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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 10 septembre 2024, n° 23/16658

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/16658

10 septembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024

(n° 302 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16658 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CILSV

Décision déférée à la cour : ordonnance du 13 juillet 2023 - président du TJ de Paris - RG n°23/54649

APPELANTES

S.C.C.V. [Localité 9]-[Localité 8], placée en redressement judiciaire, RCS de Paris n°811474857, placée en redressement judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

S.E.L.A.F.A. MJA, en sa qualité de mandataire judiciaire de la SCCV [Localité 9]-[Localité 8], prise en la personne de Maître [E] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentées par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Ayant pour avocat plaidant Me Benoit RAIMBERT de la SELAS SIMON ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. SO-MA-TER, RCS de Meaux n°522198639, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

Ayant pour avocat plaidant Me Stefan RIBEIRO de la SELARL ALTILEX AVOCATS, avocats au barreau du Val d'Oise

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne-Gaël BLANC, conseillère, le président de chambre empêché, et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

La société [Localité 9]-[Localité 8] a entrepris, en qualité de maître de l'ouvrage, la construction d'un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 9] (93).

La société So-Ma-Ter a été chargée du lot n°2 VRD-gros-oeuvre.

Un procès-verbal de réception avec réserves a été dressé le 27 juin 2022.

Par acte extrajudiciaire du 6 juin 2023, la société So-Ma-Ter a fait assigner la société [Localité 9]-[Localité 8] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de la voir condamner à titre provisionnel à lui payer 213 325, 29 euros portant intérêts au taux légal à compter du 21 février 2023, date de la mise en demeure avec capitalisation des intérêts.

Par jugement du 29 juin 2023, publié le 21 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Paris a placé la société [Localité 9]-[Localité 8] en redressement judiciaire. La cessation des paiements a été fixée au 30 mai 2023.

Par ordonnance, réputée contradictoire en l'absence de la société [Localité 9]-[Localité 8], du 13 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

condamné à titre provisionnel la société [Localité 9]-[Localité 8] à payer 213 325,29 euros à la société So-Ma-Ter, portant intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation du 6 juin 2023 et emportant capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

condamné la société [Localité 9]-[Localité 8] à payer 5 000 euros à la société So-Ma-Ter au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société [Localité 9]-[Localité 8] aux dépens.

Par déclaration du 11 octobre 2023, rectifiée par déclaration du 10 novembre 2023, la société MJA, ès qualités de mandataire judiciaire,et la société [Localité 9]-[Localité 8] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de dispositif de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 12 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société [Localité 9]-[Localité 8] et la société MJA demandent à la cour de :

infirmer l'ordonnance de référé en date du 13 juillet 2023 ;

dire et juger n'y avoir lieu à référé et débouter la société So-Ma-Ter de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la société So-Ma-Ter au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 27 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société So-Ma-Ter demande à la cour de :

dire et juger mal fondées la société [Localité 9]-[Localité 8] et la société MJA en leur appel ;

confirmer l'ordonnance de référé rendue le 13 juillet 2023 ;

fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société [Localité 9]-[Localité 8] à hauteur de la somme de 219 387,88 euros ;

en cause d'appel,

condamner la société [Localité 9]-[Localité 8], ainsi que la société MJA à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société [Localité 9]-[Localité 8], ainsi que la société MJA aux entiers dépens d'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2024.

Par conclusions remises et notifiées le 25 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens développés, la société So-Ma-Ter demande à la cour de :

ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 14 mars 2024 ;

reporter la date de clôture à l'audience de plaidoiries ;

surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel à intervenir sur la vérification du passif ;

dire et juger mal fondées la société [Localité 9] - [Localité 8] et la société MJA, en leur appel,

confirmer l'ordonnance de référé rendue le 13 juillet 2023,

fixer la créance de la société So-Ma-Ter au passif du redressement judiciaire de la société [Localité 9] - [Localité 8] à hauteur de la somme de 219 387,88 euros,

à titre subsidiaire,

fixer la créance de la société So-Ma-Ter au passif du redressement judiciaire de la société [Localité 9]- [Localité 8] à hauteur de la somme de 149 387,88 euros ;

en tout état de cause,

condamner la société [Localité 9]- [Localité 8], ainsi que la société MJA à payer à la société So-Ma-Ter la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamner la société [Localité 9]- [Localité 8], ainsi que la société MJA aux entiers dépens d'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Il résulte des dispositions des articles 802 et 803 du code de procédure civile, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l' ordonnance de clôture ; l' ordonnance de clôture ne peut enfin être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Au cas présent, la société So-Ma-Ter sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir répondre aux dernières conclusions des appelantes qui s'appuient sur une ordonnance du juge commissaire du 27 février 2024 qui a rejeté sa déclaration de créance. Elle ajoute qu'elle n'a pas été en mesure de répondre à ces conclusions, précise qu'elle a interjeté appel de l'ordonnance du juge commissaire et demande qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour à intervenir sur cet appel relatif à la vérification du passif.

Cependant, les dernières conclusions des appelants ont été remises et notifiées le 12 mars 2024 à 11 h 49. L'intimée n'établit pas l'existence d'une cause grave faisant obstacle à la remise et notification de conclusions en réplique avant l'ordonnance de clôture du 14 mars 2024. De plus, il sera observé que l'ordonnance du juge commissaire en date 27 février 2024 a été notifiée aux parties dès le 4 mars 2024 soit 10 jours avant l'ordonnance de clôture, ce délai permettant à chacune des parties de tirer les conséquences de cette décision sur la présente procédure.

La société So-Ma-Ter n'établit donc pas l'existence d'une cause grave justifiant la révocation de l' ordonnance de clôture .

La demande aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture sera rejetée.

Sur la demande de provision

La société So-Ma-Ter conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise et fait valoir que sa créance a été régulièrement déclarée et n'est pas sérieusement contestable.

Mais par jugement du 29 juin 2023, le tribunal judiciaire de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [Localité 9]-[Localité 8] et a notamment désigné la société MJA en qualité de mandataire judiciaire.

Les appelantes se prévalent des dispositions de de l'article L. 622-21 du code de commerce qui dispose que :

« I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus ».

L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision , doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce.

En effet, l'instance en référé n'étant pas une instance en cours interrompue par le jugement d'ouverture, il revient au seul juge-commissaire de se prononcer sur la déclaration de créance, ce qui prive le juge des référés du pouvoir de statuer sur cette créance.

En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société [Localité 9]-[Localité 8] a été rendu le 29 juin 2023.

Il en résulte que l'ordonnance de référé prononcée le 13 juillet 2023, postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, n'était pas passée en force de chose jugée lors de l'ouverture de la procédure collective et que l'action en paiement d'une provision relative à une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge. L'ordonnance entreprise sera confirmée de ces chefs.

Au regard de l'issue du litige en appel, chacune des parties conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 14 mars 2024 ;

Infirme l'ordonnance entreprise, sauf des chefs relatifs aux dépens et à l'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens d'appel par elle exposés ;

Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE