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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 10 septembre 2024, n° 22/06434

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/06434

10 septembre 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/06434 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PU4Q

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 DECEMBRE 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2021J00266

APPELANTE :

S.A.R.L. LE FOURNIL DE [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

S.A.S.U. LA LECON D'ORPHEE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat postulant, substitué à l'audience par Me JULIE, avocats au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Franck MOREL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 30 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 JUIN 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Jacqueline SEBA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.

FAITS ET PROCEDURE :

La S.A.S.U. La Leçon d'Orphée, sise [Adresse 2] à [Localité 5], est un organisme spécialisé dans la formation professionnelle continue pour adulte et elle a pour gérante Mme [G] [T].

La S.A.R.L Le Fournil de [Adresse 3], sise [Adresse 1] à [Localité 4], est une société de fabrication industrielle de produits de boulangerie, viennoiserie et pâtisserie qui fait partie d'un groupe de 24 magasins (à l'enseigne Le Pain du Jour) ayant la même activité et dirigés par M. [C] [P].

Le 10 décembre 2020, la société La Leçon d'Orphée a conclu une convention de formation professionnelle avec la société Le Fournil de [Localité 4] concernant le certificat de qualification professionnel Préparateur vendeur en boulangerie pour 4 personnes, sur une période de 189 heures ou 27 jours entre le mois de mars 2021 et celui de juin 2021, au prix de 41'695 euros.

Par courriel du 7 avril 2021, confirmé par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 2021, M. [P] a informé la société La Leçon d'Orphée de la cessation de toute activité de formation dans ses magasins Le Fournil de [Localité 4], Le Fournil de Lohan et Le Fournil de Jelo, ce qui a été confirmé à l'OCAPIAT le 16 avril 2021.

Le 9 septembre 2021, la société La Leçon d'Orphée a émis une facture d'un montant de 17'500 euros et par sommation de payer du 15 octobre suivant, elle a mis vainement en demeure la société Le Fournil de [Localité 4] de lui régler la facture impayée.

Par ordonnance portant injonction de payer en date du 27 octobre 2021, à laquelle la société Le Fournil de [Adresse 3] a formé opposition le 17 novembre 2021, le président du tribunal de commerce de Perpignan l'a condamnée à payer à La leçon d'Orphée la somme de 17'500 euros en principal, 13,12 euros à titre d'intérêts, 184,76 euros et 51,07 euros au titre des frais.

Statuant sur opposition, par jugement contradictoire du 6 décembre 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a':

- dit l'opposition à injonction de payer de la société Le Fournil de [Localité 4] recevable en la forme';

- débouté la société Le Fournil de [Localité 4] de toutes ses demandes';

- l'a condamnée à payer à la société La Leçon d'Orphée la somme de 17'500 euros au titre des factures impayées, la somme de 13,12 euros au titre des intérêts légaux, la somme de 184,76 euros au titre de la sommation de payer et la somme de 51,07 euros pour les frais de requête ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision';

- et condamné la société Le Fournil de [Localité 4] à payer à la société La Leçon d'Orphée la somme de 500 euros au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile'ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 20 décembre 2022, la société Le Fournil de [Adresse 3] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance de référé en date du 15 mars 2023, le premier président de cette cour a déclaré irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la société le Fournil de [Localité 4].

Par conclusions du 29 mai 2024, elle demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les conclusions et pièces de la société La Leçon d'Orphée';

- prononcer la nullité du jugement attaqué pour défaut de motivation';

- le réformer en toutes ses dispositions ';

- juger que la société Le Fournil de [Localité 4] a résilié à bon droit la convention de prestations de service aux torts de la société La Leçon d'Orphée en avril 2021';

- prononcer la résiliation de la convention de prestations de service aux torts de la société La Leçon d'Orphée';

- juger que la société La Leçon d'Orphée'ne peut se prévaloir de la clause résolutoire prévue au contrat qui suppose une faute de son client';

- débouter la société La Leçon d'Orphée'de l'ensemble de ses demandes';

- déclarer irrecevable et mal fondée sa demande de dommage et intérêt pour préjudice moral formulée par la société La Leçon d'Orphée';

à titre subsidiaire

- juger que la clause de résiliation est une clause pénale manifestement excessive'et la réduire en conséquence à la somme de 1 euro';

à titre reconventionnel

- faire droit à la demande reconventionnelle de la société Le Fournil de [Localité 4]';

- juger que la société La Leçon d'Orphée'a engagé sa responsabilité à l'encontre de la société Le Fournil de [Localité 4]'en raison de la mauvaise qualité de ses prestations, du manquement à son obligation de discrétion et du dénigrement de la société de ses dirigeants et du groupe à laquelle appartient la société Le Fournil de [Localité 4]';

- et condamner la société La Leçon d'Orphée en réparation du préjudice subi à payer à la société Le Fournil de [Localité 4]'la somme de 15'000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la mauvaise qualité des prestations réalisées, la somme de 15'000 euros en réparation du préjudice moral et commercial résultant du dénigrement, et la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de son appel elle fait valoir principalement que :

- les conclusions de la société La Leçon d'Orphée sont irrecevables dans la mesure où le siège social de la société est fictif'; l'huissier a en effet dressé un procès-verbal de recherches infructueuses relativement à l'assignation objet de la procédure devant le premier président destiné à faire arrêter l'exécution provisoire ;

- le jugement dont appel est nul pour défaut de motivation, dans la mesure où le tribunal n'a pas répondu à sa demande de réduction de la clause pénale';

- la résiliation de la convention de formation doit être justement prononcée aux torts de la société La Leçon d'Orphée, eu égard principalement aux propos dénigrants'tenus par la gérante de cette dernière lors des sessions de formation;

- à titre subsidiaire, la clause pénale doit être réduite';

- la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral formée pour la première fois en cause d'appel par la société La Leçon d'Orphée est irrecevable comme étant une demande nouvelle.

Par conclusions du 17 mai 2024, la société La Leçon d'Orphée demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

- débouter la société Le Fournil de [Adresse 3] de l'opposition formée à l'encontre de l'injonction de payer';

- débouter la société Le Fournil de [Localité 4]'de l'ensemble de ses demandes'reconventionnelles ;

- juger que les demandes formulées au titre des factures dues et des accessoires par la société La Leçon d'Orphée sont fondées';

- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce';

- condamner la société Le Fournil de [Localité 4] à lui payer la somme de 17'500 euros au titre des factures non payées, la somme de 13,12 euros au titre des intérêts au taux légal, la somme de 184,76 euros au titre de la sommation de payer et la somme de 51,07 euros pour frais de requête';

- condamner la société Le Fournil de [Localité 4] à lui payer la somme de 20'000 euros au titre du préjudice moral subi';

- et condamner la société Le Fournil de [Adresse 3] à lui payer la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Elle soutient pour l'essentiel que':

- son siège social est situé dans un immeuble appartenant à la famille de la gérante, et c'est seulement en raison de dissensions familiales que la boîte aux lettres de la société a été supprimée';

- il ne peut lui être fait aucun reproche quant à la qualité des prestations de formation délivrée ;

- la plupart des attestations émanent de proches du gérant de la société Le Fournil de Lohan';

- elle n'a nullement manqué à ses obligations contractuelles';

- le comportement de la société Le Fournil de [Adresse 3] lui a causé un préjudice moral qu'il est juste d'indemniser à hauteur de 20'000 euros.

L'ordonnance de clôture est datée du 30 mai 2024.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des conclusions de la société La Leçon d'Orphée

La société appelante soutient que le siège social de la société La Leçon d'Orphée est fictif, de sorte que ses conclusions sont irrecevables par application des dispositions des articles 960 et 961 du code de procédure civile.

Le siège social de la société mentionné sur les documents réglementaires (RCS, KBis) est le [Adresse 2] à [Localité 5].

Or, comme le soutient la gérante de la société La Leçon d'Orphée, Mme [T], il résulte des pièces du dossier que cette adresse est toujours le siège social de la société et que seul un problème d'absence de boîte aux lettres au nom de la société sur l'immeuble familial situé à cette adresse, dans un contexte de conflit familial, a empêché la délivrance de l'assignation dans le cadre de la procédure devant le premier président, alors de surcroît que dans ce même contexte Mme [T] justifie avoir effectué un suivi du courrier de la société.

Le moyen d'irrecevabilité des conclusions et pièces sera dès lors rejeté.

Sur la nullité du jugement

La société appelante sollicite la nullité du jugement critiqué pour défaut de réponse à ses conclusions relativement à la réduction de la clause pénale.

Cependant, dans sa motivation concernant l'application de la clause contractuelle relative à l'annulation de la formation, et en considérant que le montant demandé était conforme aux conditions générales de vente en cas d'annulation, le tribunal a implicitement répondu, en les rejetant, aux conclusions de la société appelante sollicitant la réduction de la clause pénale de sorte que le jugement n'encourt aucun motif de nullité.

Sur les sommes réclamées par la société La Leçon d'Orphée

Les conditions générales de vente annexées à la convention du 10 décembre 2020 prévoient qu'en cas d'annulation de la formation professionnelle du fait du client, le contrat sera résilié moyennant le paiement du montant intégral de la formation si l'annulation intervient moins de 10 jours avant son début.

Or il résulte des productions que les formations ont débuté le 30 mars 2021, comme en attestent les feuilles d'émargement des salariés et que la résiliation du 12 avril 2021 est donc intervenue après le début de la formation.

La convention prévoyait 27 jours de formation et il restait 17,5 jours à réaliser.

La facture du 9 septembre 2021 de 17 500 euros correspondant ainsi aux 17,5 jours de formation restant.

La société Le Fournil de [Adresse 3] soutient qu'elle a mis fin à la convention de formation en raison du comportement de Mme [T].

Elle produit à l'appui de ses allégations un certain nombre d'attestations émanant de ses préposés, rédigées sinon en des termes identiques, du moins dans un esprit identique et qui ne font état d'aucun manquement grave de la part de Mme [T], à ses obligations susceptibles de pouvoir justifier la résiliation unilatérale de la convention, hormis des propos ou des conseils pouvant apparaitre quelque peu déplacés (répétés systématiquement dans toutes les attestations).

De surcroît, la société La Leçon d'Orphée verse aux débats différentes pièces émanant de l'organisme régional en charge de la supervision de la formation (OCAPIAT) démontrant des difficultés de formation au sein des différents points de vente de l'enseigne «'Le pain du jour'» liées à des difficultés internes à celle-ci, ainsi qu'à des problèmes de ressources humaines au sein des différents établissements.

Par ailleurs, la clause litigieuse stipulant une indemnité en cas de résiliation anticipée de la part du client dont le montant est équivalent au prix dû en cas d'exécution du contrat jusqu'à son terme, sans aucune contrepartie puisque la société Le Fournil de [Adresse 3] ne devait plus aucune prestation au titre du contrat, présentant dès lors à la fois un caractère indemnitaire, puisqu'elle constituait une évaluation forfaitaire du dommage subi par la société La Leçon d'Orphée à la suite de la résiliation du contrat , et un caractère comminatoire, son montant élevé ayant pour but de contraindre la société Le Fournil de [Adresse 3] à exécuter le contrat jusqu'à son terme, constitue une clause pénale.

Cependant, rien dans les circonstances de la résiliation ci-dessus énumérées ne justifie une réduction de ladite clause de résiliation.

Le moyen sera rejeté.

De même, les demandes de dommages-intérêts formées par la société Le Fournil de [Adresse 3] relatives à un préjudice de dénigrement et à un préjudice d'image ne pourront qu'être rejetées en l'absence de tout manquement de la société La Leçon d'Orphée à ses obligations professionnelles.

La demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral formée par la société La Leçon d'Orphée ne saurait être regardée comme une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, comme étant accessoire à sa demande principale en paiement, de sorte qu'elle est parfaitement recevable.

Toutefois, il doit être constaté que la société La Leçon d'Orphée ne justifie nullement d'un préjudice moral spécifique, alors qu'elle est indemnisée supra des conséquences de la rupture unilatérale et injustifiée de la convention de formation par la société Le Fournil de [Adresse 3].

Sa demande sera dès lors rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette la demande d'irrecevabilité des conclusions et pièces de l'intimée,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Le Fournil de [Adresse 3] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société La Leçon d'Orphée la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, la présidente,