CA Grenoble, 2e ch., 10 septembre 2024, n° 23/00392
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Compagnie d'assurance MMA IARD (Sté)
Défendeur :
Soletanche Bachy Fondations Spéciales (SAS), Compagnie d'Assurance SMABTP (Sté), Allianz IARD (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cardona
Conseillers :
Mme Pliskine, Mme Chetail
Avocats :
Me Robichon, Me Heinrich, Me Francois, Me Rulkowski, Me Le Mat
EXPOSÉ DU LITIGE
La commune de [Localité 10] a fait procéder en 2005 à l'aménagement d'une plate-forme artisanale à l'emplacement d'une ancienne décharge.
Pour cette opération sont intervenus :
- le Cabinet Beira, assuré auprès du GAN, chargé d'une mission complète de maîtrise d''uvre,
- la société Tabarini, assurée auprès des MMA, chargée des travaux de terrassement et d'aménagement.
Les travaux de renforcement par colonnes ballastées ont été sous-traités à la société Solétanche Bachy Pieux, travaux réalisés à compter du 5 septembre 2005.
Les travaux pour l'opération d'aménagement de la plate-forme ont été réceptionnés le 30 septembre 2005.
La SCI du stade a alors acquis le terrain auprès de la commune par acte du 28 octobre 2005, en vue d'édifier un bâtiment, devant être loué à la société MCD.
Pour cette opération, sont intervenus :
- M. [Z], assuré auprès de la compagnie Allianz IARD, chargé d'une mission complète de maîtrise d''uvre,
- un groupement d'entreprises ([H] [Z] et Nombret) chargé du lot gros 'uvre.
- la société Tabarini, chargée du lot « terrassement/VRD/assainissement ».
La réception de ce deuxième marché de travaux est intervenue le 21 avril 2006.
La SCI du stade s'est plainte de déformations au niveau du dallage du rez-de-chaussée. Elle a sollicité la désignation d'un expert judiciaire.
Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 25 octobre 2011 désignant Monsieur [L] en qualité d'expert judiciaire.
L'expert a rendu son rapport définitif le 21 décembre 2012.
Par acte du 28 mars 2013, la SCI du stade et la SARL MCD ont assigné au fond et à jour fixe en réparation de leurs préjudices.
Puis et par assignation délivrée le 19 juillet 2013, la SCI du stade et la SARL MCD ont assigné la compagnie Gan accident, en qualité d'assureur de la SARL Beira, les MMA, recherchées en qualité d'assureur de la société Tabarini, et la SMABTP, assureur de la société Solétanche Bachy Pieux, aux fins de prononcer la jonction.
Par jugement en date du 19 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu a :
- renvoyé la SCI du stade ainsi que la société MCD à mieux se pourvoir concernant leurs actions dirigées contre les sociétés Beira, Tabarini et Solétanche ;
- sursis à statuer en attendant la décision de la juridiction compétente concernant les responsabilités des sociétés Beira, Tabarini et Solétanche ;
- déclaré Monsieur [Z] responsable de plein droit des désordres affectant le bâtiment de la SCI du stade.
En cause d'appel, le jugement a été confirmé et la cour a condamné in solidum Monsieur [Z] et la société Allianz au paiement d'une somme de 650 000,00 euros HT.
Par requête en date du 1er octobre 2014, la société Allianz, ès qualités d'assureur de M. [Z], a entendu obtenir la condamnation in solidum des sociétés Beira et Tabarini au paiement d'une somme de 667 407,79 euros devant le tribunal administratif de Grenoble.
Par même requête, la compagnie Allianz a demandé que le jugement soit déclaré opposable aux MMA.
Par assignation en date du 17 décembre 2015, la société Allianz a sollicité la condamnation des défenderesses au paiement de la somme de 667 407,79 euros devant le tribunal judiciaire.
Selon ordonnance du 21 juin 2016, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif.
Par jugement en date du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux demandes de la compagnie Allianz à hauteur de 567 296,62 euros.
Selon arrêt en date du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon, retenant une part de responsabilité de Monsieur [Z] à hauteur de 10% a condamné la société Beira et la société Tabarini au paiement d'une somme de 600 667,00 euros.
Parallèlement, l'expert judiciaire a déposé son rapport le 23 juillet 2019.
Par jugement en date du 10 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu a:
- condamné in solidum monsieur [G] [Z] et la compagnie Allianz, ès qualités d'assureur de monsieur [Z] à payer à la SCI du stade la somme de 716 494,83 euros HT, outre indexation à la date du jugement à intervenir sur la base de l'indice BT01 du coût de la construction, sauf à déduire la somme déjà versée par la Compagnie Allianz à titre provisionnel;
- condamné in solidum monsieur [G] [Z] et la compagnie Allianz, ès qualités d'assureur de monsieur [Z] à payer à la société MCD, sauf à déduire la somme déjà versée par la Compagnie Allianz à titre provisionnel, les sommes de :
- 9 000 euros, au titre du préjudice lié aux déménagements successifs,
- 10 000 euros, au titre du préjudice de jouissance ;
- rappelé que dans les rapports entre co-obligés à la dette, la contribution à la dette de réparation a été fixée définitivement comme suit :
- Monsieur [Z] : 10%,
- la société Beira : 20%,
- la société Tabarini : 70% ;
- condamné la société MMA à garantir la compagnie Allianz, en qualité d'assureur de monsieur [Z] et de la société Beira, de toute condamnation à son encontre, à hauteur de 70% ;
- condamné in solidum monsieur [G] [Z] et la Compagnie Allianz en qualité d'assureur de ce dernier à garantir la société MMA, de toute condamnation à son encontre, à hauteur de 10%;
- condamné in solidum la société Beira et la compagnie Allianz, en qualité d'assureur de cette dernière à garantir la société MMA, de toute condamnation à son encontre, à hauteur de 20% ;
- dit que la garantie des assureurs sera appliquée dans les limites, plafonds et franchises prévues aux contrats d'assurance, étant rappelé au visa des dispositions des articles L. 124-1 et A 243-1 du code des assurances qu'en matière de garantie décennale :
- les plafonds insérés dans les polices d'assurance sont illégaux donc inopposables au tiers lésé,
- la franchise contractuelle est inopposable au tiers lésé pour l'indemnisation de ses préjudices matériels,
- les dommages immatériels consécutifs ne relèvent pas de la garantie obligatoire, mais peuvent en revanche faire l'objet de garanties facultatives dont l'étendue s'apprécie en fonction des dispositions contractuelles,
- en cas de garantie facultative pour ces dommages immatériels consécutifs, la franchise contractuelle est opposable ;
- débouté la société Solétanche Bachy Pieux et la SMABTP de leur action récursoire, comme étant sans objet ;
- débouté la société MMA de son action récursoire contre la société Solétanche Bachy Pieux et la SMABTP ;
- condamné in solidum monsieur [G] [Z] et la compagnie Allianz en qualité d'assureur de ce dernier à payer à la SCI du stade et la société MCD la somme totale de 6 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la société Allianz, en sa double qualité d'assureur de monsieur [G] [Z] et de la société Beira, et la société MMA en qualité d'assureur de la société Tabarini à payer à la société SBP et son assureur la SMABTP la somme totale de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum monsieur [G] [Z], la société Beira, la compagnie Allianz en sa double qualité d'assureur de monsieur [G] [Z] et de la société Beira et la société MMA en qualité d'assureur de la société Tabarini aux dépens de l'instance, comprenant le coût de l'expertise judiciaire.
Par déclaration en date du 20 janvier 2023, la compagnie MMA IARD a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a été déboutée de son action contre la société Solétanche Bachy Pieux et contre la SMABTP.
Dans ses conclusions notifiées le 5 octobre 2023, la compagnie MMA IARD demande à la cour de:
Vu les articles 1231-1 (anciennement 1147) et suivants du code civil ;
- réformer le jugement du 10 novembre 2022 en ce qu'il a rejeté l'action exercée par la compagnie MMA à l'encontre de la société Solétanche et son assureur SMABTP ;
En conséquence :
- déclarer recevable et bien fondée l'action de la compagnie MMA IARD ;
- condamner in solidum la société Solétanche fondations spéciales, venant aux droits de la société Solétanche Bachy Pieux, et son assureur la compagnie SMABTP à garantir en totalité la société MMA IARD de toutes les condamnations prononcées à son encontre par jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu le 10 novembre 2022, non critiqué sur ce point,
- condamner par suite in solidum la société Solétanche fondations spéciales, venant aux droits de la société Solétanche Bachy Pieux, et son assureur la compagnie SMABTP payer à la société MMA IARD la somme chiffrée en principal et au jour des présentes de 514 846,38 euros, à parfaire avec actualisation au jour du paiement et décompte des frais taxables et non taxables.
- débouter la société Solétanche fondations spéciales et la SMATP de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner in solidum la société Solétanche fondations spéciales et son assureur la compagnie SMABTP à payer à la société MMA IARD une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance, distraits au profit de la SELARL Robichon & associés.
Au soutien de ses demandes, la compagnie MMA IARD conclut à la compétence du juge judiciaire, puisque si la responsabilité du sous-traitant SBP à l'égard du maître d'ouvrage public ne pouvait ressortir que de la compétence du juge administratif, à l'inverse, l'action récursoire de l'entreprise titulaire du marché public contre son-sous-traitant relève de la compétence du juge judiciaire.
Sur le fond, elle énonce que le tribunal a opéré une distinction entre action récursoire et action en responsabilité contractuelle qui n'avait pas lieu d'être, sachant qu'elle visait explicitement une action fondée sur la responsabilité contractuelle à l'égard de la société SBP.
Elle énonce que rien n'empêche le juge judiciaire, dans les rapports entre l'entreprise titulaire et son sous-traitant, d'examiner si les conditions d'engagement de la responsabilité du sous-traitant sont remplies à l'égard de son co-contractant, et d'en fixer le taux.
Sur le fond, elle allègue que l'imputabilité des tassements litigieux incombe en réalité exclusivement à l'exécution totalement défaillante par la société Solétanche des travaux de renforcement des sols par colonnes ballastées, caractérisée par l'expert, cette dernière n'ayant pas effectué les vérifications nécessaires quant à l'existence d'une ligne d'horizon, nécessaire en cas de recours à des colonnes ballastées.
Dans leurs conclusions notifiées le 30 mai 2024, la société Solétanche fondations spéciales, venant aux droits de la société Solétanche Bachy Pieux et la SMABTP, demandent à la cour de:
Vu le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Grenoble (sic),
Vu les articles 1231-1, 1240 et suivants du code civil,
Vu l'article L124-3 du code des assurances,
Vu le rapport d'expertise de Monsieur [L],
Vu les pièces versées aux débats,
- confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Grenoble, notamment en ce qu'il a débouté les MMA de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société Solétanche fondations spéciales et de son assureur la SMABTP ;
- débouter les MMA et Allianz de l'intégralité de leurs demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Solétanche fondations spéciales et de son assureur la SMABTP, faute de démonstration notamment de la réunion des conditions d'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Solétanche fondations spéciales ;
- débouter les MMA et Allianz de leur demande de condamnation formée à l'encontre de la société Solétanche fondations spéciales et de son assureur la SMABTP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et des dépens ;
Et, statuant de nouveau,
S'il devait être fait droit aux demandes des MMA,
- infirmer le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Grenoble en ce qu'il a déclaré sans objet l'appel en garantie formé par la société Solétanche fondations spéciales et la SMABTP ;
- condamner in solidum dès à présent les MMA, assureur de la société Gérard Tabarini, ainsi que -la jonction étant intervenue - la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie GAN incendie accidents, prise en sa double qualité d'assureur du BET Beira et de monsieur [Z], à relever et garantir intégralement la Solétanche fondations spéciales et son assureur la SMABTP pour toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre en principal, intérêts, frais et accessoires ;
- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal ;
- ordonner la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- dire et juger, à titre infiniment subsidiaire, que la responsabilité de la société Solétanche fondations spéciales ne saurait dépasser 40% ;
En tout état de cause
- condamner in solidum des MMA et la compagnie Allianz au paiement à la Solétanche fondations spéciales et la SMABTP de la somme de 4 500,00 euros, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Guillaume Heinrich, avocat au Barreau de Grenoble, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Les intimées concluent à la confirmation du jugement en faisant valoir que les responsabilités avaient été définitivement tranchées par la cour administrative d'appel de Lyon, et que celle de la société Solétanche Bachy Pieux n'a pas été retenue.
Elles allèguent que c'est à juste titre que les premiers juges ont également rappelé que, la société Solétanche fondations spéciales étant intervenue dans le cadre du premier marché de travaux (marché public), le juge judiciaire serait incompétent pour se prononcer sur sa responsabilité.
Elles déclarent que la preuve n'est pas rapportée d'une inexécution fautive des obligations de la société Solétanche fondations spéciales.
