CA Versailles, ch. com. 3-2, 10 septembre 2024, n° 24/00361
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
City Concept (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guerlot
Conseillers :
M. Roth, Mme Cougard
Avocats :
Me Mze, Me Tellechea, Me Laccours, Me Teriitehau, Me Quenault
Exposé du litige
Le 22 octobre 2019, sur sa déclaration de cessation des paiements de son dirigeant, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la liquidation judiciaire de la société City Concept, désigné M. [E] en qualité de liquidateur et fixé la date de cessation des paiements au 30 avril 2019.
Le 18 octobre 2022, le liquidateur a assigné M. [Z] devant ce tribunal en responsabilité pour insuffisance d'actif et en sanctions personnelles, reprochant à celui-ci, dirigeant de droit depuis l'origine, de s'être abstenu de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, de n'avoir pas tenu de comptabilité et d'avoir disposé des fonds de la société de manière contraire à ses intérêts.
Le 15 décembre 2023, ce tribunal a notamment :
- condamné M. [Z] à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 130 000 euros, avec anatocisme ;
- prononcé à l'égard de M. [Z] une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans ;
- condamné M. [Z] à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 12 janvier 2024, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Par conclusions du 2 avril 2024, le liquidateur a formé un appel incident.
Par dernières conclusions du 13 mai 2024, M. [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de rejeter l'ensemble des prétentions du liquidateur et de lui allouer une indemnité de procédure de 5 000 euros.
Par dernières conclusions du 13 mai 2024, le liquidateur, ès qualités, demande à la cour de :
- confirmer le jugement sur l'interdiction de gérer en ce qu'il a retenu la faute liée au retard apporté au dépôt de la déclaration de cessation des paiements, à la gestion contraire à l'intérêt social et au paiement des frais irrépétibles ;
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la faute liée à la tenue et à la remise de comptabilité, ni celle liée au paiement de sommes non justifiées à la société Gercom, et sur le quantum de la condamnation ;
- condamner M. [Z] à lui payer la somme de 670 386, 56 euros avec intérêts au taux légal et anatocisme ;
- prononcer contre M. [Z] une mesure de faillite personnelle, ou, à tout le moins, une mesure d'interdiction de gérer ;
- condamner M. [Z] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par avis du 14 mars 2024, le ministère public conclut à la confirmation du jugement.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée 27 mai 2024.
Motifs
1- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
1-1. Sur le montant de l'insuffisance d'actif
Aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce, « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. (') »
L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif admis et le montant de l'actif réalisé (Com, 24 mai 2018, n°16-29.116) ; le passif admis correspond aux créances antérieures au jugement d'ouverture, vérifiées par le liquidateur et admises par le juge-commissaire ; l'actif réalisé, aux sommes détenues par le liquidateur, y compris en suite de démarches de recouvrement tendant à la reconstitution du gage commun des créanciers.
En l'espèce, le jugement entrepris a retenu un passif de 680 470,20 euros.
M. [Z] soutient que les époux [D] ont pourtant renoncé à leur créance déclarée de 83 663,65 euros, laissant entendre que le passif aurait dû être diminué d'autant.
Mais cette créance, ayant été contestée, n'a pas été prise en compte dans le passif.
Le tribunal de commerce a retenu, d'autre part, que l'actif réalisé était de 10 083,52 euros.
L'appelant prétend que l'actif réalisé serait plus important si le liquidateur avait accompli plus de diligences pour recouvrer les créances de l'entreprise.
Il soutient, en premier lieu, que la société détenait une créance de 379 530,07 euros contre la société AVI correspondant au solde d'un marché passé pour une opération de réhabilitation à [Localité 9] ; mais comme le liquidateur le relève à juste titre, l'action engagée contre le maître d'ouvrage pouvait raisonnablement être considérée comme vouée à l'échec au regard des éléments mis au jour par le rapport préliminaire rendu le 21 janvier 2022 par l'expert judiciaire, que M. [Z] produit lui-même, d'où il ressort (rapport, p. 14 in fine) que l'entreprise a accompli 90 % des travaux prévus, pour certains avec des malfaçons, tandis qu'elle a perçu 93 % des sommes convenues.
M. [Z] affirme, en deuxième lieu, que certaines créances client hors AVI n'ont pas été recouvrées par le liquidateur, en particulier une somme de 25 000 euros séquestrée par la mairie de [Localité 11] au titre d'une garantie de parfait achèvement ; mais aucune des pièces versées aux débats, en particulier les échanges épistolaires entre le liquidateur et la mairie de [Localité 11] et le rapport du liquidateur en date du 7 avril 2020, n'accrédite cette thèse ; il résulte au contraire d'un courrier adressé le 5 décembre 2019 au liquidateur par la mairie de [Localité 11] que toutes les factures de la société liquidée avaient été acquittées par cette collectivité.
Le passif admis et l'actif réalisé ont ainsi été justement appréciés par le premier juge.
Il convient en conséquence de retenir, comme le jugement entrepris, que l'insuffisance d'actif s'élève à 670 386,56 euros.
1-2. Sur la qualité de dirigeant de l'appelant
La qualité de dirigeant de droit de M. [Z] depuis l'origine n'est pas contestée.
1-3. Sur les fautes de gestion
Sur le grief de non-déclaration de la cessation des paiements
Selon l'article L. 640-4 du code de commerce, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Constitue une faute de gestion le fait de ne pas demander l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire dans ce délai (Com., 2 nov. 2016, n° 15-10.015) ; cette faute peut emporter la responsabilité du dirigeant en application de l'article L. 652-1 précité, notamment lorsqu'elle a permis de poursuivre une activité déficitaire (Com, 30 nov 1993, n°91-20.554, publié).
Mais l'omission de la déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal peut constituer une simple négligence, exclusive de faute de gestion, même lorsque le dirigeant n'a pas ignoré cet état (Com, 3 février 2021, n°19-20.004, publié).
La date de cessation des paiements à retenir pour apprécier l'existence d'une telle faute est celle fixée par le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report (Com, 4 nov 2014, n°13-23.070, PBRI, revirement).
En l'espèce, le jugement d'ouverture a fixé la date de cessation des paiements au 30 avril 2019 qui est devenu irrévocable, tandis que M. [Z] ne l'a déclarée que le 14 octobre 2019. Le délai de déclaration ayant expiré le 14 juin 2019, le défaut de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal est établi.
Dans cet intervalle, le passif s'est aggravé.
En effet, les factures émises par les Etablissements Edoli le 24 mai 2019 ont été visées « bon pour accord de paiement par le maître d'ouvrage » le 29 septembre 2019 ; la facture n°876 de la société Signature F du 31 mai 2019 était à régler le 15 juillet 2019.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, les trois factures en cause étaient donc payables après la date à laquelle la déclaration de cessation des paiements aurait dû être effectuée.
Par ailleurs, l'appelant ne conteste pas l'exigibilité de la dette de TVA postérieurement à cette date.
Il résulte en outre des relevés produits que le découvert du compte de dépôt de la société dans les livres de la BNP Paribas atteignait quelque 186 000 euros le 30 avril 2019 et quelque 135 000 euros le 30 septembre 2019, ce qui tient compte des sommes encaissées par la société au cours de la période suspecte et à quoi est indifférente l'existence d'un cautionnement au bénéfice duquel la banque avait autorisé un découvert.
Comme le fait observer le liquidateur, le premier des apports en compte courant est antérieur à la date de cessation des paiements ; quant au second, de 41 000 euros, réalisé le 22 août 2019, il était manifestement insuffisant pour permettre à l'entreprise de surmonter ses difficultés ; son importance démontre en revanche que le dirigeant avait, à cette époque, conscience de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait la société.
Dès lors que les travaux commandés par la société AVI devaient contractuellement être réceptionnés le 14 avril 2019 (rapport de l'expert, p. 3), soit deux mois avant la date à laquelle la déclaration de cessation des paiements aurait dû être déposée, pour permettre d'accueillir partie du festival d'[Localité 9] en juillet suivant, et que ces travaux n'étaient pas achevés à la date prévue, M. [Z] savait que les relations de l'entreprise avec son principal client étaient compromises et ne pouvait espérer pouvoir payer ses fournisseurs ; il résulte du rapport de l'expert que le chantier a été achevé entre le 3 juin et le 2 juillet 2019 par d'autres entreprises que City Concept ou ses sous-traitants.
Le détournement de clientèle allégué qui aurait empêché M. [Z] de connaître la réalité de la situation de l'entreprise n'est pas établi par les pièces versées aux débats ; il résulte au contraire de la convocation à un entretien préalable à un licenciement adressée à M. [J] le 11 septembre 2019, soit un mois avant la déclaration de cessation des paiements, que lui étaient reprochés de simples démarchages des clients de l'entreprise.
Dans le même temps, l'actif n'a pas augmenté.
L'omission par M. [Z] de la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal constitue ainsi, en l'espèce, une faute de gestion exclusive de négligence ayant directement contribué à l'aggravation du passif de la société liquidée à hauteur de la somme de 216 947,24 euros.
Sur le grief de non tenue de comptabilité
Les articles L. 123-12 à L. 123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d'une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, au moyen de la tenue d'un livre journal et d'un grand livre. Les mouvements doivent être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d'exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l'exercice.
Constitue une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 précité le fait, pour un dirigeant, de contrevenir à cette obligation de tenir une comptabilité et de dresser des comptes annuels réguliers, sincères et donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, dès lors que l'absence de comptabilité ou la tenue d'une comptabilité irrégulière prive l'entreprise d'un outil permettant de connaître l'évolution réelle de sa situation financière et de déceler les difficultés (Com, 12 janv. 2010, n° 08-14.342 ; 6 mars 2019, n°17-26.495) ; l'absence de tenue de toute comptabilité peut être déduite de la non-production de la comptabilité au liquidateur (Com, 6 févr. 2001, n° 98-11.239).
En l'espèce, le jugement entrepris retient que le liquidateur ne rapporte pas la preuve de l'absence ou de tenue irrégulière de comptabilité.
Le liquidateur fait valoir qu'aucun élément comptable ne lui a été remis pour la période postérieure au 31 décembre 2018.
Mais par des motifs circonstanciés, que la cour adopte, le jugement entrepris a démontré que la comptabilité avait été tenue au cours de l'année 2019 ; le fait qu'elle n'ait été remise au liquidateur que le 28 mars 2023 est à cet égard indifférent.
Le grief ne sera donc pas retenu.
Sur le grief de gestion contraire à l'intérêt de la société
Le détournement des actifs ou de la clientèle de la société en liquidation judiciaire constitue une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 précité (Com, 6 octobre 1992, n°90-19.823, publié).
En l'espèce, par un contrat du 28 août 2017, la société SLR et associés, qui avait à l'époque pour dirigeant M. [Z], a donné à bail commercial à la société City Concept, des bureaux sur une péniche amarrée à [Localité 8] ; le contrat est signé par M. [Z] tout à la fois en qualité de preneur et en qualité de bailleur.
En ses articles 7 et 8, de manière usuelle, ce bail met à la charge du preneur des obligations d'entretien des lieux et de menues réparations, sans diminution de loyer ; contrairement à ce que soutient l'appelant, aucuns travaux significatifs n'étaient contractuellement à la charge de la société City Concept qu'il dirigeait.
Or il est constant que la société City Concept a payé des travaux dans la péniche à hauteur de 79 272,88 euros. Il résulte du décompte produit par l'appelant lui-même que cette somme comporte notamment des travaux d'aménagement d'une cuisine, pour quelque 35 000 euros, ou encore d'évacuation de gravats, la pose de moquette et de carrelage.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, ni la prétendue modicité du loyer convenu ni aucun accord commercial entre bailleur et preneur ne peut justifier ces dépenses qui, comme le tribunal de commerce l'a exactement retenu, sont constitutives d'un détournement des actifs de la société City Concept au profit d'une autre société dont M. [Z] était actionnaire et ayant aggravé le passif.
D'autre part, la société City Concept a versé diverses sommes à la société City Access, dont M. [Z] était également le dirigeant et l'associé.
L'appelant soutient que ces versements ont été effectués en exécution d'un contrat de collaboration du 21 février 2017 selon lequel chacune des deux sociétés utilisera les compétences de l'autre et lui facturera les siennes.
Ce contrat prévoit également la refacturation par City Access à City Concept du loyer de bureaux situés à [Localité 10], ce qui peut justifier le versement de 20 985 euros reproché à M. [Z] par le liquidateur.
Mais comme le relève l'intimé, les échanges financiers entre les deux sociétés figurent au grand livre de la société City Concept pour l'année 2019 édité le 28 mars 2023 dont il a déjà été question dans un compte 467, « autre débiteur ou créditeur divers » selon le plan comptable général, non dans un compte fournisseurs, pour un solde débiteur total de 54 078,66 euros.
Comme le relève encore le liquidateur, ces prétendues prestations ne sont justifiées par aucun devis préalable ; l'unique devis produit par l'appelant, daté du 18 février 2019, d'un montant de 25 000 euros, ne correspond à aucune des écritures figurant au compte 467 de l'année 2019.
Il convient de retenir, comme l'a fait le jugement entrepris, que le versement par la société City Concept à la société City Access de la somme de 54 078,66 euros n'est pas causé et constitue une faute de gestion imputable à M. [Z] ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
En dernier lieu, le liquidateur reproche à M. [Z] d'avoir porté sur un compte d'attente une somme de 580 000 euros, en particulier des sommes payées à une société Gercom.
Mais, d'une part, deux contrats de sous-traitance signés en 2018 entre Gercom et City Concept ont été produits qui peuvent, à défaut de factures, expliquer ces versements ; aucun lien personnel entre M. [Z] et la société Gercom n'est allégué.
D'autre part, si l'inscription de dépenses aussi importantes sur un compte d'attente 471 constitue une faute, ce manquement aux règles comptables n'a pas en lui-même nui à l'intérêt de la société liquidée.
En revanche, l'examen du compte d'attente démontre que le dirigeant a courant 2019 utilisé les fonds de la société pour des dépenses purement personnelles, notamment de paiement d'amende, de restaurant, de pharmacie, de supermarché, de transport, d'électroménager, sans lien avec l'intérêt social et sur lesquelles l'appelant ne propose aucune explication. Il convient, au vu du compte produit, qui porte sur la seule année 2019, de retenir que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur d'une somme globale de 50 000 euros.
1-4. Sur le montant de la contribution à l'insuffisance d'actif
Le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L. 651-2 précité même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et condamné à supporter en totalité ou en partie les dettes sociales, même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles (Com, 30 nov 1993, n°91-20.554, publié ; 4 juillet 2018, n°17-14.575) ; le juge n'a pas à déterminer la part de l'insuffisance d'actif imputable à chacune des fautes retenues (Com, 25 mars 2020, n°18-21.841).
Le montant de la contribution du dirigeant fautif à l'insuffisance d'actif doit être fixé dans le respect du principe de proportionnalité (Com, 15 déc 2009, n°08-21.906, publié
En l'espèce, les fautes de gestion imputables à M. [Z] ont directement aggravé le passif de la société City Concept à hauteur d'une somme globale de 216 947,24 + 79 272,88 + 54 078,66 + 50 000 = 400 298,78 euros.
Il est proportionné à la gravité de ces fautes de condamner l'appelant à verser l'intégralité de cette somme à la société liquidée ; le jugement entrepris sera donc réformé de ce chef ; l'anatocisme sollicité est de droit.
2- Sur les sanctions personnelles
Les dispositions des articles L. 653-1 à L. 653-11 du code de commerce sont applicables, selon l'article L. 653-1, en cas de liquidation judiciaire, aux personnes physiques dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.
L'article L. 653-4 de ce code dispose :
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
Aux termes de l'article L. 653-5 de ce code, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.
L'article L. 653-8 du même code dispose :
Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.
Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
La fixation du quantum des sanctions personnelles prévues à ces textes doit répondre au principe de proportionnalité (Com, 1er déc 2009, n°08-17.187, publié).
En l'espèce, ainsi qu'il ressort des motifs ci-dessus, ayant utilisé les fonds de la société pour des dépenses personnelles, M. [Z] a disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ; nonobstant les deux demandes écrites du mandataire judiciaire, il s'est abstenu de lui fournir la comptabilité de l'année 2019, faisant ainsi obstacle au bon déroulement de la procédure ; en décidant de réparations non locatives au profit d'une société bailleresse dont il avait le contrôle, il a détourné une partie de l'actif.
Ces faits sont dolosifs au sens des articles L. 653-4 et L. 653-5 précités.
M. [Z] est dirigeant de cinq sociétés. Il est âgé de 42 ans comme né le [Date naissance 1] 1982.
La gravité des faits qui lui sont imputables justifie le prononcé contre lui d'une interdiction de gérer toute entreprise commerciale et toute personne morale d'une durée de quatre ans.
Le jugement sera donc réformé du chef de la sanction infligée à l'appelant.
Sur les demandes accessoires
L'appelant, qui succombe, sera condamné aux dépens, avec la distraction sollicitée.
Il convient en outre d'allouer au liquidateur, ès qualités, la somme forfaitaire prévue au dispositif au titre des frais non compris dans les dépens.
Par ces motifs,
la cour
Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de M. [Z] au titre de l'insuffisance d'actif et en ce qu'il a prononcé contre lui une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne M. [Z] à verser à M. [E], ès qualités, la somme de 400 298,78 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Dit que les intérêts au taux légal produits par cette somme à compter de ce jour seront capitalisés selon les modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil ;
Prononce à l'encontre de M. [H] [Z], de nationalité française, né le [Date naissance 1] 1982 dans le [Localité 12], l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou toute personne morale pour une durée de quatre ans ;
Condamne M. [Z] aux dépens, avec distraction au profit de Mme Teriitehau, avocat au barreau de Versailles ;
Condamne M. [Z] à verser au liquidateur, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.