CA Paris, Pôle 4 ch. 13, 10 septembre 2024, n° 23/16771
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Fjmn (SAS)
Défendeur :
Novo Conseils (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valay-Briere
Conseillers :
Mme Dibie, M. Le Vaillant
Avocats :
Me Braun, Me Rizzo, Me Fertier, Me Bernard
***
La Sarl Esprit campagne, qui avait pour activité, notamment, la conception, le développement et la commercialisation de concepts d'hébergement innovants, avait pour filiales la Sarl Bocages, dont elle détenait 95% du capital, qui fabriquait et commercialisait des roulottes, et la Sarl Bocages vacances, dont elle détenait 100% du capital, qui avait pour activité la gestion et l'exploitation de résidences hôtelières, de tourisme et de parcs résidentiels de loisir.
La société Bocages avait, pour l'exercice de son activité, signé des baux commerciaux d'une durée de 10 ans avec les propriétaires 'investisseurs-bailleurs' de roulottes, et souscrit un engagement de reprise des roulottes à raison de 75% de leur prix d'achat, au terme du bail.
Ces trois sociétés (ci-après, le groupe Esprit campagne) étaient gérées par Mme [L] [J], son époux, M. [H] [J], étant salarié de la société Esprit campagne. Tous avaient pour avocat M. [Y] [K] exerçant au sein de la Selas Novo conseils.
Le groupe Esprit campagne éprouvant des difficultés financières, la société Esprit campagne, après avoir envisagé en juillet 2010 une entrée dans son capital de la société groupe Plantin participations, qui a investi la somme d'un million d'euros, s'est rapprochée, en mai 2011, de M. [S] [V], dirigeant du groupe Aplus, dont la holding est la Sas FJMN, afin de procéder d'urgence à une nouvelle augmentation de capital.
Le 5 août 2011, les époux [J], assistés de M. [K], ont cédé à la société FJMN 60% des parts sociales qu'ils détenaient dans le capital social de la société Esprit Campagne au prix de 90 000 euros.
La société Esprit Campagne a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde qui a été ouverte par jugement du 22 novembre 2011 et qui a pris fin le 11 juin 2013. La société mère et les filiales ont, ensuite, été placées en liquidation judiciaire par jugements des 17 et 18 septembre 2013.
Après avoir engagé des actions en responsabilité à l'égard des époux [J] et du commissaire aux comptes, la société FJMN a assigné M. [K] et sa société d'exercice professionnelle devant le tribunal de grande instance d'Auxerre en responsabilité civile professionnelle et indemnisation soutenant que ce dernier n'avait pas appelé son attention sur l'existence de lourdes dettes contractées par la société Bocages qui avait pris en location longue durée des roulottes qu'elle avait vendues à des investisseurs avec un engagement de reprise en fin de bail à hauteur de 75% du prix d'achat, lequel par jugement en date du 29 juillet 2019 a :
- rejeté la demande de sursis à statuer de M. [K] et la Selas Novo conseils,
- rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de qualité soulevée par M. [K] et la Selas Novo conseils à l'encontre de la Sas FJMN,
- dit que les conditions d'engagement de la responsabilité civile professionnelle de M. [K] sont réunies,
- débouté la Sas FJMN de sa demande de réparation de son préjudice,
- condamné in solidum M. [K] et la Selas Novo conseils à verser à la Sas FJMN la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [K] et la Selas Novo conseils de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [K] et la Selas Novo conseils aux entiers dépens de l'instance,
- dit n y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Statuant sur l'appel de la société FJMN, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 16 mars 2022, a :
- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,
- débouté la société FJMN de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société FJMN à payer à M. [K] et la Selas Novo conseils une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société FJMN aux dépens de première instance et d'appel.
Le 14 juin 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions cet arrêt au motif qu'en rejetant la demande indemnitaire car M. [K] n'avait pas manqué à son devoir de loyauté à l'égard du co-contractant de son client, n'ayant personnellement communiqué aucune fausse information au cessionnaire ou à l'avocat de celui-ci, la cour n'avait pas répondu aux conclusions de la société FJMN qui soutenait ne pas avoir été alertée par M. [K] de l'existence même de l'engagement de rachat des roulottes pris par une filiale et que cette information était essentielle pour l'équilibre de l'opération de cession de parts de la société mère.
Le 10 octobre 2023, la Sas FJMN a saisi la cour d'appel de Paris, désignée comme cour de renvoi.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 2 mai 2024, la Sas FJMN demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée recevable en son action en responsabilité civile à l'encontre de M. [K] et de la Selas Novo conseils,
- déclarer irrecevables et en tout cas infondées, sur le fondement de l'article 1353 du code civil et l'article 9 du code procédure civile, les nouvelles prétentions de M. [K] notamment celles relatives à la prétendue communication des clauses de reprise de roulottes au terme du courriel du 29 juillet 2011 adressé par Mme [J] à M. [V] (pièce adverse n°19) après 13 ans de silence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les conditions d'engagement de la responsabilité civile professionnelle de M. [K] et de la Selas Novo conseils sont réunies,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de réparation de son préjudice,
- condamner in solidum M. [K] et la Selas Novo conseils à lui payer la somme de 1 500 000 euros en réparation du préjudice subi,
en tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des moyens et demandes formulés par M. [K] et la Selas Novo conseils,
- condamner in solidum M. [K] et la Selas Novo conseils à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 6 mai 2024, M. [Y] [K] et la Selas Novo conseils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de qualité soulevée par eux à l'encontre de la société FJMN,
* dit que les conditions d'engagement de la responsabilité civile professionnelle de M. [K] sont réunies,
* les a condamnés in solidum à verser à la société FJMN la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
statuant à nouveau,
à titre liminaire,
- juger irrecevable l'action de la société FJMN à leur encontre pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
- en conséquence, débouter la société FJMN de l'intégralité de ses demandes formulées à leur encontre,
à titre principal,
- juger que M. [K] n'a pas commis de faute dans le cadre de la rédaction des actes de cession de parts sociales,
en conséquence,
- débouter la société FJMN de l'intégralité de ses demandes formulées à leur encontre,
à titre subsidiaire,
- juger que la société FJMN ne rapporte pas la preuve de 'ces' prétendus préjudices,
en conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société FJMN de ses demandes à leur encontre,
en tout état de cause,
- débouter la société FJMN de sa demande formulée à leur encontre (sic),
- condamner la société FJMN à leur verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société FJMN aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la Selarl JRF & associes représentée par maître Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2024.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'action
Le tribunal judiciaire a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société FJMN soulevée par M. [K] et la Selas Novo conseils en ce que :
- la procédure se fonde uniquement sur la question de la responsabilité de M. [K] et de la Selas Novo conseils et ne comporte aucun autre défendeur, les autres mis en cause faisant l'objet de procédures distinctes,
- aucune procédure collective, que ce soit une sauvegarde de justice, un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire, n'est dirigée tant envers M. [K] et la Selas Novo conseils qu'envers la Sas FJMN de sorte que l'article L.622-20 du code de commerce ne saurait s'appliquer,
- M. [K] est mis en cause en tant qu'avocat des époux [J], vendeurs des parts sociales, et non en tant qu'avocat du groupe.
M. [K] et la Selas Novo conseils soutiennent que :
- en application des articles L.622-20 et L.641-4 alinéa 1 du code de commerce, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers,
- les actions individuelles de créanciers ne sont pas recevables à moins qu'ils justifient d'un intérêt personnel distinct de celui des autres créanciers,
- le préjudice allégué par la société FJMN n'est pas personnel et distinct de celui des autres créanciers de la Sarl Bocages et du groupe Esprit campagne, il est directement consécutif de la liquidation judiciaire de la société Esprit campagne et de l'insuffisance d'actif de cette dernière, qui ne permet pas à la société FJMN d'être remboursée de ses apports, que ce soit en compte courant ou sous forme de prêt,
- il importe peu qu'aucune procédure collective ne soit dirigée contre M. [K], la Selas Novo conseils ou la société FJMN ou que la prétendue faute ait été commise avant la signature des actes d'acquisition par la société FJMN des parts sociales,
- dés lors que l'action de la société FJMN contre le commissaire aux comptes a été déclaré irrecevable par la cour d'appel de Bourges dans son arrêt du 10 mars 2016 après avoir considéré que son préjudice 'n'est pas personnel et distinct de celui des autres créanciers de la Sarl Bocages', on voit mal comment il pourrait en être autrement concernant cette action, les fautes reprochées au commissaire aux comptes étant également antérieures à la signature des actes,
- par son arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation a confirmé le défaut de qualité à agir de la société FJMN en rejetant son pourvoi.
La société FJMN réplique qu'elle a intérêt à agir de sorte que son action est recevable, en ce que :
- son action n'a pas pour objet de reconstituer le patrimoine social de la société Esprit campagne ou de la société Bocages ou de pallier la perte des valeurs des actions ou parts détenues dans la société mais d'obtenir l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas contracter avec les sociétés du groupe du fait de la dissimulation d'informations en lien avec les engagements juridico-financiers du groupe commise par M. [K] et la Selas Novo conseils à son détriment,
- les dispositions de l'article L. 622-20 du code de commerce ne sont pas applicables puisque l'action initiale a été engagée à l'encontre de M. [K] et la Selas Novo conseils, tous étant tiers à la société Esprit campagne,
- dans son arrêt du 27 septembre 2017, rendu dans l'instance engagée à l'encontre du commissaire aux comptes, la Cour de cassation n'a pas déclaré irrecevable son action ni celle du liquidateur.
Selon l'article 122 du code de procédure civile, 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
En application des dispositions des articles L.622-20 et L.641-4 alinéa 1 du code de commerce, le mandataire judiciaire, puis en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire, a seul qualité à agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Il en résulte que ne sont pas recevables les actions individuelles de créanciers à moins qu'ils ne justifient d'un intérêt personnel distinct de celui des autres créanciers.
La société FJMN agit en responsabilité civile professionnelle et indemnisation à l'égard de M. [K] et la société Novo conseils en leur qualité de rédacteur de l'acte de cession de parts sociales de la société Esprit campagne, en faisant valoir une perte de chance, évaluée à 1 500 000 euros, de ne pas contracter, soit entrer dans le capital de la société Esprit campagne et investir dans celle-ci, et donc de ne pas verser en pure perte une somme totale de 2 146 669 euros au titre du prix d'acquisition des parts sociales mais également des avances en compte courant et du prêt consentis à la société Esprit campagne, en précisant qu'elle a déclaré ces créances à la procédure collective de celle-ci.
Ce faisant, elle agit non pas en sa qualité d'actionnaire de la société Esprit campagne, elle-même société mère et créancière de la société Bocages, mais en sa qualité de partie à l'acte de cession de parts sociales de la société Esprit campagne qu'elle a seule conclu avec les époux [J] agissant à titre personnel. Le préjudice au titre de la perte de chance de conclure l'acte de cession de parts sociales dont elle se prévaut est inhérent à la conclusion de cet acte, en exécution duquel elle a versé le prix de cession de parts sociales et qui lui a conféré la qualité d'associé de la société Esprit campagne, au titre de laquelle elle a consenti une avance en compte courant et un prêt à ladite société. Ce préjudice, qui n'est pas le corollaire et se distingue du préjudice subi par l'ensemble des créanciers de la procédure collective de la société Esprit campagne, étrangers à l'acte de cession de parts sociales, est exclusivement personnel.
Enfin, la solution de l'arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017 qui a rejeté le premier moyen du pourvoi, qui critiquait l'arrêt de la cour d'appel de Bourges en ce qu'il avait retenu que l'action de la société FJMN n'était pas recevable en raison de l'absence de démonstration d'un préjudice subi distinct de celui de la collectivité des créanciers, n'est pas transposable en ce que la société FJMN agissait alors en responsabilité contre le commissaire aux comptes d'une société en liquidation judiciaire en qualité d'associé de cette société.
La société FJMN a donc qualité et intérêt à agir en responsabilité civile professionnelle à l'encontre de l'avocat et de sa société d'exercice, et son action est recevable, en confirmation du jugement.
Sur l'irrecevabilité des prétentions nouvelles de M. [K]
La société FJMN ne précise pas de quelle prétention nouvelle elle sollicite l'irrecevabilité, le courriel du 29 juillet 2011 adressé par Mme [J] à M. [V] n'étant qu'une offre de preuve supplémentaire et non une demande, et ne développe aucun moyen au soutien de cette demande, laquelle ne peut donc qu'être rejetée.
Sur la responsabilité de l'avocat et de sa société d'exercice
* Sur la faute
Le tribunal judiciaire a retenu l'existence d'une faute aux motifs que :
- en application de l'article 3 du décret du 12 juillet 2005, l'avocat est tenu d'un certain nombre d'obligations à l'égard de son client,
- M. [K], dont il n'est pas contesté qu'il a rédigé sinon co-rédigé l'acte de cession de parts sociales, était tenu de veiller à assurer l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et de s'assurer que tous les cocontractants avaient pleinement connaissance de la portée et de toutes les conséquences de leurs engagements réciproques,
- selon les contrats, la société Bocages devait automatiquement au terme du bail commercial décennal proposer au bailleur-acheteur le rachat des roulottes à hauteur de 75% de leur valeur d'achat,
- il ne ressort pas des pièces contractuelles produites que la société FJMN ou son conseil ait connu cette information,
- M. [K], qui avait connaissance de ces clauses de rachat des roulottes, n'en a pas informé la société FJMN avant et lors de la signature du contrat de cession des parts sociales entre celle-ci et les époux [J], alors qu'il était au courant qu'il s'agissait de clauses importantes et non-négligeables,
- le fait que la Sas FJMN était assistée de son propre avocat avant et au moment de la signature du contrat de cession est inopérant dans la mesure où ce professionnel n'était pas au courant de cette information et ne pouvait donc voir sa responsabilité engagée en conséquence,
- le silence gardé par M. [K], tant pendant la période précontractuelle qu'au moment de la signature du contrat et dans la rédaction même du contrat de cession des parts sociales, constitue un manquement à ses obligations légales,
- la Selas Novo conseils est responsable civilement de ce dernier.
La société FJMN soutient dans ses conclusions que :
- M. [K] avait connaissance des engagements grevant les roulottes préalablement à la signature du contrat de cession des parts sociales et de leur importance,
- les appelants ne rapportent pas la preuve qu'elle a eu connaissance de la brochure de présentation du programme 'Les roulottes de campagne' qui précise l'existence d'options de sortie exclusifs ou de cette information par une autre voie quelle qu'elle soit,
- il ne peut pas lui être fait grief de ne pas s'être enquis de documents dont elle ignorait l'existence,
- si elle avait connaissance des difficultés financières des sociétés Bocages, il ne ressort d'aucune pièce qu'elle savait avant de procéder au rachat que cela était essentiellement dû à ces engagements de rachat à hauteur de 75%,
- M. [K] lui a délibérément dissimulé cette information avant et lors de la signature du contrat de cession des parts sociales,
- M. [K], en sa qualité de rédacteur d'acte, était tenu de s'assurer que l'ensemble des cocontractants avaient pleinement connaissance de la portée et du sens des engagements qu'ils souscrivaient,
- le fait qu'elle était également assistée d'un avocat préalablement et concurremment à la signature du contrat de cession litigieux ou que M. [V] serait un homme d'affaires avisé et l'une des plus grosses fortunes de France n'a aucun effet sur la portée de l'obligation de M. [K] dans la mesure où leur conseil n'avait pas été informé de l'existence de la clause de reprise et avait chargé son confrère de la rédaction du contrat sur la base des informations communiquées,
- M. [K], qui se chargeait des diligences de dépôt des comptes, ne pouvait ignorer ni que la société Bocages n'avait pas provisionné comptablement les fonds nécessaires à la reprise des roulottes en cas de levée de la clause par les bailleurs et que les engagements pris ne figuraient pas non plus dans les rapports des commissaires aux comptes ni que cette information aurait une incidence décisive sur les engagements souscrits,
- en taisant volontairement ou à tout le moins en ne prenant pas l'initiative d'informer les parties de l'existence de cette clause de rachat des roulottes intégrée à l'ensemble des contrats souscrits par la société Bocages, M. [K] a commis une faute et violé son obligation d'information et de conseil à son égard,
- alors qu'il est resté l'avocat du groupe Esprit campagne jusqu'en juin 2013, M. [K] n'a pas trouvé opportun de l'informer postérieurement à la signature de l'acte de cession des engagements litigieux,
- ces éléments permettent d'écarter la bonne foi de M. [K] et de retenir sa déloyauté dans sa mission de rédacteur d'actes,
- les arguments consistant à lui reprocher d'avoir voulu conclure rapidement l'acte pour se soustraire à leur obligation exhaustive d'information à l'égard des parties à l'acte comme à rejeter la faute sur maître [O] sont inopérants au regard des obligations déontologiques prévues à l'article 3 du règlement intérieur national (RIN) et au fait que la clause litigieuse ne figurait dans aucun document communiqué en amont,
- le sort donné à la proposition d'affaires avec la société Vita constructions n'a aucun lien avec l'obligation d'information qui pesait sur les intimés au moment de la conclusion du contrat,
- en se prévalant de la communication des contrats contenant les clauses de reprise de roulottes par un lien wetranfer contenu dans un courriel du 29 juillet 2011, sans en justifier, les intimés cherchent à tromper la cour,
- M. [K] étant associé de la Selas Novo conseils, celle-ci est responsable civilement de ce dernier.