Elles soulignent que la note de calcul établie par la société Solétanche Bachy pieux ne pouvait pas être exacte, les données d'entrée lui ayant été fournies étant erronées en conséquence de la non réalisation du terrassement de la couche de « remblai-décharge ».
Elles ajoutent que même si le diamètre des colonnes avait été de 1 mètre et si ces colonnes avaient été rallongées de 5 mètres, les résultats ne seraient toujours pas satisfaisants, ce qui démontre qu'il s'agit bien d'un problème de conception non imputable à la société Solétanche fondations spéciales, et non d'un problème d'exécution.
Elles indiquent que la ligne de colonnes manquante était prévue au CCTP de l'entreprise Tabarini, mais que la société Solétanche fondations spéciales n'a pas eu connaissance de ce CCTP et que cette ligne de colonnes ne lui a pas été commandée, qu'elle a donc remis son offre sur les seuls éléments transmis par l'entreprise Tabarini, son offre ne comportant par définition pas cette ligne de colonnes, sans que l'entreprise ou le maître d''uvre Beira émettent d'observations ou des réserves.
Elles réfutent ensuite tout lien de causalité, dès lors que, comme l'indique l'expert, les déformations affectant la partie nord-ouest du remblai de la plate-forme et le bâtiment sont liées au tassement de ces anciens remblais mal compactés, peu consolidés et à la désagrégation voire la disparition des déchets putrescibles, ces remblais n'ayant pas été totalement purgés.
Elles déclarent que les MMA sont irrecevables à agir, en l'absence de démonstration de la preuve du ou des paiements.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où elles feraient l'objet d'une condamnation, elles concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré sans objet l'appel en garantie formé par la société fondations spéciales et son assureur la SMABTP.
Elles réfutent toute procédure abusive.
Dans ses conclusions notifiées le 14 mai 2024, la compagnie Allianz, prise en sa double qualité d'assureur de Monsieur [G] [Z] et d'assureur de la SARL Beira, demande à la cour de:
Vu les conclusions d'appel des MMA,
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil,
Vu l'article 1240 du même code,
Vu les articles 700 et 699 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats
Constatant que les MMA n'ont pas intimé la compagnie Allianz IARD, prise en sa double qualité d'assureur de Monsieur [G] [Z] et de la société Beira, et ne forment aucune demande à l'encontre de la concluante,
- confirmer le jugement du 10 novembre 2022, en ce qu'il a :
- rappelé que dans les rapports entre co-obligés à la dette, la contribution à la dette de réparation a été fixée définitivement comme suit :
- Monsieur [Z] : 10%,
- la société Beira : 20%,
- la société Tabarini : 70% ;
- condamné la société MMA à garantir la compagnie Allianz, en qualité d'assureur de monsieur [Z] et de la société Beira, de toute condamnation à son encontre, à hauteur de 70% ;
- condamné in solidum monsieur [G] [Z] et la Compagnie Allianz en qualité d'assureur de ce dernier à garantir la société MMA, de toute condamnation à son encontre, à hauteur de 10%;
- condamné in solidum la société Beira et la compagnie Allianz, en qualité d'assureur de cette dernière à garantir la société MMA, de toute condamnation à son encontre, à hauteur de 20% ;
Sur l'appel provoqué de la société SBP et de son assureur SMABTP :
- débouter la société Solétanche Bachy Pieux et son assureur la SMABTP de leur appel provoqué et de l'intégralité de leurs prétentions à quelque titre que ce soit,
Ce faisant :
- confirmer le jugement du 10 novembre 2022, en ce qu'il a:
- débouté la société MMA de son action récursoire contre la société Solétanche Bachy Pieux et la SMABTP ;
En tout état de cause :
- débouter la société Solétanche Bachy Pieux et son assureur la SMABTP de toutes leurs autres demandes y compris au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- condamner la société Solétanche Bachy Pieux et son assureur la SMABTP à payer à la compagnie Allianz IARD une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil,
- condamner la société Solétanche Bachy Pieux et son assureur la SMABTP à payer à la compagnie Allianz IARD une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Solétanche Bachy Pieux et son assureur la SMABTP aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP GB2LM avocats, avocat.
La compagnie Allianz fait valoir que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas écarté toute responsabilité de la société Solétanche, mais que c'est sa responsabilité recherchée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil qui n'a pas été retenue, car elle n'était pas locateur d'ouvrage, mais uniquement sous-traitant de la société Tabarini.
