CA Douai, 1re ch. sect. 1, 5 septembre 2024, n° 22/04127
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Immo Rihani (EURL), Pasa Immo (SARL), Eleven Immobilier (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poupet
Vice-président :
M. Vitse
Conseiller :
Mme Miller
Avocats :
Me Reisenthel, Me Douterlungne, Me Henneuse, Me Noël, Me Duval, Me Segard, Me Bavay
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Par acte authentique du 27 mai 2019, M. [T] [K] a acquis de la Sarl Pasa Immo, par l'intermédiaire de l'Eurl Immo Rihani et de la société Eleven Immobilier, respectivement mandataire du vendeur et délégataire du mandat donné à la précédente, un ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 11], comprenant six appartements, et un ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 11], comprenant sept appartements, pour un prix de 235 000 euros pour le premier et de 130'000 euros pour le second.
Se plaignant de désordres affectant l'ensemble immobilier situé [Adresse 3], M. [K] a fait assigner la société Pasa Immo devant le tribunal judiciaire de Douai par acte du 12 mai 2020 aux fins, notamment, d'obtenir une réduction du prix de vente de 100 000 euros pour l'exécution imparfaite du contrat et la condamnation de cette société à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par actes des 26 et 27 janvier 2021, la société Pasa Immo a fait assigner en garantie les sociétés Immo Rihani et Eleven Immobilier.
Ces procédures ont été jointes et, par jugement du 16 juin 2022, le tribunal judiciaire de Douai a :
- rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture sollicitée par M. [K] ;
- déclaré irrecevables ses pièces n°13, 14 et 15;
- débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [K] aux dépens.
M. [K] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 10 janvier 2023, demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1223, 1605, 1641, 1644 et 1645 du code civil, de l'infirmer et de le réformer en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- condamner la société Pasa Immo à lui payer la somme de 46 100 euros en réduction du prix de vente pour l'exécution imparfaite du contrat ;
- la condamner en outre à lui payer la somme de 45 700 euros à titre de réparation de ses pertes locatives ;
- la condamner, outre aux dépens, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la société Eleven Immobilier de sa demande au titre dudit article 700 formulée à son encontre et la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Par conclusions remises le 15 juin 2023, la société Pasa Immo demande à la cour, au visa des articles 1644 et suivants, 1991 et suivants et 1137 du code civil et de l'article 9 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes mais de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner l'appelant, outre aux dépens, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre dudit article 700.
Par conclusions remises le 21 décembre 2022, la société Immo Rihani demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1604, 1605 et 1641 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes et condamner celui-ci, outre aux dépens, à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 23 janvier 2023, la société Eleven Immobilier demande à la cour, au visa des articles 1353, 1604, 1641, 1642 et 1644 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes, et condamner ce dernier, outre aux dépens, dont distraction au profit de Me Segard, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est référé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation, par application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 18 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera observé que la décision entreprise n'est pas contestée en ce qu'elle a rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et déclaré irrecevables les pièces 13, 14 et 15 du demandeur, ces dispositions n'étant relatives qu'à la procédure de première instance, étant précisé cependant qu'en application de l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Ces dispositions ne seront donc pas évoquées.
Par ailleurs, la cour relève que si, en première instance, la société Pasa immo sollicitait la garantie des sociétés Immo Rihani et Eleven immobilier, intermédiaires dans la vente litigieuse, pour les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tel n'est pas le cas en appel.
Il ne sera donc pas statué sur ce point, étant précisé que M. [K] n'a formulé aucune demande à l'encontre de ces sociétés.
Sur la demande en réduction de prix
M. [K] fonde sa demande en réduction du prix de vente de l'immeuble litigieux à titre principal sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, à titre subsidiaire sur la garantie des vices cachés et enfin, sur la réticence dolosive du vendeur.
L'article 1603 du code civil dispose que le vendeur est tenu de deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Aux termes de l'article 1217 dudit code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation'; poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ; obtenir une réduction du prix'; provoquer la résolution du contrat ; demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
* Sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance
En vertu de l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'article 1605 du même code ajoute que l'obligation de délivrer les immeubles est remplie de la part du vendeur lorsqu'il a remis les clefs, s'il s'agit d'un bâtiment, ou lorsqu'il a remis les titres de propriété.
Il est constant que l'obligation de délivrance du vendeur s'entend d'une chose conforme aux stipulations contractuelles, l'acquéreur ne pouvant être tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée.
Cependant, il est également admis que la réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents de conformité (Civ. 3ème, 22 janvier 1997, n°94-20.127 P).
En l'espèce, il résulte de l'annonce publiée par l'agence immobilière que le bien objet de la vente est identifié comme un immeuble de rapport.
Aux termes du compromis de vente conclu entre les parties,'le vendeur déclare qu'il existe un engagement de location sur les biens vendus, et l'acquéreur, quant à lui, vouloir les affecter à la location. En conséquence, il déclare faire son affaire personnelle, sans recours le vendeur (sic), des dispositions de l'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs et du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 pris pour l'application de l'article 187 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, obligeant le bailleur à remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation (...).'
L'acte authentique de vente du 27 mai 2019 précise à cet égard que l'immeuble litigieux comporte sept appartements dont quatre sont en cours de location au moment de la vente et que l'acquéreur entend maintenir le statut locatif de ces logements et laisser les locataires en place.
Il comporte par ailleurs une clause relative au logement décent aux termes de laquelle 'le vendeur déclare que les biens vendus répondent à la notion de décence telle que définie par l'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs et par le décret numéro 2002-120 du 30 janvier 2002 pris pour l'application de l'article 187 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, obligeant le bailleur à remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. L'immeuble étant actuellement loué, ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, le vendeur déclare également qu'à ce jour, aucune demande de mise en conformité n'a été formulée par le locataire.' (souligné par la cour)
S'ensuit l'énumération des contrats de bail en vigueur portant sur certains des appartements situés dans l'immeuble, en date respectivement des 1er février et 15 août 2017, 1er janvier et 1er juin 2018, avec la mention que les états des lieux réalisés lors de l'entrée des locataires sont remis en copie à l'acquéreur, qui le reconnaît.
Ces états des lieux, qui n'ont pas été versés aux débats par les parties, ne sont en tout état de cause pas de nature, en raison de leur antériorité de plusieurs mois, à attester l'état de l'immeuble lors de la vente, intervenue le 5 décembre 2018 par la signature du compromis marquant la rencontre des consentements des parties.
Cependant, compte tenu tant des déclarations du vendeur dans l'acte de vente que du fait que l'immeuble était en partie occupé par quatre locataires lors de la vente, M. [T] [K] pouvait légitimement attendre la livraison d'un immeuble conforme aux critères du logement décent.
A cet égard, l'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose, dans sa version en vigueur lors de la vente litigieuse, que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation ; que les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d'Etat.
Aux termes de l'article 1er du décret n°2022-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, 'un logement décent est un logement qui répond aux caractéristiques définies par le présent décret.'
L'article 2 de ce texte précise que'le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros 'uvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. (...)
2. Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. (...)
3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;
4. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
5. Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ;
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;
7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre.'
L'article 3 de ce texte ajoute que 'Le logement comporte les éléments d'équipement et de confort suivants : (...)3. Des installations d'évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ; (...).'
Or, contrairement aux déclarations du vendeur dans l'acte authentique, il s'est avéré après la vente que la Sarl Pasa immo avait fait l'objet, avant la réitération de celle-ci, de demandes de mises en conformité de deux des logements mis en location dans l'immeuble avec les normes du logement décent, formulées par le Service communal d'hygiène et de santé de la mairie de [Localité 11].
Ainsi, aux termes de son courrier du 18 février 2019 adressé à la société Pasa immo en sa qualité de bailleur du logement n°3, dont le locataire était M. [W], le service communal d'hygiène et de santé informe le bailleur de la visite effectuée par son inspecteur de salubrité le 17 décembre 2018 dans le cadre d'un contrôle sanitaire de l'immeuble et relève les désordres suivants :
'* Dans la salle de bains :
- des traces d'infiltrations au niveau de l'aération haute de la SDB,
- des traces d'humidité au niveau du mur de façade des WC,
- l'absence de siphon au niveau d'une canalisation usée,
- l'absence de porte,
* Au niveau de l'entrée de l'appartement :
- la présence d'une porte dégradée non jointive à l'air,
* Dans la cuisine :
- un défaut d'écoulement des eaux usées avec des remontées dans la baignoire,
- des traces de fuite au niveau du plafond au-dessus des fenêtres,
- présence d'une ventilation non réglementaire.
Outre l'inconfort qu'engendrent ces désordres, cette situation est de nature à compromettre la santé et la sécurité des habitants. En conséquence et conformément aux articles 32, 33, 40.1 et 165 du règlement sanitaire départemental, je vous demande de bien vouloir prendre, dans un délai de trois mois à réception de ce courrier, toutes les dispositions nécessaires pour remédier à cet état de fait.'
Aux termes de son courrier du 29 avril 2019 adressé à la société Pasa immo concernant le logement n°1 loué à Mme [D], le même service indique avoir relevé, lors de sa visite du 19 mars 2019 :
' * dans la chambre :
- la présence de traces de moisissures
- la présence d'un convecteur électrique non fixé au mur
* dans le salon :
- la présence d'un convecteur électrique non branché de façon pérenne et sécure
* dans le couloir :
- la présence d'une prise électrique non fonctionnelle.'
Il formule ensuite la même recommandation de mise en conformité que dans le précédent courrier.
Cependant, la société Pasa immo, qui ne conteste pas avoir reçu ces demandes de mise en conformité, ne justifie pas des démarches qu'elle aurait entreprises à cette fin avant la réitération de la vente.
Concernant le caractère apparent des désordres, si des traces d'humidité étaient manifestement visibles de manière contemporaine à la vente, il résulte des documents versés aux débats d'une part, que l'acquéreur n'a à l'évidence pas pu visiter tous les appartements avant la vente et, d'autre part, qu'il ne pouvait pas se rendre compte, par la simple visite des lieux, de l'ampleur et de l'origine des désordres, lesquels se sont par la suite amplifiés jusqu'à rendre nécessaire l'évacuation des locataires.
Il s'ensuit qu'au moment de la vente, l'immeuble vendu ne présentait pas toutes les caractéristiques du logement décent et qu'en conséquence, le vendeur a manqué à son obligation de délivrance conforme en livrant un immeuble ne présentant pas de telles caractéristiques.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de M. [K] tendant à la réduction du prix de vente à hauteur de 46 100 euros correspondant à la différence entre le prix d'acquisition de l'immeuble et celui de sa revente trois ans plus tard, la société Pasa Immo n'étant pas légitime à reprocher à M. [K] de n'avoir pas pris en charge les travaux rendus nécessaires par la dégradation de l'immeuble alors qu'elle ne l'avait pas mis en mesure, lors de la vente, d'apprécier justement l'ampleur des travaux à réaliser.
Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts complémentaires, M. [K] invoque, outre le défaut de délivrance du vendeur, la réticence dolosive fautive de celui-ci, ces deux fautes ayant entraîné pour lui un préjudice de perte de loyers.
La société Pasa immo conteste avoir dissimulé des informations à M. [K] et prétend que l'état de l'immeuble était apparent.
L'article 1112-1 du code civil dispose que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ; que néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation'; qu'ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ; qu'il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie ; les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir'; qu'outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Aux termes de l'article 1137 du même code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
En l'espèce, en omettant de porter à la connaissance de l'acquéreur les demandes de mises en conformité de l'immeuble objet de la vente avec les normes du logement décent et l'assignation aux fins d'expertise qui lui avait été délivrée par l'une de ses locataires, la société Pasa Immo a manqué à son devoir d'information, cette réticence pouvant être qualifiée de dolosive dès lors qu'il est manifeste que si l'acquéreur en avait eu connaissance, il aurait pu réévaluer son intention d'acquérir ou, en tout cas, renégocier le prix de vente à la baisse, quand bien même le prix convenu entre les parties était déjà bas par rapport au marché immobilier.
La société Pasa immo doit donc être tenue d'indemniser l'acquéreur de l'ensemble du préjudice ayant résulté pour celui-ci non seulement de son manquement contractuel à son obligation de délivrance, mais également de sa réticence dolosive.
M. [K] sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 45 700 euros correspondant à la perte de loyers qu'il aurait subie en 2020 (23 740 euros) et 2021 (21 960 euros) pour les sept appartements de son immeuble.
Cependant, il résulte de l'acte de vente que lors de celle-ci, seuls quatre appartements étaient loués.
Aux termes d'un courriel adressé par l'agence Century 21 chargée de la gestion locative de l'immeuble à M. [K] le 17 janvier 2020 celle-ci l'informe que :
' Suite à la situation actuelle de l'immeuble, à savoir les parties communes (passage de cave infiltrée et gorgée d'eau), logement du RDC gorgé d'eau suite à la toiture et dernièrement le plafond du logement 5 avec la dalle de béton fissurée, nous sommes dans l'obligation de prévenir la mairie afin de faire fermer l'immeuble du risque d'un effondrement du grenier mettant en danger la vie des habitants. Nous informons donc ce jour la mairie et demandons un relogement des derniers résidents.'
Or, l'agence Century 21 atteste n'avoir dû reloger que deux locataires, Mme [D] et M.'[W], en raison des risques d'effondrement de la toiture arrière du bâtiment et des nombreux travaux de salubrité à effectuer. Les deux derniers locataires, MM. [I] et [E] ont, en ce qui les concerne, été expulsés pour défaut de paiement des loyers.
Enfin, il n'est pas établi que l'immeuble dans son ensemble, et non seulement les deux appartements de Mme [D] et M. [W] qui avaient fait l'objet des courriers du service d'hygiène de la mairie aux fins de remise aux normes du logement décent, ait été concerné par les manquements relevés aux caractéristiques du logement décent.
Le préjudice de perte de loyer en lien avec les manquements du vendeur n'est donc pas établi pour l'ensemble de l'immeuble et n'est caractérisé que pour les logements de Mme [D] et M.'[W].
Le loyer de Mme [D] s'élevant à 350 euros par mois et celui de M. [W] à la somme de 280 euros par mois, il convient de limiter l'indemnisation de M. [K] pour la perte de loyers subie à la somme de 15 120 euros ((350 + 280) x 24) pour les années 2020 et 2021.
La société Pasa immo sera donc condamnée à payer cette somme à M. [K].
Sur les autres demandes
La société Pasa immo, qui succombe en appel, sera tenue aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle sera par ailleurs condamnée à verser à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa demande sur le même fondement.
Les sociétés Eleven immobilier et Immo Rihani seront par ailleurs déboutées de leurs demandes formées sur même fondement à l'encontre de M. [K], celui-ci n'étant pas à l'origine de leur mise en cause dans la procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme la décision entreprise,
Statuant à nouveau,
Condamne la Sarl Pasa Immo à payer à M. [T] [K] les sommes de :
- 46 100 euros à titre de réduction du prix de la vente de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 11] intervenue le 27 mai 2019,
- 15 120 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
La déboute de sa demande formée sur ledit article 700 ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel ;
Déboute la Sarl Eleven immobilier et l'Eurl Immo Rihani de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile formées à l'encontre de M. [T] [K].