Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 10 septembre 2024, n° 24/00238
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 10 SEPTEMBRE 2024
N°2024/292
Rôle N° RG 24/00238 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMMCO
[W] [S]
[R] [L] épouse [S]
C/
[G] [H] épouse [D]
[V] [D]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
- Me Laure ATIAS
- Me Sébastien BADIE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de DRAGUIGNAN en date du 26 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/05239.
APPELANTS
Monsieur [W] [S]
né le 20 Mars 1946 à [Localité 4] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 2]
Madame [R] [L] épouse [S]
née le 02 Décembre 1952 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentées par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMES
Madame [G] [H] épouse [D]
née le 20 Février 1946 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
Monsieur [V] [D]
né le 30 Avril 1947 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 1]
Tous deux représentées par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Marie-caroline PELEGRY de la SELARL HBP, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Madame Catherine OUVREL, Conseillère, chargés du rapport.
Madame Catherie OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2024..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2024.
Signé par Madame Catherine OUVREL, Conseillère, pour le Président empêché, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 22 novembre 2019, M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] ont vendu à M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S] un bien immobilier situé à [Localité 5] pour le prix de 739 000 euros.
Un procès-verbal d'huissier de justice dressé le 4 décembre 2019 a constaté des désordres concernant le gros oeuvre, le vide sanitaire de la maison, l'aspiration centralisée, le carrelage et les skimmers de la piscine, l'éclairage électronique de la cuisine, le chauffage et les végétaux.
Une conciliation a été tentée par la chambre des notaires du Var ayant donné lieu à un procès-verbal de carence le 23 mars 2020.
Une expertise amiable a été réalisée par le cabinet Expertimmo, mandaté par les époux [S] et a donné lieu à un rapport technique du 29 mars 2021.
Par ordonnance du 16 juillet 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a désigné Mme [U] en qualité d'expert judiciaire qui a été substituée par M. [J] par ordonnance du 24 septembre 2021. Le rapport a été déposé le 26 avril 2022.
Par assignation du 27 juillet 2022, M. [S] et Mme [L] épouse [S] ont fait citer M. [D] et Mme [H] épouse [D] devant le tribunal judiciaire de Draguignan, arguant de l'existence de manoeuvres dolosives de leur vendeur et, subsidiairement, sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par conclusions d'incident notifiées le 4 avril 2023, M. [D] et Mme [H] épouse [D] ont saisi le juge de la mise en état afin qu'il ordonne une nouvelle expertise judiciaire et la confie à un nouvel expert.
Par ordonnance rendue le 26 juin 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan a :
- ordonné une nouvelle expertise et désigné Mme [N] pour y procéder, laquelle aura pour mission de :
' prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques utiles à l'accomplissement de sa mission, entendre les parties ainsi que tout sachant,
' faire l'historique des relations contractuelles,
' se rendre sur les lieux après avoir convoqué les parties et leurs conseils,
' décrire les désordres affectant le bien de M. [S] et Mme [L] épouse [S] et visés dans l'assignation et dans le rapport du 16 juillet 2021, en précisant leur siège, leur gravité, leur évolution et leur date d'apparition,
' déterminer l'origine et les causes de ces désordres en décrivant tous les moyens d'investigations employés,
' indiquer pour chaque désordre les conséquences, quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique de l'ouvrage et plus généralement, quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité de sa destination,
' indiquer les moyens propres à remédier aux désordres et/ou les travaux restant à effectuer, et donner son avis sur leur coût poste par poste, sur la base des devis produits par les parties, sauf en cas de carence à proposer lui-même ou à l'aide d'un sapiteur, un chiffrage, et en préciser la durée et les éventuelles contraintes liées à leur exécution,
' donner tous éléments d'information techniques et de fait (malfaçons, non conformités, vice de construction, défaut d'entretien, catastrophe naturelle...) permettant à la juridiction du fond de statuer sur les responsabilités et dans quelles proportions,
' donner tous éléments d'appréciation concernant le ou les préjudices allégués par M. [S] et Mme [L] épouse [S] du fait des désordres, puis de leur réparation, en précisant notamment leur point de départ et éventuellement la date à laquelle ils ont cessé,
' plus généralement faire toutes observations utiles à la solution du litige,
- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,
- dit que l'expert fera connaître sans délai s'il accepte la mission,
- dit qu'à la fin de ses opérations, l'expert adressera un pré-rapport aux parties et leur impartira un délai leur permettant de lui faire connaître leurs observations,
- dit qu'il répondra aux dites observations en les annexant à son rapport définitif,
- dit que l'expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d'expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,
- dit toutefois que, dans l'hypothèse où l'expert aurait recueilli l'adhésion formelle des parties à l'utilisation de la plateforme Opalexe, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,
- dit que M. [D] et Mme [H] épouse [D] verseront au régisseur d'avances et de recettes du tribunal une provision de 4 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sauf dans l'hypothèse où une demande d'aide juridictionnelle antérieurement déposée aurait été accueillie, auquel cas les frais seront avancés par le trésorier payeur général,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera caduque,
- dit que, lors de la première réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
- dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,
- dit que l'expert devra déposer son rapport dans le délai de huit mois suivant la date de la présente ordonnance,
- dit qu'en cas de refus, carence ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue d'office ou à la demande de la partie la plus diligente,
- dit que l'expert devra aviser le tribunal d'une éventuelle conciliation des parties,
- dit que les opérations d'expertise seront contrôlées par le magistrat désigné pour assurer ce rôle par le président du tribunal judiciaire de Draguignan,
- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 20 novembre 2023 pour vérification du paiement de la provision à valoir sur les frais d'expertise,
- dit que le sort des dépens de l'incident suivra le sort des dépens de l'instance principale.
Pour ordonner une nouvelle expertise et un changement d'expert judiciaire, le juge de la mise en état a considéré qu'au regard de la situation litigieuse entre les parties et des investigations techniques complémentaires à mener pour sa résolution, la demande de changement d'expert apparaissait reposer sur un motif légitime.
Par assignation du 20 juillet 2023, M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S] ont saisi le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence an vue d'être autorisé à interjeter appel contre cette ordonnance.
Par ordonnance du 8 janvier 2024, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a autorisé M. [S] et Mme [L] épouse [S] à interjeter appel de cette ordonnance d'incident. Il a retenu l'existence d'un motif grave et légitime au sens de l'article 272 du code de procédure civile, estimant que l'identité de mission confiée aux deux experts successivement désignés, le 16 juillet 2021 puis le 26 juin 2023, sans prise en compte d'investigations complémentaires à ce titre, implique une appréciation de la première mesure d'instruction par le juge de la mise en état, alors que la décision d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise appartient seulement au juge du fond.
Par déclaration transmise au greffe le 8 janvier 2024, M. [S] et Mme [L] épouse [S] ont relevé appel de l'ordonnance d'incident du 26 juin 2023, en ce qu'elle a ordonné une nouvelle expertise, désigné Mme [N] pour y procéder et décrit la mission de cette dernière.
Par dernières conclusions transmises le 11 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [S] et Mme [L] épouse [S] sollicitent de la cour qu'elle :
' déboute les époux [D] de leur demande,
' les reçoive en leur appel et le déclare recevable et fondé,
' infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan du 26 juin 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
' déclare le juge de la mise en état incompétent pour statuer sur la demande de nouvelle expertise et renvoie les défendeurs à assurer leur défense au fond devant la juridiction de jugement,
En toute hypothèse :
' déboute les époux [D] de leur demande de nouvelle expertise,
' condamne les époux [D] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'incident et devant la cour.
M. [S] et Mme [L] épouse [S] soutiennent que le juge de la mise en état n'était pas compétent pour ordonner une nouvelle expertise puisque seule la juridiction de jugement l'est, les moyens invoqués par les intimés pour solliciter une nouvelle expertise constituant des contestations du rapport d'expertise et relevant donc d'une défense au fond en application de la jurisprudence en la matière. Ils assurent que les moyens mis en avant par les intimés au soutien de leur demande de nouvelle expertise tiennent en des critiques du rapport d'expertise de M. [J], à raison d'insuffisance ou de méconnaissance par l'expert de son office. Ils font valoir que le juge de la mise en état n'est pas compétent pour ordonner une contre expertise, ce qui relève de la formation de jugement. Ils font valoir que l'appréciation de la nullité du rapport d'expertise, au demeurant non formellement invoquée, ressort également des juges du fond.
De plus, les appelants considèrent que la décision du juge de la mise en état ne se justifie pas puisque, s'il estimait que des investigations techniques complémentaires étaient nécessaires, il devait les qualifier et pouvait les confier à l'expert déjà désigné et sans confier une nouvelle mesure d'instruction à un nouvel expert avec une mission identique. Il soulignent que ce n'est pas un complément d'expertise, mais une nouvelle expertise que le juge de la mise en état a ordonné.
Les appelants font valoir qu'en tout état de cause, la mission confiée au nouvel expert par le juge de la mise en état ne pourra pas être effectuée dans des conditions identiques à la précédente puisqu'ils ont réalisé des travaux sur l'installation de chauffage sur laquelle l'expert avait constaté des désordres.
Par dernières conclusions transmises le 26 février 2024, au visa des articles 605, 606 et 1715 du code civil et de l'article 789 du code de procédure civile, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [D] et Mme [H] épouse [D] demandent à la cour de :
' confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance d'incident rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan du 26 juin 2023,
' condamner les époux [S] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
M. [D] et Mme [H] épouse [D] invoquent les dispositions des articles 143 et 148 du code de procédure civile. Ils considèrent que les opérations de l'expert judiciaire n'étaient pas régulières et abouties puisque celui-ci a refusé de se faire remettre des documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission au mépris de l'article 243 du code de procédure civile, tout comme il a refusé de compléter ses investigations, y compris auprès de tiers.
De plus, les intimés soutiennent qu'en procédant à la qualification de vice caché, l'expert a démontré sa partialité et a violé l'article 238 du code de procédure civile puisqu'il a porté une appréciation d'ordre juridique sur des faits.
Enfin, les époux [S] font valoir que l'expert a méconnu son office en ne se prononçant pas sur les pièces qu'ils lui ont communiqué alors même qu'elles contredisaient ses constatations, ce en contradiction avec l'article 276 du code de procédure civile.
Ainsi, les intimés soutiennent qu'au vu des manquements relevés dans la mission de l'expert, il est prépondérant qu'une nouvelle expertise soit menée par un nouvel expert judiciaire afin que l'ensemble des éléments soit pris en considération.
De plus, ils font valoir que le juge de la mise en état est compétent, en application du 5° de l'article 789 du code de procédure civile pour ordonner toute mesure d'instruction et qu'il n'avait en l'espèce, pas la nécessité de compléter la mission de l'ordonnance de référé initiale qui était suffisante à éclairer la juridiction.
L'affaire a reçu fixation à l'audience du 10 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'expertise
Par application de l'article 789 5° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction. L'article 907 du code de procédure civile renvoie à ces dispositions en prévoyant que l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.
L'article 143 du code de procédure civile dispose que les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible. Par l'effet de l'article 148 du même code, le juge peut conjuguer plusieurs mesures d'instruction. Il peut, à tout moment et même en cours d'exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.
En vertu de l'article 243 du code de procédure civile, le technicien désigné par le juge peut demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à l'ordonner en cas de difficulté.
L'article 238 du code de procédure civile indique expressément que le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis. Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.
En application de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.
Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.
L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
En l'occurrence, il appert qu'une première expertise judiciaire a été confiée à M. [J], substituant le premier expert désigné, par ordonnance de référé du 16 juillet 2021 qui précise sa mission. Cet expert a déposé son rapport le 26 avril 2022.
Une instance au fond au titre du dol, ou, à défaut, en réparation des vices cachés, a été intentée par les époux [S] le 27 juillet 2022.
Par conclusions d'incident notifiées le 4 avril 2023, et dont aucune des parties ne produit la teneur devant la cour, sans en contester le contenu, les époux [D] ont saisi le juge de la mise en état de Draguignan afin qu'une nouvelle expertise soit ordonnée et confiée à un autre expert.
C'est ce qu'a ordonné le juge de la mise en état dans sa décision du 26 juin 2023, désignant Mme [N] en qualité d'expert.
Il y a lieu immédiatement d'observer que, tout en visant la situation litigieuse des parties, et en indiquant que des investigations complémentaires sont requises, le juge de la mise en état a confié à Mme [N], qui répond à la même spécialité expertale que M. [J], une mission en tous points identiques, et non une mission complémentaire ou distincte.
Par ailleurs, force est de relever que le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Draguignan n'a pas été saisi au sujet de la mesure expertale confiée à M. [J].
Pour justifier cette demande de nouvelle expertise, les intimés émettent un certain nombre de critiques relativement à l'expertise [J], lui reprochant sa partialité, une prise de position et une analyse juridique des désordres constatés en évoquant des vices cachés, une méprise des notions mises en oeuvre, des insuffisances et manquements dans la réalisation de ses investigations et dans sa restitution sous forme de rapport. Les époux [D] lui font notamment grief de ne pas avoir répondu à leur dire n°2 qui supposait pourtant, selon eux, des investigations complémentaires auprès de sociétés tierces. Or, l'ensemble de ces carences dénoncées relativement au rapport d'expertise judiciaire de M. [J] constituent des contestations au fond et des défenses au fond susceptibles, à les supposer fondées, de conduire à une contre-expertise.
Cependant, le conseiller de la mise en état, tout comme l'était le juge de la mise en état, est incompétent pour ordonner une contre expertise, cette mesure ressortant de la formation collégiale du tribunal ou de la cour à qui il appartient de statuer, au vu de ce rapport de l'expert, et d'éventuellement faire droit à une telle demande de nouvelle expertise.
De même, l'appréciation d'une potentielle nullité du rapport d'expertise, au demeurant non sollicitée ici, relève du juge du fond et non du conseiller de la mise en état.
Enfin, il y a lieu d'observer que M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] ne sollicitent que la confirmation de la décision entreprise, qui elle-même a ordonné une nouvelle expertise, et non telles ou telles investigations complémentaires, mais ne prétendent pas à confier à M. [J] une mission complémentaire, ne listant précisément aucunement telle ou telle mesure.
En définitive, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire le conseiller de la mise en état, comme le juge de la mise en état, incompétent pour statuer sur une telle demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D], qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, une indemnité de 2 000 € sera mise à leur charge au bénéfice de M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit le conseiller de la mise en état, tout comme le juge de la mise en état, incompétent pour ordonner une nouvelle expertise dans le litige existant entre les parties,
Renvoie les parties à assurer leur défense au fond devant le tribunal judiciaire de Draguignan, statuant au fond,
Condamne M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] à payer à M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S] la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] de leur demande sur ce même fondement,
Condamne M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] au paiement des dépens liés à cet incident en première instance et en appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 10 SEPTEMBRE 2024
N°2024/292
Rôle N° RG 24/00238 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMMCO
[W] [S]
[R] [L] épouse [S]
C/
[G] [H] épouse [D]
[V] [D]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
- Me Laure ATIAS
- Me Sébastien BADIE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de DRAGUIGNAN en date du 26 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/05239.
APPELANTS
Monsieur [W] [S]
né le 20 Mars 1946 à [Localité 4] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 2]
Madame [R] [L] épouse [S]
née le 02 Décembre 1952 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentées par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMES
Madame [G] [H] épouse [D]
née le 20 Février 1946 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
Monsieur [V] [D]
né le 30 Avril 1947 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 1]
Tous deux représentées par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Marie-caroline PELEGRY de la SELARL HBP, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Madame Catherine OUVREL, Conseillère, chargés du rapport.
Madame Catherie OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Anaïs DOVINA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2024..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2024.
Signé par Madame Catherine OUVREL, Conseillère, pour le Président empêché, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 22 novembre 2019, M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] ont vendu à M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S] un bien immobilier situé à [Localité 5] pour le prix de 739 000 euros.
Un procès-verbal d'huissier de justice dressé le 4 décembre 2019 a constaté des désordres concernant le gros oeuvre, le vide sanitaire de la maison, l'aspiration centralisée, le carrelage et les skimmers de la piscine, l'éclairage électronique de la cuisine, le chauffage et les végétaux.
Une conciliation a été tentée par la chambre des notaires du Var ayant donné lieu à un procès-verbal de carence le 23 mars 2020.
Une expertise amiable a été réalisée par le cabinet Expertimmo, mandaté par les époux [S] et a donné lieu à un rapport technique du 29 mars 2021.
Par ordonnance du 16 juillet 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a désigné Mme [U] en qualité d'expert judiciaire qui a été substituée par M. [J] par ordonnance du 24 septembre 2021. Le rapport a été déposé le 26 avril 2022.
Par assignation du 27 juillet 2022, M. [S] et Mme [L] épouse [S] ont fait citer M. [D] et Mme [H] épouse [D] devant le tribunal judiciaire de Draguignan, arguant de l'existence de manoeuvres dolosives de leur vendeur et, subsidiairement, sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par conclusions d'incident notifiées le 4 avril 2023, M. [D] et Mme [H] épouse [D] ont saisi le juge de la mise en état afin qu'il ordonne une nouvelle expertise judiciaire et la confie à un nouvel expert.
Par ordonnance rendue le 26 juin 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan a :
- ordonné une nouvelle expertise et désigné Mme [N] pour y procéder, laquelle aura pour mission de :
' prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques utiles à l'accomplissement de sa mission, entendre les parties ainsi que tout sachant,
' faire l'historique des relations contractuelles,
' se rendre sur les lieux après avoir convoqué les parties et leurs conseils,
' décrire les désordres affectant le bien de M. [S] et Mme [L] épouse [S] et visés dans l'assignation et dans le rapport du 16 juillet 2021, en précisant leur siège, leur gravité, leur évolution et leur date d'apparition,
' déterminer l'origine et les causes de ces désordres en décrivant tous les moyens d'investigations employés,
' indiquer pour chaque désordre les conséquences, quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique de l'ouvrage et plus généralement, quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité de sa destination,
' indiquer les moyens propres à remédier aux désordres et/ou les travaux restant à effectuer, et donner son avis sur leur coût poste par poste, sur la base des devis produits par les parties, sauf en cas de carence à proposer lui-même ou à l'aide d'un sapiteur, un chiffrage, et en préciser la durée et les éventuelles contraintes liées à leur exécution,
' donner tous éléments d'information techniques et de fait (malfaçons, non conformités, vice de construction, défaut d'entretien, catastrophe naturelle...) permettant à la juridiction du fond de statuer sur les responsabilités et dans quelles proportions,
' donner tous éléments d'appréciation concernant le ou les préjudices allégués par M. [S] et Mme [L] épouse [S] du fait des désordres, puis de leur réparation, en précisant notamment leur point de départ et éventuellement la date à laquelle ils ont cessé,
' plus généralement faire toutes observations utiles à la solution du litige,
- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,
- dit que l'expert fera connaître sans délai s'il accepte la mission,
- dit qu'à la fin de ses opérations, l'expert adressera un pré-rapport aux parties et leur impartira un délai leur permettant de lui faire connaître leurs observations,
- dit qu'il répondra aux dites observations en les annexant à son rapport définitif,
- dit que l'expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d'expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,
- dit toutefois que, dans l'hypothèse où l'expert aurait recueilli l'adhésion formelle des parties à l'utilisation de la plateforme Opalexe, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,
- dit que M. [D] et Mme [H] épouse [D] verseront au régisseur d'avances et de recettes du tribunal une provision de 4 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sauf dans l'hypothèse où une demande d'aide juridictionnelle antérieurement déposée aurait été accueillie, auquel cas les frais seront avancés par le trésorier payeur général,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera caduque,
- dit que, lors de la première réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
- dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,
- dit que l'expert devra déposer son rapport dans le délai de huit mois suivant la date de la présente ordonnance,
- dit qu'en cas de refus, carence ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue d'office ou à la demande de la partie la plus diligente,
- dit que l'expert devra aviser le tribunal d'une éventuelle conciliation des parties,
- dit que les opérations d'expertise seront contrôlées par le magistrat désigné pour assurer ce rôle par le président du tribunal judiciaire de Draguignan,
- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 20 novembre 2023 pour vérification du paiement de la provision à valoir sur les frais d'expertise,
- dit que le sort des dépens de l'incident suivra le sort des dépens de l'instance principale.
Pour ordonner une nouvelle expertise et un changement d'expert judiciaire, le juge de la mise en état a considéré qu'au regard de la situation litigieuse entre les parties et des investigations techniques complémentaires à mener pour sa résolution, la demande de changement d'expert apparaissait reposer sur un motif légitime.
Par assignation du 20 juillet 2023, M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S] ont saisi le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence an vue d'être autorisé à interjeter appel contre cette ordonnance.
Par ordonnance du 8 janvier 2024, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a autorisé M. [S] et Mme [L] épouse [S] à interjeter appel de cette ordonnance d'incident. Il a retenu l'existence d'un motif grave et légitime au sens de l'article 272 du code de procédure civile, estimant que l'identité de mission confiée aux deux experts successivement désignés, le 16 juillet 2021 puis le 26 juin 2023, sans prise en compte d'investigations complémentaires à ce titre, implique une appréciation de la première mesure d'instruction par le juge de la mise en état, alors que la décision d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise appartient seulement au juge du fond.
Par déclaration transmise au greffe le 8 janvier 2024, M. [S] et Mme [L] épouse [S] ont relevé appel de l'ordonnance d'incident du 26 juin 2023, en ce qu'elle a ordonné une nouvelle expertise, désigné Mme [N] pour y procéder et décrit la mission de cette dernière.
Par dernières conclusions transmises le 11 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [S] et Mme [L] épouse [S] sollicitent de la cour qu'elle :
' déboute les époux [D] de leur demande,
' les reçoive en leur appel et le déclare recevable et fondé,
' infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan du 26 juin 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
' déclare le juge de la mise en état incompétent pour statuer sur la demande de nouvelle expertise et renvoie les défendeurs à assurer leur défense au fond devant la juridiction de jugement,
En toute hypothèse :
' déboute les époux [D] de leur demande de nouvelle expertise,
' condamne les époux [D] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'incident et devant la cour.
M. [S] et Mme [L] épouse [S] soutiennent que le juge de la mise en état n'était pas compétent pour ordonner une nouvelle expertise puisque seule la juridiction de jugement l'est, les moyens invoqués par les intimés pour solliciter une nouvelle expertise constituant des contestations du rapport d'expertise et relevant donc d'une défense au fond en application de la jurisprudence en la matière. Ils assurent que les moyens mis en avant par les intimés au soutien de leur demande de nouvelle expertise tiennent en des critiques du rapport d'expertise de M. [J], à raison d'insuffisance ou de méconnaissance par l'expert de son office. Ils font valoir que le juge de la mise en état n'est pas compétent pour ordonner une contre expertise, ce qui relève de la formation de jugement. Ils font valoir que l'appréciation de la nullité du rapport d'expertise, au demeurant non formellement invoquée, ressort également des juges du fond.
De plus, les appelants considèrent que la décision du juge de la mise en état ne se justifie pas puisque, s'il estimait que des investigations techniques complémentaires étaient nécessaires, il devait les qualifier et pouvait les confier à l'expert déjà désigné et sans confier une nouvelle mesure d'instruction à un nouvel expert avec une mission identique. Il soulignent que ce n'est pas un complément d'expertise, mais une nouvelle expertise que le juge de la mise en état a ordonné.
Les appelants font valoir qu'en tout état de cause, la mission confiée au nouvel expert par le juge de la mise en état ne pourra pas être effectuée dans des conditions identiques à la précédente puisqu'ils ont réalisé des travaux sur l'installation de chauffage sur laquelle l'expert avait constaté des désordres.
Par dernières conclusions transmises le 26 février 2024, au visa des articles 605, 606 et 1715 du code civil et de l'article 789 du code de procédure civile, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [D] et Mme [H] épouse [D] demandent à la cour de :
' confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance d'incident rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan du 26 juin 2023,
' condamner les époux [S] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
M. [D] et Mme [H] épouse [D] invoquent les dispositions des articles 143 et 148 du code de procédure civile. Ils considèrent que les opérations de l'expert judiciaire n'étaient pas régulières et abouties puisque celui-ci a refusé de se faire remettre des documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission au mépris de l'article 243 du code de procédure civile, tout comme il a refusé de compléter ses investigations, y compris auprès de tiers.
De plus, les intimés soutiennent qu'en procédant à la qualification de vice caché, l'expert a démontré sa partialité et a violé l'article 238 du code de procédure civile puisqu'il a porté une appréciation d'ordre juridique sur des faits.
Enfin, les époux [S] font valoir que l'expert a méconnu son office en ne se prononçant pas sur les pièces qu'ils lui ont communiqué alors même qu'elles contredisaient ses constatations, ce en contradiction avec l'article 276 du code de procédure civile.
Ainsi, les intimés soutiennent qu'au vu des manquements relevés dans la mission de l'expert, il est prépondérant qu'une nouvelle expertise soit menée par un nouvel expert judiciaire afin que l'ensemble des éléments soit pris en considération.
De plus, ils font valoir que le juge de la mise en état est compétent, en application du 5° de l'article 789 du code de procédure civile pour ordonner toute mesure d'instruction et qu'il n'avait en l'espèce, pas la nécessité de compléter la mission de l'ordonnance de référé initiale qui était suffisante à éclairer la juridiction.
L'affaire a reçu fixation à l'audience du 10 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'expertise
Par application de l'article 789 5° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction. L'article 907 du code de procédure civile renvoie à ces dispositions en prévoyant que l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.
L'article 143 du code de procédure civile dispose que les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible. Par l'effet de l'article 148 du même code, le juge peut conjuguer plusieurs mesures d'instruction. Il peut, à tout moment et même en cours d'exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.
En vertu de l'article 243 du code de procédure civile, le technicien désigné par le juge peut demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à l'ordonner en cas de difficulté.
L'article 238 du code de procédure civile indique expressément que le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis. Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.
En application de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.
Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.
L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
En l'occurrence, il appert qu'une première expertise judiciaire a été confiée à M. [J], substituant le premier expert désigné, par ordonnance de référé du 16 juillet 2021 qui précise sa mission. Cet expert a déposé son rapport le 26 avril 2022.
Une instance au fond au titre du dol, ou, à défaut, en réparation des vices cachés, a été intentée par les époux [S] le 27 juillet 2022.
Par conclusions d'incident notifiées le 4 avril 2023, et dont aucune des parties ne produit la teneur devant la cour, sans en contester le contenu, les époux [D] ont saisi le juge de la mise en état de Draguignan afin qu'une nouvelle expertise soit ordonnée et confiée à un autre expert.
C'est ce qu'a ordonné le juge de la mise en état dans sa décision du 26 juin 2023, désignant Mme [N] en qualité d'expert.
Il y a lieu immédiatement d'observer que, tout en visant la situation litigieuse des parties, et en indiquant que des investigations complémentaires sont requises, le juge de la mise en état a confié à Mme [N], qui répond à la même spécialité expertale que M. [J], une mission en tous points identiques, et non une mission complémentaire ou distincte.
Par ailleurs, force est de relever que le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Draguignan n'a pas été saisi au sujet de la mesure expertale confiée à M. [J].
Pour justifier cette demande de nouvelle expertise, les intimés émettent un certain nombre de critiques relativement à l'expertise [J], lui reprochant sa partialité, une prise de position et une analyse juridique des désordres constatés en évoquant des vices cachés, une méprise des notions mises en oeuvre, des insuffisances et manquements dans la réalisation de ses investigations et dans sa restitution sous forme de rapport. Les époux [D] lui font notamment grief de ne pas avoir répondu à leur dire n°2 qui supposait pourtant, selon eux, des investigations complémentaires auprès de sociétés tierces. Or, l'ensemble de ces carences dénoncées relativement au rapport d'expertise judiciaire de M. [J] constituent des contestations au fond et des défenses au fond susceptibles, à les supposer fondées, de conduire à une contre-expertise.
Cependant, le conseiller de la mise en état, tout comme l'était le juge de la mise en état, est incompétent pour ordonner une contre expertise, cette mesure ressortant de la formation collégiale du tribunal ou de la cour à qui il appartient de statuer, au vu de ce rapport de l'expert, et d'éventuellement faire droit à une telle demande de nouvelle expertise.
De même, l'appréciation d'une potentielle nullité du rapport d'expertise, au demeurant non sollicitée ici, relève du juge du fond et non du conseiller de la mise en état.
Enfin, il y a lieu d'observer que M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] ne sollicitent que la confirmation de la décision entreprise, qui elle-même a ordonné une nouvelle expertise, et non telles ou telles investigations complémentaires, mais ne prétendent pas à confier à M. [J] une mission complémentaire, ne listant précisément aucunement telle ou telle mesure.
En définitive, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire le conseiller de la mise en état, comme le juge de la mise en état, incompétent pour statuer sur une telle demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D], qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, une indemnité de 2 000 € sera mise à leur charge au bénéfice de M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit le conseiller de la mise en état, tout comme le juge de la mise en état, incompétent pour ordonner une nouvelle expertise dans le litige existant entre les parties,
Renvoie les parties à assurer leur défense au fond devant le tribunal judiciaire de Draguignan, statuant au fond,
Condamne M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] à payer à M. [W] [S] et Mme [R] [L] épouse [S] la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] de leur demande sur ce même fondement,
Condamne M. [V] [D] et Mme [G] [H] épouse [D] au paiement des dépens liés à cet incident en première instance et en appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT