Décisions
CA Grenoble, 2e ch., 10 septembre 2024, n° 24/00064
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/00064 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MCKM
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 10 SEPTEMBRE 2024
Appel d'une ordonnance (N° R.G. 23/00126) rendu par le tribunal judiciaire de Gap en date du 5 décembre 2023, suivant déclaration d'appel du 22 décembre 2023
APPELANTE :
l'EURL [T] [F] Architectural concept prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Karine JAULIN avocat au barreau de NARBONNE
INTIMÉE :
SCCV APROMEOS XX prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Helle, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Arthur VERCKEN avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 juin 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous-seing privé en date du 29 octobre 2020, l'EURL [T] [F] Architectural concept a signé avec la SCCV Apromeos XX un contrat d'architecte portant sur une mission de maîtrise d''uvre complète relative à la construction d'un programme immobilier situé sur l'île de [Localité 4] [Adresse 5] ([Localité 4]).
Un avenant au contrat a été signé le 4 octobre 2021.
Par courrier en date du 25 novembre 2022, la société Apromeos XX a résilié le contrat de maîtrise d'oeuvre du 29 octobre 2020.
Le 15 février 2023, les parties ont signé une transaction aux termes de laquelle la SCCV Apromeos XX s'est engagée à verser à l'EURL [T] [F] Architectural concept, la somme de 144 040,33 euros TTC en contrepartie de quoi cette dernière a renoncé à toute autre réclamation au titre de l'exécution du contrat d'architecte en date du 29 octobre 2020.
Le 22 mars 2023, par l'intermédiaire de son Conseil, l'EURL Architectural concept a adressé à la société Apromeos XX, une lettre de mise en demeure d'avoir à payer la somme de 144 080,33 euros en exécution de la transaction en date du 15 février 2023.
L'EURL Architectural concept a assigné le 28 avril 2023 la SCCV Apromeos XX devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Gap aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement d'une provision de 144 080,33 euros.
En parallèle, par acte extrajudiciaire en date du 16 juin 2023, la société Apromeos XX a fait assigner l'EURL Architectural concept devant le juge des référés de la chambre de proximité de Saint-Martin aux fins d'obtenir une mesure d'expertise sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.
Par acte délivré le 16 juin 2023, la SCCV Apromeos saisissait également au fond la chambre de proximité de Saint Martin d'une demande de sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert judiciaire dont elle demandait la désignation devant le juge des référés de la même juridiction.
Par ordonnance en date du 5 décembre 2023, le juge des référés de Gap a rejeté la demande de provision formée par la société Architectural concept
Par déclaration en date du 5 janvier 2024, la société Architectural concept a interjeté appel de l'ordonnance.
Dans ses conclusions notifiées le 16 mai 2024, l'EURL [T] [F] Architectural concept demande à la cour de:
Vu les articles 100 et 102 du code de procédure civile,
Vu l'article 2044 et suivants du code civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces et particulièrement le protocole en date du 15 février 2023,
- réformer l'ordonnance en date du 5 décembre 2023 du juge des référés près le tribunal judiciaire de Gap.
Statuant à nouveau,
- condamner la SCCV Apromeos XX à payer à l'EURL [T] [F] Architectural concept la somme de 144 040, 33 euros TTC à titre de provision en exécution de la transaction en date du 15 février 2023 majorée du montant des intérêts au taux légal commençant à courir à compter de la mise en demeure en date du 22 mars 2023.
- débouter la SCCV Apromeos XX de son appel incident et du surplus de ses demandes.
- la condamner aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, l'appelante conclut tout d'abord à la compétence de la cour d'appel de Grenoble en application des articles 100 et 102 du code de procédure civile.
Elle déclare justifier du caractère urgent de sa demande au motif qu'un programme immobilier oblige l'architecte à bloquer son calendrier et refuser d'autres chantiers, à constituer une équipe, à contracter avec des sous-traitants et à contracter auprès son assurance des garanties supplémentaires.
Elle conclut au caractère non sérieusement contestable de la provision sollicitée, se fondant sur le contrat signé le 29 octobre 2020, aux termes duquel l'architecte était en droit de prétendre à la rémunération correspondant à 10% de 13 998 172,30 euros TTC, soit 1 399 817,20 euros TTC.
Elle rappelle qu'en application de l'article 1136 du code civil, une appréciation économique inexacte ne peut constituer une cause de nullité et en conclut que la démonstration de l'existence d'une contestation sérieuse s'opposant à l'exécution de la transaction litigieuse n'est de ce fait nullement acquise.
Elle se fonde notamment sur le préambule de la transaction qui mentionne que cette dernière est intervenue alors que le maître de l'ouvrage estimait que l'architecte avait commis des erreurs dans la réalisation de sa prestation qu'il qualifiait d'inachevée au regard de la facture en date du 12 septembre 2022 qu'il faisait expressément état d'une perte de confiance dans le travail de ce dernier qu'il jugeait incompétent et incapable de mener à bien un tel projet.
Elle rappelle que la clause de saisine préalable du Conseil de l'ordre des architectes est explicite en ce qu'elle rend facultative la saisine de celui-ci en matière de recouvrement d'honoraires.
En tout état de cause, elle fait valoir que le protocole d'accord transactionnel fait novation au contrat de maîtrise d''uvre entraînant ipso facto l'extinction de ce contrat de sorte que la clause de conciliation préalable a disparu concomitamment à l'extinction du contrat et qu'il n'a nullement été prévu dans la transaction de clause de conciliation préalable.
Dans ses conclusions notifiées le 13 mai 2024, la société Apromeos XX demande à la cour de:
Vu les articles 1201 et suivants du code civil,
Vu le protocole d'accord du 15 février 2023
Vu les articles 834 et suivants du code de procédure civile,
- infirmer l'ordonnance rendue le 5 décembre 2023 en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de l'Ordre des architectes, soulevée par la SCCV Apromeos XX,
- juger la demande de l'architecte [T] [F] irrecevable en ce qu'il n'a pas préalablement saisi son Conseil de l'Ordre ainsi que le prescrivait le contrat initial du 29 octobre 2020,
- rejeter en tant que de besoin toutes les demandes de l'agence Architectural concept présentées contre Apromeos XX,
- confirmer l'ordonnance rendue le 5 décembre 2023 en ce qu'elle a rejeté la demande de provision formée par l'architecte [F] au motif qu'elle se heurtait à des contestations sérieuses,
- confirmer l'ordonnance de référé du 5 décembre 2023 en ce qu'elle a alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles à la Société Apromeos XX,
- condamner l'agence Architectural concept à payer à la Société Apromeos XX la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
La société Apromeos XX conclut d'abord à l'irrecevabilité de la demande en l'absence de saisine préalable de l'Ordre des architectes, soulignant que en son article G10 ce contrat initial du 29 octobre 2020 prévoyait une saisine préalable de l'Ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, la demande présentée ici devant s'analyser en une demande de paiement d'indemnité de résiliation.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, cette clause nécessite à tout le moins une interprétation quant à son applicabilité, interprétation qui n'est pas de la compétence du juge des référés et conforte l'argument soutenu supra selon lequel la demande d'Architectural concept se heurte à des contestations sérieuses.
Elle réfute toute urgence puisque l'architecte a déjà perçu d'Apromeos XX des honoraires s'élevant à plusieurs centaines de milliers d'euros (382 546,77 euros HT).
Elle fait état d'une contestation sérieuse, indiquant qu'elle a décidé de solliciter la nullité du protocole du 15 février 2023 sur 3 motifs :
- non-exécution du protocole
- l'existence de vices du consentement
- l'absence de concessions réciproques et en tout état de cause des concessions déséquilibrées
Elle rappelle que seul le juge du fond est à même d'interpréter ce protocole.
La clôture a été prononcée le 22 mai 2024.
En cours de délibéré, le Conseil de la société Apromeos XX a communiqué à la cour l'ordonnance du 31 mai 2024 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Basse-Terre, qui a ordonné une mesure d'expertise en précisant que le projet immobilier a subi des retards dont il convenait de déterminer les origines, ordonnance lui ayant été communiquée postérieurement à l'audience du 4 juin 2024.
MOTIFS
A titre liminaire, il sera relevé que la compétence de la cour d'appel de Grenoble ne fait pas l'objet de discussions. Il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence préalable de saisine du conseil régional de l'Ordre des architectes
Le contrat de maîtrise d'oeuvre énonce au point G10 : « litiges : En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l'Ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Le conseil régional de l'Ordre peut, soit émettre un avis sur l'objet du différend, soit organiser une procédure de règlement amiable.
En matière de recouvrement d'honoraires, la saisine du conseil régional est facultative ».
Contrairement à ce qu'allègue la société Apromeos XX, la transaction litigieuse ne saurait être analysée comme « le dernier chapitre d'une chaîne de contrats », supposant de devoir respecter l'article G10 précité.
Cette transaction fait suite à une résiliation du contrat à l'initiative de l'intimée et le litige porté devant le juge des référé porte sur l'application ou non d'une clause de cette transaction.
