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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 4 septembre 2024, n° 24/00441

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

M. Saunier, Mme Willm

Avocats :

Me Mordefroy, Me Cannet, Me Martin

T. com. Besançon, du 7 févr. 2024, n° 20…

7 février 2024

Par jugement du 9 juillet 2012, le tribunal de commerce de Besançon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme [I] [T], épouse [Z].

Par jugement du 1er juillet 2023, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de Mme [Z].

Par requête du 8 janvier 2024, la SELARL [O] Associés, prise en la personne de Maître [F] [O], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, a sollicité la résolution de celui-ci, au motif que la débitrice ne s'était pas acquittée de la 8ème annuité.

Par jugement rendu le 7 février 2024, en l'absence de comparution de Mme [Z], le tribunal de commerce, retenant qu'il résultait des informations recueillies que Mme [Z] se trouvait dans l'impossibilité de faire face à la 10ème échéance de son plan de redressement, et qu'il apparaissait en outre qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements, a :

- constaté la cessation des paiements de Mme [Z] [I], et en a fixé provisoirement la date au 8 janvier 2024 ;

- prononcé la résolution du plan de redressement de la (sic) Mme [Z] [I] homologué par le tribunal de céans le 1er juillet 2023 et mis fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan ;

- et, conformément aux articles L. 640-1 et suivants du code de commerce ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la (sic) Mme [Z] [I] (...) ;

- constaté la résolution du plan de redressement arrêté en date du 1er juillet 2013 ;

(...)

Mme [Z] a relevé appel de cette décision le 20 mars 2024.

Par ordonnance de référé du 13 juin 2024, le magistrat délégué par la première présidente de la cour d'appel de Besançon a arrêté l'exécution provisoire assortissant le jugement déféré et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par conclusions n°2 transmises le 14 juin 2024, l'appelante demande à la cour :

Vu les articles L.661-1 et R.661-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles L.631-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles L.640-1 et L.641-1 et suivants du code de commerce,

- de déclarer recevable l'appel interjeté par la société (sic) Mme [T] [E] épouse [Z] ;

- d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- de donner acte à Mme [T] [E] épouse [Z] du paiement du dividende annuel entre les mains de la SELARL [O] Associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

- de constater l'absence de démonstration d'un état de cessation des paiements et de redressement manifestement impossible pour Mme [T] [E] épouse [Z] ;

- de constater l'absence de motivation sur la démonstration de l'état de cessation des paiements attaché au jugement déféré ayant prononcé la liquidation judiciaire immédiate sans maintien d'activité de Mme [T] [E] épouse [Z] ;

- de dire qu'il n'y a pas lieu à liquidation judiciaire ;

- de statuer sur les dépens.

Par conclusions notifiées le 15 mai 2024, la SELARL [O] Associés, ès qualités, demande à la cour :

Vu les articles 561 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles L.626-9, L.626-27, L.631-20-1 du code de commerce,

Vu les articles L.640-1 et suivants et R.640-1 du code de commerce,

Vu l'article R.631-6 du code de commerce,

A titre principal :

- de confirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire :

Dans l'hypothèse d'une infirmation de la décision attaquée, statuant à nouveau :

- de constater l'état de cessation des paiements de Mme [I] [T] ;

- de fixer la date provisoire de cessation des paiements ;

- de prononcer la résolution du plan de redressement de Mme [I] [T] homologué par jugement du tribunal de commerce de Besançon en date du 1er juillet 2013 et mettre fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan ;

- d'ordonner l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Mme [I] [T]

dont l'établissement principal est sis [Adresse 6] ' [Localité 3], nommer les organes de la procédure et les mesures relatives au déroulement de la procédure ;

- de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Besançon qui assura le suivi de la procédure ;

En toutes hypothèses :

- de statuer ce que de droit pour la condamnation aux dépens d'instance.

Par avis transmis le 18 avril 2024, le ministère public a indiqué s'en rapporter à la décision de la cour.

La clôture de la procédure a été prononcée le 1er juillet 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A titre liminaire, il sera observé que si l'appelante fait grief au jugement déféré d'avoir méconnu le principe de la contradiction et d'être dépourvu de motivation, il n'en est toutefois pas poursuivi la nullité, puisque seule son infirmation est sollicitée.

L'article L. 626-27 du code de commerce dispose qu'en cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l'exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.

Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.

Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire. Avant de statuer, le tribunal examine si la situation du débiteur répond aux conditions posées aux articles L. 645-1 et L. 645-2 et ouvre, le cas échéant, avec son accord, une procédure de rétablissement professionnel.

Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.

Il en résulte que la résolution du plan peut être prononcée pour non-respect de ses engagements par le débiteur, ou du fait de la survenue, en cours d'exécution du plan, d'une situation de cessation des paiements.

Aux termes de la requête du 8 janvier 2024, la demande en résolution formée par le commissaire à l'exécution du plan reposait sur le défaut de paiement de la 8ème annuité.

Toutefois, il résulte des pièces produites que cette annuité n'était alors que partiellement impayée, et il est en tout état de cause justifié par les pièces produites par Mme [Z] à hauteur de cour que cette échéance a, depuis, été intégralement réglée entre les mains du commissaire à l'exécution du plan.

