Décisions
CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 10 septembre 2024, n° 22/01502
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01502 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INNQ
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
30 mars 2022
RG :20/00126
S.A.S. ELRES
C/
[R]
Grosse délivrée le 10 septembre 2024 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 30 Mars 2022, N°20/00126
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2024 prorogé au 10 septembre 2024
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. ELRES nom commercial : ELIOR RESTAURATION ENSEIGNEMENT - ELIOR RESTAURATION SANTE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Madame [B] [R]
née le 14 Juillet 1976 à [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascal CASSEVILLE, avocat au barreau de NIMES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004194 du 14/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Octobre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Mme [B] [R] a été engagée par la société Elres à compter du 1er septembre 2015 suivant contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 2006, en qualité d'employée polycompétente de restauration.
Le 20 février 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [B] [R] inapte en ces termes :
« Avis d'inaptitude. Les capacités restantes de la salariée seraient compatibles avec un poste
sans port de charge de plus de 3kg, sans station debout de plus de 20 minutes, sans nécessité
de se pencher en avant. Pourrait occuper un poste de type administratif. »
Par courrier du 8 mars 2018, la société Elres proposait à Mme [B] [R] 5 postes de reclassement, qu'elle a refusés par courrier du 20 mars 2018.
Mme [B] [R] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 5 avril 2018, puis a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée du 11 avril 2018.
Le 10 janvier 2020, Mme [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon en sa formation de référé afin qu'il condamne la société Elres à lui payer plusieurs sommes pour non-respect de la procédure de licenciement, à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de fin de contrat.
Soutenant que son inaptitude est consécutive à l'accident du travail dont elle a été victime le 16 août 2017, par requête du 1er avril 2020, Mme [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes au fond, afin de voir « requalifier son licenciement pour cause d'accident du travail » et voir condamner l'employeur à lui payer le double de son indemnité de son licenciement en application de l'article L. 1226-14 du code du travail ainsi que des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Suivant ordonnance en date du 13 juillet 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon, statuant en référé, a dit que le litige opposant Mme [R] à la société Elior Restaurant fait l'objet d'une contestation sérieuse et invité Mme [R] à mieux se pourvoir.
Par jugement contradictoire du 30 mars 2022, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- requalifié le licenciement de Mme [R] pour cause d'accident du travail,
- condamné la SAS Elior Elres en la personne de son représentant légal à payer à Mme [R] la somme de 5 593,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement suite à son licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail,
- débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,
- débouté la SAS Elior Elres de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SAS Elior Elres aux éventuels dépens.
Par acte du 02 mai 2022, la société Elres a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 1er avril 2022.
Par avis du 25 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a sollicité des parties leurs observations écrites sur l'irrecevabilité des conclusions en application des dispositions des articles 909 et 911-1 du code de procédure civile.
Par conclusions d'incident du 07 février 2023, la société Elres a demandé au conseiller de la mise en état de prononcer l'irrecevabilité des conclusions et de l'appel incident de Mme [B] [R] en date du 19 janvier 2023.
L'intimée, pour sa part, indiquait avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de trois mois, laquelle lui a été accordée le 14 septembre 2022, ce qui a eu pour effet d'interrompre le délai et de le reporter au 14 septembre 2022. Elle précisait avoir ainsi déposé des conclusions le 19 janvier 2023 et estimait que les dispositions de l'article '905" du code de procédure civile ne peuvent empêcher un débat équitable sur la base de l'article 6 de la CEDH, demandant dès lors d'écarter l'application de l'article 909 du code de procédure civile.
Suivant ordonnance en date du 10 mars 2023, le conseiller de la mise en état a:
- déclaré les conclusions de Mme [B] [R] irrecevables,
- condamné Mme [B] [R] aux éventuels dépens de la procédure sur incident,
- débouté l'appelante de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Le conseiller de la mise en état, rappelant les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle, a retenu que Mme [B] [R] disposait d'un délai expirant le 14 décembre 2022 pour déposer ses conclusions d'intimée par voie de RPVA, que ce dépôt étant intervenu le 19 janvier 2023, soit hors du délai prévu par l'article 909 du code de procédure civile, en tenant compte du dépôt de l'aide juridictionnelle par l'intimée, lesdites conclusions devaient être déclarées irrecevables. Le conseiller de la mise en état rappelait également que la Cour de cassation a jugé que l'irrecevabilité des conclusions déposées après l'expiration du délai par l'intimé ne le prive pas de son droit d'accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif et n'est pas une sanction contraire aux exigences de l'article 6 § 1 de la CEDH.