C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté cette fin de non-recevoir.
Sur la demande de provision
La demande de provision relève de l'article 835 et non de l'article 834 du code de procédure civile.
Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit.
L'annulation d'une transaction obéit aux règles de droit commun.
La société Apromeos XX fait état d'une contestation sérieuse au motif que lorsqu'elle a signé le protocole, elle n'était pas informée des multiples erreurs commises par l'architecte, découvertes ultérieurement, qu'en conséquence, ce protocole est entaché d'un vice du consentement, qu'en outre, il se caractérise par l'absence de concessions réciproques. Elle indique dès lors que ce dernier nécessite une interprétation qui ne peut être effectuée que par le juge du fond. Elle fait valoir qu'elle a été contrainte de signer ce protocole .
L'appelante énonce que les erreurs alléguées, qu'elle conteste, figuraient en tout état de cause dans le courrier de mise en demeure, qu'elles étaient donc déjà connues de l'intimée avant signature du protocole d'accord litigieux.
Le courrier de mise en demeure du 21 octobre 2022 fait état d'erreur sur les surfaces de certains appartements, d'implantation de certains bâtiments sur des enrochements entraînant une modification des plans, d'un non-respect tant que de l'enveloppe financière.
Les erreurs invoquées aujourd'hui par la société Apromeos XX portent sur la conception même du projet, avec des interrogations portant notamment sur la structure béton, les VRD, le réseau EU/EV, la hauteur des faîtages.
En conséquence, les erreurs alléguées n'ont pas été mentionnées dans le courrier précité du 21 octobre 2022.
Les pièces communiquées impliquent de savoir si les erreurs alléguées d'une part sont avérées ou non et d'autre part, à les supposer établies, si elles peuvent justifier la nullité de la transaction, éléments qui ne peuvent relever que de l'appréciation du juge du fond.
La communication de l'ordonnance du 31 mai 2024 postérieurement aux débats, si elle s'avérait utile dans un souci de loyauté des débats, est en tout état de cause sans incidence sur la présente décision.
La société Apromeos XX justifie donc de l'existence d'une contestation sérieuse, l'ordonnance sera confirmée.
La société [T] [F] Architectural concept qui succombe à l'instance condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme l'ordonnance déférée ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne l'EURL [T] [F] Architectural concept aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 10 SEPTEMBRE 2024
Appel d'une ordonnance (N° R.G. 23/00126) rendu par le tribunal judiciaire de Gap en date du 5 décembre 2023, suivant déclaration d'appel du 22 décembre 2023
APPELANTE :
l'EURL [T] [F] Architectural concept prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Karine JAULIN avocat au barreau de NARBONNE
INTIMÉE :
SCCV APROMEOS XX prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Helle, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Arthur VERCKEN avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 juin 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous-seing privé en date du 29 octobre 2020, l'EURL [T] [F] Architectural concept a signé avec la SCCV Apromeos XX un contrat d'architecte portant sur une mission de maîtrise d''uvre complète relative à la construction d'un programme immobilier situé sur l'île de [Localité 4] [Adresse 5] ([Localité 4]).
Un avenant au contrat a été signé le 4 octobre 2021.
Par courrier en date du 25 novembre 2022, la société Apromeos XX a résilié le contrat de maîtrise d'oeuvre du 29 octobre 2020.
Le 15 février 2023, les parties ont signé une transaction aux termes de laquelle la SCCV Apromeos XX s'est engagée à verser à l'EURL [T] [F] Architectural concept, la somme de 144 040,33 euros TTC en contrepartie de quoi cette dernière a renoncé à toute autre réclamation au titre de l'exécution du contrat d'architecte en date du 29 octobre 2020.
Le 22 mars 2023, par l'intermédiaire de son Conseil, l'EURL Architectural concept a adressé à la société Apromeos XX, une lettre de mise en demeure d'avoir à payer la somme de 144 080,33 euros en exécution de la transaction en date du 15 février 2023.
L'EURL Architectural concept a assigné le 28 avril 2023 la SCCV Apromeos XX devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Gap aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement d'une provision de 144 080,33 euros.
En parallèle, par acte extrajudiciaire en date du 16 juin 2023, la société Apromeos XX a fait assigner l'EURL Architectural concept devant le juge des référés de la chambre de proximité de Saint-Martin aux fins d'obtenir une mesure d'expertise sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.
Par acte délivré le 16 juin 2023, la SCCV Apromeos saisissait également au fond la chambre de proximité de Saint Martin d'une demande de sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert judiciaire dont elle demandait la désignation devant le juge des référés de la même juridiction.
Par ordonnance en date du 5 décembre 2023, le juge des référés de Gap a rejeté la demande de provision formée par la société Architectural concept
Par déclaration en date du 5 janvier 2024, la société Architectural concept a interjeté appel de l'ordonnance.
Dans ses conclusions notifiées le 16 mai 2024, l'EURL [T] [F] Architectural concept demande à la cour de:
Vu les articles 100 et 102 du code de procédure civile,
Vu l'article 2044 et suivants du code civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces et particulièrement le protocole en date du 15 février 2023,
- réformer l'ordonnance en date du 5 décembre 2023 du juge des référés près le tribunal judiciaire de Gap.
Statuant à nouveau,
- condamner la SCCV Apromeos XX à payer à l'EURL [T] [F] Architectural concept la somme de 144 040, 33 euros TTC à titre de provision en exécution de la transaction en date du 15 février 2023 majorée du montant des intérêts au taux légal commençant à courir à compter de la mise en demeure en date du 22 mars 2023.
- débouter la SCCV Apromeos XX de son appel incident et du surplus de ses demandes.
- la condamner aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, l'appelante conclut tout d'abord à la compétence de la cour d'appel de Grenoble en application des articles 100 et 102 du code de procédure civile.
Elle déclare justifier du caractère urgent de sa demande au motif qu'un programme immobilier oblige l'architecte à bloquer son calendrier et refuser d'autres chantiers, à constituer une équipe, à contracter avec des sous-traitants et à contracter auprès son assurance des garanties supplémentaires.
Elle conclut au caractère non sérieusement contestable de la provision sollicitée, se fondant sur le contrat signé le 29 octobre 2020, aux termes duquel l'architecte était en droit de prétendre à la rémunération correspondant à 10% de 13 998 172,30 euros TTC, soit 1 399 817,20 euros TTC.
Elle rappelle qu'en application de l'article 1136 du code civil, une appréciation économique inexacte ne peut constituer une cause de nullité et en conclut que la démonstration de l'existence d'une contestation sérieuse s'opposant à l'exécution de la transaction litigieuse n'est de ce fait nullement acquise.
Elle se fonde notamment sur le préambule de la transaction qui mentionne que cette dernière est intervenue alors que le maître de l'ouvrage estimait que l'architecte avait commis des erreurs dans la réalisation de sa prestation qu'il qualifiait d'inachevée au regard de la facture en date du 12 septembre 2022 qu'il faisait expressément état d'une perte de confiance dans le travail de ce dernier qu'il jugeait incompétent et incapable de mener à bien un tel projet.
Elle rappelle que la clause de saisine préalable du Conseil de l'ordre des architectes est explicite en ce qu'elle rend facultative la saisine de celui-ci en matière de recouvrement d'honoraires.
En tout état de cause, elle fait valoir que le protocole d'accord transactionnel fait novation au contrat de maîtrise d''uvre entraînant ipso facto l'extinction de ce contrat de sorte que la clause de conciliation préalable a disparu concomitamment à l'extinction du contrat et qu'il n'a nullement été prévu dans la transaction de clause de conciliation préalable.
Dans ses conclusions notifiées le 13 mai 2024, la société Apromeos XX demande à la cour de:
Vu les articles 1201 et suivants du code civil,
Vu le protocole d'accord du 15 février 2023
Vu les articles 834 et suivants du code de procédure civile,
- infirmer l'ordonnance rendue le 5 décembre 2023 en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de l'Ordre des architectes, soulevée par la SCCV Apromeos XX,
- juger la demande de l'architecte [T] [F] irrecevable en ce qu'il n'a pas préalablement saisi son Conseil de l'Ordre ainsi que le prescrivait le contrat initial du 29 octobre 2020,
- rejeter en tant que de besoin toutes les demandes de l'agence Architectural concept présentées contre Apromeos XX,
- confirmer l'ordonnance rendue le 5 décembre 2023 en ce qu'elle a rejeté la demande de provision formée par l'architecte [F] au motif qu'elle se heurtait à des contestations sérieuses,
- confirmer l'ordonnance de référé du 5 décembre 2023 en ce qu'elle a alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles à la Société Apromeos XX,
- condamner l'agence Architectural concept à payer à la Société Apromeos XX la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
La société Apromeos XX conclut d'abord à l'irrecevabilité de la demande en l'absence de saisine préalable de l'Ordre des architectes, soulignant que en son article G10 ce contrat initial du 29 octobre 2020 prévoyait une saisine préalable de l'Ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, la demande présentée ici devant s'analyser en une demande de paiement d'indemnité de résiliation.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, cette clause nécessite à tout le moins une interprétation quant à son applicabilité, interprétation qui n'est pas de la compétence du juge des référés et conforte l'argument soutenu supra selon lequel la demande d'Architectural concept se heurte à des contestations sérieuses.
Elle réfute toute urgence puisque l'architecte a déjà perçu d'Apromeos XX des honoraires s'élevant à plusieurs centaines de milliers d'euros (382 546,77 euros HT).
Elle fait état d'une contestation sérieuse, indiquant qu'elle a décidé de solliciter la nullité du protocole du 15 février 2023 sur 3 motifs :
- non-exécution du protocole
- l'existence de vices du consentement
- l'absence de concessions réciproques et en tout état de cause des concessions déséquilibrées
Elle rappelle que seul le juge du fond est à même d'interpréter ce protocole.
La clôture a été prononcée le 22 mai 2024.
En cours de délibéré, le Conseil de la société Apromeos XX a communiqué à la cour l'ordonnance du 31 mai 2024 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Basse-Terre, qui a ordonné une mesure d'expertise en précisant que le projet immobilier a subi des retards dont il convenait de déterminer les origines, ordonnance lui ayant été communiquée postérieurement à l'audience du 4 juin 2024.
MOTIFS
A titre liminaire, il sera relevé que la compétence de la cour d'appel de Grenoble ne fait pas l'objet de discussions. Il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence préalable de saisine du conseil régional de l'Ordre des architectes
Le contrat de maîtrise d'oeuvre énonce au point G10 : « litiges : En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l'Ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Le conseil régional de l'Ordre peut, soit émettre un avis sur l'objet du différend, soit organiser une procédure de règlement amiable.
En matière de recouvrement d'honoraires, la saisine du conseil régional est facultative ».
Contrairement à ce qu'allègue la société Apromeos XX, la transaction litigieuse ne saurait être analysée comme « le dernier chapitre d'une chaîne de contrats », supposant de devoir respecter l'article G10 précité.
Cette transaction fait suite à une résiliation du contrat à l'initiative de l'intimée et le litige porté devant le juge des référé porte sur l'application ou non d'une clause de cette transaction.
C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté cette fin de non-recevoir.
Sur la demande de provision
La demande de provision relève de l'article 835 et non de l'article 834 du code de procédure civile.
Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit.
L'annulation d'une transaction obéit aux règles de droit commun.
La société Apromeos XX fait état d'une contestation sérieuse au motif que lorsqu'elle a signé le protocole, elle n'était pas informée des multiples erreurs commises par l'architecte, découvertes ultérieurement, qu'en conséquence, ce protocole est entaché d'un vice du consentement, qu'en outre, il se caractérise par l'absence de concessions réciproques. Elle indique dès lors que ce dernier nécessite une interprétation qui ne peut être effectuée que par le juge du fond. Elle fait valoir qu'elle a été contrainte de signer ce protocole .
L'appelante énonce que les erreurs alléguées, qu'elle conteste, figuraient en tout état de cause dans le courrier de mise en demeure, qu'elles étaient donc déjà connues de l'intimée avant signature du protocole d'accord litigieux.
Le courrier de mise en demeure du 21 octobre 2022 fait état d'erreur sur les surfaces de certains appartements, d'implantation de certains bâtiments sur des enrochements entraînant une modification des plans, d'un non-respect tant que de l'enveloppe financière.
Les erreurs invoquées aujourd'hui par la société Apromeos XX portent sur la conception même du projet, avec des interrogations portant notamment sur la structure béton, les VRD, le réseau EU/EV, la hauteur des faîtages.
En conséquence, les erreurs alléguées n'ont pas été mentionnées dans le courrier précité du 21 octobre 2022.
Les pièces communiquées impliquent de savoir si les erreurs alléguées d'une part sont avérées ou non et d'autre part, à les supposer établies, si elles peuvent justifier la nullité de la transaction, éléments qui ne peuvent relever que de l'appréciation du juge du fond.
La communication de l'ordonnance du 31 mai 2024 postérieurement aux débats, si elle s'avérait utile dans un souci de loyauté des débats, est en tout état de cause sans incidence sur la présente décision.
La société Apromeos XX justifie donc de l'existence d'une contestation sérieuse, l'ordonnance sera confirmée.
La société [T] [F] Architectural concept qui succombe à l'instance condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme l'ordonnance déférée ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne l'EURL [T] [F] Architectural concept aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE