CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 31 mai 2024, n° 21/18326
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Dimco (SA)
Défendeur :
Performances LBA (SARL), Axa France Iard (SA), Société du Pavillon Royal (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guillaudier
Conseillers :
Mme Tardy, Mme Szlamovicz
Avocats :
Me Regnier, Me Richaud, Me Grail, Me Fromantin, Me Gauvin, Me Lesenechal, Me Desgardin
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Société du Pavillon Royal a entrepris, en 2014, de rénover un ensemble de bâtiments route de [Localité 11] à [Localité 10].
Sont notamment intervenues à l'opération :
- la société Performances LBA, assurée par la société Axa France IARD, en qualité de maître d''uvre d'exécution,
- la société ACMH pour l'obtention du permis de construire sans suivi d'exécution,
- la société CEC en qualité de bureau d'études techniques cuisine,
- la société BTP Consultants en qualité de contrôleur technique,
- la société Dimco, assurée par la société Allianz IARD, pour la restructuration des locaux cuisine, y compris production de froid,
- la société Froid Concept, assurée par la société Allianz IARD, sous-traitant de la société Dimco pour les installations de production de froid, représentée par son mandataire ad hoc, M. [E], nommé par le président du tribunal de commerce de Meaux le 6 août 2020.
La réception a été prononcée avec réserves le 1er juillet 2015.
Dès juillet 2015, des défaillances sont apparues concernant les chambres froides.
Après assignation en référé pour le compte de la Société du Pavillon Royal en date du 14 décembre 2017, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné, le 30 janvier 2018, M. [P] [K] en qualité d'expert pour donner son avis sur les désordres des chambres froides et sur les estimations et devis établis pour remédier aux désordres.
Les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables aux sociétés Performances LBA, Dimco, Froid Concept et son assureur Alllianz IARD, D.Petrillo et Allianz IARD, assureur de la société Dimco.
La Société du Pavillon Royal a procédé à des travaux correctifs en avril 2019.
M. [K] a déposé son rapport le 31 juillet 2019.
Le 23 octobre 2019 le juge des référés a rejeté la demande de provision formée par la Société du Pavillon Royal à la suite du dépôt du rapport de l'expert, et la décision a été confirmée par arrêt du 9 septembre 2020.
Par acte en date du 15 janvier 2020, la Société du Pavillon Royal a assigné la société Dimco, la société Performances LBA et son assureur la société Axa France IARD en indemnisation de ses préjudices.
Par jugement en date du 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :
- dit que l'appel en garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre la société Froid Concept et la société Allianz fait l'objet d'une autre procédure et décide de ne pas traiter les demandes de garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre de son sous-traitant et de son assureur dans le cadre de cette procédure ;
- dit que les équipements objet des désordres ne constituent pas un ouvrage et ne peuvent être l'objet d'une garantie décennale ;
- dit qu'il y a prescription en ce qui concerne les articles 1792-6 et 1792-3 du code civil ;
- retient un montant de préjudice de 154 083,81 euros HT ;
- condamne la société de droit monégasque Dimco à payer à la Société du Pavillon Royal la somme de 77 041,90 euros HT outre intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de l'assignation en référé provision, au titre de sa responsabilité contractuelle de droit commun ;
- condamne solidairement la société Performances LBA et la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur, à payer à la Société du Pavillon Royal la somme de 53 929,33 euros HT outre intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de l'assignation en référé provision, au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Performances LBA ;
- condamne la société de droit monégasque Dimco à payer à la Société du Pavillon Royal la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne solidairement la société Performances LBA et la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur, à payer à la Société du Pavillon Royal la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne in solidum la société de droit monégasque Dimco et les sociétés solidaires Performances LBA et Axa, en sa qualité d'assureur, aux dépens de l'instance y compris les frais d'expertise judiciaire ;
- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- ordonne l'exécution provisoire :
- liquide les dépens à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 euros dont 19,24 euros de TVA.
Par déclaration en date 20 octobre 2021, la société Dimco a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d'appel de Paris la Société du Pavillon Royal, la société Performances LBA et la société Axa France IARD.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2024, la société Dimco demande à la cour de :
- recevoir la société Dimco en son appel, la déclarer bien fondée, y faisant droit ;
- confirmer le chef du jugement ayant retenu que les équipements objets des désordres ne constituent pas un ouvrage et ne peuvent être l'objet d'une garantie décennale ;
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 septembre 2021 en ce qu'il a :
- dit que l'appel en garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre des sociétés Froid Concept et Allianz IARD fait l'objet d'une autre procédure et décidé de ne pas traiter les demandes de garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre de son sous-traitant et de son assureur dans le cadre de cette procédure ;
- retenu un montant de préjudice de 154 083,81 euros HT ;
- condamné la société Dimco à payer à la Société du Pavillon Royal la somme de 77 041,90 euros HT outre intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de l'assignation en référé provision, au titre de sa responsabilité contractuelle de droit commun ;
- condamné la société Dimco à payer à la Société du Pavillon Royal la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la société Dimco et les sociétés Performances LBA et Axa France IARD aux dépens de l'instance y compris les frais d'expertise judiciaire ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
Statuant à nouveau,
- juger que la société Dimco n'a commis aucune faute, a fortiori dolosive, intentionnelle, pas plus qu'une négligence grave ;
- juger que les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité contractuelle de la société Dimco ne sont pas réunies ;
- juger que les fautes des sociétés du Pavillon Royal, Performances LBA et Axa France IARD constituent des causes exonératoires de responsabilité à l'égard de la société Dimco ;
- débouter les intimées de leurs appels incidents et de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- limiter le montant du préjudice subi par la Société du Pavillon Royal à 62 529,50 euros HT et subsidiairement à 83 475,68 euros ;
- limiter la part de responsabilité de la société Dimco qui ne saurait, en tout état de cause, dépasser celle retenue par l'expert judiciaire contre la société Froid Concept IDF à hauteur de 23,9 % ;
- limiter la condamnation éventuelle de la société Dimco à la somme maximale de 19 950,68 euros net ;
- débouter les intimées de leurs appels incidents et de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause
- condamner la ou les parties succombantes à verser à la société Dimco la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la ou les parties succombantes aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'expertise judiciaire.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2024, les sociétés Performances LBA et Axa France IARD demandent à la cour de :
- débouter la société Dimco de son appel principal et la Société du Pavillon Royal de son appel incident ;
- accueillir favorablement la société Performances LBA et son assureur, la société Axa France IARD, en leur appel incident ;
Ce faisant,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une part de responsabilité envers la société Performances LBA de 35 % et partant, condamné in solidum cette dernière avec la société Axa France IARD, son assureur, au paiement de la somme principale de 53 929,33 euros augmentée des intérêts légaux, en sus d'une condamnation de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles et d'une condamnation au titre des dépens ;
Statuant à nouveau,
- juger que la société Performances LBA ne saurait voir sa responsabilité engagée et subsidiairement, tout au plus, pour une part de 20 % des demandes de réparation des dommages matériels de la Société du Pavillon Royal ;
En conséquence,
- débouter toute demande de condamnation à son encontre et à l'encontre de son assureur et subsidiairement au-delà d'une part maximum de 20 % des demandes de réparation desdits dommages matériels ;
En toute hypothèse,
- réduire le quantum des demandes de la Société du Pavillon Royal à la somme principale de 87 800,52 euros ;
- dire que le montant des intérêts légaux ne commencera à courir qu'à compter de la décision à venir ;
- débouter la demande non justifiée de capitalisation des intérêts ;
- juger que la responsabilité de la société Dimco est engagée envers la société Performances LBA ;
En conséquence,
- condamner cette dernière à relever et garantir indemne la société Performances LBA et son assureur de l'intégralité de leurs condamnations ;
- juger opposable la franchise d'un montant de 2 032,42 euros, en application des conditions générales et particulières du contrat BTPLUS Concept n°7187339504,
- réduire en conséquence toute condamnation envers la société Axa France IARD de ce montant actualisé selon les modalités desdites conditions au jour de la décision à venir,
- condamner tous succombants à payer la somme de 7 000 euros à la société Axa France IARD et à la société Performances LBA,
- condamner tous succombants aux dépens lesquels seront recouvrés conformément par Maître Edmond Fromantin.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2024, la Société du Pavillon Royal demande à la cour de :
- recevoir la société Dimco en son appel,
- l'en débouter,
- recevoir et juger la Société du Pavillon Royal bien fondée en son appel incident,
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- laissé à la charge de la Société du Pavillon Royal 15 % des préjudices subis par elle,
- retenu un montant de préjudice de 154 083,81 euros HT,
- écarté la condamnation in solidum des défendeurs,
- confirmer le jugement sur les dispositions ayant trait à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, comprenant les frais de l'expertise,
Statuant à nouveau des chefs de la décision réformée,
- condamner in solidum les sociétés Dimco, Performances LBA et Axa France IARD à verser à la Société du Pavillon Royal la somme de 162 684,52 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé provision, par application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil, et capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année,
Y ajoutant,
- condamner in solidum les sociétés Dimco, Performances LBA et Axa France IARD à verser à la Société du Pavillon Royal une somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cour d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter toute demande contraire ;
- condamner in solidum les sociétés Dimco, Performances LBA et Axa France IARD aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 29 février 2024.
MOTIVATION
Sur la demande de la société Dimco au titre de l'appel en garantie des sociétés Froid Concept et Allianz IARD
La société Dimco sollicite dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'appel en garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre des sociétés Froid Concept et Allianz IARD fait l'objet d'une autre procédure et a décidé de ne pas traiter les demandes de garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre de son sous-traitant et de son assureur dans le cadre de cette procédure.
La Société du Pavillon Royal ne conclut pas sur ce point.
Réponse de la cour :
La cour constate que la demande d'infirmation formulée par la société Dimco dans le dispositif de ses conclusions n'est fondée sur aucune prétention ni aucun moyen dans le reste de ses écritures, de sorte qu'elle ne peut que confirmer le jugement sur ce point (article 954 du code de procédure civile).
Sur la demande de dommages et intérêts de la Société du Pavillon Royal
Moyens des parties :
La Société du Pavillon royal fait valoir que les désordres résultent de fuites de gaz frigorifique au niveau des soudures des tuyaux véhiculant ce gaz, ce qui constitue un manquement de la société Dimco, en charge de cette prestation, à son obligation de résultat, engageant sa responsabilité contractuelle. Elle soutient que son préjudice s'élève à la somme de 162 684,52 euros HT. Elle conteste toute immixtion fautive de sa part pendant les travaux et soutient que l'expert a outrepassé sa mission en retenant un partage de responsabilité lui imputant une part de celle-ci. Elle ajoute qu'elle n'a pas été avisée de risques qu'elle n'a donc pas acceptés. Elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Dimco et Performances LBA, faisant valoir qu'elles sont responsables du même dommage.
La société Dimco conteste avoir commis une faute dolosive comme l'a retenu le tribunal de commerce, estimant que les conditions du caractère dolosif ne sont pas remplies et que cela n'a pas été débattu devant lui, de sorte que la décision a été prononcée ultra petita. Elle soutient que si l'expertise a permis de constater l'existence de désordres par fuites sur les soudures, elle n'a pas permis de déterminer réellement et précisément l'origine de ces fuites, et notamment le rôle de travaux de gros-oeuvre sur le site postérieurement à son intervention et au contrôle qu'elle a fait de ses installations, pas plus que l'expert n'a constaté de fuites sur le réseau enterré. Elle ajoute que l'entrepreneur n'est tenu d'une obligation de résultat que jusqu'à réception, et qu'après celle-ci, sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement d'une faute prouvée, et qu'il n'est pas rapporté de preuve d'une faute du sous-traitant, la société Froid Concept, ni d'une faute qui lui est imputable. Elle fait valoir que le dommage a pour origine la faute de la Société du Pavillon Royal, victime, qui a pris le risque d'un changement de l'installation commandée et s'est immiscée dans les travaux, et l'intervention de la société Performances LBA, maître d'oeuvre, qui n'a pas suivi ses préconisations. Elle oppose la clause limitative de sa responsabilité stipulée dans le contrat la liant à la Société du Pavillon Royal. Elle conteste le montant du préjudice retenu par le tribunal.
La société Performances LBA fait valoir que le procès-verbal de réception du 1er juillet 2015 n'a pas été signé par la Société du Pavillon royal et que la réception est intervenue au mieux le 1er septembre 2015, alors que les premiers dysfonctionnements sont apparus dès juillet 2015. Avant réception, la société, maître d'oeuvre d'exécution, rappelle n'être tenue que d'une obligation de moyens et ajoute que les missions de conception et d'exécution de l'installation froid ont été confiées à un bureau d'études techniques cuisine, exécutées partiellement par la société CEC puis par le maître d'ouvrage après rupture du contrat conclu avec le bureau d'études techniques. Elle soutient que le maître d'ouvrage s'est immiscé dans les travaux et que son comportement fautif est en partie responsable de la survenance des désordres, du fait de cette immixtion et de la recherche d'économies excessives. Elle se prévaut également du comportement fautif de la société Dimco qui doit répondre des manquements de son sous-traitant. Elle conteste le montant des préjudices dont certains n'ont pas été retenus par l'expert.
La société Axa France IARD entend opposer la franchise contractuelle stipulée dans le contrat, pour un montant de 2 032,42 euros par sinistre.
Réponse de la cour :
La cour constate que les parties ne sollicitent pas l'infirmation du chef du jugement du tribunal de commerce de Paris, par lequel il a été jugé que les équipements objets des désordres ne constituaient pas un ouvrage, de sorte que cette décision est définitive.
L'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, énonce que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
1) Sur l'imputation des dommages
L'expert a relevé quatre désordres qui ne sont pas contestés par les parties :
- local refroidissement : recyclage d'air léger, prises d'air insuffisantes, absence de socle sous les pieds des dry coolers, raccordements à revoir,
- circuit de tuyauterie de fluide frigorifique : fuites répétitives sur les réseaux, nombreuses brasures non visibles, réapprovisionnement en R404 (gaz frigorigène) anormalement élevé, six fuites identifiées en différents points du circuit,
- local technique groupe frigorifique : porte d'accès détalonnée, pas de système d'introduction d'air, absence de calorifugeage des tubes en cuivre,
- évaporateur de la chambre froide négative : mauvaise contrepente.
Le désordre n° 1 résulte selon l'expert de la mise en oeuvre des équipements sans tenir compte de la configuration réelle du local extérieur, le désordre n° 3 de la non-façon du calorifugeage et, en l'absence d'entrée d'air, le local a surchauffé, dégradant ses composants, le désordre n° 4 de la mauvaise mise en oeuvre d'une tuyauterie d'évacuation des condensats qui, créant une contre-pente, provoque le gel de l'eau retenue dans le point bas. Les parties ne discutent pas l'origine de ces désordres.
Le désordre n° 2 résulte de fuites de gaz calorigène au niveau de certains raccords, de certaines soudures, de fuites dont la localisation précise n'a pas été possible, et d'un évaporateur jugé défectueux. Les fuites au niveau des raccords et soudures (fuites numérotées 1 à 6 dans le rapport) ont été constatées par l'expert au contradictoire des parties par suite d'essais pendant l'expertise, essais menés par la société D.Petrillo (page 9 de l'expertise). L'expert a indiqué que ces fuites constatées étaient 'la conséquence de raccords mal réalisés, de soudures défectueuses,' l'expert n'excluant pas comme autre origine des éléments extérieurs qui ont dégradé les tubes, mais précisant que si tel est le cas, cela implique que les tubes n'ont pas été assez protégés.
a) Sur la responsabilité de la société Dimco
La société Dimco, chargée du lot 'restructuration des locaux cuisine,' était notamment chargée de l'installation du système frigorifique, réseau compris. La Société du Pavillon Royal indique dans ses écritures que sa prestation a été réceptionnée le 1er juillet 2015 (sa pièce n° 13).
Il est constant qu'a la qualité de sous-traitant celui qui exécute, au moyen d'un contrat d'entreprise, tout ou partie d'un contrat d'entreprise conclu entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal. A l'égard du maître d'ouvrage, l'entrepreneur répond des fautes de ses sous-traitants (Cass., 3e Civ., 25 juin 2020, n° 19-15.929), ainsi que de ses propres fautes, à charge pour le maître d'ouvrage d'en rapporter la preuve.
La société Dimco verse des factures qui lui ont été adressées par la société Froid Concept pour la 'mise en place du réseau frigorifique extérieur', 'isolation et étanchéité du réseau sous-sol', 'installation des cassettes et des évaporateurs.' Il s'ensuit que la société Dimco établit avoir recouru aux services de cette société pour cette prestation incluse dans son lot, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance dont il n'est pas établi qu'il a été porté à la connaissance du maître d'ouvrage et que le sous-traitant a été agréé par lui.
Ainsi, les désordres relevés par l'expert, que ce soient les fuites constatées, le défaut de calorifugeage ou le désordre de l'évaporateur, résultent de fautes d'exécution qui sont imputables à la société Froid Concept et à la société Dimco qui répond de son sous-traitant et qui a manifestement manqué à son obligation de surveillance de celui-ci en ne décelant pas les malfaçons relevées, qui sont généralisées aux équipements de froid. En revanche, le désordre résultant de la mise en oeuvre d'équipements sans tenir compte de la configuration du local (désordre n° 1), n'apparaît pas avoir été sous-traité à la société Froid Concept et relève donc de la responsabilité de la société Dimco, qui a commis une faute d'exécution en ne tenant pas compte de la configuration du local avant de mettre en oeuvre les équipements.
Les fautes de la société Dimco engagent sa responsabilité contractuelle à l'égard de la Société du Pavillon Royal.
b) Sur la responsabilité de la société Performances LBA
Contrairement à ce que soutient la Société du Pavillon royal, il est établi par les pièces produites que le système frigorifique incluait initialement l'installation de la centrale frigorifique en toiture, ainsi que cela ressort :
- du dossier de consultation des entreprises, annexe 4 page 12, et document A descriptif des équipements de cuisine, page 53, établis le 5 février 2015 par le bureau d'études techniques CEC,
- du CCTP établi le 5 février 2015 par le bureau d'études techniques CEC, précisant en page 27 que 'la centrale et tous les groupes seront à air et implantés en toiture'
- du devis de la société Dimco accepté le 26 mars 2015 (pièce 2 de la Société du Pavillon Royal, dernière page).
Cependant, cette installation en toiture étant contraire tant au dossier de consultation de la Ville de [Localité 9] pour l'appel à concurrence pour la concession de travaux de l'établissement Pavillon Royal qu'au permis de construire, il apparaît que dès la première réunion de chantier tenue le 20 mars 2015, il a été constaté que 'la solution des groupes au 2e étage n'est pas viable, étudier la solution d'installation des groupes dans le local poubelle à l'extérieur du bâtiment selon le plan d'intention transmis ce jour par [G] [R]', chargé d'affaires de la société Performances LBA, qui a adressé le même jour à la société Dimco un courrier pour la modification d'implantation des centrales de production de froid, avec un plan joint, et a sollicité en retour une étude pour le 23 mars. En réponse par courriel du 23 mars, M. [N] de la société Dimco a fait savoir qu'après étude de faisabilité, il n'était pas possible de valider cette option, la distance induite obligeant à doubler les puissances de production froide, et il a proposé une alternative en installant les productions frigorifiques dans le local Rangement au sous-sol 1.
Par courriel du 27 mars 2015, M. [R] a maintenu le projet modifié, et l'ordre de service a été adressé à la société Dimco à cette date.
Est également versé aux débats un schéma des tubes enterrés signé de la société Performances LBA (sa pièce 19), précisant que les tubes sont des barres de 4 mètres, que les soudures sont visitables et qu'un regard ou dallette ou tampon démontable est prévu tous les 4 mètres.
L'expert a indiqué que le choix ou la nécessité de déplacer la production frigorifique 'a été un élément déclencheur' des désordres compte tenu des modifications techniques dans un délai très contraint et que les alertes émises par la société Dimco à l'attention du maître d'oeuvre d'exécution n'ont pas été prises en compte. Il a également constaté que le long du réseau enterré, les regards, prévus tous les 4 mètres, n'intervenaient en réalité que tous les 20 mètres, ne permettant pas la visite des soudures des tubes.
En l'absence du bureau d'études techniques CEC, dont le contrat a été résilié par la Société du Pavillon Royal le 31 mars 2015, il apparaît que la société Performances LBA a géré la modification d'implantation de la centrale frigorifique, de sa conception à son exécution, selon sa mission de maître d'œuvre d'exécution. S'il ne peut lui être imputé l'erreur d'implantation initiale, il s'avère qu'elle a maintenu une nouvelle implantation dont il a été indiqué qu'elle n'était pas adaptée, que cette implantation s'est faite dans des délais contraints inadaptés à la nature des travaux prescrits et qu'elle a manqué à son devoir de surveillance de l'exécution des travaux en ne relevant ni l'absence généralisée de calorifugeage des tuyaux en cuivre, ni l'erreur d'implantation des regards le long du réseau enterré. Elle engage donc sa responsabilité pour les fautes précitées.
c) Sur les causes extérieures exonératoires
Il est reproché à la Société du Pavillon Royal une immixtion dans les travaux et une recherche fautive d'économies.
Il n'apparaît pas que la Société du Pavillon Royal soit un professionnel de la construction, et le fait qu'elle se soit entourée de nombreux professionnels sans liens entre eux selon l'expert ne constitue pas une faute.
Lorsque l'erreur de positionnement de la centrale frigorifique a été décelée, c'est la société Performances LBA qui a pris l'initiative du changement de position, sans justifier en avoir référé au maître d'ouvrage.
Aucun élément versé aux débats n'établit que la Société du Pavillon Royal est intervenue sur le chantier, au titre de la direction, de l'exécution ou du contrôle de celui-ci, après avoir résilié le contrat du bureau d'études techniques CEC, et le fait de ne pas solliciter de nouveau bureau d'études techniques ne constitue pas la preuve de son immixtion.
De même, la recherche fautive d'économies, alléguée par la société Performances LBA, n'est pas établie, la décision de la Société du Pavillon Royal de résilier le contrat du bureau d'études techniques CEC en lui reprochant notamment d'avoir établi un budget au-dessus des prévisions ou de ne pas avoir suffisamment cherché des ensembliers dont les prestations seraient conformes au budget étant sans lien avec les désordres établis.
Il ne peut donc être reproché à la Société du Pavillon Royal un comportement susceptible de constituer une cause exonératoire pour les sociétés Dimco et Performances LBA.
Par ailleurs, les fautes d'un autre constructeur ne constituent pas une cause exonératoire pour le constructeur fautif, dès lors que celui-ci n'est pas un tiers au chantier. Les sociétés Dimco et Performances LBA ne peuvent donc se prévaloir des fautes commises par l'autre constructeur pour s'exonérer de leur responsabilité.
d) Sur la clause limitative de responsabilité de la société Dimco
La société Dimco produit ses conditions générales de vente, stipulant, à titre de limitation de responsabilité, que 'la société Dimco ne sera responsable à l'égard de l'acheteur qu'en cas de faute intentionnelle ou de négligence grave. En dehors de ce cas-là, la société Dimco n'encourrera aucune responsabilité quel que soit le dommage invoqué.'
Le devis accepté par la Société du Pavillon Royal mentionne 'voir nos conditions générales de vente au verso, dont vous avez pris connaissance et que vous déclarez expressément reconnaître et accepter, au moment de la signature.'
Il n'a pas été établi que les désordres résultaient de la faute intentionnelle de la société Dimco. En revanche, ils résultent d'un défaut général de surveillance de son sous-traitant, la société Froid Concept, qui a commis plusieurs malfaçons et non-façons, et de sa propre faute à avoir mis en oeuvre des équipements sans tenir compte de la réelle configuration du local extérieur et des risques de recyclage d'air qui en découlent.
Il s'agit de négligences graves constituant selon le contrat une exclusion à la mise en oeuvre de la clause limitative de responsabilité, que la société Dimco ne peut donc opposer à la Société du Pavillon Royal.
Il résulte de ce qui précède que les dommages proviennent des fautes conjuguées et indissociables des sociétés Dimco, Froid Concept et Performances LBA. Par conséquent, les sociétés Dimco et Performances LBA doivent être condamnées in solidum à indemniser la Société du Pavillon Royal.
2) Sur l'indemnisation
Au titre des travaux réparatoires, l'expert a retenu les sommes de 73 208 euros et 29 184 euros, et a indiqué l'existence de travaux optionnels pour un montant total de 10 708 euros. Ces options ne correspondant pas à la reprise des désordres objectivés par l'expert, il n'y a pas lieu de retenir ces montants, conformément à la décision des premiers juges. En revanche, les travaux réparatoires, dont l'expert a indiqué qu'ils avaient été retenus par toutes les parties pendant l'expertise, seront avalisés pour le montant établi par l'expert, en ce compris le coût des caniveaux qui est une nécessité pour pallier les défauts d'exécution et non une amélioration.
Au titre des préjudices, l'expert a retenu le coût de la maîtrise d'oeuvre des travaux réparatoires, réalisés avec son aval pendant le cours de l'expertise, la location d'un camion frigorifique, le coût du recours à du personnel supplémentaire et les interventions de la société D.Petrillo pour des interventions ponctuelles de réparation avant la procédure et les interventions à sa demande. Le coût de la maîtrise d'oeuvre, nécessaire au regard des travaux à réaliser et dont le montant a été validé par l'expert, y compris au titre de la réception et de la levée de réserves, sera retenu pour un montant de 17 177,72 euros HT, non utilement discuté par les parties. La location de camion frigorifique et le personnel supplémentaire ne sont pas discutés, pour les sommes de 5 176,45 euros et 6 818,73 euros. Quant aux interventions de la société D.Petrillo, elles sont justifiées pour les interventions ponctuelles dans la limite des factures retenues par l'expert, soit la somme de 23 118,89 euros HT, incluant les interventions de la société D.Petrillo pour le constat de l'existence de fuites pendant l'expertise, qui correspondent à une dépense indispensable d'expertise.
La société Axa France IARD ne dénie pas sa garantie à son assurée, la société Performances LBA. Elle est bien fondée à opposer les limites de son contrat (plafond et franchise).
Par conséquent, les sociétés Dimco, Axa France IARD et Performances LBA seront condamnées in solidum à verser à la Société du Pavillon Royal la somme de 154 683,79 euros HT, outre intérêts légaux à compter du jugement du 3 septembre 2021, date à laquelle le montant de la créance a pu être déterminé, et capitalisation des intérêts, la société Axa France IARD étant tenue dans la limite de ses garanties contractuelles (franchise et plafond). Le jugement du tribunal de commerce doit être infirmé de ce chef.
3) Sur la contribution à la dette
Il a été établi que les dommages subis par la Société du Pavillon Royal provenaient des fautes conjuguées des sociétés Dimco, et de son sous-traitant, et Performances LBA qui ont été condamnées in solidum à indemniser la Société du Pavillon Royal.
Il convient de statuer sur la contribution à la dette des deux sociétés co-obligées.
Au regard de l'expertise, les fautes de la société Dimco et de son sous-traitant sont prépondérantes. Par conséquent, la cour retient le partage de responsabilité suivant :
- société Dimco : 70 %,
- société Performances LBA : 30 %.
La société Dimco ne forme pas d'appel en garantie.
La société Dimco sera condamnée à garantir la société Performances LBA et son assureur la société Axa France IARD des condamnations prononcées à leur encontre, dans la limite de sa part de responsabilité fixée ci-dessus.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles.
Y ajoutant en appel, la cour condamne in solidum les sociétés Dimco et Performances LBA aux dépens et à verser la somme de 5 000 euros à la Société du Pavillon Royal, et rejette leurs demandes de ce chef.
La société Dimco sera condamnée à garantir les sociétés Performances LBA et Axa France IARD au titre des condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles dans la proportion retenue pour le partage de responsabilité.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
- dit que l'appel en garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre de la société Froid Concept et de la société Allianz IARD fait l'objet d'une autre procédure et décide de ne pas traiter les demandes de garantie de la société de droit monégasque Dimco à l'encontre de son sous-traitant et de son assureur dans le cadre de cette procédure,
- dit que les équipements objet des désordres ne constituent pas un ouvrage et ne peuvent être l'objet d'une garantie décennale,
- condamné in solidum la société de droit monégasque Dimco et les sociétés solidaires Performances LBA et Axa France IARD, en sa qualité d'assureur, aux dépens de l'instance y compris les frais d'expertise judiciaire,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum les sociétés Dimco, Performances LBA et Axa France IARD à verser à la Société du Pavillon Royal la somme de cent cinquante-quatre mille six cent quatre-vingt-trois euros et soixante-dix-neuf centimes (154 683,79 euros) HT, outre intérêts légaux à compter du jugement du 3 septembre 2021, avec capitalisation des intérêts,
DIT que la société Axa France IARD pourra opposer sa franchise d'un montant de 2 032,42 euros, en application des conditions générales et particulières du contrat BTPLUS Concept n°7187339504,
FIXE le partage de responsabilité entre les co-obligés ainsi qu'il suit :
- société Dimco : 70 %,
- société Performances LBA : 30 %
CONDAMNE la société Dimco à garantir la société Performances LBA et son assureur la société Axa France IARD des condamnations prononcées à leur encontre, dans la limite de sa part de responsabilité,
CONDAMNE in solidum les sociétés Dimco et Performances LBA aux dépens et à verser à la Société du Pavillon Royal la somme de cinq mille euros (5 000 euros) au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la société Dimco à garantir les sociétés Performances LBA et Axa France IARD au titre des condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles dans la proportion retenue pour le partage de responsabilité,
REJETTE les autres demandes de ce chef.