Cette ordonnance n'a fait l'objet d'aucun déféré dans le délai de 15 jours.
Aux termes de ses dernières conclusions du 25 juillet 2022, la SAS Elres demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 30 mars 2022, RG n°20/00126 en ce qu'il :
* a requalifié le licenciement de Mme [R] pour cause d'accident du travail ;
* l'a condamnée à payer à Mme [R] la somme de 5 593,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement suite à son licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail ;
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
* l'a condamnée aux éventuels dépens.
Statuant à nouveau :
A titre principal
- juger les demandes de Mme [R] relatives à la rupture de son contrat de travail prescrites et les rejeter en conséquence.
A titre subsidiaire
- juger qu'elle n'a eu connaissance du prétendu accident du travail survenu le 16 août 2017 que postérieurement au licenciement de Mme [R] notifié le 11 avril 2018 ;
- juger en conséquence
* qu'elle n'était pas tenue par les règles protectrices en matière d'accident du travail * que l'indemnité prévue à l'article L 1226-14 du code du travail n'est pas due à Mme [R].
- juger que Mme [R] ne produit aucun élément de preuve de nature à établir l'existence d'un lien de causalité, même partiel, entre l'accident du travail et l'inaptitude ;
- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire
- juger que Mme [R] a abusivement refusé des offres de reclassement conformes aux préconisations du médecin du travail ;
- juger en conséquence que l'indemnité prévue à l'article L 1226-14 du code du travail n'est pas due à Mme [R].
En tout état de cause
- condamner Mme [R] aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante soutient que :
- ayant été licenciée le 11 avril 2018, Mme [R] avait jusqu'au 11 avril 2019 pour saisir le conseil de prud'hommes mais ne l'a saisi que le 26 mars 2020 au fond et le 10 janvier 2020 en référé,
- l'action de Mme [R] en contestation de son licenciement est donc prescrite,
- à titre subsidiaire, elle n'a pas eu connaissance d'un quelconque accident du travail antérieurement au licenciement,
- Mme [R] a rédigé seule une déclaration d'accident du travail le 22 octobre 2018, soit plus d'un an après la survenance du prétendu accident du 16 août 2017 et plus de 6 mois après son licenciement,
- elle n'a eu connaissance de cet accident qu'aux mois de février et mars 2019 et en a immédiatement contesté la réalité,
- par ailleurs, l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne fait état d'aucune origine professionnelle et n'établit aucun lien avec un prétendu accident du 16 août 2017,
- ce n'est que le 20 mai 2019, soit plus d'un an après le licenciement, que le caractère professionnel de l'accident a été reconnu,
- Mme [R] ne verse aucun élément de preuve de nature à justifier le caractère professionnel de son inaptitude ni même que l'employeur en avait connaissance au moment de la notification du licenciement,
- le jugement doit être infirmé en ce qu'il a conclu à l'application de l'article L1226-14 du code du travail.
- à titre infiniment subsidiaire, elle a proposé des postes de reclassement à Mme [R] que cette dernière a refusés sans aucune raison ; elle ne saurait donc prétendre au versement de l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 al1 et 2 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 30 août 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 06 octobre 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 07 novembre 2023 puis a été déplacée à l'audience du 29 février 2024.
MOTIFS
Les conclusions de Mme [B] [R] ayant été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise état, laquelle a autorité de la chose jugée en application de l'article 914 du code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas à examiner la « note sur l'irrecevabilité » déposée par le conseil de Mme [B] [R] le 15 octobre 2023 pas plus que des « conclusions sur rejet irrecevabilité devant le président de la chambre » encore déposées le 25 juillet 2024.
L'article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Ainsi, en appel, si l'intimé ne conclut pas, le juge en statuant sur le fond ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ; ce qui est le cas de l'intimé dont les conclusions sont irrecevables (Cass. 2ème civ., 10 janv. 2019, n° 17-20.018).
Par application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas devant la cour d'appel est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré.
Sur la prescription de l'action de Mme [B] [R]
La SAS Elres a soulevé la prescription en première instance mais les premiers juges n'ont pas statué sur cette fin de non-recevoir.
Pour sa part, Mme [R] répliquait, en première instance, que l'article L. 1471-1 du code du travail avait été « tronqué » en ce qu'il prévoit expressément en son troisième alinéa que les deux premiers ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel à l'occasion de l'exécution du contrat de travail.
Cependant, aux termes de l'article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. L'action par laquelle le salarié demande paiement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail est une action se rattachant à la rupture du contrat de travail, de sorte qu'il convient d'appliquer à cette demande la prescription abrégée de douze mois (Cass.soc. 21 juin 2023, n°21-10.539).
En l'espèce, le licenciement pour inaptitude a été notifié à Mme [B] [R] le 11 avril 2018, de sorte qu'elle avait jusqu'au 11 avril 2019 pour engager toute action relative à la rupture de son contrat de travail.
Or, en l'espèce, Mme [B] [R] a saisi la juridiction prud'homale, en référé le 10 janvier 2020 puis au fond le 1er avril 2020, de sorte que son action est prescrite, par infirmation du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de premier instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [B] [R] mais l'équité ne justifie pas de la condamner au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Statuant dans la limite de l'appel dont est saisie la cour,
- Infirme le jugement rendu le 30 mars 2022 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a :
- requalifié le licenciement de Mme [R] pour cause d'accident du travail,
- condamné la SAS Elres en la personne de son représentant légal à payer à Mme [R] la somme de 5593,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement suite à son licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail,
- Et statuant à nouveau et y ajoutant,
- Dit prescrite l'action en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement de l'article L. 1226-14 du code du travail,
- Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [B] [R] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01502 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INNQ
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
30 mars 2022
RG :20/00126
S.A.S. ELRES
C/
[R]
Grosse délivrée le 10 septembre 2024 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 30 Mars 2022, N°20/00126
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2024 prorogé au 10 septembre 2024
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. ELRES nom commercial : ELIOR RESTAURATION ENSEIGNEMENT - ELIOR RESTAURATION SANTE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Madame [B] [R]
née le 14 Juillet 1976 à [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascal CASSEVILLE, avocat au barreau de NIMES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004194 du 14/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Octobre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Mme [B] [R] a été engagée par la société Elres à compter du 1er septembre 2015 suivant contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 2006, en qualité d'employée polycompétente de restauration.
Le 20 février 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [B] [R] inapte en ces termes :
« Avis d'inaptitude. Les capacités restantes de la salariée seraient compatibles avec un poste
sans port de charge de plus de 3kg, sans station debout de plus de 20 minutes, sans nécessité
de se pencher en avant. Pourrait occuper un poste de type administratif. »
Par courrier du 8 mars 2018, la société Elres proposait à Mme [B] [R] 5 postes de reclassement, qu'elle a refusés par courrier du 20 mars 2018.
Mme [B] [R] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 5 avril 2018, puis a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée du 11 avril 2018.
Le 10 janvier 2020, Mme [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon en sa formation de référé afin qu'il condamne la société Elres à lui payer plusieurs sommes pour non-respect de la procédure de licenciement, à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de fin de contrat.
Soutenant que son inaptitude est consécutive à l'accident du travail dont elle a été victime le 16 août 2017, par requête du 1er avril 2020, Mme [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes au fond, afin de voir « requalifier son licenciement pour cause d'accident du travail » et voir condamner l'employeur à lui payer le double de son indemnité de son licenciement en application de l'article L. 1226-14 du code du travail ainsi que des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Suivant ordonnance en date du 13 juillet 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon, statuant en référé, a dit que le litige opposant Mme [R] à la société Elior Restaurant fait l'objet d'une contestation sérieuse et invité Mme [R] à mieux se pourvoir.
Par jugement contradictoire du 30 mars 2022, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- requalifié le licenciement de Mme [R] pour cause d'accident du travail,
- condamné la SAS Elior Elres en la personne de son représentant légal à payer à Mme [R] la somme de 5 593,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement suite à son licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail,
- débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,
- débouté la SAS Elior Elres de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SAS Elior Elres aux éventuels dépens.
Par acte du 02 mai 2022, la société Elres a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 1er avril 2022.
Par avis du 25 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a sollicité des parties leurs observations écrites sur l'irrecevabilité des conclusions en application des dispositions des articles 909 et 911-1 du code de procédure civile.
Par conclusions d'incident du 07 février 2023, la société Elres a demandé au conseiller de la mise en état de prononcer l'irrecevabilité des conclusions et de l'appel incident de Mme [B] [R] en date du 19 janvier 2023.
L'intimée, pour sa part, indiquait avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de trois mois, laquelle lui a été accordée le 14 septembre 2022, ce qui a eu pour effet d'interrompre le délai et de le reporter au 14 septembre 2022. Elle précisait avoir ainsi déposé des conclusions le 19 janvier 2023 et estimait que les dispositions de l'article '905" du code de procédure civile ne peuvent empêcher un débat équitable sur la base de l'article 6 de la CEDH, demandant dès lors d'écarter l'application de l'article 909 du code de procédure civile.
Suivant ordonnance en date du 10 mars 2023, le conseiller de la mise en état a:
- déclaré les conclusions de Mme [B] [R] irrecevables,
- condamné Mme [B] [R] aux éventuels dépens de la procédure sur incident,
- débouté l'appelante de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Le conseiller de la mise en état, rappelant les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle, a retenu que Mme [B] [R] disposait d'un délai expirant le 14 décembre 2022 pour déposer ses conclusions d'intimée par voie de RPVA, que ce dépôt étant intervenu le 19 janvier 2023, soit hors du délai prévu par l'article 909 du code de procédure civile, en tenant compte du dépôt de l'aide juridictionnelle par l'intimée, lesdites conclusions devaient être déclarées irrecevables. Le conseiller de la mise en état rappelait également que la Cour de cassation a jugé que l'irrecevabilité des conclusions déposées après l'expiration du délai par l'intimé ne le prive pas de son droit d'accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif et n'est pas une sanction contraire aux exigences de l'article 6 § 1 de la CEDH.
Cette ordonnance n'a fait l'objet d'aucun déféré dans le délai de 15 jours.
Aux termes de ses dernières conclusions du 25 juillet 2022, la SAS Elres demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 30 mars 2022, RG n°20/00126 en ce qu'il :
* a requalifié le licenciement de Mme [R] pour cause d'accident du travail ;
* l'a condamnée à payer à Mme [R] la somme de 5 593,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement suite à son licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail ;
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
* l'a condamnée aux éventuels dépens.
Statuant à nouveau :
A titre principal
- juger les demandes de Mme [R] relatives à la rupture de son contrat de travail prescrites et les rejeter en conséquence.
A titre subsidiaire
- juger qu'elle n'a eu connaissance du prétendu accident du travail survenu le 16 août 2017 que postérieurement au licenciement de Mme [R] notifié le 11 avril 2018 ;
- juger en conséquence
* qu'elle n'était pas tenue par les règles protectrices en matière d'accident du travail * que l'indemnité prévue à l'article L 1226-14 du code du travail n'est pas due à Mme [R].
- juger que Mme [R] ne produit aucun élément de preuve de nature à établir l'existence d'un lien de causalité, même partiel, entre l'accident du travail et l'inaptitude ;
- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire
- juger que Mme [R] a abusivement refusé des offres de reclassement conformes aux préconisations du médecin du travail ;
- juger en conséquence que l'indemnité prévue à l'article L 1226-14 du code du travail n'est pas due à Mme [R].
En tout état de cause
- condamner Mme [R] aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante soutient que :
- ayant été licenciée le 11 avril 2018, Mme [R] avait jusqu'au 11 avril 2019 pour saisir le conseil de prud'hommes mais ne l'a saisi que le 26 mars 2020 au fond et le 10 janvier 2020 en référé,
- l'action de Mme [R] en contestation de son licenciement est donc prescrite,
- à titre subsidiaire, elle n'a pas eu connaissance d'un quelconque accident du travail antérieurement au licenciement,
- Mme [R] a rédigé seule une déclaration d'accident du travail le 22 octobre 2018, soit plus d'un an après la survenance du prétendu accident du 16 août 2017 et plus de 6 mois après son licenciement,
- elle n'a eu connaissance de cet accident qu'aux mois de février et mars 2019 et en a immédiatement contesté la réalité,
- par ailleurs, l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne fait état d'aucune origine professionnelle et n'établit aucun lien avec un prétendu accident du 16 août 2017,
- ce n'est que le 20 mai 2019, soit plus d'un an après le licenciement, que le caractère professionnel de l'accident a été reconnu,
- Mme [R] ne verse aucun élément de preuve de nature à justifier le caractère professionnel de son inaptitude ni même que l'employeur en avait connaissance au moment de la notification du licenciement,
- le jugement doit être infirmé en ce qu'il a conclu à l'application de l'article L1226-14 du code du travail.
- à titre infiniment subsidiaire, elle a proposé des postes de reclassement à Mme [R] que cette dernière a refusés sans aucune raison ; elle ne saurait donc prétendre au versement de l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 al1 et 2 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 30 août 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 06 octobre 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 07 novembre 2023 puis a été déplacée à l'audience du 29 février 2024.
MOTIFS
Les conclusions de Mme [B] [R] ayant été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise état, laquelle a autorité de la chose jugée en application de l'article 914 du code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas à examiner la « note sur l'irrecevabilité » déposée par le conseil de Mme [B] [R] le 15 octobre 2023 pas plus que des « conclusions sur rejet irrecevabilité devant le président de la chambre » encore déposées le 25 juillet 2024.
L'article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Ainsi, en appel, si l'intimé ne conclut pas, le juge en statuant sur le fond ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ; ce qui est le cas de l'intimé dont les conclusions sont irrecevables (Cass. 2ème civ., 10 janv. 2019, n° 17-20.018).
Par application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas devant la cour d'appel est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré.
Sur la prescription de l'action de Mme [B] [R]
La SAS Elres a soulevé la prescription en première instance mais les premiers juges n'ont pas statué sur cette fin de non-recevoir.
Pour sa part, Mme [R] répliquait, en première instance, que l'article L. 1471-1 du code du travail avait été « tronqué » en ce qu'il prévoit expressément en son troisième alinéa que les deux premiers ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel à l'occasion de l'exécution du contrat de travail.
Cependant, aux termes de l'article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. L'action par laquelle le salarié demande paiement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail est une action se rattachant à la rupture du contrat de travail, de sorte qu'il convient d'appliquer à cette demande la prescription abrégée de douze mois (Cass.soc. 21 juin 2023, n°21-10.539).
En l'espèce, le licenciement pour inaptitude a été notifié à Mme [B] [R] le 11 avril 2018, de sorte qu'elle avait jusqu'au 11 avril 2019 pour engager toute action relative à la rupture de son contrat de travail.
Or, en l'espèce, Mme [B] [R] a saisi la juridiction prud'homale, en référé le 10 janvier 2020 puis au fond le 1er avril 2020, de sorte que son action est prescrite, par infirmation du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de premier instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [B] [R] mais l'équité ne justifie pas de la condamner au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Statuant dans la limite de l'appel dont est saisie la cour,
- Infirme le jugement rendu le 30 mars 2022 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a :
- requalifié le licenciement de Mme [R] pour cause d'accident du travail,
- condamné la SAS Elres en la personne de son représentant légal à payer à Mme [R] la somme de 5593,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement suite à son licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail,
- Et statuant à nouveau et y ajoutant,
- Dit prescrite l'action en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement de l'article L. 1226-14 du code du travail,
- Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [B] [R] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,