CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 13 décembre 2023, n° 20/04953
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
MMA Iard Assurances Mutuelles (Sté), MMA Iard (SA)
Défendeur :
Uzin France (SAS), Compagnie d'assurance XL Insurance Company (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
Mme Thévenin-Scott, Mme Pelier-Tetreau
Avocats :
Me Meynard, Me Baechlin, Me Varenne, Me Savatic
EXPOSE DU LITIGE
La Société Nationale Immobilière (ci-après la SNI) a, en qualité de maître d'ouvrage, confié suivant marché en date du 30 avril 2004, à la société REHABYBREZILLON, entreprise générale, la réhabilitation d'un ensemble immobilier de 110 logements, dénommé "[5]", situé [Adresse 2].
A l'occasion de cette opération, la SNI a souscrit auprès de la société COVEA RISKS (aux droits de laquelle interviennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES) une police Dommages-ouvrage n° 115527010.
Sont notamment intervenues à l'opération de réhabilitation :
Les sociétés ATELIER JEN FREIBERG en qualité de maitrise d'oeuvre de conception, et BECIBA en qualité de maîtrise d'oeuvre d'exécution.
La société VERITAS en qualité de contrôleur technique.
La société REHABY-BREZILLON, entreprise générale,
La société QUALITECH BAT intervenait en qualité de sous-traitant sur le lot « carrelage Faïence, Maçonnerie ».
Dans le cadre des travaux, était notamment prévue la réalisation de sols carrelés dans les pièces humides des logements (cuisines, salle de bain et WC) avec isolation acoustique apte à être mise en oeuvre sur des planchers chauffants hautes températures (jusqu'à 35 degrés).
En cours de chantier, face au refus de leurs fournisseurs de procéder à la mise en oeuvre de l'isolation phonique sous carrelage, la société BECIBA, se rapprochait de la société UZIN FRANCE assurée auprès de la société XL INSURANCE. Un bon de commande du 10 novembre 2004 confirmé le 23 novembre 2004 va être émis, suivi de factures et bons de livraison entre le 26 novembre 2004 et le 21 mars 2005.
La réception des travaux est intervenue le 9 septembre 2005 sans réserve en lien avec l'objet du litige.
Les 27 avril et 2 mai 2007, le maître de l'ouvrage régularisait une déclaration de sinistre auprès de la société COVEA RISKS (aux droits de laquelle interviennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES) suite à l'apparition de fissurations évolutives avec dégradation des joints de carrelage des pièces humides dans plusieurs logements.
La société COVEA RISKS mandatait pour expertise amiable le cabinet CPE (Monsieur [Z]). Monsieur [Z] a déposé son rapport définitif le 10 janvier 2012 dont il ressort que les désordres sont dus :
- d'une part à une conception d'origine défectueuse, qui prévoyait la réalisation de sols carrelés avec isolation acoustique sur des planchers chauffants haute température,
- d'autre part à une conception, lors de l'exécution, inadaptée à une réalisation en grande quantité,
- et enfin à des défauts d'exécution, les entreprises n'ayant visiblement pas respecté scrupuleusement les préconisations.
Monsieur [Z] fixait le coût des travaux de réparation, après vérification par le Cabinet [K] [I], économiste de la construction, à la somme de 160 465,67 euros. T.T.C.
C'est dans ces conditions que la société COVEA RISKS en qualité d'assureur dommages-ouvrage acceptait de préfinancer pour le compte de qui il appartiendrait, aux termes d'un accord d'indemnité régularisé le 20 juin 2012, avec la SNI, la somme d'un montant de 194 517, 78 euros T.T.C. correspondant :
- aux travaux de réparation avec actualisation d'un montant de 170 091,49 euros T.T.C. ;
- au règlement du coordonnateur SPS d'un montant de 4 252,29 euros T.T.C. ;
- à la perte de loyer d'un montant de 20 174,00 euros T.T.C.
Par ailleurs, la société COVEA RISKS, dans le cadre de l'instruction dommages-ouvrage, prenaient en charge les frais d'investigations à hauteur de la somme de 55 325,92 euros T.T.C., les honoraires de l'économiste à hauteur de 6 335,08 euros T.T.C. et ce conformément aux devis et factures annexés au rapport final de Monsieur [Z], ainsi que les frais de maitrise d'oeuvre des travaux réparatoires à hauteur de 5 222,22 euros T.T.C., soit la somme totale de 66 883,22 euros T.T.C.
La société COVEA RISKS a entendu exercer un recours subrogatoire.
La société SMABTP, assureur de la société QUALITECH BAT, a fait droit au recours subrogatoire de l'assureur Dommages-ouvrage et lui a adressé les sommes de 11 062,90 euros et 1 008,70 euros.
La société GAN, assureur de la société BECIBA, a fait droit au recours subrogatoire de l'assureur Dommages-ouvrage et lui a adressé une somme d'un montant de 52 280,21 euros.
En revanche, la société UZIN France a refusé d'honorer les demandes formées à son encontre par la société COVEA RISKS.
Le 20 juin 2012, la société COVEA RISKS, a adressé une demande à hauteur de 117 630,46 euros TTC au cabinet VERLINGUE ASSURANCE courtier de la société XL INSURANCE, assureur de la société UZIN France, qui va refuser de garantir son assuré.
C'est dans ce contexte que, suivant exploit du 20 février 2013, la société COVEA RISKS (aux droits de laquelle interviennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES) a assigné la société UZIN FRANCE devant le tribunal de grande instance de PARIS aux fins d'obtenir sa condamnation au remboursement de l'indemnisation qu'elle a été amenée à verser, à hauteur de la somme de 117 630,46 euros T.T.C., tant en principal qu'intérêts et frais avec capitalisation de ces intérêts à compter de la date effective de règlement.
La société UZIN FRANCE a suivant assignation en intervention forcée délivrée le 26 avril 2013, appelé en garantie son assureur, la compagnie XL INSURANCE.
Par ordonnance du 18 février 2014, le tribunal de grande instance de PARIS s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de PARIS.
Le 11 septembre 2014, la société XL INSURANCE régularisait de nouvelles écritures d'incident devant le tribunal de commerce de PARIS, aux fins de production forcée de pièces.
Le 4 novembre 2016, le tribunal de commerce a ordonné :
- aux sociétés COVEA RISKS et VERITAS de produire l'intégralité des documents suivants :
' Tous les rapports dont les CRCT n° 1 à 5, dont l'avis n° 5 et observations du Bureau VERITAS relatifs au lot n° 7 « chapes ' carrelages, faïences »;
' Tous les comptes rendus de chantier.
Le cabinet ERGET (CPE), qui s'était vu confier l'instruction Dommages-ouvrage par l'intermédiaire de l'Expert [Z], adressait à la société COVEA RISKS (aux droits de laquelle interviennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES) son entier dossier d'instruction, donnant lieu à la production des pièces suivantes :
- copie de l'Avis n° 05 sur document d'exécution établi par le Bureau VERITAS en date du 24/11/2014 ;
- copie de l'Avis n° 15 sur documents d'exécution établi par le Bureau VERITAS en date du 26/04/2005 ;
- copie des comptes rendus n° 1 (du 09/01/2004), n° 2 (du 09/01/2004) et n°3 (du 17/03/2005) établis par le Bureau VERITAS ;
- copie de la Convention de Contrôle technique souscrite entre la S.N.I. et le Bureau VERITAS;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 8 du 16/10/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 9 du 8/10/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 10 du 14/10/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 11 du 21/10/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 12 du 28/10/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 13 du 4/11/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 14 du 18/11/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 15 du 25/11/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 16 du 2/12/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 17 du 9/12/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 18 du 23/12/2004 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 19 du 6/01/2005 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 20 du 13/01/2005 ;
- copie du procès-verbal de compte-rendu de réunion de chantier n° 21 du 20/01/2005 ;
- copie Page n° 13 du compte-rendu de chantier n° 24 du 10/02/2005 ;
- copies des pages 4 et 5 du compte-rendu de chantier n° 7 du 30/09/2004 ;
- copie du rapport final de contrôle technique du 17/10/2005 établi par VERITAS ;
- copie de la page n° 4 du compte-rendu de chantier n° 1.
Le bureau VERITAS, quant à lui, aux termes d'un envoi en date du 22 novembre 2016, adressait au greffe du Tribunal de commerce de PARIS l'ensemble des pièces transmises dans le cadre de l'expertise dommages-Ouvrage.
En considération de ces éléments, le tribunal de commerce de PARIS jugeait, lors de l'audience du 15 décembre 2016, que les pièces communiquées par la demanderesse étaient manifestement suffisantes, et renvoyait l'affaire au fond.
Le 16 décembre 2015, par voie de fusion-absorption, les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTELLES intervenaient aux droits de la société COVEA RISKS.
Par jugement en date du 14 février 2020 le tribunal de commerce de PARIS a :
- Constaté que les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD se substituent à Société COVEA RISKS,
- Dit recevables les demandes de la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD au titre de l'article 1382 (ancien) du code civil,
- Dit irrecevables les demandes des sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD au titre des articles 1792 et 1792-4 du code civil,
- Débouté les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD de l'ensemble de leurs demandes,
- Débouté la société UZIN FRANCE de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société XL INSURANCE,
- Condamné les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD à payer à la société UZIN FRANCE la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD à payer à la société XL INSURANCE la somme de 3.000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile, et débouté XL INSURANCE pour le surplus de sa demande,
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires, ordonne l'exécution provisoire,
- Condamné les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD aux dépens.
Par déclaration en date du 26 mars 2020, les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD ont interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 décembre 2020 les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD demandent à la cour de :
Vu les articles 1792 et 1792-4 du Code civil,
Vu l'article 1240 du Code civil et anciennement l'article 1382 du Code civil avant la modification suivant ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Vu l'article L. 242-1, L. 121-12 et L. 124-3 du Code des assurances,
' DIRE ET JUGER les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES tant recevables que bien fondées en toutes leurs fins et conclusions,
' DÉBOUTER les sociétés UZIN FRANCE et XL INSURANCE de leurs développements,
À TITRE LIMINAIRE
CONFIRMER LE JUGEMENT RENDU SOUS LE N° RG 2014030016 EN CE QU'IL A :
' PRIS ACTE que, lors du transfert du portefeuille de la société COVEA RISKS aux sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, les sociétés COVEA FLEET, COVEA RISKS et COVEA CAUTION, ont apporté à la société MMA IARD, l'intégralité de leurs actifs moyennant la prise en charge de la totalité de leurs passifs ;
' JUGÉ les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aussi recevables que bien fondées en toutes leurs fins, demandes et prétentions,
' JUGÉ que les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES avaient intérêt à agir.
' JUGÉ les sociétés MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES recevables en leur recours subrogatoire,
À TITRE PRINCIPAL,
INFIRMER LE JUGEMENT RENDU SOUS LE N° RG 2014030016 EN CE QU'IL A :
' ECARTÉ les moyens de la demande des sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES s'appuyant sur les articles 1792 et 1792-4 du Code civil et les a DECLARÉ irrecevables sur ce fondement,
' CONSIDERÉ que le produit fourni par la société UZIN FRANCE ne relevait pas des éléments entrant dans le champ de la garantie des fabricants EPERS des dispositions de l'article 1792-4 du Code civil
ET STATUANT À NOUVEAU,
' CONSIDERER que les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES étaient recevables à invoquer, en cours d'instance, alors qu'il n'avait pas été statué sur leurs demandes, le fondement décennal tiré des dispositions des articles 1792 du Code civil.
' JUGER recevables les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en leur action exercée sur le fondement des dispositions des articles 1792 et 1792-4 du Code civil.
En outre ;
' JUGER que l'action engagée le 20 février 2013 sur le fondement délictuel est interruptive de prescription pour l'action sur le fondement décennal,
' JUGER les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES recevables et non prescrites en leur action exercée sur le fondement de la garantie décennale des dispositions des articles 1792-4 du Code civil,
' JUGER que le produit fourni par la société UZIN FRANCE rentre dans le champ d'application de la garantie de fabricant EPERS,
' JUGER que sont réunies les conditions cumulatives de garantie des fabricants EPERS de l'article 1792-4 du Code civil,
' JUGER que le désordre affectant le carrelage est de nature décennale et n'a pas fait l'objet de réserve à la réception,
En outre,
' ENTÉRINER le rapport d'expertise de Monsieur [Z] du 10 janvier 2012 en ce qu'il a retenu une quote-part de responsabilité à l'encontre de la société UZIN FRANCE à hauteur de 45%,
' JUGER que la société UZIN FRANCE ne s'exonère en rien de la présomption de responsabilité pesant sur elle notamment en considération des rapports Dommages-ouvrage,
En conséquence,
' JUGER que la société UZIN FRANCE doit répondre de ses obligations à hauteur de la quote-part de responsabilité retenue à son encontre de 45 %, sur le fondement de la garantie des fabricants EPERS des dispositions de l'article 1792-4 du Code civil et la CONDAMNER avec son assureur la société XL INSURANCE, au remboursement de la société MMA IARD.
À TITRE SUBSIDIAIRE,
CONFIRMER LE JUGEMENT RENDU SOUS LE N° RG 2014030016 EN CE QU'IL A :
' JUGÉ non prescrite l'action exercée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES sur le fondement délictuel (1382/1240 du Code civil), compte tenu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 et qu'il les a DÉCLARÉES recevables en leur action,
INFIRMER LE JUGEMENT RENDU SOUS LE N° RG 2014030016 EN CE QU'IL A :
' RETENU la cause exonératoire de responsabilité tirée de l'acceptation des risques par le maître d'ouvrage,
' ECARTÉ toute responsabilité imputable à la société UZIN FRANCE,
' DEBOUTÉ les demanderesses en leur action exercée sur le fondement délictuel des dispositions des articles 1382/1240 du Code civil à l'encontre des sociétés UZIN FRANCE et XL INSURANCE.
ET STATUANT À NOUVEAU,
' ENTÉRINER le rapport d'expertise de Monsieur [Z] du 10 janvier 2012 en ce qu'il a retenu une quote-part de responsabilité à l'encontre de la société UZIN FRANCE à hauteur de 45%,
' JUGER qu'est caractérisée la faute commise par la société UZIN FRANCE en lien direct avec le dommage subi par la SNI, eu égard aux rapports Dommagesouvrage ainsi qu'aux pièces produites, ce à hauteur de la quote-part de 45%,
' JUGER qu'il n'est pas fait la preuve de la compétence du maître d'ouvrage et de l'existence d'un acte positif conscient et délibéré,
' JUGER qu'aucun comportement fautif ne saurait ce faisant lui être imputé au titre de l'acceptation des risques exonératoires de responsabilité,
En conséquence
' JUGER que la société UZIN FRANCE, compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, a commis une faute et ne s'exonère en rien de sa responsabilité délictuelle pesant sur elle au sens de l'article 1382 (article 1240 depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) du Code civil et devra répondre à hauteur de la quotepart de responsabilité retenue à son encontre à hauteur de 45 %.
' CONDAMNER la société UZIN FRANCE avec son assureur la société XL INSURANCE, au remboursement de la société MMA IARD,
A tout le moins,
' JUGER que même si devait être caractérisée une prétendue acceptation des risques par le maître d'ouvrage, celle-ci ne saurait exonérer totalement la société
UZIN FRANCE de sa responsabilité dont la quote-part d'imputabilité à hauteur de 45% est amplement justifiée.
' DÉBOUTER la société XL INSURANCE de sa demande de mise en cause de l'assureur Dommages-ouvrage.
À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
INFIRMER LE JUGEMENT RENDU SOUS LE N° RG 2014030016 EN CE QU'IL A :
' ECARTÉ la qualification de sous-traitance au titre de la prestation de la société UZIN FRANCE,
ET STATUANT À NOUVEAU,
' JUGER que le contrat liant les sociétés REHABY-BREZILLON et UZIN FRANCE devra être qualifié de contrat d'entreprise, donnant à cette dernière la qualité de sous-traitant,
' JUGER que l'action exercée à l'encontre de la société UZIN FRANCE, en qualité de sous-traitant est non prescrite en considération des dispositions de l'article 1792-4-2 du Code civil,
En outre,
' JUGER que l'existence des malfaçons affectant le carrelage présument la faute du professionnel sous-traitant.
En conséquence
' JUGER que la société UZIN FRANCE, en qualité de sous-traitant a commis une faute et ne s'exonère en rien de sa responsabilité délictuelle pesant sur elle au sens de l'article 1382 (article 1240 depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) du Code civil et devra répondre à hauteur de la quote-part de responsabilité retenue à son encontre à hauteur de 45 %.
' CONDAMNER la société UZIN FRANCE avec son assureur la société XL INSURANCE, au remboursement des sociétés MMA IARD et MMA IARD
ASSURANCES MUTUELLES.
Y faisant droit,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, SUR LE QUANTUM DES RÉCLAMATIONS,
' JUGER que l'assureur Dommages-ouvrage a pris en charge au titre de la police Dommages Ouvrage n° 115527010 la somme de 261 401,03 euros T.T.C. qui se décompose comme suit :
' Le montant de 194 517, 78 euros T.T.C. suivant accord d'indemnité du 20 juin 2012 correspondant :
o aux travaux de réparation avec actualisation d'un montant de 170 091,49 euros T.T.C. ;
o au règlement du coordonnateur SPI d'un montant de 4252,29 euros T.T.C. ;
o à la perte de loyer d'un montant de 20 174,00 euros T.T.C.
' Le montant de 66 883,25 euros T.T.C. au titre des frais d'investigations et maitrise d'oeuvre :
o 55 325,92 euros T.T.C. au titre des frais d'investigations ;
o 6335,08 euros T.T.C. au titre des honoraires de l'économiste ;
o 5222,25 euros T.T.C. au titre des frais de maitrise d'oeuvre.
' JUGER que la société MMA IARD, qui a repris l'intégralité des actifs de la société COVEA RISKS, est conformément aux dispositions des articles L. 121.12 et L. 124.3 du Code des assurances, subrogée dans les droits de la SNI et recevable et bien fondée en son recours.
En conséquence,
' CONDAMNER in solidum la société UZIN FRANCE ainsi que la société XL INSURANCE à rembourser à la société MMA IARD (qui a repris l'intégralité des actifs de la société COVEA RISKS) sur le fondement des articles L. 242-1 ,L. 121-12 et L. 124-3 du code des assurances et, à titre principal, des articles 1792 et 1792-4 du Code civil et, à titre subsidiaire, de l'article 1382/1240 du Code civil, à rembourser la somme qu'elle a été amenée à verser à la SNI au titre de la police Dommages-ouvrage et ce à hauteur de la quote-part de 45% retenue à l'encontre de la société UZIN FRANCE, d'un montant de 87 533,01 euros T.T.C., tant en principal qu'intérêts et frais, avec capitalisation de ces intérêts à compter de la date effective du règlement et à tout le moins de la date de délivrance de l'exploit introductif d'instance,
' CONDAMNER in solidum la société UZIN FRANCE ainsi que la société XL INSURANCE à rembourser à la société MMA IARD (qui a repris l'intégralité des actifs de la société COVEA RISKS) sur le fondement des articles L 242-1 ,L.121-12 et L.124-3 du code des assurances et des articles 1792 et 1792-4 du Code civil et, à titre subsidiaire, de l'article 1382/1240 du Code civil, à rembourser la somme qu'elle a été amenée à supporter au titre des dépenses engagées et utiles à la réparation des dommages au titre de la police Dommages-ouvrage, et ce à hauteur de la quote-part de 45% retenue à l'encontre de la société UZIN FRANCE, soit la somme de 30 097,46 T.T.C tant en principal qu'intérêts et frais, avec capitalisation de ces intérêts à compter de la date effective du règlement et à tout le moins de la date de délivrance de l'exploit introductif d'instance,
' CONDAMNER les sociétés UZIN FRANCE et XL INSURANCE au paiement de la somme de 10 000,00 euros aux sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ceux compris les frais d'huissier et honoraires d'avocat lesquels pourront directement être recouvrés par Maître Jean-Didier MEYNARD, Avocat, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 décembre 2020, la société UZIN demande à la cour de :
Vu les articles 16, 30, 32 et 122 du code de procédure civile ;
Vu l'article 9 du code de procédure civile ;
Vu les articles 1353 (1315), 1240 (1382) et 1103 (1134) du code civil ;
Vu les articles 1309 et 1310 du code civil ;
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances ;
A titre principal :
- Confirmer intégralement le jugement du tribunal de commerce du 14 février 2020
- Débouter les appelantes de leurs demandes, fins et conclusions
- Y ajoutant : condamner les MMA à verser à Uzin la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel
A titre subsidiaire : dans l'hypothèse où la Cour réforme le premier jugement
- Limiter le montant de toute condamnation éventuelle à la somme de 87.533 euros
- Condamner la compagnie XL à garantir Uzin de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge
En toutes hypothèses :
- Condamner toutes parties perdantes à verser à Uzin la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner toutes parties perdantes aux dépens.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 2021, XL INSURANCE demande à la cour de :
Vu les articles 6, 9, 12, 15, 16, et 122 du code de procédure civile
Vu les articles L 112-6, L 113-1, L 121-1 al. 2 et L 121-12 du code des assurances
Vu les articles 1103, 1240, 1241, 1346 et suivants, 1353, et les articles 1787 et 1792-4 du code civil
A TITRE PRINCIPAL :
Confirmer le jugement dont appel
Dire irrecevables les demandes des sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
EN TOUT ETAT DE CAUSE ET STATUANT A NOUVEAU :
Dire que le sinistre trouve ses causes dans la défaillance de l'assureur dommage ouvrage COVEA RISKS faute d'avoir satisfait à son obligation de prévention, et dans l'imposition volontaire et consciente par le maitre de l'ouvrage, la société SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE, de la mise en oeuvre d'un procédé technique refusé par le contrôleur technique BUREAU VERITAS
Débouter les sociétés MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et UZIN FRANCE de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre la société XL INSURANCE COMPANY SE
Dire le cas échéant que le préjudice indemnisable de la société SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE ne saurait excéder la somme de 29.178 €
Dire que la franchise opposable aux tiers et à la société UZIN FRANCE est d'un montant de 50.000 €
Condamner in solidum les sociétés MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et UZIN FRANCE à verser la somme de 7.500 € à la société XL INSURANCE COMPANY SE au titre de l'article 700 du CPC
Condamner in solidum les sociétés MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et UZIN FRANCE aux entiers dépens de l'instance avec application de l'article 699 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 21 mars 2023, mise en délibéré au 20 septembre 2023, délibéré prorogé au 13 décembre 2023.
MOTIVATION
À titre liminaire il convient de préciser qu'au regard de la date des travaux et devis (Courant 2004 et 2005 pour une réception intervenue le 9 septembre 2005), il sera fait application des dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
En application de l'article L. 242-1 du code des assurances :
« Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.
Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours.
Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal.
Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l'importance du sinistre, l'assureur peut, en même temps qu'il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l'assuré la fixation d'un délai supplémentaire pour l'établissement de son offre d'indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d'ordre technique et être motivée.
Le délai supplémentaire prévu à l'alinéa qui précède est subordonné à l'acceptation expresse de l'assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours.
L'assurance mentionnée au premier alinéa du présent article prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque:
Avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations;
Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations. »
La recevabilité de principe du recours de l'assureur dommages-ouvrage n'est pas contestée en l'espèce.
La recevabilité de l'action fondée sur l'article 1792-4 du code civil :
Le jugement intimé a retenu l'intérêt à agir des sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD en raison de la transmission universelle du patrimoine de COVEA RISKS comprenant le portefeuille d'assurance dans sa totalité, ce point n'est plus contesté en appel.
Il a, par ailleurs, écarté l'ensemble des moyens non présentés initialement dans l'assignation devant le tribunal de grande instance de Paris en date du 20 février 2013, et notamment le moyen fondé sur les articles 1792 et suivants du code civil.
En tout état de cause, le tribunal de commerce a écarté la qualification d'EPERS pour les produits fournis par la société UZIN France, ainsi que celle de soustraitant de la société QUALITECH BAT la concernant.
Les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD sollicitent l'infirmation du jugement en faisant valoir :
Sur la prescription, elles estiment que le tribunal de commerce a fait une application erronée du principe de concentration des moyens dès lors que l'ensemble des moyens doivent être présentés non lors de l'introduction de l'instance mais avant qu'il soit statué sur les demandes, ce qui aurait été le cas en l'espèce, les conclusions du 9 mai 2017 étant antérieures au jugement déféré, et l'assignation du 20 février 2013 étant intervenue avant l'expiration du délai décennal, le 9 septembre 2015.
Sur la qualification d'EPERS, les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD affirment qu'elle doit être retenue s'agissant des produits fabriqués par la société UZIN France dès lors que la société a été contactée pour la fourniture d'un système précis et la mise en oeuvre d'un carrelage sur résilient acoustique avec la présence d'un chauffage au sol à haute température ; qu'elle a mis en place un logement témoin pour tester son procédé ; qu'au total trois protocoles seront proposés par la société UZIN France pour répondre aux contraintes du chantier ; et que le produit fourni porte son nom (UZIN France FLEXFUGE).
La société UZIN France fait valoir :
Sur la prescription de l'action sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil : Elle affirme qu'en ne se prévalant de l'application de ces dispositions qu'à l'occasion de leurs conclusions au fond en date du 9 mai 2017, et alors que la réception était intervenue le 9 septembre 2005, les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD se trouvaient prescrites. La société UZIN France affirme qu'il n'est pas possible pour un demandeur de soulever, après l'expiration de la garantie décennale, ce moyen, sur une action déjà engagée sur un autre fondement.
Sur la qualification d'EPERS, la société UZIN France conteste que les produits fournis par elle (sous-couche iso phonique, mortier et colle) puissent être qualifiés d'EPERS dès lors qu'il s'agit de produits de sa gamme, habituellement commercialisés, sans aucune modification pour répondre à des besoins spécifiques au chantier. S'agissant des préconisations de pose faites par elle, la société UZIN France affirme qu'il s'agissait de préconisation générales et du respect de son devoir de conseil ne pouvant conduite à retenir la qualification d'EPERS.
La société XL Insurance conclut dans le même sens que la société UZIN France s'agissant de la prescription de l'action sur le fondement de m'article 1792-4 du code civil, et demande la confirmation du jugement sur ce point.
A titre subsidiaire, elle indique que les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD échouent à démontrer l'existence d'une faute de la société UZIN France, ainsi que le lien de causalité éventuel avec le préjudice subi par la SNI. Leurs demandes doivent donc être rejetées.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, parfaitement informées du refus du complexe UZIN par el contrôleur technique, il appartenait aux sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD de faire procéder à une « supervision technique » en application de leur propre obligation de prévention. En s'en abstenant, elles sont seules responsables de la survenance du dommage.
La prescription décennale
Il ressort de l'article 2270 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce que « Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. »
En outre, il incombe au demandeur, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Ce qui importe en ce domaine étant le moment où le juge statue et non le temps de l'introduction de l'instance.
En l'espèce, la réception est intervenue le 9 septembre 2005, de sorte que le délai décennal expirait le 9 septembre 2015. Les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD ont assigné les défendeurs le 20 février 2013, ont exposé l'intégralité de leurs moyens dans leurs conclusions du 9 mai 2017, alors que la décision a été rendue le 14 février 2020. En conséquence, l'action intentée initialement sur le fondement de l'article 1382 du code civil a valablement interrompu la prescription dès lors que les deux fondements invoqués (article 1382 et 1792 du code civil) tendent au même but : la condamnation de la société UZIN France etd e son assureur au remboursement des sommes préfinancées par les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD ; et dès lors que l'ensemble de leurs moyens ont été développés avant qu'il ne soit statué sur leur demande.
Ainsi, le jugement les ayant déclarés irrecevables s'agissant des moyens fondés sur les articles 1792 et suivants du code civil sera infirmé.
La notion d'EPERS
L'article 1792-4 du code civil dispose que « le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré ».
Est assimilé au fabricant en vertu de l'alinéa 2 du même texte :
- Celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger
- Celui qui l'a présenté comme son oeuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque de fabrique ou tout autre signe distinctif.
Pour être qualifié d'EPERS, l'élément litigieux doit avoir fait l'objet d'une fabrication spécifique pour les besoins précis des locaux ou du chantier.
C'est au demandeur, maître d'ouvrage ou tiers subrogé dans ses droits, qu'il appartient de démontrer que les conditions de mise en oeuvre de l'article 1792-4 du code civil sont réunies, à défaut sa demande sera rejetée. Ces conditions sont impératives et cumulatives. La mise en oeuvre de la responsabilité du fabricant d'EPERS suppose une réception et un désordre présentant les caractères de gravité décennale.
Le texte ne trouve pas à s'appliquer toutes les fois où il apparaît que l'élément fabriqué n'est ni un ouvrage, ni une partie d'ouvrage, ni un élément d'équipement mais constitue un matériau indifférencié.
Il n'est pas contesté que les désordres présentent une gravité décennale et que la réception a eu lieu le 9 septembre 2005, lesdits désordres étant postérieurs à cette date.
En l'espèce, la question de la qualification d'EPERS se pose s'agissant de sous-couches iso phoniques destinées à être placées entre le carrelage de pièces humides (sanitaires et cuisine) et les planchers chauffants à haute température (jusqu'à 35°). Le produit fourni est dénommé UZIN France FLEXFUGE.
Il ressort des éléments du dossier que si la société UZIN France est intervenue pour une commande précise, les produits fournis par elle n'ont, à aucun moment, été spécifiquement conçus et fabriqués pour le chantier de la cause. Il s'agit de produits régulièrement proposés par l'intimé à ses clients, sans aucune adaptation ni modification à ce qui est habituellement fourni. S'agissant des préconisations de pose faite par la société UZIN France, elles relevaient de préconisations générales classiquement faites pour le type de produit offert et ont simplement été précisées, à l'occasion de réunions de chantier, sans que lesdits produits ne soient modifiés ou adaptés.
En conséquence, le complexe proposé par la société UZIN France ne constituait ni un ouvrage, ni une partie d'ouvrage, ni un élément d'équipement. La qualification d'EPERS ne peut être retenue et les demandes des sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil seront donc rejetées. Le jugement sera confirmé sur ce point.
II. La recevabilité de l'action fondée sur l'article 1382 du code civil à l'encontre de la société UZIN en qualité de sous-traitant
Le jugement a déclaré non-prescrite l'action des sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD sur le fondement de l'article 1382 du code civil en application des dispositions transitoires de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. Ce point n'est pas contesté en cause d'appel.
Sans répondre sur la qualité de sous-traitant, le tribunal de commerce a débouté les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD de leurs demandes sur le fondement de l'article 1382 du code civil en considérant que la société UZIN France, jamais avisée de la position de refus de son complexe par le bureau de contrôle VERITAS, refus sur lequel le maître d'ouvrage a décidé de passer outre, circonstances de nature à l'exonérer de toute responsabilité en raison d'une acceptation des risques.
Les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD font valoir que la société UZIN France a agi en qualité de sous-traitant de la société QUALITECH BAT en mettant en place un logement témoin, en établissant diverses préconisations pour répondre aux exigences précises du chantier et en fournissant un produit adapté à la particularité de la commande et aux contraintes techniques. Cette position de sous-traitant autorise les appelantes à agir à l'encontre de l'intimé, pour exercer leur recours subrogatoire, sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD rappellent que le rapport de l'expertise dommages-ouvrage retient une responsabilité de la société UZIN France à hauteur de 45% pour avoir établi une préconisation inadaptée et avoir proposé de mettre en oeuvre des produits ne permettant pas une pose régulière et pérenne du carrelage.
S'agissant de l'opposabilité et de la force probante de l'expertise dommages-ouvrage, les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD indiquent qu'il est communément admis, sur le fondement de l'article A243-1 du code des assurances, que ces expertises sont opposables à tous les intervenants à l'opération de construction et à leurs assureurs dès lors qu'ils ont été consultés pour avis par l'expert et ont été informés du déroulement des différentes phases du constat des dommages et du règlement des indemnités, ce qui a été le cas en l'espèce. Sur l'indépendance de l'expert, elles précisent qu'il appartenait à la société UZIN France de solliciter la récusation de l'expert, ce qui n'a jamais été fait.
Les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD contestent toute acceptation des risques de la part du maître d'ouvrage de nature à exonérer la société UZIN France de sa responsabilité.
La société UZIN France conteste avoir eu la qualité de sous-traitant de la société QUALITECH BAT dès lors qu'elle n'a procédé à aucun travail en substitution d'un locateur d'ouvrage sur le chantier en cause. Dans ces conditions, les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD ne pouvaient agir sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Elle affirme que la relation l'ayant liée au maître d'ouvrage est un contrat de vente, et que l'action ne pouvait avoir qu'un fondement contractuel.
Par ailleurs, la société UZIN France conteste la possibilité pour le juge de se fonder exclusivement sur une expertise amiable, non judiciaire, comme l'est l'expertise dommages-ouvrage produite. Elle conteste, en outre, la valeur probante du rapport faute d'indépendance de l'expert dès lors que le cabinet CPE est intervenu à un double titre : en tant qu'expert Dommage Ouvrage désigné par la société Covea Risks, au titre d'une police bénéficiant au maître de l'ouvrage, et en tant qu'expert désigné toujours par Covea Risks, cette fois-ci en qualité d'assureur de l'entreprise générale Brézillon au titre de sa police RC.
Enfin, la société UZIN France affirme que dès lors que le maître d'ouvrage a souhaité passer outre le refus du bureau de contrôle, il a accepté les risques connus de lui, sans que la société UZIN France n'ait jamais été avisé, qui s'en trouve donc exonérée de toute responsabilité.
La société XL Insurance argue que les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD ne démontrent pas la faute qu'elles allèguent à l'égard de leur assurée, ni le lien de causalité avec le préjudice subi, justifiant dès lors que l'ensemble de leurs demandes soit rejeté.
Réponse de la cour :
La sous-traitance, telle que définie par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité et sous sa responsabilité à une autre personne, appelée sous-traitant, tout ou partie d'un contrat d'entreprise conclu avec le maître de l'ouvrage. La sous-traitance suppose donc que les deux prestations soient des contrats de louage d'ouvrage.
Un contrat de louage d'ouvrage ou contrat d'entreprise se distingue du contrat de vente par la spécificité du travail destiné à un chantier déterminé en vertu d'indications particulières rendant impossible la substitution au produit commandé d'un autre équivalent.
En l'espèce, il a déjà été indiqué que les produits fournis par la société UZIN étaient des produits issus de ses catalogues ; qu'aucune adaptation ni aucun changement n'ont été faits de nature à modifier le produit habituellement commercialisé afin que celui-ci réponde aux besoins spécifiques du chantier. Si la société UZIN a fait des recommandations de pose, elles relèvent de sa seule obligation de conseil et n'ont pas, elles non plus, été différentes de ce qui auraient été fait pour un autre chantier.
En conséquence, le contrat ayant lié la société UZIN à la société BATI TECH est un contrat de vente et non d'entreprise, qualification excluant que puisse être retenue la qualité de sous-traitant pour la société UZIN.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions des sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD sur le fondement de l'existence d'un contrat de sous-traitance, sans qu'il soit nécessaire d'analyser les autres moyens soulevés en défense par les intimés.
Sur les autres demandes
Il ressort du sens de l'arrêt que le jugement de première instance doit être confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD succombant en cause d'appel seront condamnées aux entiers dépens d'appel. Enfin, il n'apparaît pas inéquitable de les condamner au versement d'une somme de 8 000 euros à la société UZIN France et 5 000 euros à la société XL Insurance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement rendu le 14 février 2020 par le tribunal de commerce de Paris dans l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes des sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevables les demandes des sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ;
DÉBOUTE les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD des demandes formées au titre de l'article 1792-4 du code civil ;
CONDAMNE les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD aux entiers dépens d'appel ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD à payer à la société UZIN France la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD à payer à la société XL Insurance la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.