Dès lors, il n'y a pas lieu de prononcer la résolution du plan du fait d'un manquement de Mme [Z] aux obligations résultant de celui-ci, peu important à cet égard que l'apurement soit intervenu par le biais de règlements n'émanant pas directement de la débitrice, ni qu'il soit intervenu postérieurement à la date d'échéance de l'annuité.

Le tribunal a par ailleurs retenu que Mme [Z] se trouvait en état de cessation des paiements, sans qu'il soit possible, en l'état de la motivation particulièrement elliptique du jugement, de déterminer si les juges ont considéré que l'état de cessation des paiements résultait de la résolution du plan, par le jeu de l'exigibilité des créances qui en étaient l'objet, ou s'il existait par ailleurs un état de cessation des paiements qui justifiait en lui-même la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

L'appelante rappelle à juste titre qu'il incombe à celui qui sollicite l'ouverture d'une procédure collective de démontrer l'état de cessation des paiements, et qu'il appartient au tribunal qui fait droit à la demande de caractériser cet état de cessation des paiements au moyen d'une mise en perspective du passif exigible et de l'actif disponible.

Le tribunal de commerce n'a en l'espèce pas satisfait à cette exigence, mais s'est déterminé par des termes génériques, sans aucune référence concrète à la situation de Mme [Z], et sans la moindre indication, même succincte, des éléments composant son passif exigible et son actif disponible.

Toutefois, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où le juge statue, de sorte qu'il appartient à la cour de vérifier à ce jour la situation de Mme [Z] au regard d'un éventuel état de cessation des paiements.

A cet égard, la SCP [O] Associés produit en appel le bilan de Mme [Z] arrêté au 30 novembre 2022, étant précisé que le bilan de l'exercice suivant n'est pas encore finalisé, ainsi que la liste des créances qui a été établie dans le cadre de l'ouverture de la liquidation judiciaire litigieuse.

Il résulte de ces pièces que les seuls actifs disponibles correspondent à la trésorerie de l'appelante, laquelle s'élevait à fin 2022 à un montant de 2 982 euros. Il ressort par ailleurs des propres documents produits par Mme [Z], notamment un relevé de son compte bancaire professionnel arrêté au 29 février 2024 que celui-ci présentait à cette date un solde créditeur de 14,54 euros. Le bilan fait par ailleurs apparaître pour l'exercice 2022 un chiffre d'affaires de 90 086 euros pour un résultat net de 8 728 euros.

S'agissant du passif exigible, le bilan 2022 fait état de dettes fournisseurs, fiscales et sociales pour un montant, hors créances sous plan, de 194 763 euros. L'état des créances établi le 30 avril 2024 par Maître [O] fait quant à lui apparaître, toujours indépendamment des créances prises en compte dans le cadre du plan, des dettes pour un montant total de plus de 143 000 euros, correspondant à des sommes dues envers des fournisseurs (Engie, SACEM), envers les services fiscaux (Pôle de Recouvrement Spécialisé du Doubs) et envers des organismes sociaux (URSSAF).

L'appelante ne conteste pas sérieusement ces éléments. Elle se prévaut d'un prévisionnel d'activité pour les années 2024 et 2025 aboutissant à des projections de résultat net qui restent en cohérence avec celui de l'année 2022 tel qu'il ressort du bilan produit par Maître [O]. Elle admet la modicité du solde du compte bancaire, mais considère qu'il est peu significatif alors que la trésorerie est tenue quasiment excluvisement en caisse. C'est certes ce que confirment les données du bilan 2022, qui font toutefois apparaître que la valeur de la caisse reste elle-même modeste, comme s'établissant à 2 974 euros. Enfin, le faible niveau de la trésorerie est corroboré par le fait qu'il n'est pas contesté par Mme [Z] que la 8ème annuité du plan n'a pu être régularisée que grâce à des paiements émanant de tiers. S'agissant du passif exigible, tel qu'il ressort des pièces produites par l'intimé, c'est vainement que l'appelante se borne à indiquer qu'il ne pourrait pas être pris en considération dans la mesure où elle conserve la possibilité de contester les créances concernées, alors qu'elle ne fournit pas la moindre indication sur les éventuels motifs de contestation qu'elle serait susceptible d'opposer efficacement à celles-ci.

Il résulte des éléments qui précèdent que Mme [Z] est manifestement dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible, et se trouve en conséquent en état de cessation des paiements.

Celui-ci justifie que soit prononcée la résolution du plan.

Eu égard à l'accroissement du passif qui résulte de l'exigibilité des créances objets du plan, et à l'échec de celui-ci, il doit être retenu qu'un redressement est manifestement impossible, de sorte que la liquidation judiciaire de Mme [Z] doit être ordonnée.

Le jugement entrepris sera en définitive confirmé par substitution de motifs, y compris sur la date à laquelle est provisoirement fixé l'état de cessation des paiements.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme, par substitution de motifs, le jugement rendu le 7 février 2024 par le tribunal de commerce de Besançon ;

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire.