CA Montpellier, ch. com., 10 septembre 2024, n° 22/05736
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
SARL
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
Mme Bourdon, M. Graffin
Avocats :
Me Laporte, Me Garrigue, Me Vedel Salles, Me Flour, Me Neckbroeck
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 28 mars 2018, le tribunal de commerce de Narbonne, sur assignation d'un créancier, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL [Adresse 10], exploitant un domaine viticole à [Localité 8] (Aude), dont le gérant est M. [V] [B] né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 9] (76).
Par jugement du 18 juillet 2018, le tribunal de commerce de Narbonne a prononcé la conversion du redressement judiciaire de la société [Adresse 10] en liquidation judiciaire et désigné Mme [Z] [J] en qualité de mandataire liquidateur.
Le passif déclaré à la liquidation judiciaire à hauteur de 2 445'929,41 €, n'a pas été contesté ; et l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce, publié au Bodacc, est devenu définitif.
Par exploit du 27 mars 2019, Mme [Z] [J], ès qualités, a fait assigner la société [Adresse 10] représentée par son gérant, en vue d'obtenir le report de la date de cessation des paiements au 28 septembre 2016.
Par arrêt de la cour de ce siège en date du 26 mai 2021, le jugement du tribunal de commerce de Narbonne du 15 décembre 2020 ayant fait droit à la demande du liquidateur a été confirmé.
Par exploit du 6 mai 2021, Mme [Z] [J], ès qualités, a assigné M. [V] [B] en responsabilité pour le voir condamner à combler l'insuffisance d'actif et à une interdiction de gérer.
Par jugement contradictoire du 9 novembre 2022, le tribunal de commerce de Narbonne a':
- dit que M. [V] [B] a commis des fautes de gestion en ayant délibérément poursuivi son activité sachant que cette dernière était manifestement déficitaire, en préjudiciant à l'intérêt des créanciers, en se soustrayant au paiement des obligations fiscales et sociales, en s'abstenant de mettre en place une structure compétente, des outils de gestion fiables, permettant à la personne morale et à lui-même d'appréhender la situation économique et financière exacte, et en conséquence, de prendre en temps utile les mesures qui s'imposaient ainsi qu'en n'ayant pas satisfait aux obligations de l'article L. 223-42 du code de commerce concernant la régularisation des capitaux propres de sa société';
- dit que le préjudice causé par la négligence de M. [V] [B] est souverainement apprécié à la somme de 1'699'775 euros';
- condamné M. [V] [B] à payer la somme de 1'699 775 euros à Mme [Z] [J], ès qualités, au titre de l'insuffisance d'actif dont il est à l'origine';
- condamné M. [V] [B] à une mesure d'interdiction de diriger, gérer administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale ou tout personne morale, pour une durée de cinq ans';
- rejeté toutes demandes contraires';
- et l'a condamné à payer la somme de 800 euros à Mme [Z] [J] ès qualités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens';
- et dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.
Le 15 novembre 2022, M. [B] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 6 février 2023, il demande à la cour, au visa des articles 122, 378 et 514-1 du code de procédure civile, des articles L. 651-1, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme :
- de le recevoir en ses demandes';
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';
à titre principal
- de juger que les fautes qui lui sont reprochées ne sont pas établies'; qu'il n'est pas démontré un lien de causalité entre les prétendues fautes de gestion et l'insuffisance d'actif alléguée par le liquidateur judiciaire';
- de débouter Mme [Z] [J], ès qualités, de l'intégralité de ses demandes, et de dire n'y avoir lieu à sanction';
à titre subsidiaire
- de juger, en application du principe de proportionnalité, n'y avoir lieu à responsabilité pour insuffisance d'actif au regard de la personnalité, des facultés contributives et de l'état de santé de M. [B]';
à titre infiniment subsidiaire et en cas de condamnation
- de juger que l'éventuelle interdiction de gérer exclura, en tout état de cause, la direction de droit de M. [V] [B] au sein des sociétés [Adresse 11] et La Planète de l'Image';
- et en tout état de cause, de condamner Mme [Z] [J], ès qualités, à payer la somme de 6'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entier dépens, titrés en frais privilégiés de la procédure.
Par conclusions du 26 avril 2023, formant appel incident, Mme [Z] [J], en qualité de liquidateur de la SARL [Adresse 10], demande à la cour, au visa de l'article L. 651-2 du code de commerce':
- de débouter M. [V] [B] de toutes ses demandes';
- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que le préjudice causé par la négligence de M. [V] [B] serait souverainement apprécié à la somme de 1'699 775 euros et condamné M. [V] [B] à lui payer la somme de 1'699 775 euros au titre de l'insuffisance d'actif dont il est à l'origine';
statuant à nouveau
- de condamner M. [B] à lui payer la somme de 2'411'730,58 euros, au titre de l'insuffisance d'actif dont il est à l'origine';
et en toute hypothèse,
- de condamner M. [B] à lui payer la somme de 8'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le ministère public, qui a reçu communication, a requis le 18 avril 2023 la confirmation du jugement entrepris, l'interdiction de gérer prononcée, limitée dans le temps, étant proportionnée selon lui, aux fautes commises (absence de déclaration de cessation de paiement dans le délai légal, poursuite d'une activité manifestement déficitaire, absence de régularisation des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social) et n'apparaissant pas excessive.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 4 juin 2024.
MOTIFS
M. [B] fait valoir en substance les moyens suivants :
- il a fait son possible pour sauver l'exploitation et largement abondé en compte courant d'associé en apportant, ne serait-ce que sur l'exercice 2016, la somme de 75'751,41 € sur ses deniers personnels ;
- la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation est le résultat de circonstances extérieures étrangères à sa gestion, les vignes du domaine ayant été affectées quelque mois après le jugement d'ouverture par le mildiou ;
- par jugement du 15 novembre 2022, le tribunal de commerce de Narbonne statuant sur l'action en extension de procédure a reconnu comme distinctes les activités de la société [Adresse 10] et de la société [Adresse 11] ; ce jugement est devenu irrévocable notamment en ce qu'il a considéré que, s'agissant des avances consenties à la société [Adresse 10], il a estimé qu'il y avait une correspondance des comptes réciproques entre les deux sociétés, entretenant un courant d'affaires régulier, et aucun flux financier anormal ;
- le liquidateur judiciaire doit démontrer le lien de causalité entre chaque faute retenue et le préjudice de la société constitué par l'insuffisance d'actif constatée ;
- même si la cour d'appel de Montpellier a considéré qu'il ne s'agissait pas d'actif disponible, M. [B] estimait pour sa part être en capacité de régler ses créanciers grâce au règlement attendu de ses clients et aux ventes prochaines de son stock respectivement évalués à 425'332 € et 636'763 au 31 mars 2016 ;
- il n'avait pas connaissance de l'état de cessation des paiements de la société [Adresse 10] et n'a pas sciemment omis de déclarer cet état dans le délai légal ;
- 80 % du passif n'était pas exigible au jour du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, s'agissant pour 1'290'179 € de contrat de prêts qui ne sont devenus exigibles après la conversion de la procédure de liquidation, seuls 472'537,69 € étant effectivement exigibles ;
- il a pris des mesures de redressement financier ;
- il a essayé de vendre le domaine viticole ;
- et on voit mal comment il pourrait lui être reproché d'avoir poursuivi une activité prétendument déficitaire avant le jugement d'ouverture alors que les organes de la procédure collective ont considéré jusqu'au 5 juin 2018 que le redressement de la société était envisageable.
SUR CE
L'article L.651-2 du code de commerce dispose que « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux ayant contribué à la faute de gestion.
(')
Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. »
Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements
L'article L.640-4 du code de commerce prévoit que le délai légal pour déclarer l'état de cessation des paiements est de 45 jours à compter de la survenance de cet état.
Le jugement déféré a exactement retenu que M. [B] a attendu d'être assigné en redressement par Mutualité Sociale Agricole Grand Sud pour reconnaître la cessation des paiements de la société [Adresse 10], redevable de cotisations impayées sur des salaires afférents aux années 2010 à 2017.
Par jugement en date du 28 mars 2018, le tribunal a fait droit à la demande de redressement judiciaire, puis par jugement en date du 17 décembre 2020, le tribunal a reporté la date de cessation des paiements au 28 septembre 2016, ce qui a été confirmé par un arrêt de la cour de ce siège du 26 mai 2021.
La cour de céans énonce en ses motifs développés :
« (') Le passif exigible de la société [Adresse 10] à la date du 28 septembre 2016 ressort donc a minima à la somme de 92 241,33 euros correspondant à l'arriéré de cotisations dû à l'institut de prévoyance Humanis au 31 décembre 2015 (15 208,40 euros), aux cotisations dues à la MSA Grand sud pour les années 2010 et 2011 (8712,93 euros) et au solde des honoraires dus au cabinet d'avocats SCPS (68 320 euros) au titre de factures émises les 11 septembre 2014 et 29 mai 2015.
Le solde du compte bancaire de la société [Adresse 10], ouvert dans les livres du Crédit Agricole du Languedoc, était créditeur de 15 945,38 euros au 30 septembre 2016 et de 27 582,76 euros à la date du 28 septembre 2016, selon le relevé de compte produit aux débats ; le bilan de l'exercice comptable clos le 31 mars 2016 fait état de disponibilités pour seulement 2036 euros, et le relevé de compte bancaire à la date du 30 avril 2016, que l'appelante verse aux débats, mentionne un solde créditeur de 23 225,49 euros à cette date, sachant qu'il n'a été remis au mandataire judiciaire ni les autres relevés bancaires en la possession de la société [Adresse 10], ni les comptes des exercices 2017 et 2018.
Le crédit de TVA à reporter, d'un montant de 21 988 euros figurant à l'actif du bilan au 31 mars 2016, ne peut être regardé comme un actif immédiatement disponible, d'autant qu'aucun élément n'est fourni quant à l'exigibilité d'une telle somme, dont il n'est d'ailleurs pas prétendu qu'elle était sur le point d'être réglée fin septembre 2016.
La société [Adresse 10] invoque également des créances clients pour un montant de 425 332,51 euros, chiffre figurant à l'actif du bilan au 31 mars 2016 et elle communique huit factures à l'ordre d'une société américaine DSWS basée à [Localité 12] pour 79 294,32 euros, dont 47 075,28 euros pour le seul mois de juin 2016 (entre le 7 juin et le 28 juin), factures dont elle précise qu'elles sont payables à 90 jours fin de mois ; cependant, le montant des créances clients figurant à l'actif du bilan au 31 mars 2016, qui est proche de celui porté au bilan du 31 mars 2015 (420 972,24 euros), n'est pas en soi révélateur de l'existence d'un actif disponible, étant observé que le montant des créances clients à recouvrer au 31 mars 2016 apparaît relativement important, comparé au chiffre d'affaires réalisé à la clôture de l'exercice de seulement 452321,75 euros ; les créances sur la société américaine DSWS ne peuvent davantage être prises en compte pour la détermination de l'actif disponible, puisqu'elles ne constituent au 28 septembre 2016 que des factures à recouvrer, qui ne l'ont d'ailleurs pas été, même pour partie, au vu du relevé de compte au 30 septembre 2016, produit aux débats.
Quant au stock de vins, valorisé pour 636 763 euros à l'actif du bilan au 31 mars 2016, il ne peut davantage être regardé comme un actif immédiatement disponible, dès lors qu'il résulte du bilan économique et social établi le 25 mai 2018 par l'administrateur judiciaire, M. [L], que le stock de vins fait l'objet de warrants au profit de la caisse régionale de Crédit Agricole de Champagne Bourgogne garantissant un prêt de trésorerie consenti le 19 avril
2006 et que le stock de vins étant ainsi intégralement warranté, un éventuel déstockage ne permettrait pas de bénéficier du produit de la vente.
Avec une trésorerie comprise à fin septembre 2016 entre 15 000 euros et 27000 euros, la société [Adresse 10] n'était donc pas en mesure de faire face à son passif exigible, qui s'établissait a minima, à la date du 28 septembre 2016, à la somme de 92 241,33 euros ».
La cour de ce siège, en approuvant le report de la date de cessation des paiements de la société [Adresse 10] au 28 septembre 2016, a déjà eu l'occasion ainsi de répondre aux moyens soulevés par M. [B], qui n'hésite pas à invoquer encore la valeur d'un stock entièrement warranté.
Sur la poursuite d'une activité déficitaire
Le jugement déféré retient sur ce point que le rapport des mandataires judiciaires de la société font ressortir un niveau de capitaux propres négatifs à la fin de l'exercice 2015 à hauteur de 677'023 €, lequel n'a cessé de s'amplifier pour s'établir à 1'291'232,31 € au 31 mars 2017, tandis que le chiffre d'affaires diminuait de moitié entre 2015 et l'exercice clos le 31 mars 2017.
Les données comptables révèlent que la société a subi des pertes très importantes sur trois exercices consécutifs.
Moins de trois mois après l'ouverture de la procédure collective, le passif définitif s'élevait à la somme de 2'045'072,93 €.
La cour estime que M. [B], seul dirigeant, a pris des mesures insuffisantes au rétablissement de la situation financière, alors que son activité était structurellement déficitaire.
Le dirigeant, tenu d'un devoir de compétence, ne pouvant l'ignorer, a néanmoins poursuivi l'exploitation de son entreprise.
Cette faute de gestion a permis l'accumulation et l'aggravation considérable du passif de la débitrice ; elle a indéniablement contribué à l'insuffisance corrélative d'actif.
La circonstance que la période d'observation ait ensuite été prolongée par le jugement du tribunal de commerce du 7 juin 2018 qui a autorisé la poursuite de l'activité, sous réserve du paiement des salaires échus et eu égard à un potentiel repreneur, est inopérante à cet égard, le liquidateur plaidant utilement que cette poursuite obéit aux objectifs propres de la procédure collective.
Sur l'absence de régularisation du niveau des capitaux propres
L'article L.223-42 du code de commerce dispose que « Si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés décident, dans les quatre mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, s'il y a lieu à dissolution anticipée de la société.
Si la dissolution n'est pas prononcée à la majorité exigée pour la modification des statuts, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de réduire son capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pu être imputées sur les réserves, si, dans ce délai, les capitaux propres n'ont pas été reconstitués à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social (') ».
À la clôture de l'exercice du 30 juin 2015, du fait de la perte de 1'023'896 € constatée dans les documents sociaux, les capitaux propres sont devenus négatifs à hauteur de 677'023 €, puis à hauteur de 869'663 € suite à la perte enregistrée s'élevant à 192'640 € sur l'exercice 2016, et à hauteur de 1'291'232€ suite à la perte de 421'599 € au 31 mars 2017, soit donc inférieurs à la moitié du capital social s'élevant à 90'000 €, ce qui imposait la tenue d'une assemblée générale extraordinaire en vue de la dissolution anticipée de la société ou de la réduction du capital social.
Les comptes auraient dû être approuvés avant le 31 décembre 2015 et l'assemblée générale, se tenir dans les quatre mois suivant au plus tard le 30 avril 2016.
Le dirigeant a néanmoins poursuivi l'activité, comme il a été dit supra, ses fautes de gestion s'enchaînant les unes aux autres, ce qui a contribué à la détérioration des capitaux propres de la société.
Une telle méconnaissance des obligations comptables a aggravé l'insuffisance d'actif révélée par les opérations de liquidation.
L' impéritie de M. [B], excédant une simple négligence dans la gestion de la société [Adresse 10], est établie.
Les avances à la société [Adresse 11]
Le tribunal, pour écarter ce moyen du liquidateur, a relevé à bon droit qu'après étude des comptabilités des deux entités, la société [Adresse 10] et la SARL [Adresse 11], il appert que les avances ont été consenties, non pas par la société [Adresse 10], mais bien par la société [Adresse 11] ; ces avances s'expliquent par le courant d'affaires régulier entre ces deux sociétés, la société [Adresse 11] procédant à des avances auprès de son fournisseur pendant le cycle de production du vin jusqu'à la récolte, de manière à permettre à la société [Adresse 10] de la réaliser et de la lui livrer.
Il a déjà été définitivement jugé par jugement du tribunal de commerce de Narbonne du 15 novembre 2022 qu'il n'existait pas de flux anormaux entre les deux sociétés.
Le moyen du liquidateur est rejeté.
Sur la sanction
M. [B] a commis les fautes de gestion sus-décrites engageant sa responsabilité à titre personnel en application de l'article L. 651-2 du code de commerce.
Le passif de la débitrice s'élève à la somme de 2 475 072,93 € (état des créances arrêtées) pour un actif réalisé de 63'342,35 €, de sorte que l'insuffisance d'actif ressort à la somme de 2'411'730,58 €.
La cour estime que ce passif n'est pas en totalité en lien de causalité direct avec les agissements de M. [B]. Il convient d'en retirer :
- la somme de 711'955,35 € qui correspond à des avances en compte courant d'associé (à hauteur de 68'724 € pour M. [R] et 643'230 € pour la société Groupe Event) ;
- le montant de 1'290'579 € au titre des prêts qui sont devenus exigibles en raison de la procédure collective ;
- et le montant de 75'751,42 € correspondant à l'effort sur les deniers du dirigeant au titre d'un apport en compte courant d'associé.
Le préjudice en lien de causalité avec les fautes de gestion de M. [B] s'élève donc à 2'411'730,58 - 711'955,35 - 1'290'779 - 75'751,42 =) 333'444,81 €, arrondis à 333'444 €.
M. [B] sera donc condamné au paiement de ce montant entre les mains du liquidateur, et le jugement sera réformé en ce sens.
M. [B], eu égard à ce montant et à la durée des manquements, a été justement condamné à une interdiction de gérer durant cinq ans.
Le gérant ayant gravement préjudicié aux créanciers de la société [Adresse 10], ne saurait voir exclure de la sanction, les sociétés de son choix.
Il continue au demeurant de les diriger en dépit des problèmes de santé dont il affirme souffrir.
M. [B], qui ne fournit aucun élément probant sur sa situation financière et patrimoniale globale, et notamment sur la valeur de ses parts sociales dans la société [Adresse 11] et La planète de l'image, ni davantage sur la valeur vénale exacte du bien immobilier mis en vente dont il est propriétaire, ne justifie pas de la disproportion qu'il invoque, d'où il suit le rejet de ce moyen.
Le jugement déféré sera partiellement réformé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le préjudice causé par la négligence de M. [V] [B] est souverainement apprécié à la somme de 1'699'775 euros, et l'a condamné à payer la somme de 1'699,775 euros à Mme [Z] [J], ès qualités, au titre de l'insuffisance d'actif dont il est à l'origine';
Statuant à nouveau sur le quantum retenu,
Condamne M. [V] [B] à payer la somme de 333444 € à Mme [Z] [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [Adresse 10] ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne M. [B] aux dépens d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que cet arrêt sera signifié à M. [V] [B] dans le délai de 15 jours de son prononcé par le greffier de la cour d'appel et adressé au greffier du tribunal de commerce de Narbonne afin que celui-ci effectue les publicités et notifications prévues à l'article R.653-3 du code du commerce.
Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) n°2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.'