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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 16, 10 septembre 2024, n° 24/00151

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/00151

10 septembre 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 CHAMBRE 16

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024

sur déféré

(n° 73 /2024 , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00151 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7QU

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 13 Février 2024 par le conseiller de la mise en état de la Chambre 5-16 de la Cour d'appel de Paris (dans l'affaire RG n° 22/11814)

Demanderesse à la requête :

REPUBLIQUE D'INDE

agissant par le Secrétaire (Secretary) du Département de l'Espace (Department of Space)

[Adresse 2],

ayant tout pouvoir pour agir au nom de la République d'Inde

Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Christophe VON KRAUSE, du cabinet WHITE & CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J 002

Défenderesses à la requête :

Société CC/DEVAS (MAURITIUS) LTD

société de droit mauricien,

ayant son siège social : [Adresse 4](ILE MAURICE)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Société DEVAS EMPLOYEES MAURITIUS PRIVATE LIMITED

société de droit mauricien,

ayant son siège social : [Adresse 4](ILE MAURICE)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Société TELECOM DEVAS MAURITIUS LIMITED

société de droit mauricien,

[Adresse 4](ILE MAURICE)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocats plaidants : Me Eric BOUFFARD et Me Martin GUERMONPREZ du LLP GIBSON, DUNN & CRUTCHER, avocats au barreau de PARIS, toque : J015

INTERVENANTES

Société CCDM HOLDINGS LLC

société de droit du Delaware (ETAT-UNIS),

ayant son siège social : [Adresse 3]

[Adresse 1] à [Localité 5] (ETATS UNIS)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Société DEVAS EMPLOYEES FUND US LLC

société de droit du Delaware (ETAT-UNIS),

ayant son siège social : [Adresse 3]

[Adresse 1] à [Localité 5] (ETATS UNIS)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Société TELCOM DEVAS LLC

société de droit du Delaware (ETAT-UNIS),

ayant son siège social : [Adresse 3]

[Adresse 1] à [Localité 5] (ETATS UNIS)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocats plaidants : Me Eric BOUFFARD et Me Martin GUERMONPREZ du LLP GIBSON, DUNN & CRUTCHER, avocats au barreau de PARIS, toque : J015

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère

Mme Marie LAMBLING, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Fabienne SCHALLER dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Fabienne SCHALLER, présidente de chambre et par Mme Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

* I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie au fond de deux appels interjetés le 22 juin 2022 par la République d'Inde contre deux ordonnances d'exequatur rendues le 25 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, qui ont déclaré exécutoires en France deux sentences arbitrales rendues respectivement les 25 juillet 2016 (sentence sur la compétence et la responsabilité) et 13 octobre 2020 (sentence sur le quantum), sous l'égide de la Cour Permanente d'Arbitrage de La Haye suivant le règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).

2. Le litige trouve son origine dans la résiliation d'un contrat conclu le 28 janvier 2005 entre la société de droit indien Devas Multimedia Private Limited (« Devas ») et une entreprise publique indienne, Antrix Corporation Ltd (« Antrix »), portant sur la concession à Devas d'une partie du spectre électromagnétique indien pour la fourniture de services de télécommunication. Le 25 février 2011, la société Antrix a notifié la résiliation du contrat à la société Devas en se fondant sur les articles 7 et 11 du contrat, invoquant la décision du Gouvernement indien de réserver la bande-S à des activités stratégiques.

3. La société Devas a initié un premier arbitrage contre la société Antrix, sous l'égide de la CCI, qui a donné lieu à une sentence arbitrale rendue le 14 septembre 2015, dont l'ordonnance d'exequatur obtenue en France a fait l'objet d'un appel à l'issue duquel la présente cour a rendu un arrêt le 22 mars 2022 statuant sur l'irrecevabilité des interventions et un arrêt du 28 juin 2022 qui a rejeté le recours contre l'ordonnance d'exequatur.

4. Parallèlement, le 3 juillet 2012, les trois sociétés mauriciennes actionnaires de Devas, à savoir CC/Devas (Mauritius) Ltd, Devas Employees Mauritius Private Limited et Telcom Devas Mauritius Limited (ci-après « les Actionnaires Devas ») ont initié un arbitrage contre la République d'Inde (dénommée aussi ci-après « l'Inde ») relatif à la protection des investissements fondé sur le traité bilatéral d'investissement entre la République de l'Inde et la République de Maurice du 4 septembre 1998 (« le TBI ») qui a donné lieu aux deux sentences arbitrales rendues les 25 juillet 2016 et 13 octobre 2020.

5. Dans la sentence sur la compétence et la responsabilité, rendue le 25 juillet 2016, le tribunal arbitral, faisant partiellement droit aux demandes des Actionnaires Devas, leur a reconnu la qualité d'investisseurs protégés par le TBI, et a statué en ces termes :

« For the reasons set out above, the Tribunal decides and awards as follows:

(a) Unanimously, that the Claimants' claims relate to an 'investment' protected under the Treaty;

(b) Unanimously, that the notice of termination of the Devas Agreement sent by Antrix to Devas constituted an act of State attributable to the Respondent.

(c) By majority, that the Tribunal lacks jurisdiction over the Claimants' claims insofar as the Respondent's decision to annul the Devas Agreement was in part directed to the protection of the Respondent's essential security interests;

(d) By majority, that the Respondent has expropriated the Claimants' investment insofar as the Respondent's decision to annul the Devas Agreement was in part motivated by considerations other than the protection of the Respondent's essential security interests;

(e) By majority, that the protection of essential security interests accounts for 60% of the Respondent's decision to annul the Devas Agreement, and that the compensation owed by the Respondent to the Claimants for the expropriation of their investment shall therefore be limited to 40% of the value of that investment;

(f) Unanimously, that the Respondent has breached its obligation to accord fair and equitable treatment to the Claimants between July 2, 2010 and February 17, 2011.

(g) Unanimously, that the Claimants' other claims shall be dismissed;

(h) Unanimously, that any decision regarding the quantification of compensation or damages, as well as any decision regarding the allocation of the costs of arbitration shall be reserved for a later stage of the proceedings.

6. Dans la sentence sur le quantum, rendue le 13 octobre 2020, le tribunal arbitral, faisant partiellement droit aux demandes d'indemnisation formulées par ces mêmes actionnaires Devas contre l'Inde, a jugé que :

« For the reasons set out above, the Tribunal, by majority, decides as follows:

(a)The total value of Devas on February 17, 2011 is USD 740 million.

(b) Each Claimant is entitled to compensation pursuant to the Award on Jurisdiction and Merits dated July 25, 2016 in an amount corresponding to 40% of USD 740 million, multiplied by the percentage of its shareholding.

(c) The Respondent shall accordingly pay compensation to the Claimants in the following amounts:

- CC Devas (holding 17.06% of the issued share capital of Devas): USD 50,497,600;

- Telcom Devas (holding 17.06% of the issued share capital of Devas): USD 50,497,600; and

- DEMPL (holding 3.48% of the issued share capital of Devas): USD 10,300,800.

(d) The Respondent shall pay interest on the amounts stated in paragraph (c) at a rate of the six-month USD LIBOR + 2 percentage points, compounded semi-annually from February 17, 2011 until the date of full payment.

(e) The Claimants and the Respondent shall share equally the Tribunal's costs and fees pursuant to Article 38(a), (b) and (c) of the UNCITRAL Rules, including the cost of expert advice and the administration of this arbitration by the PCA. Each side shall bear the fees and expenses of the appointing authority that it has expended pursuant to Article 38(f) of the UNCITRAL Rules.

(f) The Respondent shall pay the Claimants pursuant to Article 38(c), (d), and (e) of the UNCITRAL Rules the amount of USD 10,000,000.

(g) The Respondent shall pay post-award interest at a rate of the six-month USD LIBOR +2 percentage points on the amount due pursuant to paragraph (f) compounded semiannually from the date of this Award until the date of full payment.

(h) In the event that LIBOR were to be discontinued while any amounts pursuant to paragraphs (c) and (f) remain outstanding, the interest due shall, from that date onward, be calculated on the basis of SOFR + 2 percentage points.

(i) The Respondent may not withhold or offset payment of any portion of the award based on a claim that such amount is subject to taxation or other deductions.

(j) The Respondent shall indemnify the Claimants with respect to any Indian taxes, charges, or other set-offs imposed on the compensation awarded.

(k) Prior to payment of any amounts awarded in paragraphs (c), (d), (f) and (g), the Claimants shall provide an undertaking that they will not seek double recovery in relation to their investment, and will take appropriate steps to ensure that they are not compensated twice in the event that any damages were to be paid by Antrix Corporation Limited to Devas Multimedia Private Limited pursuant to the ICC Award.

(l) All other claims are dismissed.'

7. Ce sont les deux sentences rendues à La Haye dont les Actionnaires Devas ont sollicité et obtenu l'exequatur en France, selon les ordonnances rendues le 25 mai 2021 contre lesquelles la République d'Inde a interjeté appel le 22 juin 2022, concluant sur son appel le 22 novembre 2022, appel pendant devant la présente cour.

8. Le 24 décembre 2021, les Actionnaires Devas ont conclu avec les sociétés de droit américain CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC (« les Sociétés Américaines » ou « les Intervenantes ») des assignment agreements, soumis au droit anglais, afin de leur transférer leurs droits dans les sentences.

9. Les Sociétés Américaines y prennent l'engagement de faire leurs efforts raisonnables pour engager et poursuivre des procédures en vue d'exécuter les sentences et assurer leur recouvrement, ainsi que pour assurer la défense des sentences contre les procédures engagées par l'Inde. En contrepartie, les Actionnaires s'engagent à verser une commission de 1 % sur tous les encaissements ou recouvrements effectués par les Sociétés Américaines dans le cadre des récompenses (collection services fee). Ces assignment agreements sont accompagnés de promissory notes, émises le même jour, par lesquelles les Sociétés Américaines promettent de payer aux Actionnaires Devas le montant des dommages et intérêts octroyés par les sentences, outre des intérêts, le 24 décembre 2026, cette date étant susceptible de prorogation jusqu'en 2031 sous réserve du paiement de frais et à la condition que les Sociétés Américaines demeurent actionnaires uniques des Actionnaires Devas.

10. Les trois sociétés Actionnaires Devas intimées, CC/Devas (Mauritius) LTD, Devas Employees Mauritius Private Limited, et Telcom Devas Mauritius Limited ont, par conclusions du 21 avril 2023 (dans l'instance RG 22/11814), demandé la confirmation l'ordonnance d'exequatur du 25 mai 2021.

11. Par conclusions du 21 avril 2023 (dans l'instance RG 22/11814), les Sociétés Américaines ont régularisé des conclusions d'intervention volontaire aux côtés des Actionnaires Devas, demandant la confirmation des ordonnances d'exequatur du 25 mai 2021, soutenant qu'elles s'étaient vues transférer les droits dans les sentences et leur exécution par l'effet des assignment agreements susrappelés.

12.Par conclusions du 30 juin 2023, la République d'Inde a saisi le magistrat chargé de la mise en état de conclusions d'incident tendant à voir déclarer les interventions des Sociétés Américaines irrecevables.

13. Par ordonnances du 13 février 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré recevables les interventions des Sociétés Américaines et renvoyé à la cour l'examen de la recevabilité du moyen tiré du non-respect par le tribunal arbitral de sa mission.

14. Par requêtes en date du 27 février 2024, la République d'Inde a déféré lesdites ordonnances à la cour.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

15. Dans sa requête aux fins de déféré notifiée par voie électronique le 27 février 2024, la République d'Inde demande à la cour au visa des articles 122, 789- 6°, 916 et 1527 du code de procédure civile, de bien vouloir :

- INFIRMER l'ordonnance rendue par Monsieur le Conseiller de la mise en état du Pôle 5 chambre 16 de la Cour d'appel de Paris le 13 février 2024 dans l'affaire n° 22/11814 en ce qu'elle a :

(i) Déclaré recevables les interventions des sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC

(ii) Condamné la République d'Inde aux dépens de l'incident conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et

(iii) Condamné la République d'Inde à payer aux sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC la somme totale de dix mille euros (10 000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- DECLARER, dès à présent, irrecevables les interventions volontaires des sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC ; et

- JUGER, que l'instance se poursuivra uniquement entre la République d'Inde d'une part, et les sociétés CC/Devas (Mauritius) LTD, Devas Employees Mauritius Private Limited et Telcom Devas Mauritius Limited d'autre part ;

A titre subsidiaire :

- RENVOYER l'incident au fond ; et

- DECLARER, dans sa décision finale, irrecevables les interventions volontaires des sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC ;

En tout état de cause :

- DEBOUTER les sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER les sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC, in solidum, à payer à la République d'Inde la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, pour la procédure d'incident, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles ; et

- CONDAMNER les sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC, in solidum, à payer à la République d'Inde la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, pour la procédure de déféré, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.

16. Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2024, en présence des sociétés intimées CC/Devas, Telcom Devas et Devas Employee Ltd, les sociétés américaines CCDM Holdings LLC, Telcom Deva, LLC et Devas Employees Fund US LLC, intervenantes, demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles 325, 554, 900 à 930-1, 1466 et 1527 du code de procédure civile, l'article 1351 du code civil, du principe de l'estoppel et du droit anglais applicable aux assignment agreements, de bien vouloir :

- REJETER le déféré introduit par l'Inde à l'encontre de l'ordonnance du 13 février 2024 ;

- CONFIRMER l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 février 2024 en toutes ses dispositions ;

- JUGER recevables les interventions des sociétés CCDM HOLDINGS, LLC, TELCOM DEVAS, LLC, et DEVAS EMPLOYEES FUND US, LLC ;

- CONDAMNER l'Inde à verser la somme de 100.000 euros aux sociétés Intervenantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction auprofit de la Selarl Pellerin ' De Maria ' Guerre.

III/ MOYENS DES PARTIES

17. La République d'Inde conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire des Sociétés Américaines en raison de leur qualité de tiers à l'arbitrage initial.

18. Elle fait valoir que tant le recours en annulation que l'appel de l'ordonnance d'exequatur sont régis par un régime dérogatoire, en vertu duquel l'intervention volontaire est réservée aux seules parties à la clause compromissoire et à l'instance arbitrale. Ainsi, elle soutient que :

- L'article 554 du code de procédure civile qui fixe les conditions de l'intervention en cause d'appel est inapplicable aux recours contre la sentence arbitrale ou aux appels interjetés contre l'ordonnance ayant conféré exequatur à la sentence

- Le régime de l'appel contre l'ordonnance d'exequatur diffère de celui de l'appel de droit commun, ni l'article 1527 du code de procédure civile, ni les articles 900 à 930-1 du code de procédure civile ne renvoyent à l'article 554 dudit code autorisant les tiers à intervenir à la procédure d'appel ;

- Le régime autonome des règles applicables à l'arbitrage international et le caractère conventionnel de la procédure arbitrale ne permettent pas l'intervention de tiers dans le recours en annulation contre une sentence arbitrale ou dans l'appel de l'ordonnance ayant accordé l'exequatur ;

- Les subrogés ou cessionnaires des droits des parties à l'instance ne peuvent pas non plus intervenir dans le cadre d'un recours en annulation ou d'un appel interjeté contre l'ordonnance conférant l'exequatur à la sentence arbitrale.

19. Elle fait également valoir que :

- L'intervention d'un tiers au sens large en matière de recours en annulation ou d'appel contre l'ordonnance d'exequatur d'une sentence arbitrale internationale n'est pas admise, sans distinction,

- Toute solution contraire porterait atteinte à la nature conventionnelle de l'arbitrage et plus particulièrement au consentement initial des parties à la convention d'arbitrage,

- L'arbitrage d'investissement repose intégralement sur le consentement de l'Etat, généralement défini par le biais d'un traité d'investissement. L'offre d'arbitrage est unilatérale et limitée par un abandon de souveraineté. Il est donc matériellement impossible pour un investisseur au sens du Traité de transférer des droits dont il dispose au titre du Traité sans l'accord de l'Etat contractant.

- De plus fort, l'Inde fait valoir qu'elle n'a jamais consenti à un transfert des droits découlant du TBI conclu avec Maurice à un ressortissant américain. Or, les sociétés intervenantes sont américaines et n'ont pas la nationalité de l'Etat signataire du Traité et n'ont dès lors pas qualité pour intervenir dans l'instance en annulation de la sentence.

- Les Sociétés Américaines qui n'ont pas participé à l'Arbitrage et avec lesquelles l'Inde n'a pas consenti à recourir à l'arbitrage ne sont pas recevables à intervenir volontairement.

- Les sociétés Américaines sont incontestablement tierces à l'Arbitrage et à l'ordonnance conférant l'exequatur aux sentences.

20. L'Inde conteste tout déni de justice et fait valoir que l'impossibilité d'intervenir pour tous les tiers à l'instance et à la convention d'arbitrage, y compris les tiers détenteurs de droits sur la créance issue de la sentence, n'entrave en rien l'accès pour les parties à l'arbitrage au juge pertinent, celui-ci ayant été saisi par l'appelante, et les intimées étant toujours parties à l'instance, représentées par leur conseil, la juridiction saisie poursuivant la procédure afin de trancher le litige, les conditions d'un déni de justice n'étant pas réunies.

21. La République d'Inde expose, à titre subsidiaire, que les Sociétés Américaines n'ont pas intérêt ni qualité pour agir quand bien même la cour venait à considérer que l'article 1527 du code de procédure civile permettrait à des tiers à l'arbitrage de prendre part à la procédure d'exequatur visant la sentence.

22. Elle soutient que :

- Seuls les tiers ayant intérêt à agir peuvent intervenir volontairement en appel ;

- Les conditions cumulatives requises à l'article 31 du code de procédure civile (intérêt personnel, né et actuel et légitime) démontrent que les Sociétés Américaines n'ont ni intérêt, ni qualité à agir dans la procédure ;

- Les assignment agreements sont nuls en droit anglais pour avoir été conclus en l'absence de contrepartie réelle et concrète et sont comme tels qualifiables de « sham » ; le montage constituté par les assignment agreements et les promissory notes suffit à démontrer qu'ils constituent un « sham » et qu'ils ne sont par conséquent pas valables en droit anglais, rendant ainsi illégitime l'intérêt à agir des sociétés américaines ; ils sont en tout état de cause nuls car dépourvus de « consideration », condition sine qua non à la validité d'un contrat en droit anglais ;

- Ils constituent en outre des contrats dits de « maintenance and champerty », interdits par le droit anglais, cette doctrine devant être prise en compte par le juge français qui doit statuer sur leur validité ;

- Les assignment agreements sont inopposables à l'Inde car ils violent les lois de police mauriciennes visant à lutter contre la fraude pour porter sur des droits issus de Sentences basées elles-mêmes sur la violation par Devas de nombreuses composantes de l'ordre public international ; ils constituent eux-mêmes un montage frauduleux, qui vise à transférer aux Sociétés Américaines, hors de Maurice, les fruits de la fraude de Devas, matérialisée par les sentences ;

- Quand bien même les assignment agreements pourraient être valables, leurs stipulations n'opèrent pas subrogation, les Sociétés Américaines sont dépourvues d'intérêt et de qualité à agir.

23. Les Sociétés Américaines indiquent en réponse que la qualité de tiers des intervenants à la procédure arbitrale ne les empêche pas d'intervenir dans le cadre de la procédure d'exequatur.

24. Elles font valoir que :

- L'irrecevabilité alléguée de l'intervention d'un tiers à l'arbitrage ne découle d'aucun texte de loi et l'article 554 du code de procédure civile n'est aucunement incompatible avec la nature même de l'arbitrage ;

- L'intervention est recevable dans le cadre d'un appel contre une ordonnance d'exequatur d'une sentence arbitrale, l'article 1527 du code de procédure civile renvoyant aux règles générales de l'appel et n'étant pas limitatif ;

- Les articles 900 à 930-1 du code de procédure civile prévoient le principe de l'intervention aux articles 905-2, 910 et 910-4, ce qui a pour conséquence que l'article 1527 inclut donc nécessairement les principes de l'intervention à hauteur d'appel ;

- L'absence de caractère limitatif de l'article 1527 est confirmé par un arrêt récent de la cour de Cassation du 26 mai 2021 qui confirme la recevabilité de la tierce opposition contre la décision d'exequatur d'une sentence internationale, sur le fondement du droit commun de la procédure civile ;

- La procédure d'exequatur est une procédure judiciaire à part entière, avec un acte introductif d'instance devant le tribunal judiciaire : il y a donc indéniablement une « première instance », l'ordonnance d'exequatur étant susceptible d'appel ; les termes de l'article 554 du code de procédure civile ne sont donc pas incompatibles avec cette procédure ;

- Lorsque la créance est cédée, en vertu de l'article 1321 du code civil, la cession de créance emporte également la cession des droits accessoires qui y sont attachés, notamment les actions en justice, ainsi que l'intérêt et la qualité à agir ;

- La clause compromissoire, qui constitue un accessoire de la créance cédée, circule avec celle-ci, sans qu'il soit nécessaire que le cessionnaire ou le débiteur cédé y ait consenti ;

- Il n'y a pas lieu de traiter différemment la cession de la clause compromissoire et la cession des droits attachés à la sentence arbitrale qui n'est que le fruit de l'instance arbitrale. Ce d'autant que la sentence, une fois rendue, constate une créance qui, comme toute créance, peut être cédée.

- En tout état de cause, aucune jurisprudence citée ne concerne le cas de l'intervention du cessionnaire d'une sentence ;

- C'est bien le cessionnaire qui a intérêt à agir pour requérir l'exequatur d'une sentence car celui-ci a cessé d'être un tiers et est devenu le titulaire de la sentence ; il est détenteur du droit d'agir attaché à la sentence ;

- Il ne faut pas confondre un cessionnaire et un créancier, ou un ayant-cause ou encore un actionnaire ;

- Quel que soit le mécanisme juridique sous-jacent (cession de créance, subrogation ou autre), dès lors qu'il entraine un transfert de la créance avec l'ensemble de ses accessoires, pour les besoins de la détermination de la recevabilité de l'intervention du subrogé ou de cessionnaire, la solution reste la même ;

- En arbitrage d'investissement, le TBI ouvre un droit que toute personne qualifiée d'investisseur peut revendiquer, sans intuitu personae ;

- L'intervention est le seul mécanisme procédural permettant aux Sociétés Américaines d'exercer leurs droits en qualité de cessionnaires de sentences, le rejet de leur intervention étant de nature à constituer un déni de justice et une atteinte au droit d'accès au juge protégés par l'article 4 du code civil et l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme garantissant le droit d'accès au juge et le droit à l'exécution.

25. Elles soutiennent, à titre subsidiaire, que les assignment agreements sont valides et produisent leurs effets dans la présente procédure, dès lors que :

- ils ne peuvent être qualifiés de « sham », la clause de changement de contrôle ayant une vocation défensive et étant économiquement fondée, ces actes n'étant par ailleurs pas dénués de « consideration » du fait du transfert des droits et intérêts attachés aux sentences ;

- les assignment agreements ne correspondent pas à la définition du sham de l'acte simulé, les parties à ces contrats n'ont aucun accord et ne demandent rien d'autre que l'application pure et simple de ces contrats qu'ils n'ont pas dissimulés et qu'ils ont produits eux-mêmes à la présente procédure ;

- le principe de confiance mutuelle établi par le Règlement Bruxelles I bis, bien que non applicable en l'espèce, invite la cour à tenir compte du jugement rendu par la district court de La Haye, qui a écarté la doctrine en question ;

- la doctrine de « maintenance et champerty » est une règle procédurale ne s'appliquant qu'aux instances en cours devant les tribunaux anglais, ni les sentences, ni les assignment agreements ne mettant en cause l'intégrité du système juridique anglais, de sorte que ces doctrines ne trouvent pas à s'appliquer devant le juge français ;

- à supposer que la doctrine soit applicable, les assignment agreements ne devraient pas pour autant être écartés dans la mesure où il ne tombent pas sous la prohibition des accords « maintenance et champerty » ;

- établir que les sentences seraient le fruit d'une fraude, relève du débat au fond et ne ressortit dès lors pas à la compétence du conseiller de la mise en état ;

- aucune juridiction n'a reconnu les allégations de fraude invoquées par l'Inde ;

- l'ordre public étranger n'est pas d'application directe devant les tribunaux français, seule la coïncidence entre l'ordre public étranger et l'ordre public français justifiant leur prise en compte ;

- rien ne permet d'affirmer que le droit mauricien soit applicable, que les articles du code civil mauricien cités par l'Inde soient des lois de police et que le juge français devrait prendre en considération ces dispositions.

26. Les Actionnaires Devas, intimés, sont mentionnés « en présence » dans les conclusions des sociétés américaines et n'ont formé aucune demande dans l'instance en déféré, ayant conclu au fond à la confirmation de l'ordonnance d'exequatur.

27. La cour renvoie aux écritures susvisées des parties pour le détail de leurs arguments et moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

IV/ MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la recevabilité de l'intervention

28. Selon l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

29. Aux termes de l'article 554 du même code, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

30. L'appel des ordonnances d'exequatur fait l'objet de dispositions particulières en arbitrage interne et international et il est, depuis la réforme de 2011 strictement limité et encadré.

31. S'agissant de l'arbitrage international, l'article 1527 du code de procédure civile qui lui est dédié, détermine les conditions dans lesquelles ce recours est « formé, instruit et jugé », et il renvoie spécifiquement aux articles 900 à 930-1 de ce code.

32. Le contrôle exercé par la cour sur les sentences étrangères est stritement limité aux cas visés à l'article 1520 du code de procédure civile et la même rigueur s'applique à l'appel de l'ordonnance d'exequatur.

33. Il en résulte que l'article 1527 du code de procédure civile qui n'a prévu aucune exception expresse par son renvoi aux seuls articles 900 à 930-1 du code de procédure civile, doit être interprété strictement, l'autonomie des règles applicables en matière d'arbitrage international et le caractère conventionnel de l'arbitrage commandant que seuls les articles du code de procédure civile expressément visés par renvoi de ce texte soient applicables à la procédure d'appel des ordonnances d'exequatur.

34. Si les articles 905-2, 910 et 910-4 prévoient des règles de communications propres à l'intervenant forcé ou volontaire dans le cadre de la procédure d'appel ordinaire avec représentation obligatoire, ces règles qui supposent préalablement que l'intervention volontaire soit recevable, ne trouvent pas à s'appliquer en l'absence de renvoi exprès à l'intervention volontaire à l'article 1527.

35. Il n'y a pas lieu de distinguer ou d'introduire une exception que ne prévoit pas l'article 1527, et qui n'a pas été convenue par les parties à l'arbitrage, la nature contractuelle de l'arbitrage voulant que seules les parties puissent convenir d'une telle exception.

36. Le fait que la tierce opposition, procédure non expressément visée par les articles auxquels renvoie l'article 1527 du code de procédure civile, ait été déclarée recevable contre un arrêt d'exequatur d'une sentence internationale par un tiers n'est pas en contradiction avec la rigueur rappelée ci-dessus pour l'intervention qui est liée au caractère conventionnel de l'arbitrage.

37. En effet, selon l'article 585 du code de procédure civile, tout « jugement » est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose autrement. La cour de cassation a considéré que la tierce opposition contre « l'arrêt » de la cour d'appel ayant accordé l'exequatur constituait une voie de recours de droit commun à l'encontre, non de la sentence arbitrale, mais de la seule décision d'exequatur de la sentence rendue à l'étranger ce qui justifie qu'un « arrêt d'exequatur » soit susceptible de tierce opposition au visa de l'art. 6 CEDH.

38. L'intervention volontaire ou forcée, principale ou accessoire, est une demande et n'est pas une voie de recours.

39. Elle ne suit dès lors pas les mêmes règles procédurales que la tierce opposition et reste soumise au principe de l'autonomie de l'arbitrage et de l'effet relatif de la convention d'arbitrage, ce qui n'est pas contraire au procès équitable et à l'accès au juge, la renonciation par les parties à certains droits en souscrivant une clause d'arbitrage, pour autant qu'elle est libre, licite et sans équivoque n'étant pas contraire à la convention européenne des droits de l'homme (CEDH Mutu et Pechstein c. Suisse, 2 octobre 2018).

40. Ainsi la présente cour a-t-elle, par une décision du 22 mars 2022 produite aux débats, déclaré irrecevables les interventions accessoires des actionnaires de la société Devas ainsi que de la société Devas Multimedia America Inc dans l'instance opposant les parties dans un arbitrage CCI concernant le présent litige, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus.

41. L'intervention volontaire de tiers n'est donc admise ni dans les recours en annulation contre la sentence internationale, ni dans le cadre de l'appel de l'ordonnance d'exequatur, sauf volonté expresse des parties, ce qui ne saurait résulter que de la convention des parties.

42. L'intervention est enfin indépendante de toute subrogation.

43. En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que la subrogation n'était pas prévue par les assignments agreements et promissory notes.

44. Il n'y a donc pas lieu de présumer une quelconque subrogation.

45. De plus, les parties à l'arbitrage, parties à l'instance d'appel restent présentes à l'instance et ont conclu au fond, n'ayant pas été subrogées dans leurs droits.

46. En tout état de cause, les Sociétés Américaines se qualifient de « cessionnaires » et non de « subrogées ».

47. Elles font valoir leur qualité « d'ayant-droit » des Actionnaires Devas, soutenant être devenues titulaires de la sentence par l'effet des cessions intervenues le 24 décembre 2021, après l'ordonnance d'exequatur, estimant s'être vu céder un droit de défendre l'ordonnance d'exequatur rendue au bénéfice des Actionnaires Devas.