Elle indique que les responsabilités ont été tranchées et que la part de responsabilité de la société Tabarini, y compris du fait des agissements de son sous-traitant, la société SBP, a été définitivement fixée à 70% ;
Elle affirme que la société Solétanche Bachy Pieux et son assureur la SMABTP ne sont ni recevables, ni fondés à former une action récursoire à son encontre, qu'en conséquence, il est manifeste que la procédure d'appel provoqué initiée par la société Solétanche Bachy Pieux et son assureur la SMABTP, est parfaitement abusive.
La clôture a été prononcée le 4 juin 2024.
MOTIFS
Sur la compétence du juge judiciaire
Il est de jurisprudence constante que la compétence de la juridiction administrative, pour connaître des litiges nés de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux ne s'étend pas à l'action en garantie du titulaire du marché contre son sous-traitant avec lequel il est lié par un contrat de droit privé (Tribunal des conflits, 16 novembre 2015, C4029).
Sur la demande formée à l'encontre de la société Solétanche Bachy fondations spéciales et son assureur la SMABTP
Sur la recevabilité
Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Il n'est pas contesté que la cour administrative d'appel de Lyon, dans son arrêt du 12 décembre 2019, a fixé la contribution à la dette de réparation comme suit:
- Monsieur [Z]: 10%
- la société Beira: 20%
- la société Tabarini: 70%
Toutefois, et contrairement à ce qu'allèguent la société Solétanche Bachy fondations spéciales et son assureur, la cour administrative d'appel a pris soin d'indiquer en point 12 de son arrêt qu'il y avait lieu de « condamner solidairement le bureau d'études Beira et la société Gérard Tabarini, y compris du fait des agissements de son sous-traitant ».
Si par un revirement de jurisprudence, dans l'arrêt du 7 décembre 2015 'Commune de [Localité 8]', le Conseil d'État a admis la possibilité pour un maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de mettre en cause, sur le terrain quasi délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs », il a toutefois précisé qu'une telle action n'est possible qu'à condition que la responsabilité du ou des cocontractants avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage ne puisse pas être utilement recherchée.
Or en l'espèce, le maître d'ouvrage pouvait utilement engager la responsabilité de ses co-contractants. L'action éventuelle contre la société Solétanche, sous-traitante, ne pouvait prospérer devant la juridiction administrative.
L'action est donc recevable devant le tribunal judiciaire, la cour administrative d'appel n'ayant pas statué sur cette demande.
S'agissant de la nature du recours de la compagnie MMA IARD, il est également constant qu'une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle demande en garantie étant distincte de l'action directe prévue par le code des assurances » (Cass. 1re civ., 21janv. 1997, n°94-19.689).
Dès lors, il ne s'agit pas d'un recours subrogatoire et la société MMA n'a pas à rapporter la preuve d'une indemnisation préalable.
Sur le fond
Le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat envers l'entrepreneur principal dont il ne peut s'exonérer qu'en cas de force majeure (Cass. 3e civ. 22 juin 2010, n° 09-16.199) ou plus généralement de cause étrangère, cette règle n'étant que l'application du principe général applicable au contrat d'entreprise, l'entrepreneur principal étant lui-même tenu d'une telle obligation envers le maître de l'ouvrage.
L'expert indique que la purge des remblais d'origine, comportant des déchets, n'a pas été complète, mais pour réaliser cette purge, il aurait fallu descendre à plus de 10 mètres de profondeur, ce qui n'était manifestement ni possible ni demandé. Le constat de cette impossibilité sur fond de fouille aurait dû entraîner des reconnaissances et une étude de projet type G2 [...] afin de vérifier si le projet était toujours envisageable ou adaptable. Cela n'a pas été fait.
S'agissant de la société Solétanche Bachy pieux, l'expert indique que les sondages complémentaires de reconnaissance demandés par le bureau d'étude EG Sol dans son étude de faisabilité (mission G12) n'ont pas été réalisés.
