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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 10 septembre 2024, n° 24/00432

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/00432

10 septembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024

(n° 317 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00432 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIWHJ

Décision déférée à la cour : ordonnance du 31 août 2023 - JCP du Tprox de Montreuil-sous-bois - RG n° 23-000048

APPELANTE

Mme [B] [P]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Cyril PERRIEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R251

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/504355 du 07/12/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

E.P.I..C. EST ENSEMBLE HABITAT, venant aux droits de l'OPH Montreuillois, RCS de Bobigny n°488777160, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Paul-Gabriel CHAUMANET de l'ASSOCIATION CHAUMANET, CALANDRE - EHANNO, CAYLA - DESTREM, avocat au barreau de PARIS, toque : R101

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne-Gaël BLANC, conseillère, le président de chambre empêché, et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

L'OPH Montreuillois aux droits duquel vient l'établissement public Est ensemble habitat a donné à bail un logement, composé de 5 pièces pour une superficie de 121 mètres carrés, situé [Adresse 4] à [Localité 5] à M. [P] le 20 février 1976. Mme [O] est devenue cotitulaire du bail en application de l'article 1751 du code civil à la suite de son mariage avec M. [P]. Mme [O] est décédée le [Date décès 2] 2021 et son époux, M. [P], le [Date décès 3] 2021.

À la suite du décès de ses parents, Mme [B] [P] a sollicité le 5 décembre 2021 un relogement dans un appartement T2. Cinq propositions de relogement dans des appartements du parc locatif de l'OPH Montreuillois lui ont été faites, sous réserve de son accord et de l'acceptation de sa candidature par la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements. À la suite de ses différents refus, une lettre recommandée avec avis de réception lui a été adressée afin de lui indiquer qu'elle devait quitter les lieux le 5 décembre 2022. Une sommation de quitter les lieux lui a été signifiée par acte extrajudiciaire du 2 février 2023.

Par ailleurs, l'OPH Montreuillois a été destinataire d'un courrier, le 26 juillet 2022, de l'autre fille des locataires décédés, Mme [F] [P], sollicitant le transfert du bail conclu avec ses parents à son profit, précisant vivre dans les lieux, depuis mai 2021, avec ses enfants et sa s'ur [B].

Par actes extrajudiciaires des 2 février et 17 mars 2023, l'OPH Montreuillois a fait assigner Mme [B] [P] et Mme [F] [P] en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny siégeant au tribunal de proximité de Montreuil en lui demandant notamment de prononcer la résiliation de plein droit du contrat de location du 20 février 1976 à la suite du décès de M. et Mme [P], d'ordonner l'expulsion de Mmes [B] et [F] [P], de condamner celles-ci in solidum au paiement d'une somme de 7 320,22 euros, correspondant aux indemnités d'occupation dues depuis le décès de M. et Mme [P], outre une indemnité d'occupation jusqu'à la restitution des lieux. À l'audience, l'OPH Montreuillois s'est désisté de ses demandes à l'encontre de Mme [F] [P], cette dernière ayant quitté les lieux avec ses enfants.

Par ordonnance de référé du 31 août 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny siégeant au tribunal de proximité de Montreuil a :

constaté que le bail conclu entre l'OPHM et M. [T] [P] et Mme [R] [P], portant sur le logement n°44 situé [Adresse 4] à [Localité 5] est résilié depuis le 25 juin 2021 et que Mme [B] [P] est occupante sans droit ni titre ;

ordonné à Mme [B] [P] de restituer les lieux dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

dit qu'à défaut pour Mme [B] [P] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai précité, l'OPHM pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

débouté l'OPHM de sa demande de suppression du délai de deux mois postérieur à la délivrance du commandement de quitter les lieux et sa demande d'astreinte ;

débouté Mme [B] [P] de sa demande pour quitter les lieux (sic) ;

condamné Mme [B] [P] au paiement à l'OPHM d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyer et des charges contractuellement prévus par le bail résilié, et ce jusqu'à complète libération des lieux se matérialisant par remise des clés ou procès-verbal d'expulsion ;

condamné Mme [B] [P] à verser à l'OPHM la somme de 8 611,11 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues au 12 juin 2023, échéance de mai 2023 incluse ;

condamné Mme [B] [P] aux dépens de l'instance ;

dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit.

Par déclaration du 15 décembre 2023, Mme [B] [P] a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif, sauf en ce qu'elle a débouté l'OPHM de sa demande de suppression du délai de deux mois postérieur à la délivrance du commandement de quitter les lieux et sa demande d'astreinte ; et a rejeté la demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 23 février 2024, Mme [B] [P] a saisi la cour d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Aux termes de ses dernières conclusions du même jour auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, Mme [B] [P] demande à la cour de :

surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par elle ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :

a constaté que le bail conclu entre l'OPHM et M. [T] [P] et Mme [R] [P], portant sur le logement n°44 situé [Adresse 4] à [Localité 5] est résilié depuis le 25 juin 2021 et que Mme [B] [P] est occupante sans droit ni titre ;

lui a ordonné de restituer les lieux dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

a dit qu'à défaut pour elle d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai précité, l'OPHM pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

l'a déboutée de sa demande de délai pour quitter les lieux ;

l'a condamnée au paiement à l'OPHM d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyer et des charges contractuellement prévus par le bail résilié, et ce jusqu'à complète libération des lieux se matérialisant par remise des clés ou procès-verbal d'expulsion ;

l'a condamnée à verser à l'OPHM la somme de 8 611,11 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues au 12 juin 2023, échéance de mai 2023 incluse ;

l'a condamnés aux dépens de l'instance ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

débouter Est ensemble habitat de sa demande tendant à faire constater que le bail est résilié depuis le 25 juin 2021, ainsi que de toutes celles qui en dépendent directement (expulsion de Mme [P] et indemnité d'occupation) ;

à titre subsidiaire :

lui accorder un délai d'une année pour se maintenir dans le logement ;

dire que l'indemnité mensuelle d'occupation due par elle sera provisoirement fixée à 25% du montant du dernier loyer payé par ses parents ;

lui accorder un délai de 2 années pour régler l'éventuelle dette due au titre de l'indemnité d'occupation ainsi fixée ;

et en tout état de cause :

condamner Est ensemble habitat à payer une somme de 2 000 euros à l'avocat désigné d'office au titre de l'aide juridictionnelle pour la représenter sur le fondement du 2° de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Est ensemble habitat aux dépens de première instance et d'appel.

L'établissement public Est ensemble habitat, aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 mars 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

débouter Mme [B] [P] de toutes ses demandes ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

constaté que le bail conclu entre l'OPHM et M. [T] [P] et Mme [R] [P], portant sur le logement n°44 situé [Adresse 4] à [Localité 5] est résilié depuis le 25 juin 2021 et que Mme [B] [P] est occupante sans droit ni titre ;

ordonner à Mme [B] [P] de restituer les lieux dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

dit qu'à défaut pour Mme [B] [P] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans le délai précité, l'OPHM pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

débouté Mme [B] [P] de sa demande pour quitter les lieux ;

condamné Mme [B] [P] au paiement à l'OPHM d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyer et des charges contractuellement prévus par le bail résilié, et ce jusqu'à complète libération des lieux se matérialisant par remise des clés ou procès-verbal d'expulsion ;

condamné Mme [B] [P] à verser à l'OPHM la somme de 8 611,11 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues au 12 juin 2023, échéance de mai 2023 incluse ;

condamné Mme [B] [P] aux dépens de l'instance ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

condamner Mme [P] à régler la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Par arrêt distinct de ce jour, la demande de Mme [P] tendant à la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'alinéa 2 du I de l'article 40 de la loi du 6 juillet 1989 a été rejetée. La demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel sera donc nécessairement rejetée.

En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Le juge des référés n'est toutefois pas tenu de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 précité, pour constater la résiliation de droit d'un bail.

En vertu de l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, lors du décès du locataire, le contrat de location est notamment transféré aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès. À défaut de personnes remplissant les conditions prévues, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire.

Cependant, s'agissant, comme en l'espèce, des logements conventionnés, l'alinéa 2 du I de l'article 40 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que ce transfert peut bénéficier aux descendants, mais seulement s'ils remplissent les conditions de ressources et d'adaptation du logement à la taille du ménage.

Mme [P] ne prétend pas, pas plus qu'elle ne justifie, remplir les conditions de ressources et d'adaptation du logement à la taille du ménage permettant le transfert du bail conventionné dont bénéficiait ses parents décédés.

Dans ces conditions, il conviendra de confirmer l'ordonnance entreprise qui a constaté que le bail était résilié depuis le 25 juin 2021, a ordonné à Mme [B] [P] de restituer les lieux et dit qu'à défaut de libération volontaire des lieux, Est ensemble habitat pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion.

En vertu de l'article L. 412-3, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

En l'espèce, il convient de constater que si Mme [P] a été destinataire de plusieurs offres de relogement son dossier n'a pas été retenu par la commission d'attribution. Elle justifie avoir refusé une proposition de logement qu'elle n'aurait pu obtenir compte tenu de son classement en 3e position. Elle justifie également avoir été reconnue prioritaire et devant être logée d'urgence par décision du 15 novembre 2023 de la commission de médiation du droit au logement opposable du département de Seine-Saint-Denis. Il y aura lieu de lui allouer un délai de 8 mois à compter de la signification de l'arrêt pour libérer le logement.

Les dispositions de l'ordonnance condamnant Mme [P] au paiement d'une indemnité d'occupation et d'une somme de 8 611,11 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues au 12 juin 2023 seront nécessairement infirmées, pour excéder les pouvoirs du juge des référés, qui, vu le 2e alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, peut seulement accorder une provision au créancier.

Les dispositions de l'ordonnance entreprise concernant la charge des dépens et le rejet des demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

En cause d'appel, et compte tenu du sens du présent arrêt, les parties conserveront chacune la charge des dépens qu'elles ont exposé. Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme [B] [P] de sa demande de sursis à statuer ;

Infirme l'ordonnance entreprise dans ses dispositions concernant la demande de délai de Mme [B] [P], la condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité d'occupation et d'une somme de 8 611,11 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues au 12 juin 2023 ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Accorde à Mme [B] [P] un délai de 8 mois à compter de la signification du présent arrêt pour quitter les lieux ;

Déboute l'établissement public Est ensemble habitat de ses demandes de paiement d'une indemnité d'occupation et d'une somme de 8 611,11 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues au 12 juin 2023 ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens d'appel qu'elles ont exposé.

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE