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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 10 septembre 2024, n° 21/02234

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 21/02234

10 septembre 2024

AFFAIRE : N° RG 21/02234 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GZYT

ARRÊT N°

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHERBOURG du 05 Juillet 2021

RG n° 20/00120

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024

APPELANTS :

Monsieur [I] [S]

né le 03 Octobre 1984 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Madame [N] [M]

née le 02 Juillet 1988 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentés et assistés de Me Thomas BAUDRY, avocat au barreau de CHERBOURG

La S.C.I. PHE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 452 446 180

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Thibault GAMBLIN, avocat au barreau de CHERBOURG

assistée de Me Pascal TRILLAT, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉS :

Madame [N] [M]

née le 02 Juillet 1988 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Monsieur [I] [S]

né le 03 Octobre 1984 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentés et assistés de Me Thomas BAUDRY, avocat au barreau de CHERBOURG

La S.C.I. PHE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 452 446 180

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Thibault GAMBLIN, avocat au barreau de CHERBOURG

assistée de Me Pascal TRILLAT, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 07 mai 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 10 Septembre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte au rapport de Maître [X], notaire, en date du 29 décembre 2015, Madame [N] [M] et Monsieur [G] [S] ont acquis de la SCI PHE, un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 8] (50) au prix de 90.000,00 €.

A l'occasion de travaux de rénovation et notamment de la mise à nu des murs après retrait des doublages, ils ont découvert d'importantes fissures sur toute la hauteur du pignon qui ont provoqué des descellements de pierre.

Compte tenu du montant des travaux de reprise, ils sont intervenus auprès de leur vendeur afin d'engager des pourparlers en vue d'une réfaction amiable du prix de vente, ce à quoi celle-ci s'est opposée.

Ils ont alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Cherbourg, qui par ordonnance du 3 avril 2018, a ordonné une expertise confiée à Monsieur [F].

Dans le cadre des opérations d'expertise, et compte tenu du risque d'effondrement du versant de la toiture et des planchers, l'expert a fait réaliser par la société Ibasynthèse une étude de consolidation définitive.

L'expert a déposé son rapport le 18 mars 2019.

Madame [M] et Monsieur [S] ont préfinancé les travaux de reprise et ont assigné la SCI PHE devant le tribunal judiciaire de Cherbourg par acte d'huissier en date du 11 février 2020 afin d'obtenir sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action en vices cachés,

- condamné la SCI PHE à régler à Madame [M] et Monsieur [S], la somme de 15.000,00 € au titre de la restitution d'une partie du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020,

- débouté Madame [M] et Monsieur [S] de leur demande de dommages-intérêts relative à un préjudice de jouissance,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- constaté l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la SCI PHE à régler Madame [M] et Monsieur [S], la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI PHE aux dépens qui comprendront les frais d'expertise,

- accordé aux avocats de la cause le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 juillet 2021, la SCI PHE a formé appel de la décision.

Par déclaration du 26 août 2021, Madame [M] et Monsieur [S] ont formé un appel partiel de la décision en ce que la SCI PHE a été condamnée à leur payer une somme de 15.000,00 € au titre de la restitution d'une partie du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020 et qu'ils ont été déboutés de leur demande de dommages-intérêts au titre de leur préjudice de jouissance.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du magistrat de la mise en état du 27 avril 2022.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 8 avril 2022, la SCI PHE conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet des prétentions adverses et notamment en ce que Madame [M] et Monsieur [S] considèrent qu'elle est un vendeur professionnel, et à leur condamnation au paiement d'une somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 2 avril 2024, Madame [M] et Monsieur [S] concluent à l'infirmation du jugement entrepris des chefs dont appel et demandent à la cour :

- au visa de l'article 564 du code de procédure civile, de juger irrecevable la demande de la SCI PHE tendant à voir déclarer irrecevable leur en action en garantie des vices cachés,

- au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de condamner la SCI PHE au paiement des sommes de :

* 82.683,44 € au titre de l'action estimatoire qui viendra en déduction du prix de vente, et subsidiairement à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel auquel elle est tenue, connaissant le vice,

* 57.600,00 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,

* 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle de la SCI PHE

Madame [M] et Monsieur [S] soulèvent à titre liminaire l'irrecevabilité de la demande présentée par la SCI PHE pour la première fois en cause d'appel tendant à voir déclarée irrecevable leur action en garantie des vices cachés.

Il sera relevé toutefois qu'à la lecture des conclusions de la SCI PHE et notamment de leur dispositif, l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés n'est nullement sollicitée.

La SCI PHE conclut seulement au rejet des demandes de ses adversaires en invoquant notamment l'opposabilité de la clause d'exclusion de garantie, comme elle l'avait déjà fait en première instance.

Elle ne forme donc pas de demande nouvelle au sens des articles 564 et suivants du code de procédure civile.

La fin de non-recevoir soulevée par Madame [M] et Monsieur [S] sera donc rejetée.

Sur l'action estimatoire

L'article 1641 du code civil dispose :

' Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.'

L'article 1644 du même code prévoit qu'en présence de vices cachés, l'acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

C'est cette deuxième option dont se prévalent Madame [M] et Monsieur [S], auxquels il incombe d'établir que sont réunies les conditions de la garantie.

Ce n'est que dans l'hypothèse où tel serait le cas qu'il conviendra d'examiner la validité de la clause d'exclusion de garantie figurant à l'acte de vente, invoquée par la SCI PHE.

Sur l'existence de vices cachés

L'expert judiciaire a constaté lors des opérations d'expertise, la réalité des désordres affectant l'immeuble acquis par Madame [M] et Monsieur [S], à savoir, une déformation importante de la façade sur rue à partir du plancher du premier étage, la présence de fissures conséquentes du mur de pierre au premier étage, un décollement et des arrachements de pierre entre le pignon et la façade rue, ainsi que la désolidarisation du mur de refend par rapport à la façade qui n'a plus aucune cohérence structurelle au niveau du deuxième étage.

Il a estimé qu'existait un risque d'effondrement de la façade sur rue ce qui entraînerait un effondrement du versant de toiture et des planchers.

Selon lui, la déformation de la façade et les fissures visibles sur la face intérieure du mur sont dues à plusieurs causes qui se cumulent, à savoir, la vétusté du mur constitué de pierres maçonnées à l'argile, l'absence de chaînage entre les planchers et la façade et la destruction du rôle de contreventement et de chaînage vertical du refend intermédiaire par les ouvertures successivement en particulier celle située au contact de la façade.

En réponse à un dire du conseil de la SCI PHE affirmant que le seul facteur déclencheur du mouvement de façade était la suppression du plancher du deuxième étage par Monsieur [S] et Madame [M], qui avait nécessairement une fonction de maintien de la structure en l'absence de chaînage, il a clairement exclu cette hypothèse.

Il répond en effet que le plancher du deuxième étage était constitué de solives de bois empochées à leurs extrémités sur la face intérieure du mur de façade, et faisait office de contreventement horizontal susceptible d'équilibrer des efforts de vent mais n'avait aucune fonction de chaînage, au sens où il n'avait aucune capacité à retenir une déformation du mur de façade vers l'extérieur et n'est pas la cause de la déformation du mur de façade.

Il a par ailleurs relevé que la façade côté rue présentait un aspect de parement différent de chaque côté de la descente d'eau pluviale en raison de la restauration complète de la façade côté gauche et que la déformation du mur de façade existait déjà au moment cette restauration et donc avant la dépose du plancher du deuxième étage.

Il ajoute que cette déformation est de plus forte amplitude au niveau du plancher du premier étage.

S'il estime que la déformation du mur de façade était à son avis visible au moment de la vente par la SCI PHE à Madame [M] et Monsieur [S], il précise que seul un professionnel du bâtiment pouvait en déduire que cette déformation pouvait traduire un défaut structurel important, et que les fissures importantes sur la face intérieure du mur de façade n'étaient pas visibles puisque l'ensemble des murs intérieurs du premier étage étaient recouverts de cloisons de doublage et que le mur de refend était également recouvert d'un parement, les désordres n'ayant été découverts qu'après la dépose de ces habillages.

Il résulte des conclusions de l'expert judiciaire, que les désordres qu'il a pu constater, constituent des vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil, dès lors qu'ils étaient antérieurs à la vente, n'étaient pas visibles pour les non-professionnels que sont Madame [M] et Monsieur [S], respectivement professeurs de danse et de sport et qu'ils diminuent considérablement l'usage attendu de l'immeuble, eu égard au risque d'effondrement et au coût des travaux de confortement définitif qu'ils ont dûs exposer.

Il ne saurait donc leur être utilement reproché de ne pas avoir pris l'avis d'un professionnel préalablement à la signature de l'acte de vente qui n'auraient été justifiés que si les vices étaient apparents.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'existence de vices cachés.

Sur l'opposabilité de la clause d'exclusion de garantie des vices cachés

La SCI PHE oppose une clause d'exclusion de garantie insérée à l'acte de vente qui dispose :

' L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison :

- des vices apparents

- des vices cachés;

S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas :

- si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel,

- s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur.'

Si l'insertion d'une telle clause d'exonération de garantie dans un acte de vente est effectivement légale puisque prévue à l'article 1643 du code civil, elle ne trouve cependant pas à s'appliquer au vendeur professionnel qui est présumé connaître les vices de la chose.

La SCI PHE conteste avoir eu la qualité de vendeur professionnel dès lors qu'elle n'a pas réalisé de profit ou de plus-value sur la vente de l'immeuble, n'a pas immédiatement réinvesti les profits retirés de la vente dans une autre opération immobilière, ne réalisait pas d'opérations immobilières régulières, et était profane en matière de construction.

Force est toutefois de constater que l'extrait K bis de la société décrit l'activité qu'elle exerce comme :

' Toutes acquisitions mobilières ou immobilières, leur prise à bail, concession ou location, leur gestion au mieux des intérêts sociaux ainsi que de toutes recherches, études et travaux s'y rapportant'.

Elle ne démontre pas contrairement à ce qu'elle prétend qu'il s'agirait d'une SCI uniquement familiale, alors qu'elle avait acquis le bien litigieux pour que sa gérante y exerce son activité professionnelle de mandataire judiciaire, ce qui est également le cas dans l'immeuble dont elle est également propriétaire dans l'Orne,

Il doit donc être considéré qu'il s'agissait d'un vendeur professionnel.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Au surplus, il résulte du rapport d'expertise que les vices affectant l'immeuble, étaient nécessairement connus de la SCI PHE qui a fait réaliser des travaux de rénovation à l'intérieur de l'immeuble en 2004.

En effet, l'expert judiciaire a procédé à l'analyse de la facture de l'entreprise [K] (situation N°3) du 30 septembre 2004, qui mentionne des travaux de démolition de doublage, plafond et sol au rdc et premier étage et en travaux supplémentaires la fourniture et pose d'une porte à l'étage ainsi que le percement dans le mur pour mise en oeuvre de la porte.

Il estime que ces travaux ont conduit à mettre à nu la maçonnerie du mur de façade et que la création d'un percement dans le mur du premier étage pour la mise en oeuvre de la porte, n'a pu l'être que dans le seul mur qui existe au premier étage, c'est-à-dire le mur de refend.

Selon l'expert, l'entreprise [K] n'a pu manquer à l'occasion de ces travaux, de constater la présence de fissures sur la face intérieure du mur de façade, alors que la déformation de celle-ci préexistait à l'intervention de cette entreprise, et que la présence d'un contre-mur en agglos sur la partie gauche de l'immeuble était visible après dépose des doublages, ce qui aurait dû amener l'entreprise à déduire que cette partie de la façade avait fait l'objet d'une consolidation importante et à examiner plus attentivement la seconde partie de la façade.

Il ajoute que la déformation de la façade - la nature du liant de maçonnerie- l'absence de chaînage au niveau des planchers et l'état du refend étaient visibles pour l'entreprise [K] et que la SCI PHE a pu faire les mêmes constats au moment de la réalisation des travaux.

La cour estime tout comme l'expert judiciaire, que le libellé de la facture [K] tel que rappelé ci-dessus, conduit à écarter les attestations établies par l'entreprise [K] en janvier 2018, tout comme celle de Monsieur [Y], collaborateur à l'époque des travaux, de la gérante de la SCI PHE, qu'elles contredisent manifestement, alors que la rénovation des pièces du premier étage apparaît clairement sur les photographies figurant dans le rapport d'expertise.

Il résulte donc de ces éléments que la venderesse avait connaissance des vices affectant l'immeuble.

Eu égard tant à sa qualité de vendeur professionnel que de sa connaissance des vices, que la SCI PHE ne peut valablement opposer à ses acquéreurs, la clause d'exclusion de garantie des vices cachés figurant au contrat de vente.

Sur l'action estimatoire

Aux termes de l'article 1644 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

C'est cette seconde option qui a été choisie par Madame [M] et Monsieur [S] qui réclament à ce titre la condamnation de la SCI PHE au paiement d'une somme de 82.683,44 € correspondant au coût des travaux de reprise.

Comme l'a très justement rappelé le tribunal, l'action estimatoire ne peut correspondre qu'à la négociation d'une réduction du prix de vente par rapport à son montant initial qui est ici de 90.000,00 €, compte de l'existence de vices cachés et de la volonté des acquéreurs de conserver l'immeuble.

Il ne saurait donc être alloué à ce titre à Madame [M] et Monsieur [S], la somme qu'ils réclament, qui est à peine inférieure au prix d'acquisition de l'immeuble, et en utilisant l'action estimatoire ils reconnaissent la valeur réelle de l'immeuble ;

La cour estime, eu égard au prix de vente et au coût des travaux de reprise, que la SCI PHE sera condamnée à leur payer la somme de 25.000,00 € au titre de la réduction du prix de vente, pour tenir compte de l'importance des vices, le jugement étant donc infirmé en ce qu'il ne leur a accordé que la somme de 15.000,00 €.

Sur la demande au titre du préjudice moral et de jouissance

Le tribunal estimant que la mauvaise foi de la SCI PHE n'était pas démontrée, a débouté Madame [M] et Monsieur [S] de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et de jouissance.

Ceux-ci ont formé appel de la décision entreprise de ce chef et sollicitent à ce titre l'allocation d'une somme de 57.600,00 €, sur la base d'une valeur locative mensuelle de 1.200,00 € durant 48 mois.

Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu en plus de la restitution de toute ou partie du prix, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur.

Dès lors que la cour a retenu la qualité de vendeur professionnel de la SCI PHE et la connaissance par elle des vices affectant l'immeuble, il y a lieu de faire droit à le demande de dommages-intérêts de Madame [M] et Monsieur [S] dont il ne peut être contesté qu'ils ont subi un préjudice de jouissance puisqu'ils n'ont pu emménager dans le délai prévu, ainsi qu'un préjudice moral occasionné par la nécessité de se reloger et de faire face au préfinancement des travaux de consolidation du mur de façade qui menaçait de s'effondrer.

Madame [M] et Monsieur [S] indiquent dans leurs écritures qu'ils comptaient emménager dans leur maison en août 2016, sans toutefois en justifier.

Il apparaît au regard de l'état intérieur de l'immeuble résultant du constat réalisé par la SCP Bazin-Gerlic, huissiers de justice le 27 juillet 2016, que les travaux dont ils s'étaient réservés la réalisation, ne pouvaient manifestement pas être terminés pour le mois suivant, mais plutôt pour le mois d'octobre 2016.

Il résulte par ailleurs de la dernière facture d'Iba Synthèse, maître d'oeuvre, datée du 14 avril 2020, que les travaux étaient alors achevés.

L'expert judiciaire a évalué la valeur locative de l'immeuble à 800,00 €, montant que Madame [M] et Monsieur [S] contestent, en produisant un avis de l'agence immobilière Laforêt qui l'estime à 1.200,00 € par mois.

Aucun élément relatif au loyer réglé par ceux-ci durant cette période n'est fourni. et tout au contraire, ils indiquent dans leur écritures qu'ils ont résidé de janvier 2017 à octobre 2018 dans un petit appartement mis à leur disposition par la location-gérance du bar-restaurant Le Golf de [Localité 8], qu'ils ont exploité tous les deux durant cette période avant de déménager dans une autre location, sans qu'ils ne justifient du règlement d'un loyer.

Au vu de ces éléments, la cour estime qu'il y a lieu de fixer le montant des dommages-intérêts dûs par la SCI PHE en réparation du préjudice moral et de jouissance de Madame [M] et Monsieur [S] à la somme de 8600 € (200,00 € X 43 mois).

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande à ce titre et la SCI PHE sera condamnée à leur payer la somme de 8600 € à titre de dommages-intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI PHE au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de la condamner à payer à Madame [M] et Monsieur [S] une somme de 4.000,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel et de la débouter de sa demande à ce titre.

Succombant, la SCI PHE sera condamnée aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction sur le fondement de l'article 699 du code civil au profit de Maître Thomas Baudry, et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il la condamnée aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Cherbourg du 5 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la SCI PHE à régler à Madame [N] [M] et Monsieur [I] [S] la somme de 15.000,00 €, au titre de la restitution d'une partie du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020, et a débouté Madame [N] [M] et Monsieur [G] [S] de leur demande de dommages-intérêts relative à un préjudice de jouissance,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SCI PHE à régler à Madame [N] [M] et Monsieur [I] [S] la somme de 25000 €, au titre de la réduction du prix de vente au titre de l'action estimatoire,

CONDAMNE la SCI PHE à régler à Madame [N] [M] et Monsieur [I] [S] la somme de 8600 € au titre de leur préjudice de jouissance,

CONDAMNE la SCI PHE à régler à Madame [N] [M] et Monsieur [I] [S] la somme de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SCI PHE de l'ensemble de ses demandes, en ce compris celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI PHE aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de Maître Thomas Baudry en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON