Livv
Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 10 septembre 2024, n° 21/06137

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/06137

10 septembre 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06137 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFWK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 septembre 2021

PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 18/05525

APPELANTS :

Madame [U] [Z] épouse [C]

née le 20 Novembre 1958 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

et

Monsieur [V] [C]

né le 14 Novembre 1958 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentés par Me Jean-Marc MAILLOT de la SELARL SELARL MAILLOT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Axel SAINT MARTIN, avocat au barreau de MONTPELLIER loco Me Stéphanie MARCHAL, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMEE :

Syndicat des coproproétaires [Adresse 1], pris en la personne de son syndic en exercice la SARL CLEMENCE IMMOBILIER, sis [Adresse 2], RCS de Montpellier n°798 538 005 prise en la personne de son gérant en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre André MERLIN de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

substituée à l'audience par Me Bénédicte LEVY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 06 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

FAITS et PROCEDURE- MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] sont propriétaires d'un appartement situé au deuxième étage d'un immeuble sis [Adresse 1].

Par courrier adressé au syndic le 11 avril 2018, M. [V] [C] signale des désordres, affectant le plancher et la structure, révélés lors de la réalisation de travaux de rénovation engagés dans la salle de bains de son appartement et réclame l'organisation de travaux de réparation.

Le syndic a organisé une assemblée gérénale extraordinaire pour soumettre au vote la question relative de ces travaux.

Lors de cette assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 25 septembre 2018, les résolutions n°4 et 5 concernant des travaux de réparation de la structure du plancher entre le premier et le second étage ont été rejetées à la majorité prévue à l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

Par acte d'huissier délivré le 8 novembre 2018, Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1], pris en la personne de son son syndic, devant le tribunal judiciaire de Montpellier en vue d'obtenir l'annulation des résolutions n° 4 et 5 de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 25 septembre 2018 considérant que le rejet de ces deux résolutions sont constitutives d'un abus de majorité.

Le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier:

déboute Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] de l'ensemble de leurs demandes;

condamne in solidum Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] à payer au syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Pour le premier juge, les résolutions n°4 et 5 rejetant les travaux de réparation du plancher entre le premier et second étage ne sont pas contraires à l'intérêt collectif des copropriétaires et ne caractérisent pas un abus de majorité dès lors que la détérioration du plancher en bois et des pannes, supports du platelage de ce plancher, concerne non pas la structure du l'immeuble mais uniquement son revêtement qui est une partie privative.

Le tribunal rappelle à cet égard les constatations de l'expert diagnostiquant un défaut d'étanchéité et une déterioration du plancher bois causés certainement par un défaut d'étanchéité du bac à douche mais pas une vétusté des poutres de soutien entre le premier et second étage.

Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 19 octobre 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 mai 2024.

Les dernières écritures pour Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] ont été déposées le 30 avril 2024.

Les dernières écritures pour le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] ont été déposées le 30 avril 2024.

Dans leurs dernières écritures, Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] demandent à la cour de:

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et rejeter toutes demandes, fins et moyens contraires;

- annuler les résolutions n°4 et 5 de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 25 septembre 2018 ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes;

- en tout état de cause, condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Maillot et associés pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

A titre liminaire, les appelants se prévalent d'un précédent exposant en effet qu'en 2015, ils ont subi dans leur appartement un dégât des eaux en provenance de l'appartement situé au 3ème étage de la résidence, qui a occasionné une dégradation importante du plancher entre le 2nd et le 3ème étage de nature à compromettre la solidité de l'immeuble. A cette période, des travaux de réparation ont été organisés sans difficulté par le syndicat de copropriété.

Lors de la rénovation de leur salle de bains en 2018, ils ont été contraints de suspendre à la demande de l'artisan les travaux dans cette pièce d'eau eu égard à la vétusté des poutres de soutien entre le 1er et le 2nd étage.

Sur leur sollicitation, le syndicat des copropriétaires a confié au cabinet GA BET Structures une étude qui a déposé un rapport le 24 avril 2018, aux termes duquel il préconise des travaux de reprise.

Ils contestent les deux résolutions litigieuses qui caractérisent selon eux un abus de droit car l'étude technique établie par le cabinet BET Structures révèle une atteinte à la solidité de l'immeuble du fait de l'état du plancher, de telle sorte que l'intérêt collectif de l'immeuble commande l'entretien et la conservation des parties communes constituées par les planchers de la résidence.

Ils critiquent sur ce point l'analyse du premier juge pour qui les désordres affectent une partie privative et la déterioration ne provient pas de la vétusté des poutres de soutien entre les deux étages concernés. Ils se réfèrent également à l'expertise établie par le cabinet Amiex alertant sur l'état préoccupant du plancher dont la reprise est nécessaire pour la conservation et la pérénnité de l'ouvrage, et qui explique enfin les désordres par la présence d'un faux plafond situé au dessous de leur salle de bains qui favorise l'humidité par le rejet d'air vicié provenant de la vmc.

Ils ajoutent en dernier lieu que cette situation leur cause un préjudice financier important puisqu'ils se trouvent contraints de réduire le montant du loyer réclamé aux locataires de l'appartement concerné.

Dans ses dernières écritures, le syndicat des copropriétaires, sis [Adresse 1], demande à la cour, au visa des articles 14 de la loi du 10 juillet 1965 et 1242 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et rejeter toutes demandes, fins et moyens contraires;

- condamner in solidum Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Le syndicat des copropriétaires considère pour sa part qu'en l'état des éléments techniques portés à sa connaissance lors du vote, les copropriétaires étaient légitimes à refuser d'assumer le coût des travaux de consolidation du plancher puisque l'expert a parlé d'une atteinte au revêtement et nullement à la structure de l'immeuble dont l'origine provient d'une partie privative.

Il rappelle en effet que le caractère abusif s'apprécie au jour du vote et non au jour où le juge statue et souligne que le rapport Amiex a été produit a posterioiri. Ainsi, l'absence de risque identifié au moment de l'assemblée générale commande le rejet de la demande présentée par les appelants et la confirmation de la décision déférée.

Il conteste enfin la valeur probante du rapport établi de manière contradictoire et qui ne permet pas de déterminer avec certitude l'origine du désordre.

Pour finir, il souligne l'absence de préjudice injustement infligé à une minorité puisque l'appartement reste habitable et est habité.

DECISION

1/ Sur la demande d'annualtion:

L'action en nullité de l'assemblée générale ne peut être fondée que sur le non respect des formalités légales ou sur l'abus de majorité, s'il est rapporté la preuve que la décision prise est contraire à l'intérêt de la copropriété ou discriminatoire à l'égard de l'un d'entre eux.

Il appartient au copropriétaire qui demande la nullité d'une décision fondée sur l'abus de majorité de démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable et notamment dans un but autre que la préservation de l'intérêt collectif de l'ensemble des copropriétaires ou dans le seul but de favoriser les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires au détriment de copropriétaires minoritaires;

Il n'est nullement contesté que lors de l'assemblée générale organisée le 25 septembre 2018, les résolutions n°4 portant sur la 'décision à prendre concernant la validation de la facture du cabinet GA GET Structures' et n°5 relative à 'la décision à prendre concernant les travaux de réparation de la structure du plancher entre le premier étage et le second étage' ont été rejetées à la majorité prévue à l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

Il résulte des échanges des parties que ce refus a été motivé par la localisation des désordres qui n'affecteraient que des parties privatives.

Cela étant, le vote a été fait sur la base de l'étude du GA BET Structures qui a donné un avis technique sur l'état du plancher de la salle de bains de l'appartement appartenant aux époux [C] en ce sens:

' les planchers sont des structures bois: poutres + pannes avec un platelage bois+ chape et bars de [Localité 6]... nous avons constaté au droit de la salle de bains, sous l'ancien bac à douche (faisant l'objet d'un remplacement) une déterioration du plancher bois suite, à certainement, un défaut d'étanchéité du bac à douche, des joints ou de la plomberie... on note que le platelage support des bars s'effritent, il n'a plus de résistance propre. Les pannes supports du platelage sont de même très endommagées et ce depuis leur appui sur la maçonnerie au droit de la salle de bains jusque dans la circulation de l'appartement... le défaut de ces pannes ne se limite pas qu'à l'aplomb de l'ancien bac à douche. L'eau s'est écoulée et a ruisselé plus loin que l'emprise même du bac... dans le plénum du plancher haut R+1, sous le plancher sinistré, on peut noter qu'une extraction d'air de la cuisine voisine du dessous débouche dans le faux plafond apportant un taux d'humidité non négligeable...

De notre préconisation de renforcement, ... l'ensemble des pannes sont à remplacer... nous préconisons une reprise par le dessous depuis l'appartement du R+1... une reprise par le dessus peut être effectuée en revanche celle-ci engendre la reprises des cloisons, revêtement de sols... la poutre si elle doit être reprise ou mise en oeuvre ne pourra se faire que par le dessous'.

Les opérations de rénovation sont décrites en annexe au moyen de schémas qui objectivent une dégradation du platelage et des chevrons sur lesquels reposent la chape et les bars.

Ce plalelage et les chevrons constituent le plancher qui fait partie intégrante des parties communes contrairement à ce qu'a retenu le premier juge. Ils ne s'apparentent nullement à un revêtement, constitutif d'une partie privative, qui est situé au-dessus du platelage bois et des chevrons.

Il s'ensuit que les dégradations observées par le cabinet GA BET Structures portent atteinte à la structure même du plancher et fragilise sa résistance en présence d'un platelage qui s'effrite sans que l'origine des désordres ne soit clairement déterminée puisque deux sources sont identifiées, la première ayant trait à un dégât des eaux, la seconde liée à une humidification importante provenant de la VMC située dans le faux plafond à l'étage inférieur.

Il en résulte que lors de l'assemblée générale du 25 septembre 2018, les copropriétaires avaient à disposition l'avis du cabinet GA BET Structures qui les informait clairement d'une atteinte à la solidité du plancher entre le 1er et 2nd étages constitutif d'une partie commune.

Les délibérations contestées, portant sur le rejet des travaux de renforcement du plancher, ont été prises sur un motif erroné et sont contraires à l'intérêt collectif de la copropriété, qui commande la conservation de l'immeuble.

Est ainsi caractérisé un abus de majorité de nature à porter atteinte à un intérêt individuel puisqu'en refusant la réalisation de travaux de confortement d'une partie commune, les époux [C] se sont trouvés contraints de suspendre les travaux de rénovation de la salle de bains, de mettre à disposition de leur locataire une douche provisoire et de diminuer le montant du loyer pour tenir compte du préjudice de jouissance occasionné par cette situation ce dont il résulte des pièces versées aux débats qui ne souffrent d'aucune critique.

En conséquence, les deux résolutions, qui sont contraires à l'intérêt collectif et portent atteinte à un intérêt individuel, constituent un abus de majorité justifiant qu'il soit fait droit à la demande présentée par les époux [C] aux fins d'annulation.

2/ Sur les frais accessoires :

La décision déférée sera infirmée sur la charge des dépens et le montant des frais irrépétibles alloués en première instance.

L' intimé, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens ainsi qu'au règlement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Annule les résolutions n°4 et 5 de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 25 septembre 2018,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1], pris en la personne de son son syndic, à payer à Mme [U] [C] née [Z] et M. [V] [C] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Maillot et associés pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier La Présidente