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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 10 septembre 2024, n° 23/03439

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

HS France (SAS)

Défendeur :

SCI de l'Horloge (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chazalette

Conseillers :

Mme Blanc, Mme Georget

Avocats :

Me Roncaglia, Me Marchal

TJ Bobigny, du 27 janv. 2023, n° 22/0157…

27 janvier 2023

Le 30 octobre 2018, la société civile immobilière (SCI) de l'Horloge a consenti un bail commercial à la société HS France portant sur un local à usage de restauration situé à Romainville sur la ZAC de l'horloge dans un centre commercial inauguré fin 2019.

Par acte extrajudiciaire du 28 avril 2022, la SCI de l'Horloge a fait délivrer à la société HS France un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Par acte extrajudiciaire du 27 août 2022, la SCI de l'Horloge a fait assigner la société HS France ainsi que son gérant en qualité de caution devant le juge des référés en paiement d'une somme de 168 606, 31 euros à valoir sur la dette locative totale et subsidiairement celle de 116 403, 12 euros après déduction des sommes correspondant aux périodes de fermeture administrative n'ayant pas déjà fait l'objet d'avoirs de la part du bailleur.

Par ordonnance du 27 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :

déclaré recevables les demandes de la SCI de l'Horloge ;

condamné la société HS France à payer à la SCI de l'Horloge la somme provisionnelle de 154 785, 72 euros et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

débouté la SCI de l'Horloge du surplus de ses demandes ;

rejeté la demande de délais de la société HS France ;

condamné la société HS France aux dépens.

Le 13 février 2023 la société HS France a formé appel de cette décision en ce qu'elle déclare recevables les demandes de la SCI de l'Horloge, condamne la société HS France à payer à la SCI de l'Horloge la somme provisionnelle de 154 785, 72 euros et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, rejette la demande de délais de la société HS France et la condamne aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 juin 2024 à 12 heures 06, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens, la société HS France demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondée la société HS France en son appel de l'ordonnance de référé rendue le 27 janvier 2023 ;

y faisant droit,

infirmer l'ordonnance sus-énoncée en ce qu'elle a condamné la société HS France à payer à la SCI de l'Horloge la somme provisionnelle de 154 785,72 euros et celle de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement,

si par extraordinaire la condamnation de la société HS France au paiement de la somme provisionnelle de 154 785,72 euros était confirmée, il est demandé à la cour d'appel d' infime l'ordonnance sus-énoncée en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement de la société HS France ;

statuant à nouveau,

accorder à la société HS France la faculté d'apurer sa dette locative en 24 échéances mensuelles, la première mensualité le mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes;

condamner la société SCI de l'Horloge au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens que Maître Roncaglia pourra recouvrer directement en application de l'article 699 du même code ;

déclarer mal fondée la SCI de l'Horloge en son appel incident de l'ordonnance de référé rendue le 27 janvier 2023 ;

par conséquent,

débouter la SCI de l'Horloge de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens développés, la SCI de l'Horloge demande à la cour de :

confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de Bobigny le 27 janvier 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité le montant de la condamnation provisionnelle de la société HS France à la somme de 154 785, 72 euros en principal ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

condamner à titre provisionnel la société HS France à payer à la SCI de l'Horloge la somme de 237 719, 55 euros ;

à titre subsidiaire,

condamner à titre provisionnel la société HS France à payer à la SCI de l'Horloge la somme de 154 785, 72 euros ;

à titre infiniment subsidiaire,

renvoyer la présente affaire à une audience qu'il lui plaira pour qu'il soit statué au fond ;

en tout état de cause,

condamner la société HS France au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

la condamner aux dépens de la procédure d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2024.

Sur ce,

Sur la demande de la SCI de l'Horloge tendant au paiement, à titre de provision, de la dette locative relative à la période de la crise sanitaire

Le premier juge a rejeté la demande de la SCI de l'Horloge du chef de la demande de provision relative à la dette locative afférente à la période de crise sanitaire.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Au cas présent, le dispositif des conclusions de la SCI de l'Horloge, appelante incidente, ne comporte pas de demande tendant à l'infirmation de l'ordonnance querellée.

En conséquence, la cour ne peut que confirmer l'ordonnance en ce qu'elle rejette la demande, à titre de provision, des loyers et charges relatifs à la période de crise sanitaire.

Sur la demande tendant au paiement, à titre de provision, de la dette locative relative à la période hors crise sanitaire

En application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir le juge du fond.

Selon l'article L. 145-40-2 du code de commerce, tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux. Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :

1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;

2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs.

Aux termes de l'article R. 145-36 du même code, l'état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l'article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel. Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.

Par ailleurs, l'article 16 du bail commercial conclu entre les parties prévoit que (...) le bailleur devra, au plus tard le 1er juillet de chaque année rendre compte de la promotion du centre de l'année précédente et communiquer au preneur un tableau de répartition des dépenses engagées au titre de la promotion.

L'article 17 stipule que (...) conformément aux articles L. 145-40-2 et R.145-36 du code de commerce, un état récapitulatif annuel des catégories des charges, impôts, taxes et redevances qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges liés au bail sera adressé par le bailleur au preneur dans les conditions et délais prévus par la réglementation (...).

Enfin, selon l'article 17-3 (...) la régularisation des charges de l'année écoulée sur la base des dépenses réelles sera effectuée chaque année au plus tard le 1er juillet.'

Au cas présent, poursuivant la confirmation de l'ordonnance entreprise et l'actualisation de sa créance, la SCI de l'Horloge réclame, à titre provisionnel, des loyers et charges concernant la période comprise entre le troisième trimestre de l'année 2019 et le troisième trimestre de l'année 2023 - hors les périodes de crise sanitaire.

La société appelante fait valoir, au visa des articles L.145-40-2 et R.145-35 et suivants du code de commerce, que la provision sollicitée intègre des charges générales et marketing qui ne sont pas justifiées en l'absence de reddition de comptes sur les charges réclamées.

L'intimée ne produit ni justificatif relatif au montant des taxes et des charges et à leur répartition ni calcul de régularisation annuelle des charges.

La contestation opposée par la société HS France est donc sérieuse.

Par ailleurs, les décomptes produits par la bailleresse, sur lesquels figurent les charges et taxes contestés outre les versements effectués par la société HS France, sont imprécis et ne permettent ni à la locataire ni à la cour d'apprécier le quantum réellement dû par la société HS France même à titre provisionnel au titre des loyers impayés.

En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens, il n'y a pas lieu à référé sur la demande de provision de la SCI de l'Horloge.

L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle condamne la société HS France à payer la somme provisionnelle de 154 785, 72 euros.

Eu égard au sens de l'arrêt, l'ordonnance sera infirmée des chefs relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties conserveront la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans la limite de sa saisine,

Confirme l'ordonnance en ce qu'elle rejette les demandes de la SCI de l'Horloge au titre de la dette locative relative à la période de crise sanitaire ;

L'Infirme en ce qu'elle condamne la société HS France à payer à la SCI de l'Horloge la somme provisionnelle de 154 785, 72 euros et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et en ce qu'elle condamne la société HS France aux dépens ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la SCI de l'Horloge ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d' appel ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.