CA Basse-Terre, 2e ch., 6 septembre 2024, n° 23/00006
BASSE-TERRE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2 ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 465 DU 06 SEPTEMBRE 2024
R.G : N° RG 23/00006 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DQUW
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE en date du 16 décembre 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 2018JC0218
APPELANTE :
S.A.S.U. YAMELEC
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric CANDELON-BERRUETA, de la SELARL CANDELON-BERRUETA, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY (TOQUE 84)
INTIMEES :
S.A.R.L. SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Têtê ezolété KOUASSIGAN, de la SELARL SELARL KOUASSIGAN, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY (TOQUE 102)
Compagnie d'assurance GROUPAMA ANTILLES-GUYANE
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence BARRE AUJOULAT, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTHELEMY (TOQUE 1)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank ROBAIL, président,
Mme Annabelle CLEDAT, conseiller,
M. Thomas Habu GROUD, conseiller.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 juillet 2024. Elles ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l'absence d'un greffier.
GREFFIER :
Lors des débats : Mme Sonia VICINO, greffière.
Lors du prononcé : Mme Yolande MODESTE, greffière.
ARRÊT :
- Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- Signé par M. Frank ROBAIL, président de chambre, et par Mme Yolande MODESTE greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En exécution d'un contrat signé le 7 mai 2012, la S.A.R.L. SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE ET ILES DU NORD, ci-après désignée 'SOLAR', a installé au profit de la S.A.S.U. YAMELEC une centrale photovoltaïque sur la toiture d'un bâtiment situé à [Localité 4], commune de [Localité 2], pour un prix de 453'387 euros ;
Par acte d'huissier de justice du 17 octobre 2018, la société YAMELEC a fait assigner la société SOLAR devant le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE aux fins de voir, avec exécution provisoire':
- dire que la centrale photovoltaïque était atteinte d'un défaut d'isolement généralisé qui la rendait impropre à l'usage auquel on la destinait ou qui en diminuait tellement cet usage qu'elle ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, si elle l'avait connu,
- en conséquence, condamner la société SOLAR à lui restituer le prix qu'elle avait reçu pour la vente et l'installation de cette centrale, soit la somme de 421'356, 82 euros,
- 'vu le contrat de maintenance et de garantie de production signé entre les parties et l'article 1184 du code civil ', ordonner la résiliation de ce contrat aux torts de la société SOLAR,
- condamner cette dernière à lui payer la somme de 39'048,12 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, outre celle de 10'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance;
Par jugement du 6 septembre 2019, le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE :
- a dit que le contrat de maintenance et de garantie de production avait été signé entre la société YAMELEC et la société SOLAR fin 2014,
- avant dire droit, a ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder M. [O] [F], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, avec mission de se faire remettre par les parties les pièces qu'il jugerait utiles, se rendre sur place en présence des parties ou elles dûment convoquées, procéder à toutes constatations utiles, lister les désordres affectant la centrale photovoltaïque en cause et expliciter l'éventuelle baisse de production subie, en déterminer les causes, décrire, le cas échéant, les solutions propres à remédier à ces désordres et les travaux nécessaires afin d'y remédier, donner, le cas échéant à l'aide de devis, une évaluation du coût des travaux nécessaires à la réfection, préciser la durée prévisible de ceux-ci, donner tous éléments techniques et de fait permettant à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues, donner un avis motivé et circonstancié sur tous les préjudices éventuellement subis, et faire toutes observations utiles,
- a fixé à 3000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que la société YAMELEC devait verser à la régie du tribunal avant le 1er décembre 2019, sous peine de caducité de l'expertise,
- a dit qu'aucune consignation ne serait acceptée après le délai imparti, sauf présentation d'une ordonnance de prolongation de la consignation ou de relevé de caducité,
- a dit que l'expert ne devrait débuter ses opérations d'expertise qu'après avoir reçu l'avis de consignation,
- a sursis à statuer sur les autres demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,
- a réservé les dépens,
- a radié l'affaire du rang des affaires en cours et dit qu'elle serait enrôlée de nouveau à la demande d'une des parties sur présentation du rapport d'expertise ;
Le 9 octobre 2019, la société SOLAR a interjeté appel de ce jugement, le limitant à ses dispositions par lesquelles le tribunal y a dit que le contrat de maintenance et de garantie de production avait été signé entre elle et la société YAMELEC fin 2014 ;
Par arrêt du 14 décembre 2020, sur appel de la part de la société SOLAR sur la seule disposition ayant trait à la date de signature dudit contrat de maintenance et de garantie de production, la cour de ce siège:
- a dit qu'elle n'avait pas à statuer sur la demande de la S.A.R.L. SOLAR tendant à voir rejeter les demandes indemnitaires de la SASU Yamelec, dès lors qu'elle n'était pas saisie de cette question de par l'effet dévolutif de l'appel,
- a infirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que le contrat de maintenance et de garantie de production avait été signé entre la société YAMELEC et la société SOLAR fin 2014,
Et, statuant à nouveau, a dit que le contrat de maintenance et de garantie de production avait été signé entre ces deux sociétés le 21 juillet 2015,
Y ajoutant, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et que chacune des parties conserverait la charge des dépens occasionnés lors de cette procédure ;
L'expert judiciaire désigné par jugement du 9 octobre 2019, non remis en cause en appel sur ce point, a clôturé ses opérations dans un rapport définitif daté du 22 février 2021 ;
Par acte d'huissier de justice du 14 juin 2021, la société YAMELEC a fait assigner devant le même tribunal mixte de commerce, la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE GROUPAMA ANTILLES GUYANE, ci-après désignée 'GROUPAMA', à l'effet de la voir condamner, in solidum avec la société SOLAR, à lui payer la somme de 184 097,38 euros correspondant au coût de remplacement de la centrale photovoltaïque et celle de 107 060,18 euros à titre de dommages et intérêts; cette assignation, enrôlée distinctement, a été jointe à l'instance principale ayant donné lieu au jugement mixte, au fond et avant dire droit, du 6 septembre 2019, laquelle avait été réinscrite au rôle après dépôt du rapport d'expertise attendu ;
Devant ce tribunal, la société YAMELEC demandait plus précisément, dans le dernier état de ses écritures à l'encontre tant de la société SOLAR que de la société GROUPAMA la résiliation du contrat de maintenance et de garantie de production aux torts et griefs de la société SOLAR et la condamnation de cette dernière et de la société GROUPAMA, in solidum, à lui payer les sommes suivantes :
- 184 097,38 euros correspondant à l'estimation du coût de remplacement de la centrale photovoltaïque donnée par l'expert M. [F] et à une partie de la restitution du prix, le tout avec intérêts de droit à compter de l'assignation introductive d'instance,
- 110 060,18 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1645 et 1147 du code civil,
- 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise à hauteur de la somme de 28 790,64 euros ;
En réplique, la société SOLAR concluait quant à elle aux fins de voir:
- constater qu'il n'y avait eu de contrat de maintenance entre elle et YAMELEC qu'à compter du 15 juillet 2015, 'bien qu'il y ait eu différentes interventions réalisées par cette dernière',
- rejeter la demande de condamnation à son encontre s'agissant du remplacement de la centrale photovoltaïque à hauteur de 184 097,38 euros,
- rejeter la demande de résiliation du contrat de maintenance à ses torts exclusifs, formulée par la société YAMELEC,
- rejeter la demande de YAMELEC de 107 060,18 euros au titre de la perte de production 'qui va au delà de ce que le rapport d'expertise prévoit',
- condamner la compagnie GROUPAMA à garantir toutes les sommes qui seraient mises à sa charge, notamment celles relatives au remplacement de la centrale et à la perte de production,
- ramener à de plus justes proportions la somme de 10 000 euros demandée par YAMELEC au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 'outre les entiers dépens',
- rejeter la demande de GROUPAMA à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que s'il y avait condamnation à son encontre, elle porterait sur la moitié des sommes à allouer à YAMELEC ;
Par jugement contradictoire du 16 décembre 2022, le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE, considérant notamment que la garantie des vices cachés ne pouvait jouer au profit de la société YAMELEC en l'absence de preuve de ce que les défauts constatés existassent le jour de la vente et que la preuve de la responsabilité de cette dernière dans la perte de production alléguée n'était pas davantage faite :
- a débouté la société YAMELEC de ses demandes,
- a condamné cette dernière à payer à la société SOLAR la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépéitbles, ainsi qu'aux dépens ;
Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 4 janvier 2023, la S.A.S.U. YAMELEC a relevé appel de ce jugement, y intimant la S.A.R.L. SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD et la COMPAGNIE D'ASSURANCES GROUPAMA ANTILLES GUYANE, et y fixant son objet à chacune des dispositions de ce jugement ;
Cet appel a été orienté à la mise en état, en suite de quoi, sur avis en ce sens du greffe, l'appelante a fait signifier sa déclaration d'appel à la société SOLAR suivant acte de commissaire de justice du 2 mars 2023, l'autre intimée, la société GROUPAMA, ayant constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de la société YAMELEC, par RPVA, dès le 14 février 2023 ;
La société SOLAR a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié aux avocats adverses, par voie électronique, le 30 mai 2023 ;
La société YAMELEC, appelante, a conclu au fond à trois reprises, d'abord par acte remis au greffe et notifié par RPVA au seul avocat constitué, celui de la société GROUPAMA, et signifié à l'intimée alors non constituée, la société SOLAR, par acte de commissaire de justice du 5 avril 2023 ; elle a conclu ensuite par actes remis au greffe et notifiés cette fois aux deux avocats adverses, par RPVA, respectivement les 13 novembre 2023 et 2 janvier 2024 ('conclusions appelant n°3") ;
La société SOLAR a conclu au fond quant à elle par acte remis au greffe et notifié aux avocats adverses, par voie électronique, le 4 juillet 2023 ;
La compagnie GROUPAMA a conclu au fond à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par RPVA, respectivement les 25 juillet 2023 et 27 décembre 2023 ;
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 février 2024, en même temps que l'audience des plaidoiries était fixée au 15 avril 2024 ;
A l'issue de cette audience, le délibéré a été fixé au 18 juillet 2024 ; les parties ont ensuite été avisées de la prolongation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats et de l'absence d'un greffier ;
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières conclusions, dites 'conclusions appelant n°3", la société YAMELEC, appelante, conclut aux fins de voir :
- infirmer le jugement querellé dans l'intégralité de ses dispositions et, statuant à nouveau :
1- Vu le devis contractuel signé entre les parties le 7 mai 2010 portant sur la fourniture, l'installation et la mise en service d'un générateur photovoltaïque, et les articles 1641, 1644 et 1645 du code civil : condamner in solidum la société SOLAR et la compagnie d'assurance GROUPAMA à lui payer la somme de 184 097,38 euros TTC, correspondant à l'estimation de coût de remplacement de la centrale photovoltaïque donnée par l'expert M. [F] et à une partie de la restitution du prix, le tout avec intérêts de droit à compter de l'assignation introductive d'instance,
2- Vu le contrat de maintenance et de garantie de production signé entre les parties, ainsi que le devis contractuel signé entre les parties le 7 mai 2010, et l'article 1184 ancien du code civil :
- ordonner la résiliation de ce contrat de maintenance et de garantie de production aux torts et griefs de la société SOLAR,
- condamner in solidum la société SOLAR et la compagnie d'assurance GROUPAMA à lui payer la somme totale de 110 060,18 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de production garantie, sur le fondement à la fois du contrat de maintenance et de garantie de production et des articles 1645 et 1147 et suivants anciens du code civil, outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de la somme de 28 790,64 euros ;
Pour l'exposé des explications et moyens proposés par l'appelante au soutien de son appel et des demandes qu'elle formule, il est expressément référé à ses dernières écritures ;
2°/ Par ses propres écritures, celles du 4 juillet 2023, la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE, co-intimée, conclut quant à elle aux fins de voir, au visa des articles 1101 et suivants, 1147 ancien et 1112 du code civil :
- confirmer le jugement querellé,
- juger, s'il devait y avoir une condamnation à son encontre, que la compagnie GROUPAMA devrait garantir toutes les sommes qui seraient mises à sa charge,
- 'dire, s'il devait y avoir une condamnation à (son) encontre (...), que celle-ci portera(it) sur la moitié des sommes à allouer à la société YAMELEC ',
- condamner la société YAMELEC à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, sous distraction ;
Pour l'exposé des explications et moyens proposés par la société SOLAC au soutien de ces fins, il est expressément référé à ses dernières écritures ;
3°/ Par ses propres dernières conclusions, dites 'récapitulatives', remises au greffe le 27 décembre 2023, la société GROUPAMA conclut aux fins de voir :
A TITRE PRINCIPAL
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- rejeter l'intégralité des demandes présentées par la société YAMELEC devant la cour,
A TITRE SUBSIDIAIRE, si la cour retenait la responsabilité de la société SOLAR
- 'Vu la police délivrée par GROUPAMA ANTILLES GUYANE, conditions générales et particulières',
- dire que cette police ne couvre pas la responsabilité des articles 1641 et suivants du code civil à laquelle le vendeur est tenu,
- débouter par suite la S.A.S.U. YAMELEC et SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE de leur demande de condamnation de GROUPAMA ANTILLES GUYANE à hauteur de 184 097,38 euros TTC,
- 'Vu la définition du dommages immatériel dans la police',
- débouter la S.A.S.U. YAMELEC et SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE de leur demande de condamnation de GROUPAMA ANTILLES GUYANE à hauteur de 110 060,18 euros,
- débouter les mêmes de leur appel en garantie à l'encontre de GROUPAMA ANTILLES GUYANE,
A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, en cas de condamnation de GROUPAMA ANTILLES GUYANE
- débouter la S.A.S.U. YAMELEC de sa demande de condamnation à hauteur de 184 097,38 euros TTC, dès lors que la TVA n'est pas due,
- 'Vu les conditions particulières de la police, chapitre III - RC CHEF D'ENTREPRISE - II/ RESPONSABILITE CIVILE APRES MISE EN CIRCULATION DES PRODUITS OU APRES ACHEVEMENT DES TRAVAUX (page 6 des conditions particulières), prévoyant une franchise',
- dire que les garanties s'exerceraient sous déduction de la franchise, par sinistre, de 10 % du montant des dommages avec un minimum de 0,45 fois l'indice BT 01 et un maximum de 3,04 fois ce même indice, franchises opposables à YAMELEC conformément aux dispositions de l'article L 112-6 du code des assurances,
EN TOUTE HYPOTHESE, condamner la S.A.S.U. YAMELEC à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Pour l'exposé des explications et moyens proposés par GROUPAMA, il est expressément référé à ses écritures ;
MOTIFS'DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité de l'appel
Attendu qu'aux termes de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse, celle-là même dont relève le présent litige ;
Attendu que le point de départ de ce délai, au cas d'espèce, est la signification du jugement déféré par l'une ou l'autre des parties à l'une ou l'autre, cependant qu'il n'est pas justifié aux débats d'une telle signification avant que la société YAMELEC n'en eût relevé appel ; qu'elle sera donc jugée recevable en ce recours ;
II- Sur la demande en paiement d'une somme de 184 097,38 euros TTC au double titre du 'coût de remplacement de la centrale photovoltaïque' et d' 'une partie de la restitution du prix'
Attendu que la demande en paiement de ladite somme était expressément fondée devant les premiers juges sur la garantie des vices cachés ; et que, par son jugement ici querellé, le tribunal l'a rejetée au double constat :
- qu'aux termes de l'article 1641 du code civil, le juge ne pouvait accueillir un tel recours que si le vice allégué était antérieur à la vente litigieuse,
- et qu'il n'était établi, au cas d'espèce, que les défauts constatés sur la centrale photovoltaïque objet de cette vente existassent le jour de la conclusion de celle-ci ;
Attendu qu'en ses dernières conclusions d'appelante, la société YAMELEC maintient, au soutien de cette même demande en paiement d'une somme de 184 097,38 euros TTC, le même fondement tiré de la garantie des vices cachés, puisqu'en page 12, elle réitère que, '(...) de par la signature du devis (du 7 mai 2010) qui vaut contrat, (elle) bénéficie de la garantie légale des vices cachés portant sur le matériel installé, qui court dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice' ;
Attendu que c'est donc dans le cadre d'une action estimatoire fondée sur la garantie des vices cachés et de ses conditions légales de mise en oeuvre qu'il appartient à la cour de statuer sur la susdite demande et la critique de l'opinion à cet égard des premiers juges ;
Or, attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus, de quoi il résulte nécessairement que ces défauts doivent obligatoirement, et exister et être cachés au moment de la vente, toutes choses dont il appartient au demandeur à la garantie de tels vices de faire la preuve ;
Attendu que pour preuve de tels vices cachés qui, selon elle, existaient au moment de la vente de 2010, la société YAMELEC invoque à la fois un 'diagnostic de l'installation de production photovoltaïque du bâtiment SCI FUTUR-[Localité 4]-GUADELOUPE', établi à sa seule demande et hors toute convocation de la société SOLAR et de son assureur, en mai 2018, et le rapport d'expertise judiciaire, établi quant à lui par l'expert [O] [F] au contradictoire de ces deux derniers, le 22 février 2021 ;
Attendu que pour avoir été soumis au débat contradictoire des parties dans le cadre de la présente instance, ledit diagnostic ne mérite pas le rejet pur et simple qu'en demandent la société SOLAR et, dans une mesure plus nuancée, la compagnie GROUPAMA ; qu'en effet, il s'agit là d'un élément de preuve que propose YAMELEC et que les intimés, défendeurs en première instance, ont été à même de discuter voire contester, lequel doit dont être analysé comme tel par la cour, laquelle est souveraine pour en apprécier la valeur probante ou non probante en regard des autres éléments soumis à son contrôle, notamment l'expertise judiciaire ;
Attendu que la cour ne peut que constater en premier lieu, bien que les critiques et demandes de rejet des intimés ne portent pas sur ce point, que la copie dudit diagnostic produite en pièce 8 par l'appelante, dont la page 1 prétend qu'il a été établi par le bureau d'études techniques TECSOL ANTILLES, ne comporte, en dernière page, ni cachet de l'entreprise ni signature, ni même, et en aucune de ses 14 page, le nom du ou des techniciens qui ont oeuvré à sa réalisation ; qu'il sera cependant passé outre ce défaut consubstantiel puisqu'aucun des intimés ne remet ici en cause la réalité de ce diagnostic ;
Attendu que, sur le fond, la société TECSOL dit avoir constaté :
- une diminution de la production d'électricité solaire par la centrale litigieuse, de 32,86 % entre le 2ème semestre 2016 et le 2ème semestre 2017 et de 39,17 % entre le 2ème semestre 2015 et le 2ème semestre 2017, alors même que l'ensoleillement avait progressé entre 2015 et 2016, mais diminué entre 2016 et 2017,
- des signes d'altération très nombreux à la surface de 60 à 80 % des panneaux solaires, sous le verre de protection, au niveau de la résine EVA et des conducteurs,
- que l'ensemble des onduleurs présentait des traces d'altération en face avant 'dues à l'exposition prolongée au soleil ',
- que trois des 9 onduleurs SMC 10000TL présentaient un défaut à la terre et étaient donc hors service;
Attendu que sur la base de ces constats, le bureau d'études émet en synthèse (page 14/14) un avis quant à l'origine des pertes de production de l'installation, laquelle est pour lui multifactorielle (ensoleillement inférieur à la moyenne en 2017, le phénomène de 'snail trail' sur de très nombreux modules ou panneaux photovoltaïques, dysfonctionnement de 3 onduleurs), mais avec une prédominance de l'état de dysfonctionnement de 3 onduleurs sur 10, puisqu'il écrit à cet égard ceci, qui est très explicite : 'Mais c'est surtout le constat de l'état 'Dysfonctionnement' de 3 onduleurs sur 10 qui explique la majorité de la perte de production de l'installation ' ; qu'en outre, s'agissant encore de l'état des modules photovoltaïques, le bureau d'études reste-t-il prudent, voire dubitatif, dans les termes qu'il emploie, en ce qui est de l'effet de cet état sur les pertes de production constatées, et ce dès lors qu'il se borne à dire que cet état 'est synonyme de production possible ', ce qui exclut toute certitude et, partant, toute preuve formelle ;
Or, attendu qu'outre qu'il est ainsi manifeste que, pour ce bureau d'études, l'état des modules photovoltaïques puisse être étranger à l'essentiel desdites pertes, il y a lieu de constater que, s'agissant de la cause de ces pertes, tenue par le bureau TECSOL pour majeure, savoir l'état 'Dysfonctionnement', par défaut à la terre, de 3 des 9 ou 10 onduleurs, il n'est nullement établi qu'il s'agirait là d'un vice caché de la centrale qui existât lors de la vente de celle-ci ; qu'en effet, le technicien demeure dubitatif dans ses appréciations quant à l'origine de ce dysfonctionnement, puisqu'il se borne (page 13 second paragraphe) à émettre l'hypothèse qu'il puisse s'agir 'd'un problème d'isolement par rapport à la terre sur un ou plusieurs modules PV ou d'un défaut localisé sur une ou plusieurs liaisons électriques (contact d'un conducteur actif avec une masse par détérioration de l'isolant)' ; et qu'ainsi, au delà du doute qui habite manifestement le bureau d'études et, partant, ses conclusions, il n'y a rien là qui puisse signifier l'existence d'un vice caché au sein des onduleurs en cause, mais bien plutôt un problème d'installation, ce qui est étranger aux dispositions invoquées de l'article 1641 du code civil ;
Attendu que c'est à tort que la société YAMELEC croit pouvoir faire la preuve d'un vice caché à l'origine des pertes de production dont elle se plaint, à travers l'indication, en page 11/14 du même diagnostic, selon laquelle 'le phénomène d'altération observé sur de très nombreux modules, laisse penser qu'il s'agit de matériel de qualité moyenne (dès lors) qu'aucune trace extérieure (foudre, poids disproportionné sur les modules...) ne peut expliquer les altérations constatées (...), (que) le phénomène est généralisé et non limité à un petit nombre d'équipement et (qu')il est probable que le fabricant des modules, dans le but d'atteindre une plus grande productivité dans son process de fabrication, réduise sensiblement le temps de lamination des modules (...)' ; qu'en effet, outre qu'il a été constaté ci-avant que, pour le bureau TECSOL, l'essentiel des pertes est dû à l'état des onduleurs et non point aux vices éventuels des modules photovoltaïques, le caractère dubitatif permanent de son diagnostic (à travers les expressions : 'laisse penser' et 'il est probable que') interdit à la cour d'y voir la preuve certaine qu'il incombe à YAMELEC de faire des vices cachés invoqués ;
Attendu que l'expert judiciaire [F], qui a effectué sa mission au contradictoire des deux intimés sur décisions en ce sens du juge des référés, a lui aussi constaté des baisses de production anormales de la centrale photovoltaïque ( en page 13 de son rapport définitif), savoir :
- 54 % seulement de la production théorique en 2011,
- 93,3 % de la production théorique en 2012,
- et des baisses de 14,9 % en 2017, de 44,5 % en 2018, 2019 et de 84,3 % en 2019 ;
Attendu que le même expert a cependant relevé des productions annuelles réelles supérieures aux productions théoriques sur les années 2013 (+ 16,8 %), 2014 (+ 15 %), 2015 (+ 8,5 %) et 2016 (+8,1 %), ce qui signifie que l'essentiel des baisses est intervenu à compter de 2017 ;
Attendu que ce constat d'une fluctuation qui a été favorable pendant 4 années consécutives s'inscrit en contradiction avec l'existence d'un vice caché du matériel photovoltaïque à la date de sa vente en 2010, soit 3, 4, 5 et 6 ans avant la réalisation plus que satisfaisante des productions attendues ;
Attendu que, s'agissant des pertes subies en revanche continûment à compter de 2017, l'expert judiciaire en détermine formellement trois causes (page 14 de son rapport), savoir 'un défaut de conception, des vices cachés et des non-façons' ;
Attendu que les défauts de conception (concernant la disposition des panneaux du champ 1 et des onduleurs/coffrets de protection) et les 'non-façons' (relatives aux absences de mise en oeuvre des consignes de sécurité imposées par le Guide UTE C 15-712, de repérage des équipements (onduleurs et coffrets de protection) et de rapport d'intervention de maintenance) mis en exergue par M. [F], sont étrangers à la notion de vices cachés invoquée exclusivement par la société YAMELEC ;
Attendu que, s'agissant des 'vices cachés', qualifiés comme tels par l'expert, il importe de relever en tout premier lieu que les conclusions d'un expert judiciaire ne constituent qu'un avis qui ne lie pas le juge, si bien que lorsque l'expert [F] emploie les termes de 'vices cachés' pour qualifier le fondement des responsabilités recherchées dans les baisses de production ci-avant objectivées à compter, à tout le moins, de 2017, il appartient à la cour de rechercher et vérifier si les désordres qu'il décrit recouvrent ou non cette qualification au regard des dispositions sus-définies de l'article 1641 du code civil ;
Or, attendu que ce que l'expert entend par vices cachés, au cas d'espèce, se trouve décrit, dans les 13 lignes de la première partie de la page 16 de son rapport définitif, comme suit :
' Les vices cachés relevés concernent les panneaux photovoltaïques mis en oeuvre sur cette centrale qui laissent apparaître différents symptômes (relevés sur échantillons analysés en laboratoire) :
- résistance d'isolement non conforme ou très défavorable,
- casse de cellules entraînant une baisse de production ou une dégradation de l'étanchéité pouvant entraîner des défauts,
- dégradation de l'EVA entraînant une baisse de production,
- dégradation des connexions internes.' ;
Attendu que si ce même expert ajoute que 'l'ensemble de ces éléments est consigné dans le rapport d'analyses du laboratoire CERTISOLIS du 22 février 2021", qu'il dit avoir annexé à son propre rapport en pièce 7, la cour ne peut que constater qu'aucune des parties n'a entendu verser cette annexe aux débats devant elle, la copie du rapport produite par l'appelante en pièce 63 n'étant accompagnée que des annexes 5 (production semestrielle de 2011 à 2020), 6 (production annuelle de 2011 à 2020), 9 (Devis de remplacement de la centrale 100kWe SCI FUTUR - Variante LG, de la société VEIOS du 14 décembre 2020), 10 (éléments financiers des productions annuelles du 1er semestre 2011 au 2ème semestre 2020) et 14 (courrier du conseil de YAMELEC à l'expert [F] du 20 janvier 2021 quant à sa réponse à un dire de la société SOLAR) ;
Or, attendu qu'au vu de la seule description que fait l'expert [F] des désordres ou dysfonctionnements qu'il estime être des 'vices cachés', il appert que la preuve de tels vices, au sens de l'article 1641 du code civil, n'en résulte nullement ; qu'en effet, les trois derniers points ne peuvent être, en leur description littérale, de tels vices, puisque sont évoqués une 'casse de cellules' et des 'dégradations (de l'EVA et des connexions internes', sans qu'il soit précisé l'origine, structurelle ou non, de ces 'casse' et 'dégradations'; et que si, à l'inverse, la révélation d'une 'résistance d'isolement' des panneaux photovoltaïques 'non conforme ou très défavorable', est susceptible d'évoquer un vice de fabrication et, partant, un vice caché qui existait lors de la vente de la centrale, l'expert n'est pas plus explicite quant à la nature et l'importance de cette non conformité ou ce caractère défavorable desdits panneaux ; qu'il n'est rien dit en particulier des causes réelles de cette non-conformité, non plus, surtout, que de l'incidence de ces vices sur les baisses de production d'électricité mise en exergue ci-avant, alors même que du diagnostic de la société TECSOL ci-avant analysé il résultait que, pour ce bureau d'études, la cause de la 'majorité de la perte de production de l'installation' résidait, non pas dans les vices, originels ou non, dont étaient possiblement atteints les panneaux photovoltaïques, mais dans l'état de 'Dysfonctionnement' de 3 onduleurs ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, présentés à tort par l'appelante comme autant de preuves de l'existence de vices cachés affectant sa centrale photovoltaïque, que la démonstration recherchée n'en est pas faite et que c'est par suite à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas établi que les défauts constatés par l'expert judiciaire existassent le jour de la vente et ainsi rejeté la demande de la société YAMELEC en paiement d'une somme de 184 097,38 euros sur le fondement de la garantie des vices cachés; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement querellé de ce chef ;
III- sur les demandes en résiliation du contrat de maintenance et de garantie de production et en paiement d'une somme de 110 060,18 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de production garantie, 'sur le fondement à la fois du conterat de maintenance et de garantie de production et des articles 1645 et 1147 et suivants anciens du code civil'
Attendu qu'en son arrêt du 14 décembre 2020, dont il n'est pas contesté qu'il ait autorité et même force de chose jugée, la cour de ce siège a jugé, sur le fond, que le contrat de maintenance et de garantie de production conclu par écrit et signé entre la société YAMELEC et la société SOLAR à une date qui en avait été omise, avait été signé le 21 juillet 2015 et non point fin 2014 ; qu'il en résulte que les longs développements de la société SOLAR, en ses conclusions, pages 5 à 8, quant à l'absence de datatation des signatures dudit contrat n'ont plus d'objet ;
III-1- Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de production garantie
Attendu qu'aux termes de l'article 1147 du code civile en sa version applicable aux contrats conclus avant l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016, de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Attendu que le contrat de maintenance et de garantie de production, produit en pièce 6 du dossier YAMELEC, a été conclu à effet du 21 juillet 2015 pour une durée de 20 ans (article 2), et a pour objet principal, ainsi que défini en son article 1, l'entretien par la société SOLAR du système photovoltaïque installé par elle en 2010, cependant qu'en son article 8-3) y est stipulé une garantie dite de production, aux termes de laquelle le prestataire de service (SOLAR) s'engageait à assurer au bénéficiaire (YAMELEC) 'une production annuelle de son générateur à hauteur de 1300 kWh/kWc/an la première année avec une perte de production de 0,5 % par an à compter de la date de mise en service', avec cette réserve que la base de 1300 kWh restait 'à valider en fonction de l'orientation et inclinaison du champ solaire ' ;
Attendu que si cette garantie, telle que rédigée à la date de son entrée en vigueur fixée par la cour de ce siège, en son arrêt de décembre 2020, au 21 juillet 2015, reste équivoque quant à son point de départ réel, qui vise tout de même une 'perte de production de 0,5 % par an à compter de la mise en service' de la centrale le 29 juillet 2011 (ainsi que YAMELC l'indique en page 2 de ses écritures, en son chapitre I-2.), cette équivoque est levée par la circonstance qu'au devis valant contrat de vente du 7 mai 2010, signé des deux parties, YAMELEC, venderesse, et SOLAR, acheteuse, apparaît clairement stipulée déjà une garantie de production des panneaux pendant 25 ans à 80 % de puissance nominale, laquelle puissance y était fixée à 99 880 Wc ; qu'il n'est pas contesté que cette garantie ait eu pour date d'entrée en vigueur celle qui est retenue par l'expert judiciaire, soit le 31 décembre 2010, cette date étant celle de la livraison de la centrale photovoltaïque;
Attendu que la circonstance que la durée de la même garantie fixée au contrat de maintenance daté par la cour du 21 juillet 2015, ait été réduite à 20 ans, apparaît conforme au temps écoulé, soit environ 5 ans, depuis le contrat de vente, contenant une même garantie, mais de 5 années supplémentaires, depuis 2010 ;
Attendu qu'il résulte en tout cas de ces deux contrats que la société SOLAR s'est engagée à assurer, et, partant, à garantir au profit de la société YAMELEC, à compter de 2011, date de la mise en service de la centrale photovoltaïque, une production d'électricté solaire égale à au moins 80 % de la puissance nominale de l'installation, laquelle garantie est indépendante de l'obligation de maintenance à laquelle a souscrit la société SOLAR au profit de la société YAMELEC en 2015; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal a rejeté purement et simplement la demande de YAMELEC à l'encontre de SOLAR au titre de cette garantie ;
Attendu qu'en ses écritures, page 9/12 in fine, la société SOLAR ne conteste pas le chiffrage par l'expert judiciaire des pertes de production en regard de la production promise au devis de 2010, lesquelles seront donc retenues pour la somme de 86 921,68 euros sur la période 2011-2020, cependant que le tableau du calcul de l'expert annexé en pièce 10 de son rapport précise que seul le premier trimestre 2020 a pu être pris en compte, à l'exclusion du second semestre ; que pour ce dernier, c'est donc à juste titre que la société YAMELEC estime avoir subi une perte de production supplémentaire qui aggrave le susdit chiffrage ; que, au vu de la facture émise à destination de la société EDF le 8 février 2021 au titre de la période du 29 juillet 2020 au 29 janvier 2021, qui révèle une production limitée à 5 576 kWh, la perte de production, calculée sur la base d'un prix du kWh de 41,196 euros (alors même que ladite facture était établie sur la base 41,325 cents d'euro par kWh), peut être retenue à hauteur de la somme de 23 138,50 euros que propose à bon droit et a minima (cf supra sur l'écart de prix du kWh) l'appelante; qu'il en ressort que, jusqu'au 29 janvier 2021, les pertes de productions anormales de la centrale litigieuse se sont établies à la somme totale de 107 060,18 euros ; que c'est cependant à tort que la société YAMELEC entend y voir ajouter une somme de 3000 euros représentant le coût du diagnostic technique réalisé par le bureau d'études techniques de la société TECSOL, puisque ce diagnostic a été établi à sa seule demande, unilatéralement et hors toute procédure contradictoire, et qu'il est par suite étranger à la perte de production proprement dite dont la société SOLAR doit uniquement répondre en application du contrat de vente de 2010, puis du contrat de maintenance à compter de juillet 2015 ; qu'en conséquence, seule la somme de 107 060,18 euros sera ici retenue au titre de ladite perte et, partant, de la garantie due par la société SOLAR à cet égard ;
Attendu que, statuant à nouveau sur ce point, il y a lieu de condamner la société SOLAR, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à indemniser la société YAMELEC de ladite perte à hauteur de la somme de 107 060,18 euros et de débouter cette dernière de sa demande au titre d'une somme supplémentaire de 3 000 euros ;
III-2- Sur la garantie de l'assureur GROUPAMA
1°/ Attendu que, dès lors que l'action estimatoire de la société YAMELEC au titre des prétendus vices cachés a été ci-avant rejetée, et, partant, sa demande en paiement de la somme de 184 097,38 euros, rejetée, la demande en garantie à l'encontre de l'assureur GROUPAMA n'a pas d'objet, si bien que sur ce point le jugement déféré sera encore confirmé ;
2°/ Attendu qu'il en va différemment, s'agissant à tout le moins des motifs de son rejet, de la demande du chef des dommages immatériels (pertes de production d'électricité), puisque, sur infirmation du jugement de ce chef, la société SOLAR, assurée par GROUPAMA, est ici condamnée à payer à YAMELEC des dommages et intérêts à hauteur de 107 060,18 euros ; qu'il y a donc lieu de rechercher, sur la base de cette condamnation nouvelle en appel, si la garantie de cet assureur est ou non due à cet égard ;
Mais attendu qu'aux termes des stipulations des 'conditions particulières' de la police d'assurance 'RESPONSABILITES CIVILE ET DECENNALE DES ENTREPRISES', conclue entre la société SOLAR, assurée, et GROUPAMA ANTILLES GUYANE, assureur, à effet du 10 juin 2008, les garanties souscrites par la première auprès de la seconde étaient les suivantes à la date du contrat liant la société SOLAR à la société YAMELEC :
- responsabilité décennale obligatoire,
- garantie de bon fonctionnement dans le cadre de la responsabilité décennale,
- responsabilité civile en cours d'exploitation ou d'exécution de travaux,
- dommages aux biens mobiliers confiés dans les locaux,
- responsabilité civile après travaux ou livraison ;
Attendu que la société YAMELEC fonde expressément (in page 25 avant-dernier paragraphe de ses dernières écritures) sa demande à l'encontre de l'assureur de la société SOLAR au titre du préjudice de perte de production sur à la fois 'les conditions particulières qui prévalent en tout état de cause sur les conditions générales' et sur 'l'article 5 des conditions générales', et ce en ce qu'ils 'garantissent les dommages matériels survenus après l'achèvement des ouvrages résultant d'un vice de conception ou de fabrication des matériels (...) ainsi que les pertes de production s'agissant d'un dommage immatériel conséquence directe des vices cachés représentant la somme de 110 060,18 euros' ;
Or, attendu qu'il a été jugé ci-avant que la preuve n'était pas faite des vices cachés invoqués concernant la centrale photovoltaïque ; que, dès lors, l'assureur ne doit point garantie au titre d'une responsabilité du vendeur, SOLAR, qui n'a pas été consacrée sur ce fondement, et que, subséquemment, il ne peut être considéré que les pertes de production subies par la société YAMELEC et dont la société SOLAR lui doit garantie, ainsi qu'elle s'y était engagée, à hauteur de la somme de 107 060,18 euros, constitueraient un préjudice immatériel qui serait la 'conséquence directe de(..) vices cachés' et s'incriraient ainsi dans le cadre de la garantie GROUPAMA des dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels garantis comme causés aux tiers ; qu'il y a là un premier motif dirimant de rejet de la demande de garantie adressée par YAMELEC à GROUPAMA ;
Attendu qu'il peut être ajouté à titre superfétatoire, que c'est à bon droit et sans retirer son objet au contrat d'assurance qu'elle a conclu avec la société SOLAR, que la société GROUPAMA fait observer que la police d'assurance litigieuse n'a pas pour objet de couvrir les dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré ou ses sous-traitants, non plus que ceux qui sont subis par les produits, matériaux et composants livrés par les mêmes assuré ou sous-traitants ; qu'en effet, les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la SOLAR, qui font corps avec les conditions particulières dès lors que ces dernières ne les ont pas expressément exclues en leur applicabilité et qu'elles ne sont pas inconciliables avec celles-ci, contiennent, au titre IV, 'm', page 30, une clause excluant expressément la garantie de tels dommages ; qu'ainsi, si même il avait été établi que les dommages immatériels en cause avaient été le résultat de vices cachés dont aurait été atteinte la centrale photovoltaïque vendue et installée en 2010, la garantie de GROUPAMA n'aurait-elle pu être engagée au titre de la police litigieuse ;
Attendu qu'il convient par suite de débouter purement et simplement la société YAMELEC, mais aussi la société SOLAR, de leur demande respective, principale pour la première et subsidiaire pour la seconde, tendant à la condamnation de la compagnie GROUPAMA à payer à la première, in solidum avec la société SOLAR, la somme de 107 060,18 euros ; et que, subséquemment, mais par substitution de motifs à cet égard, le jugement querellé sera encore confirmé en ce qu'il a débouté ladite société YAMELEC de sa demande de ce chef ; qu'il y sera ajouté le rejet de la demande subsidiaire aux mêmes fins de la société SOLAR ;
III-3- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de maintenance et de garantie de production
Attendu qu'aux termes de l'article 1184 ancien du code civil, applicable au contrat de maintenance litigieux en ce qu'il a été conclu avant l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
- la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement,
- dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit et la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts,
- la résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ;
Attendu qu'il a été jugé définitivement, au sens processuel du terme, mais aussi irrévocablement puisqu'il n'est pas prétendu que l'arrêt de cette cour en date du 14 décembre 2020 ait fait l'objet d'une quelconque cassation, que le contrat de maintenance et de garantie dont la résiliation judiciaire est demandée, a été conclu le 21 juillet 2015 à effet de cette date ; que c'est donc à compter de cette date qu'il appartient à YAMELEC, qui se plaint de manquements de la part du prestataire de services SOLAR, d'en faire la preuve ;
Attendu que l'objet dudit contrat est défini comme suit en son article 1: l'entretien du système photovoltaïque installé par la société SOLAR ; que, cependant, son article 8 y ajoute d'autres engagements au titre de diverses garanties, notamment, en 8-3), la garantie d'une production annuelle du générateur à hauteur de 1300 kWh par an la première année, avec une perte de production de 0,5 % l'an à compter de la date de mise en service ;
Or, attendu qu'il est manifeste, en regard des seules constatations, au chapitre III-2 précédent, quant aux manquements de la société SOLAR à son engagement de garantir un seuil de production d'électricité minimum à la centrale photovoltaïque qu'elle avait vendue à la société YAMELEC en 2010 et dont elle s'était engagée à assurer la maintenance à compter de juillet 2015, qu'elle n'a pas été en capacité de remplir à tout le moins cet engagement d'assurer ce seuil de production annuelle, et ce, au regard du tableau de productivité inséré par l'expert judiciaire en annexe 10 de son rapport, dans de très grandes proportions, allant, pour le 1er semestre 2020, jusqu'à près de 80 % de perte ; qu'au surplus, elle a jusqu'ici refusé toute prise en charge de ces pertes, imposant ce procès à YAMELEC pour l'y contraindre, ce qui est un autre manquement fautif à son engagement de garantie ;
Attendu qu'il y a là deux premiers manquements fautifs parfaitement démontrés ;
Attendu qu'en second lieu et au delà de ladite garantie, la cour observe qu'aux termes dudit contrat, en sa partie 'maintenance' ou 'entretien', il incombait à SOLAR d'exécuter une visite par an de l'installation, d'en établir un rapport d'intervention et d'en remettre une copie à YAMELEC sous 1 mois ; qu'il y est même précisé que ces visites devaient consister en :
- sur le générateur photovoltaïque : la vérification du bon fonctionnement des modules (nettoyage et contrôle par mesure électrique), des structures et des fixations mécaniques supportant le générateur, des connexions électriques au niveau des coffrets AC et DC et du bon état des câbles AC et DC,
- sur le reste du système : la vérification de la productivité du générateur et la vérification globale visuelle de l'état du matériel ;
Or, attendu qu'en réponse aux accusations de YAMELEC selon lesquelles elle n'a jamais satisfait à son obligation de maintenance, la société SOLAR se borne à exciper et justifier de quatre factures d'intervention 'sur les années 2014, 2015 et 2016", sans justifier plus avant de la réalisation des vérifications concrètes qui lui incombaient, non plus que de la remise à YAMELEC, chaque année après chacune de ses visites, de son rapport d'intervention ; que l'expert judiciaire fait note lui-même, en pages 16 et 18 de son rapport définitif, de ce que 'les opérations de maintenance prévues au contrat et stipulées dans le guide UTC C 15-712, n'(avaient) pas été réalisées' ;
Attendu qu'ainsi, à défaut pour la société SOLAR de contredire utilement les assertions de l'appelante et les constatations expertales relativement aux manquements qui lui sont ainsi imputés, il y a lieu de constater qu'elle a commis de graves et multiples manquements au contrat litigieux, lesquels sont autant de fautes contractuelles ; qu'il convient dès lors, en application de l'article 1184 ancien sus-rappelé, d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire de ce contrat et, statuant à nouveau, de prononcer ladite résiliation aux torts de la société prestataire de services ;
IV- Sur les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel
Attendu que la société SOLAR, intimée en appel et défenderesse en première instance, échoue pour large part dans le procès que lui a fait la société YAMELEC et sera par suite condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire [O] [F] et les dépens de l'action dirigée contre son assureur ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré du chef des dépens de première instance ;
Attendu que, condamnée aux dépens, la société SOLAR doit être déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ce pourquoi le même jugement sera encore infirmé du chef des frais irrépétibles de première instance qui lui furent alloués;
Attendu que des considérations d'équité justifient en revanche de la condamner à indemniser la société YAMELEC de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel à hauteur de la somme globale de 10000 euros ;
Attendu que des considérations du même ordre justifient de débouter la société GROUPAMA ANTILLES GUYANE de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS':
La cour,
- Dit recevable la S.A.S.U. YAMELEC en son appel à l'encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE du 16 décembre 2022,
- Confirme ce jugement en ce que le tribunal y a :
** débouté la société YAMELEC de sa demande à l'encontre, tant de la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD, que de la compagnie d'assurances GROUPAMA ANTILLES GUYANE, en paiement d'une somme de 184 097,38 euros sur le fondement d'une action estimatoire pour vices cachés,
** débouté la société YAMELEC de sa demande en garantie à l'encontre de la compagnie d'assurance GROUPAMA ANTILLES GUYANE, au titre des dommages et intérêts dus par la société SOLAR en réparation des pertes de production,
- L'infirme pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamne la S.A.R.L. SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD à payer à la S.A.S.U. YAMELEC la somme de 107 060 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des pertes de production,
- Déboute la société YAMELEC du surplus de sa demande à ce titre,
- Déboute la S.A.R.L. SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD de sa demande subsidiaire en garantie de ces dommages et intérêts à l'encontre de la compagnie GROUPAMA ANTILLES GUYANE,
- Déboute la société YAMELEC de sa demande en paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais du diagnostic réalisé par le bureau d'études techniques TECSOL ANTILLES en mai 2018,
- Prononce la résiliation, aux torts de la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD, du contrat dit 'de maintenance et de garantie de production d'un générateur photovoltaïque' en date du 21 juillet 2015,
- Déboute la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD et la compagnie GROUPAMA ANTILLES GUYANE de leurs demandes respectives au titre des dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- Condamne la S.A.R.L. SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE & ILES DU NORD à payer à la S.A.S.U. YAMELEC la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de ces deux instances, lesquels incluront les frais et honoraires de l'expert judiciaire [O] [F].
Et ont signé,
La greffière Le président