La note de calcul produite par la société E2F précédemment rachetée par la société Solétanche Bachy a produit une note de calcul non adaptée selon l'expert pour différents motifs:
- les déchets ont été considérés comme purgés ce qui n'était pas le cas,
- le toit du faciès sablo-gravelerux porteur est considéré à la côte 76,50 m alors que les reconnaissances demandées par EG sol n'ont pas été effectuées et que l'expert ne l'a pas trouvé à 10,40 m de profondeur (côte 73,20 m) au droit du sondage destructif SD3,
- alors qu'il était précisé que les colonnes seraient descendues au toit des graves en place, celles-ci ont été descendues à 5 ou 6 mètres de profondeur, loin d'un éventuel toit de graves en place [...]. l'entreprise n'a pas stoppé son chantier en demandant à modifier ses calculs et les travaux.[...]. Elle a sciemment continué le chantier sachant qu'il n'était pas conforme à sa propre note de calcul,
- [...]
- la note de calcul prend en compte un terme de pointe et un frottement latéral comme pour un pieu en béton. Ce n'est pas adapté au calcul de colonnes ballastées, à plus forte raison s'il n'y a pas d'horizon porteur,
- deux colonnes étaient inférieures au diamètre figurant dans la note de calcul,
- aucune colonne ballastée ne déborde de l'emprise du bâtiment de bureaux. Or au bord d'un talus de remblai haut, les règles de l'art imposent de mettre en oeuvre un 'encagement' constitué par au minimum une ligne de colonnes supplémentaires entre le bâtiment et le bord du talus. Cela n'a pas été fait, ce qui favorise une déstabilisation latérale
L'expert a relevé par ailleurs que la société Tabarini, dont la mission était imprécise, aurait principalement dû envisager des études géotechniques d'exécution lorsqu'elle a constaté qu'elle ne pourrait pas purger toute l'épaisseur des anciens remblais.
Il résulte de ce qui précède que si la société Solétanche n'avait effectivement pas été informée de l'état réel du remblai, pour autant, en sa qualité de professionnel, il lui incombait d'effectuer diverses vérifications. Il lui est reproché des erreurs dans la note de calcul, qui ne sont pas seulement liées aux informations erronées qui lui ont été communiquées et le fait de ne pas avoir interrompu ses travaux alors qu'il était manifeste que ces derniers ne pourraient pas être conformes.
En conséquence, la société Solétanche devra sa garantie à la compagnie MMA IARD agissant ès qualités d'assureur de la société Tabarini, à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à l'encontre de la compagnie MMA IARD.
Il n'y a pas lieu de fixer le montant dû, celui-ci étant sujet à actualisation au vu de l'indexation prévue sur la base de l'indice BT01.
Sur le recours en garantie formé par la société Solétanche Bachy fondations spéciales et la SMABTP
Le recours en garantie des MMA à l'encontre de la société Solétanche Bachy fondations ne porte pas sur la totalité de la somme versée dans le cadre d'une condamnation in solidum à la SCI du stade, soit 716 494,83 euros HT, mais uniquement sur la somme de 514 846,38 euros, ce qui correspond à 70 % de la dette globale, soit le quantum de responsabilité de la société Tabarini et donc uniquement pour sa part et portion.
La société Solétanche Bachy fondations et la SMABTP ne sont donc pas recevables à exercer leur propre recours en garantie à l'encontre de la société Allianz, qui a pour a part dû verser une somme correspondant aux 10% de responsabilité de M.[Z]. L'admission d'un tel recours reviendrait à modifier les rapports des co-obligés à la dette, point définitivement tranché par la cour administrative d'appel de Lyon.
La procédure intentée par la société Solétanche Bachy fondations spéciales ne peut être qualifiée de procédure abusive, en revanche il est certain que la demande en recours en garantie ne pouvait prospérer et il sera dès lors alloué à la compagnie Allianz la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Solétanche Bachy fondations spéciales et la SMABTP qui succombent à l'instance seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au profit des avocats en la cause qui en ont formulé la demande
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi:
Déclare recevable l'action intentée par la société MMA IARD ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société MMA de son action récursoire contre la société Solétanche Bachy Pieux et la SMABTP ;
Et statuant de nouveau,
Condamne in solidum la société Solétanche Bachy fondations spéciales et la SMABTP à garantir la compagnie MMA IARD à hauteur de 75% des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu du 10 novembre 2022 ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne in solidum la société Solétanche Bachy fondations spéciales et la SMABTP à verser à la compagnie Allianz la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne in solidum la société Solétanche Bachy fondations spéciales et la SMABTP aux dépens d'appel, dont distraction au profit des avocats en la cause qui en ont formulé la demande.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.