M. [K] et la Selas Novo conseils répliquent qu'ils n'ont commis aucune faute, en ce que :
- M. [K] n'était pas le conseil de la société FJMN qui avait son propre avocat, maître [O], lequel présent lors des phases de négociation, de rédaction et de signature de l'acte de cession, se devait de prendre toutes les mesures garantissant son client, au titre de l'accord passé,
- M. [K], qui ne peut pas être considéré comme ' rédacteur unique' de l'acte de cession du mois d'août 2011, était seulement tenu en sa qualité de co-rédacteur, de s'assurer que ses clients, les époux [J], avaient pleinement connaissance « de la portée et de toutes les conséquences de leurs engagements réciproques »,
- le devoir général de loyauté ne saurait s'interpréter comme mettant à la charge de l'avocat une obligation d'informer et de conseiller la partie adverse,
- M. [K] n'a pas manqué à son devoir de loyauté, en ce qu'il ne s'est pas retrouvé en situation de conflit d'intérêts et n'a pas manqué au principe du contradictoire,
- la société FJMN a imposé un délai de négociation limité de deux jours, qui pourrait expliquer l'absence de recherches d'informations par la société FJMN sur les sociétés dont elle prenait le contrôle, maître [O] insistant pour une rédaction rapide de l'acte de cession en reprenant les termes de la lettre d'intention qu'il avait lui-même rédigée,
- la société FJMN ne pouvait ignorer l'option de rachat des roulottes, Mme [J] ayant interpellé M. [V] par mail du 27 juillet 2011 sur la nécessité de procéder au règlement des roulottes aux clients/investisseurs et celle-ci étant clairement mentionnée sur les brochures publicitaires de la société Bocages, accessible à tous et dont elle a nécessairement pris connaissance avant l'entrée dans le groupe,
- lorsqu'une prise de participation dans une société est envisagée, il relève du bon sens que de s'intéresser aux conditions dans lesquelles celle-ci réalise son chiffre d'affaires, il est donc surprenant que la société FJMN ne se soit pas informée sur les modalités de commercialisation des roulottes lui permettant alors de connaître la clause d'engagement de reprise de celles-ci par la société Bocages,
- la société FJMN étant dirigée par des entrepreneurs avertis, il ne peut être sérieusement soutenu qu'elle n'a pas pris connaissance des contrats en cours et par voie de conséquence de l'option d'achat des roulottes, et à défaut cela serait constitutif d'une négligence de sa part,
- en réponse à la demande formulée par maître [O] le 29 juillet 2011, Mme [J] lui a adressé les documents complémentaires sollicités par l'intermédiaire d'un lien internet de partage de documents, il ne peut dès lors être écarté que les contrats dont la société FJMN se prévaut, faisant état de l'option d'achat, aient été communiqués,
- M. [K] n'avait pas une mission générale d'assistance et de conseil des sociétés du groupe
et n'a pas participé à la réalisation matérielle des opérations prises individuellement avec chaque investisseur,
- il a en revanche été consulté, par mail du 22 octobre 2007, sur les documents commerciaux émis par la société Bocages, et il a alors attiré l'attention de cette société sur la clause de rachat des roulottes,
- M. [K] a cessé d'être l'avocat du groupe à compter de mars 2013,
- il n'a pas donné une image de solvabilité du groupe, maître [O] étant au contraire parfaitement informé de la situation économique pour avoir été alerté à plusieurs reprises sur celle-ci,
- M. [K] était uniquement avocat des cédants et n'avait aucune compétence en matière comptable, cette partie du dossier ressortant de la compétence exclusive du commissaire aux comptes, le cabinet KPMG, expert-comptable du groupe, qui n'a pas jugé utile de constituer des provisions pour risque, raison pour laquelle elles ne figuraient pas dans les documents comptables,
- la société FJMN connaissait l'état de cessation des paiements des sociétés avant son entrée au capital du groupe et s'est engagée en toute connaissance de cause à acquérir 60% de la société Esprit Campagne, sans mener d'audit d'acquisition et sans demander une garantie d'actif et de passif aux époux [J],
- en refusant de signer un contrat d'apporteur d'affaires préparé par M. [K], M. [V] a fait perdre à la société FJMN des ressources financières supplémentaires, ce dont il ne saurait être fait grief à M. [K].
La responsabilité du professionnel du droit est une responsabilité de droit commun qui suppose la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre l'une et l'autre.
L'article 3 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat prévoit que l'avocat doit, dans l'exercice de ses fonctions, respecter, notamment, un principe de loyauté. Cette obligation est reprise à l'article 1-3 du RIN.
Ce principe de loyauté vaut tant pour les missions de défense que de conseil et de rédaction d'actes et n'est pas limité au rapport liant l'avocat à son client.
L'article 7 du même règlement, dans sa rédaction applicable au litige, relatif à 'La rédaction d'actes', dispose en ses points 1-'Définition du rédacteur', qu''A la qualité de rédacteur l'avocat qui élabore, seul ou en collaboration avec un autre professionnel, un acte juridique pour le compte d'une ou plusieurs parties, assistées ou non de conseils, et qui recueille leur signature sur cet acte.
Le seul fait pour un avocat de rédiger le projet d'un acte dont la signature intervient hors de sa présence ne fait pas présumer de sa qualité de rédacteur (...)', '2-Obligations du rédacteur' que 'L'avocat seul rédacteur d'un acte veille à l'équilibre des intérêts des parties.(...), et '3-Contestations' que 'L'avocat qui est intervenu comme rédacteur unique d'un acte n'est pas présumé avoir été le conseil de toutes les parties signataires. Il n'est pas rédacteur unique dès lors que la partie autre que celle qu'il représente était assistée par un conseil, avocat ou non.'
En l'espèce, il est établi, et au demeurant non contesté, que la société FJMN a désigné son propre conseil, M. [O], afin de l'assister dans le projet de mise en place du partenariat envisagé avec la société Esprit campagne. Celui-ci a demandé au cabinet Novo conseils, le 5 août 2011, de rédiger l'acte de cession de parts sociales le jour même avant 15 heures dans les termes de la lettre d'intention de la société FJMN rédigée par ses soins et acceptée par les époux [J], qui est le résultat de pourparlers engagés depuis mai 2011 entre les parties chacune assistées de leur conseil et comprend divers engagements réciproques s'agissant du partenariat envisagé, dont ceux pour la société FJMN d'acquérir 60% des parts sociales de la société Esprit campagne détenus par les époux [J] au prix de 90 000 euros sous réserve de son agrément en qualité d'associé et d'investir deux millions d'euros dans la société Esprit campagne, et pour les époux [J] de déposer dès septembre 2011 le bilan de la société Esprit campagne dans le but de bénéficier d'une procédure de sauvegarde et de déposer le bilan des sociétés Bocages et Bocages vacances aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Le projet d'acte de cessions de parts sociales, qui formalise l'engagement de la société FJMN exprimé dans les termes de la lettre d'intention dont il reprend le contenu, a été transmis au conseil de la société FJMN le jour même pour validation, sans qu'il ne fasse d'observations en retour, manifestant ainsi son accord sur le contenu de cet acte, qui est donc le reflet de la confrontation du point de vue des conseils des parties.
La société FJMN ayant été assistée par son propre avocat lors de la négociation, de la rédaction et de la signature de l'acte de cession de parts sociales, M. [K] n'est pas rédacteur unique de l'acte de cession de parts sociales mais co-rédacteur.
En cette qualité, et parce que la société FJMN était conseillée par son propre avocat, il n'était pas redevable envers elle d'un devoir de conseil.
En revanche, s'il n'avait pas à prendre l'initiative de lui délivrer des conseils, dès lors qu'elle était assistée de son propre avocat, il devait néanmoins lui transmettre les informations qui ne lui étaient pas accessibles et avoir une conduite loyale à son égard.
Les contrats de vente établis par la société Bocages aux termes desquels le client s'engage à acquérir une roulotte à travers un bail commercial de dix ans comportent un engagement de la part de la société Bocages d'offrir au terme du contrat soit la reconduction du bail pour une nouvelle durée de trois ans, soit le rachat des roulottes pour un montant de 29 600 euros TTC ou 30 400 euros HT selon les contrats, soit la récupération par le propriétaire.
Il est démontré par un mail envoyé le 22 octobre 2007 par M. [K] aux époux [J] que ce dernier avait connaissance à tout le moins à compter de cette date, soit bien avant la rédaction de l'acte de cession de parts sociales, de l'engagement de rachat des roulottes que proposait la société Bocages à ses clients puisqu'il y écrivait que 'l'engagement de rachat est à mon sens inexact et insuffisant' et suggérait de redéfinir ce document.
Or, il n'allègue ni ne démontre en avoir informé le cessionnaire et son conseil que ce soit lors des négociations ou de la signature de l'acte de cession.
Si la brochure de présentation 'Les roulottes de campagne' à destination des investisseurs indique en sa deuxième page parmi les avantages 'des options de sortie exclusifs (garantie de rachat ou possibilité de récupérer les roulottes à titre privé)', la preuve n'est rapportée ni de la communication de celle-ci ni que l'information sur l'existence de cette obligation de nature à grever le passif de la société Bocages, ait été portée à la connaissance de la société FJMN et de M. [O].
Ainsi, ni l'acte de cession des parts de la société Esprit campagne ni le pacte d'associé en date du 5 août 2011, conclus entre les époux [J] et la société FJMN, ni le document de présentation de la société holding Esprit campagne n'y font référence.
En outre, s'il est justifié qu'il a été répondu à la demande de M. [O] du 29 juillet 2011 de transmission d'un certain nombre de documents, dont la liste des principaux contrats en cours, par l'envoi le même jour de documents par mail et via un fichier internet téléchargeable, la preuve que figurait parmi ceux-ci la brochure de présentation 'Les roulottes de campagne' ou un contrat de vente et/ou bail permettant d'alerter le cessionnaire sur l'existence de ces clauses de rachat n'est pas rapportée.
Enfin, le mail adressé le 27 juillet 2011 par Mme [J] à M. [V] indiquant 'J'attends ta position pour pouvoir donner des éléments précis aux propriétaires et à leurs conseils pour les loyers (il me relancent tous!).', qui ne concerne que le non-paiement des loyers par la société Bocages, ne constitue pas plus une information sur le contenu des clauses de rachat.
S'agissant d'un engagement pris par une filiale de la société dont une partie des parts sociales était cédée, cette information n'était pas accessible à la société FJMN et son conseil, de sorte qu'il appartenait à M. [K] de la lui communiquer.
En ne le faisant pas M. [K] a manqué à ses obligations d'information et de loyauté envers la société FJMN et son conseil, sans qu'il puisse leur être fait grief de ne pas avoir diligenté un audit préalablement à la cession au regard de la situation dans laquelle se trouvait la société Esprit campagne et la nécessité de procéder très rapidement à une augmentation de capital afin d'éviter une procédure collective irrémédiable.
La responsabilité civile de la société Novo conseils, à laquelle M. [K] appartient, est également engagée de ce fait.
* Sur le lien de causalité et le préjudice
Le tribunal judiciaire a débouté la société FJMN de sa demande indemnitaire considérant qu'il était impossible de caractériser précisément le préjudice allégué ni de le quantifier au motif qu'il n'était pas démontré que le déficit financier soit exclusivement ou majoritairement dû au rachat des roulottes.
La société FJMN fait valoir que :
- si elle avait eu connaissance des engagements souscrits par la société Bocages au titre de la reprise des roulottes et du provisionnement d'actifs que celle-ci occasionnait comptablement, elle n'aurait jamais signé l'acte de cession du 5 août 2011 ni réalisé les investissements postérieurs,
- son préjudice, qui est certain et liquide, est constitué des pertes de chance de ne pas procéder à l'acquisition des parts de la société Esprit campagne, de ne pas faire des apports en compte courant et de ne pas accorder un prêt à la société,
- il convient de se placer au jour de la signature de l'acte de cession de parts pour liquider son préjudice, et non comme l'a fait le tribunal postérieurement, et de retenir comme base de liquidation le montant qui aurait dû être provisionné comptablement pour pallier la reprise des roulottes à cette date,
- la valeur des investissements réalisés pourra aussi servir d'éléments d'appréciation au titre de l'indemnisation de la perte de chance,
- l'indemnisation ne peut être estimée que sur la base d'un forfait dès lors que le passif du groupe Esprit campagne n'est pas seulement dû aux engagements souscrits au titre de la reprise des roulottes et que d'autre part l'indemnisation ne saurait être confondue avec la créance qu'elle détient à l'encontre du groupe,
- la somme réclamée approche le montant des fonds qui aurait dû être provisionné par le groupe Esprit campagne en prévision du rachat des roulottes à l'expiration des baux consentis,
- le parc locatif était constitué de 80 roulottes avec une valeur de rachat de 29 600 euros TTC, soit un montant total à provisionner de 2 368 000 euros, et à tout le moins de 62 roulottes pour un montant à provisionner de 1 835 000 euros,
- l'ensemble des investissements, au titre du prix d'acquisition des parts sociales, des avances en compte courant et du prêt consenti, dont elle se serait abstenue si elle avait connu le véritable bilan du groupe, s'élève à 2 229 447 euros,
- sa créance a été admise au passif de la société Esprit campagne à hauteur de 2 146 669 euros.
M. [K] et la Selas Novo conseils répliquent que :
- la société FJMN est à l'origine de son propre préjudice puisque c'est M. [V] qui a choisi de créer volontairement la cessation des paiements de la société Esprit campagne,
- la société FJMN était informée des engagements de rachat des roulottes et ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien avec ces engagements,
- le jugement du tribunal judiciaire de Nevers, concernant la responsabilité du commissaire aux comptes indique que seuls deux personnes, pour neuf roulottes, auraient demandé l'exécution de la garantie de rachat par la société Bocages, de sorte qu'il a émis des réserves sur l'existence d'un passif latent de 2 000 000 euros,
- le rachat des roulottes n'était pas automatique et ne constituait qu'une option, d'ailleurs seuls quatre propriétaires détenant 29 roulottes sur 87 se sont prévalus de l'engagement de rachat et deux ont déclaré une créance pour un montant total de 58 000 euros au passif de la procédure collective,
- les garanties de rachat n'auraient pu être revendiquées qu'à l'issue des baux soit entre 2016 et 2018 de sorte que la société FJMN disposait d'un laps de temps pour trouver une solution, or le dépôt de bilan de la société Esprit campagne est intervenu en septembre 2013 sous prétexte d'un passif latent,
- les arrêts des cours d'appel de Riom du 6 mars 2019, statuant sur la responsabilité du commissaire aux comptes, et de Bourges du 20 décembre 2018, statuant sur celle des époux [J], ont rejeté les demandes d'indemnisation au titre d'une perte de chance en lien avec ces clauses de rachat,
- la comparaison opérée par la société FJMN entre roulotte et mobil-home n'est pas pertinente car la durée de vie et la valeur de revente de la première sont supérieures à celles du second.
Le préjudice invoqué doit être certain, qu'il s'agisse du préjudice entier ou d'une perte de chance.
Il incombe à celui qui entend obtenir réparation d'une perte de chance de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable, le caractère hypothétique d'une telle perte de chance excluant toute indemnisation.
La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Il est établi que lors de la cession de parts sociales la société FJMN était informée des difficultés financières de la société Esprit campagne et de ses filières. En effet, il n'est pas discuté qu'elle a eu accès aux documents comptables qui faisaient état de pertes, les comptes de la société Bocages pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2010 certifiés par le commissaire aux comptes le 13 décembre 2010 avec des réserves indiquant 'Les comptes annuels de la société font apparaître une perte d'exploitation de 466 756 euros et des fonds propres négatifs à hauteur de - 113 303 €. Les mesures de redressement mises en place ne produiront leurs effets qu'à moyen terme et les informations prévisionnelles ne permettent pas d'être assuré d'une amélioration de la situation financière de la société dans un avenir prévisible. Il résulte de cette situation une incertitude faisant peser un doute sur la continuité d'exploitation de la société.' d'une part, et qu'aux termes de la lettre d'intention du 29 juillet 2011, les époux [J] s'étaient engagés à solliciter dès septembre 2011 l'ouverture de procédures de sauvegarde pour la holding et de redressement judiciaire pour les deux filiales tandis que la cessionnaire s'était engagée à les financer à hauteur de 2 millions d'euros en fonction de leurs besoins, engagements repris dans le pacte d'associés du 5 août 2011, d'autre part.
Cependant, il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 6 mars 2019, rendu dans la procédure intentée par la société FJMN à l'encontre du commissaire aux comptes, que l'engagement de la société Bocages de racheter des roulottes acquises par des particuliers pour une valeur de rachat correspondant à 75 % de leur valeur d'acquisition, au terme d'une période de 10 ans, durant laquelle les roulottes étaient louées à la société Bocages par leurs propriétaires par un bail commercial, n'a fait l'objet ni d'une provision ni d'une mention en annexe au titre d'un passif éventuel.
Il est certain que l'absence de ces provisions et mention dans les documents comptables de la société Bocages est de nature à en fausser le résultat et a pu donner à la société FJMN une image tronquée de la valeur de ses parts sociales et donc de celle du capital social de sa société holding.
Le parc de roulottes concerné par ces clauses de rachat est de 76 selon les arrêts des cours d'appel de Bourges du 20 décembre 2018 et de Riom du 6 mars 2019, de 62 à 80 selon la société FJMN et le prix, comme indiqué si dessus, de 29 600 euros TTC ou 30 400 euros HT, soit un passif latent susceptible de varier entre 1 835 200 euros (62 x 29 600) et 2 432 000 euros (80 x 30 400), lequel a été évalué à la somme de 2 503 200 euros par le dirigeant de la société FJMN dans la déclaration de cessation des paiements à laquelle il a procédé le 24 octobre 2013.
Ce passif latent, s'il avait été provisionné, aurait aggravé dans des proportions importantes le passif de la société qui était de 2 447 438 euros pour l'exercice clos au 31 mars 2010 et de 1 593 504 pour l'exercice 2011.
Ces clauses de rachat ayant une incidence sur l'équilibre global de la convention, la perte de chance pour la société FJMN de ne pas contracter ou de contracter à un moindre prix est donc réelle. Compte tenu des difficultés financières déjà connues, et du risque néanmoins pris par la société FJMN, elle peut être évaluée à 50% sans pouvoir être limitée aux seuls contrats ayant donné lieu à une levée d'option.
Il n'est pas contesté qu'outre le prix d'acquisition des parts sociales de 90 000 euros, la société FJMN a consenti un prêt de 160 000 euros à la société Esprit campagne et une avance en compte courant de 1 939 220,42 euros et que ses créances ont été admises au passif de la société Esprit campagne à hauteur de la somme de 2 146 669 euros.
Le préjudice subi par la société FJMN du fait de la perte de chance de ne pas procéder à des apports en compte courant et de ne pas accorder un prêt à cette société au regard de sa situation financière est également réelle et sérieuse et doit également être évaluée à 50%.
Ces préjudices sont en lien direct avec le manquement de M. [K] à ses obligations d'information et de loyauté.
Il convient par conséquent de condamner in solidum M. [K] et la Selas Novo conseils au paiement de la somme arrondie de 1 000 000 euros (90 000 + 160 000 + 1 939 220,42/2) en réparation de ses préjudices.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant dans les limites de la saisine,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action en responsabilité civile initiée par la SAS FJMN à l'encontre de M. [Y] [K] et la Selas Novo conseils, dit que les conditions d'engagement de la responsabilité civile professionnelle de M. [Y] [K] sont réunies, et condamné in solidum M. [Y] [K] et la Selas Novo conseils à payer à la SAS FJMN la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
l'Infime en ce qu'il a débouté la SAS FJMN de sa demande en paiement de dommages et intérêts aux fins de réparation de son préjudice,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déboute la SAS FJMN de sa demande tendant à déclarer irrecevables et en tout cas infondées les nouvelles prétentions de M. [Y] [K],
Condamne in solidum M. [Y] [K] et la Selas Novo conseils à payer à la SAS FJMN la somme de 1 000 000 euros en réparation de son préjudice, outre celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [Y] [K] et la Selas Novo conseils aux dépens d'appel.