordonnance d'injonction de payer compte tenu de l'exécution défectueuse par la société Fertemis de ses obligations qui justifient une réduction du prix de telle sorte que son paiement partiel de la facture litigieuse au profit de la société Fertemis sera déclaré libératoire.
La société Fertemis réplique que la livraison n'a fait l'objet d'aucune observation ni réserve de la part de M. [F] ainsi qu'en atteste le volet CMR de l'expéditeur et du transporteur signé par M. [F] ; que M. [F] n'a pas réglé la facture et a soutenu, le 18 février 2019, que le produit serait dur et inutilisable et a adressé à l'usine des photos de big bags mottés qu'il prétend avoir dû casser à la masse ; que toutes les photos produites sous la pièce adverse n° 8 n'étaient pas jointes au mail de M. [F] du 18 février 2019 15H17 et ne lui ont pas été adressées ; que M. [K] a pris contact téléphonique avec M. [F] lui con'rmant que le produit était parfaitement utilisable et que le mottage super'ciel ne présentait en réalité aucune di'culté ; que le 21 février 2019, M. [P], directeur des opérations de la société s'est rendu chez M. [F] et a constaté que 40 big bags sur les 45 acquis sont en stock, 5 ont donc été utilisés à cette date, que la pesée des big bags est tout à fait normale, qu'avec une simple manoeuvre de couchage et de redressage des sacs le produit reprend sa coulabilité normale pour l'épandage et qu'il met moins de 5 minutes par sac pour effectuer ces manoeuvres ; que les propositions commerciales du 18 février 2019 de M. [K] étaient parfaitement adaptées à la situation et rien ne justi'ait une expertise que M. [F] n'a d'ailleurs jamais cru devoir initier faute de réalité, le produit étant tout à fait épandable, compacté, sans poussière et très 'uide ; qu'aucune date de fabrication n'a été prévue ni convenue ; que l'engrais n'a pas pris l'humidité, sa masse n'ayant pas variée et le mottage n'était que très superficiel ; que des propositions pour pallier à ce mottage superficiel ont été faites à M. [F] qui les a refusées ; qu'il n'y a pas de différence entre la chose convenue et la chose livrée ni en termes de nature ni en termes de quantité, de sorte que M. [F] ne peut affirmer qu'elle n'aurait pas exécuté son engagement ou l'aurait imparfaitement exécuté et prétendre à l'application des dispositions de l'article 1217 du code civil ; qu'accepter une marchandise sans réserve interdit ensuite à l'acheteur de se prévaloir de défauts de conformité qui auraient été apparents lors de la livraison ; que les conditions générales de vente prévoient qu'en cas de livraison non conforme à la commande, une réclamation écrite dans les 72 heures du jour de la livraison devra être adressée et à défaut la livraison sera réputée conforme et acceptée ; qu'en l'espèce; aucune réclamation n'ayant été émise dans les 72 heures par M. [F] ; que la cour ne pourra que con'rmer le jugement en ce qu'il a considéré que M. [F] ne démontrait pas qu'elle a contrevenu aux dispositions de l'article 1603 du code civil, d'autant que l'action en garantie des vices cachés est la seule action susceptible d'être intentée par un acheteur lorsque la chose est atteinte d'un vice d'usage ; que s'agissant de l'action sur le fondement de la garantie des vices cachés, les conditions générales de vente prévoient que les risques des marchandises sont transférées à l'acheteur dès leur mise à disposition et une garantie contractuelle d'une durée de 6 mois à compter de la date de facturation des marchandises limitée aux produits reconnus défectueux, sans indemnité ou dommages intérêts ; que M. [F] est hors délai et ne peut réclamer des dommages-intérêts d'aucune sorte et devra par conséquent être débouté de ses demandes ; que le vice de la chose n'est pas démontré, car le mottage qu'évoque M. [F] ne l'a pas empêché d'utiliser l'engrais commandé ; que le mottage super'ciel peut constituer un léger désagrément lors de la mise en semoir à épandre mais n'a aucune incidence sur les qualités chimiques de l'engrais et en aucun cas cet engrais ne devient impropre à sa destination ; que la gravité du vice caché allégué n'est dont pas établie ; que l'antériorité du vice n'est pas rapportée comme l'a retenu le tribunal Judiciaire qui estime que les preuves produites par M. [F] (mails échangés, constats d'huissiers, lettre de voiture, photographies et relevés pluviométriques) ne permettent pas de retenir cette antériorité ou concomitance à la vente ; qu'en sa qualité de professionnel, M. [F] était capable d'exercer un réel contrôle de la chose vendue et en mesure d'apprécier le vice dans son ampleur et ses conséquences, de sorte que le caractère occulte du défaut ne peut donc qu'être plus sévèrement apprécié ; que M. [F] ne remplissant aucune des conditions requises pour faire jouer la garantie des vices cachés, il se verra purement et simplement débouter de l'ensemble de ses demandes ; que M. [F] n'a, d'ailleurs, jamais indiqué faire jouer l'action estimatoire ; que la réduction de prix à laquelle l'action estimatoire aboutit ne peut avoir pour e'et que de ramener le prix du bien à la valeur à laquelle il l'aurait effectivement acquis s'il n'avait pas été vicié ; qu'elle ne peut en aucun cas autoriser l'acheteur à réaliser un bénéfice illégitime au détriment du vendeur, tel que cela est revendiqué par M. [F], outre le fait que la réduction doit être arbitrée par des experts.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 du code civil précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
La garantie de délivrance est relative à la non-conformité de la chose vendue aux stipulations contractuelles alors que la garantie des vices cachées est relative aux vices affectant l'usage de la chose.
En l'espèce, il est établi que l'engrais livré le 8 janvier 2019 est conforme au bon de commande, et M. [F] ne peut étendre la notion de conformité aux stipulations contractuelles à l'état de l'engrais qu'il prétend avoir constaté qui n'affecte que l'usage de celui-ci. Aucune non-conformité de l'engrais vendu à la commande passée auprès de la société Fertemis n'étant établie, l'action de M. [F] ne peut prospérer sur le fondement de la garantie de délivrance mais doit être examinée au regard de la garantie des vices cachés.
La société Fertemis ne sollicitant, au dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, aucune fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de l'action en garantie des vices cachés, la cour ne peut qu'examiner la demande de l'appelant sur le fond.
Il incombe à l'acquéreur exerçant l'action en garantie des vices cachés de rapporter la preuve de l'existence et de la cause des vices qu'il allègue, en sollicitant au besoin une mesure d'expertise.
En l'espèce, M. [F] allègue que plusieurs sacs d'engrais livrés par la société Fertemis présentaient un produit compact qu'il fallait casser à la masse, sans toutefois porter de critiquer sur la qualité de l'engrais pour les cultures pratiquées.
Par courrier électronique du 18 février 2019, M. [F] a signalé cette difficulté à la société Fertemis. En réponse, M. [K], salarié de la société Fertemis a répondu à M. [F] :
« Suite à notre entretien téléphonique, et au regard des photos des big bag que vous avez transmises à l'usine, je vous propose les solutions suivantes :
1ère solution : reprise immédiate de la totalité de la marchandise dans vos entrepôts, retour usine, démottage, ré-ensachage et re-livraison aux frais de Fertemis, ceci réalisable dans le minimum de temps.
2ème solution : Je vous propose de prendre en charge, dans la limite du raisonnable, le coût du travail nécessaire peur rendre le produit utilisable. Le fait de coucher un sac, éventuellement de le « balancer avec un élévateur centre un autre sac » devrait permettre le délitement de blocs éventuels. Le temps passé à cogner sur les sacs (masse eu piquet ') peut également être estimé.
Je reste à votre disposition pour trouver la bonne solution. Il m'est possible de me déplacer dans la semaine pour constater avec vous l'état de dureté de l'engrais litigieux et trouver avec vous la 'bonne idée'. Dans l'attente de votre retour ».
Ce courrier électronique ne constitue qu'une réponse commerciale de la société Fertemis à la réclamation portée par M. [F], sans qu'elle n'établisse la gravité et la préexistence du vice allégué à la vente.
La société Fertemis s'est ensuite rendue sur l'exploitation de M. [F] pour vérifier l'état des sacs d'engrais livrés. Suite à cette visite et à la persistance des réclamations de M. [F], M. [P], salarié de la société Fertemis, a écrit un courrier électronique à M. [F] le 26 mars 2019 rédigé comme suit :
« À vrai dire je ne comprends pas votre demande. Je suis passé vous voir fin février 2019 en réaction à votre SOS, que vous aviez lancé concernant la prise en masse du lot de NPK qui vous avait été livré.
Nous avons ensemble ouvert 3 BB (de voire choix) dans votre distributeur d'engrais, le produit était tout à fait fluide et le peu de mottes qu'il pouvait y avoir, s'écrasaient entre les doigts.
Il est vrai que nous avons dû coucher les BB avant de les ouvrir, mais cela ne justi'e en rien un litige « Qualité ». Le produit est parfaitement épandable, beau compacté, pas de poussières et très fluide.
Vous l'aviez vous-même reconnu avoir été agréablement surpris de la fluidité du produit, alors que pour vous le produit était jugé comme étant pris on masse.
Désolé, nous avons fait ce qui devait être fait pour apporter le bon produit et le service que nous nous devons d'apporter en cas de contestation. Nous nous sommes serré la main en se quittant et pour nous tout était réglé...
Je vous demande donc simplement de nous régler la facture Fertemis qui reste due. Vous avez déjà pris un mois de retard, alors que j'étais passé avant la date d'échéance de paiement de fin février ».
Il n'est produit aucune réponse de M. [F] à ce courrier électronique de la société Fertemis.
M. [F] qui soutient que les sacs d'engrais étaient à la disposition de la société Fertemis pour procéder à une expertise, n'a lui-même procédé à aucune démarche pour voir établir l'existence d'un vice alors que la charge de la preuve de celui-ci lui incombe. En outre, les constatations réalisées par la société Fertemis en présence de M. [F] ne pouvait conduire le vendeur à procéder à des investigations techniques qui ne se justifiaient pas.
L'appelant produit deux constats d'huissier de justice dont l'un réalisé le 11 mai 2021 mentionnant que lors de l'ouverture d'un « big bag », l'engrais ne s'écoulait pas, l'ensemble étant colmaté et pris en masse. Cependant, de telles constatations, deux années après la vente, qui ne sont pas corroborées par d'autres éléments objectifs, ne sont pas de nature à établir le fait que le vice allégué était antérieur à la vente.
En outre, s'agissant de l'impropriété de l'engrais à l'usage destiné ou la diminution de celui-ci, M. [F] ne rapporte d'autant pas la preuve de celle-ci qu'il a utilisé une partie de l'engrais livré par la société Fertemis, même s'il a indiqué avoir dû procédé à un décompactage pour certains sacs d'engrais.
Les éléments produits aux débats par l'appelant n'étant pas de nature à établir un commencement de preuve de l'existence d'un vice caché affectant l'engrais, il convient de rejeter la demande d'expertise que M. [F] n'a estimé utile de ne former qu'en cause d'appel.
En conséquence, M. [F] n'établit pas l'existence d'un vice caché, de sorte que sa demande de réduction du prix de vente doit être rejetée. Le jugement sera donc complété sur ce point.
M. [F] ne justifiant pas avoir réglé l'intégralité de la facture correspondant à la livraison d'engrais par la société Fertemis, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a, après avoir déclaré l'opposition à l'injonction de payer formée par M. [F] recevable mais non fondée, condamné M. [F] à verser à la société Fertemis, au titre de la facture n° FAC1901MND00072 du 11 janvier 2019, la somme de 6 448,20 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2019, date de la mise en demeure et ordonné la capitalisation des intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi du débiteur
L'article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Si la société Fertemis se prévaut de la mauvaise foi de M. [F], elle n'allègue au titre du préjudice causé par celle-ci, que le fait de n'avoir pas pu être payée en temps et en heure.
En conséquence, la société Fertemis n'allègue ni ne prouve l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement qui ne serait pas réparé par les intérêts moratoires. Sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts
Moyens des parties
L'appelant soutient qu'il sollicite la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la livraison d'un engrais non conforme à l'usage normalement attendu, car il n'a pas été en capacité d'épandre l'engrais de façon intégrale et homogène sur l'ensemble de ses terres ; qu'il n'a pu procéder qu'à un épandage parcellaire et hétérogène, de sorte que la récolte n'était pas aussi bonne que l'année précédente ; qu'il a ainsi subi une perte de chiffre d'affaires de 18 161,85 euros qui doit être indemnisée par le vendeur.
La société Fertemis indique qu'elle a parfaitement délivré la chose commandée et qu'il n'y a donc pas eu inexécution ni totale ni partielle ; que M. [F] ne peut valablement prétendre que la qualité de l'engrais livré aurait été pour son exploitation la cause d'un important préjudice qui se serait révélé au moment de la moisson alors même qu'il a fait le choix délibéré de n'utiliser qu'une quantité réduite d'engrais sur une parcelle réduite après avoir refusé toutes ses propositions et notamment la reprise des sacs en usine pour démottage et relivraison aux frais du vendeur ; que le préjudice ne peut être évalué qu'au moment de la livraison ou quasi concomitamment voire lors de l'usage de l'engrais mais non plusieurs mois après au terme de la moisson qui plus est lorsque l'on connaît les conditions de stockage des récoltes de M. [F] ; qu'elle conteste le lien de causalité entre le soi-disant vice et le préjudice dont M. [F] demande aujourd'hui réparation.
Réponse de la cour
L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Il est établi que le vendeur a livré la chose convenue à l'acheteur, dans le délai contractuel. L'acheteur n'a pas démontré que l'engrais était affecté d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.
Aucune faute contractuelle de la société Fertemis n'étant démontrée, M. [F] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts, et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [F] sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la société Fertemis une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande de l'intimé tendant à voir écarter des débats les pièces de l'appelant n° 28 à 32 ;
DÉCLARE sans objet la demande de l'intimé tendant à voir écarter des débats la pièce n° 4 de l'appelant ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
DÉBOUTE M. [F] de sa demande de réduction du prix de vente et de sa demande d'expertise judiciaire ;
CONDAMNE M. [F] aux entiers dépens d'appel ;
CONDAMNE M. [F] à payer à la société Fertemis la somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.