48. Elles demandent à titre personnel, et non comme subrogées dans les droits des parties à l'arbitrage, la confirmation de l'ordonnance d'exequatur en application d'un droit qui leur serait « propre » du fait de la cession, en « présence » des parties intimées qui sont toujours parties à l'instance, et qui ont, par conclusions au fond du 24 avril 2023, demandé la confirmation des ordonnances d'exequatur du 25 mai 2021 à leur égard.

49. Ces éléments ne permettent pas d'écarter la convention des parties ayant donné lieu aux sentences litigieuses ni de soutenir la demande d'intervention formulée par les Sociétés Américaines qui ne sont pas parties à l'arbitrage.

50. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que les sentences arbitrales de 2016 et 2020 revêtues de l'ordonnance d'exequatur litigieuse ont été rendues entre la République de l'Inde et les sociétés mauriciennes actionnaires de Devas, sur la base de l'offre d'arbitrage prévue par le TBI entre la République de l'Inde et la République de Maurice du 4 septembre 1998, offre limitée aux investisseurs susceptibles de pouvoir bénéficier dudit Traité, en l'occurrence les sociétés mauriciennes actionnaires de Devas, cette question ayant été tranchée par le tribunal arbitral dans sa sentence de 2016 au bénéfice des seuls Actionnaires Devas, seuls recevables à contester ladite sentence.

51. En effet, quand bien même les sociétés américaines seraient cessionnaires par l'effet des assignment agreements d'une créance issue des sentences arbitrales litigieuses, et quand bien même elles auraient un intérêt à faire exécuter ladite sentence pour recouvrer ladite créance, elles ne peuvent invoquer à leur profit un transfert du droit d'agir en annulation de la sentence, ni d'interjeter appel contre l'ordonnance d'exequatur, ces droits étant strictement rattachés à la qualité de partie à l'arbitrage, qui n'appartient qu'aux parties à la sentence ou à des tiers admis conventionnellement comme parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

52. L'intervention volontaire des sociétés américaines doit de plus fort être déclarée irrecevable.

53. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la légalité, en droit anglais, des assignment agreements invoqués, peu important que les Sociétés Américaines y prennent l'engagement de faire leurs efforts raisonnables pour engager et poursuivre des procédures en vue d'exécuter les sentences et assurer leur recouvrement, ainsi que pour assurer la défense des sentences contre les procédures engagées par l'Inde, ces assignment agreements ne leur conférant pas la qualité de « partie » à l'arbitrage, et ne leur permettant pas d'intervenir à l'instance d'appel de l'ordonnance d'exequatur.

54. Il importe peu également que les Sociétés Américaines promettent de payer aux Actionnaires Devas le montant des dommages et intérêts octroyés par les sentences, outre les intérêts, de tels engagements ne leur conférant pas plus la qualité de partie.

2. Sur le déni de justice

55. Il ne résulte pas de l'irrecevabilité de l'intervention retenue à l'égard d'un tiers à l'instance d'appel dans le cadre d'une procédure arbitrale, que ledit tiers serait privé de son droit d'accès à un juge prévu par l'article 6 de la CEDH dès lors que la procédure arbitrale et la renonciation à certains droits, lorsqu'il s'agit de trancher une contestation portant sur ses droits et obligations à caractère civil, n'est pas contraire à ladite Convention.

56. De plus, ne constitue pas un déni de justice la décision du juge qui rejette l'intervention d'un tiers qui ne remplit pas les conditions de recevabilité de son action au regard des règles de droit et procédurales applicables, dès lors que l'instance d'appel se poursuit régulièrement entre les parties à la procédure, liées par la clause d'arbitrage.

57. L'ordonnance querellée sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions, l'intervention volontaire des sociétés Américaines étant déclarée irrecevable.

3. Sur les frais et dépens

58. Statuant en déféré sur un incident de procédure auquel les sociétés intervenantes succombent, il y a lieu de faire peser la charge des frais et dépens de l'incident et du déféré sur celles-ci et de les condamner solidairement à payer à la République de l'Inde la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

V/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la Cour:

- Infirme l'ordonnance déférée du conseiller de la mise en état rendue le 13 février 2024 dans l'affaire n°22/11814 en toutes ses dispositions,

- Déclare irrecevables les interventions volontaires des sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC,

- Condamne les sociétés CCDM Holdings LLC, Telcom Devas LLC et Devas Employees Fund US LLC in solidum à payer à la République d'Inde la somme de 80.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident et du déféré.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,