Livv
Décisions

CA Agen, ch. civ., 11 septembre 2024, n° 23/00605

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse Régionale de Crédit Agricole (CRCAM) Nord Midi-Pyrénées

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauclair

Conseillers :

M. Benon, M. Segonnes

Avocats :

Me Tabart, Me Mazars, Me Belou, Me Mas Heinrich

TJ Cahors, du 9 juin 2023, n° 23/00036

9 juin 2023

FAITS

[H] [T] et [E] [X], son épouse, respectivement agriculteur et éleveur, exploitaient deux entreprises agricoles distinctes :

- lui depuis 1987 avec sa famille 139 ha en céréales et élevage en GAEC 'les tuileries', à [Localité 5] dissous en 2005,

- elle, depuis son re-mariage en 1998, un élevage porcin au même endroit.

[D] [T] avait mis à la disposition du GAEC : 63 ha de bâtiments et terres acquis par lui en 1995 à [Localité 9], 1 080 000 francs / 164 645 euros pour l'acquisition desquels :

- il avait emprunté 450 000 francs / 91 397,94 euros, hypothécaires, sur 15 ans, à la Banque Populaire Occitane.

- il bénéficiait d'un crédit vendeur de 600 000 francs / 121.863,81 euros, sur 6 ans, soldé en 2001.

En 2000, les époux avaient acquis le fonds d'une valeur de 450 000 francs / 68 602,06 euros à [Localité 5] comprenant une maison d'habitation et la porcherie par le prêt de 800 000 francs à l'acte en trois emprunts auprès du Crédit Agricole :

* n° 71909409014 de 350 000 francs / 53 357,16 euros garanti par privilège du prêteur de deniers à hauteur de 200 000 francs et hypothèque pour le surplus,

* n° 71907336011 de 250 000 francs / 38 112,50 euros garanti par privilège du prêteur de deniers,

* n° 71912232011 de 200 000 francs / 30 489,80 euros garanti par hypothèque.

En 2001, le Crédit Agricole avait consenti au GAEC un prêt de trésorerie de 500 000 francs / 76 108,48 euros sur 12 ans.

Suivant actes notariés du 21 août 2003 avec le Crédit Agricole, [D] [T] s'est porté caution solidaire et hypothécaire des deux prêts de restructuration consentis à l'épouse :

* n° 50014780750 de 38 000 euros pour l'activité,

* n° 50014798381/50015782680 de 36 500 euros pour la trésorerie.

La même année, les époux ont encore emprunté 52 000 euros de trésorerie pour financer le rachat par l'ex-conjointe de sa part d'indivision de son premier mariage.

En 2004, le Crédit Agricole :

* a consenti aux époux une ouverture de crédit hypothécaire de 38 100 euros,

* à [D] [T] pour le GAEC familial un emprunt cautionné 'calamité agricole' de 14 475 euros au taux de 1,50 % sur 7 ans.

L'élevage de [E] [X] a été placé en règlement judiciaire amiable en 2004, la convention de règlement amiable de 2005 ayant intégré une aide à la cessation d'activité d'éleveur porcin de 58 800 euros. Le GAEC a fait l'objet d'une liquidation judiciaire amiable en 2005. Le bien immobilier 'les tuileries' a été revendu 120 000 euros le 20 juin 2008 dont le prix n'a pas été versé au Crédit Agricole en raison de l'échec de la procédure amiable mais ultérieurement au mandataire judiciaire à la liquidation de Mme [I] [X].

Le 3 juin 2008, le Crédit Agricole a doublement mis en demeure [D] [T] de payer :

- 107 475,06 euros aux titres :

* du découvert du compte de dépôt,

* d'un prêt de 12 000 euros de 2004,

* des prêts d'activité et de trésorerie de 2000,

* des deux prêts cautionnés en 2003 pour 25 383,37 euros à son épouse.

Le tribunal de grande instance de Cahors a prononcé la liquidation de l'entreprise de Mme [I] [X] le 18 novembre 2008. Le Crédit Agricole a déclaré une créance de 249 704,31 euros. Par ordonnance du 21 septembre 2010, le juge commissaire a admis à titre définitif la créance non contestée chirographaire de 13 424 euros de frais de procédures.

Suivant arrêt du 18 décembre 2013 confirmatif du jugement du tribunal de Cahors du 21 septembre 2012, cette cour n'a admis les créances du Crédit Agricole de 236 280,31 euros à titre hypothécaire qu'à hauteur de 60 974,87 euros au titre du solde débiteur du compte courant de Mme [I] [X] avec les intérêts et de 8 585,88 euros au titre du prêt 'calamité' avec les intérêts ; [D] [T], en qualité de caution, y a été condamné par le tribunal puis la cour. En 2015, la procédure a été clôturée par jugement du 30 avril en l'état d'un passif global de 383 021,83 euros, pour insuffisance d'actif.

En 2016 :

- le 3 juin, le Crédit Agricole a fait saisir les biens de [Localité 9] et [Localité 5] délivrer commandement immobilier à [D] [T] de payer les montants, en vertu de l'arrêt du 18 décembre 2013, de :

* 110 367,24 euros en principal et intérêts et frais et, en vertu du cautionnement solidaire à l'acte du 21 août 2003, de 141 990,39 euros, soit la somme de 252 357,63 euros,

et par jugements des 9 décembre 2016, 18 mai 2018, 12 avril 2019 et 27 janvier 2020, le juge de l'exécution a ordonné la suspension des poursuites compte tenu de l'appel par [D] [T] de la décision du juge commissaire sur ses contestations de créances,

- le 28 août, [D] [T] a fait ouvrir une procédure de redressement judiciaire au tribunal judiciaire de Cahors et le Crédit Agricole a déclaré ses créances :

* 95 285,74 euros de compte courant débiteur,

* 9 615,53 euros de prêt calamité, 8 821,12 euros de prêt n°'9014,

* 71 272,10 euros de prêt n°'3881/2680,

* 74 851,56 euros de prêt n°'0750,

* 12 691,52 euros de frais de procédure,

et le 12 décembre 2017, le tribunal a homologué le plan de redressement portant sur un passif à apurer de 156 729,98 euros en continuation durant 12 ans.

Suivant ordonnance du 20 novembre 2018, le juge commissaire a fixé lesdites créances à :

* 12 691,52 euros privilégiés s'agissant des frais de justice et garantis par hypothèque judiciaire,

* 5 555,99 euros chirographaires du prêt n°'9014,

* 44 084,45 euros hypothécaires du prêt n°'8381/2680 outre intérêts,

* 47 895,43 euros hypothécaires du prêt n°'0750 outre intérêts.

Sur appel par [D] [T] de l'ordonnance du juge commissaire de l'admission de 5 555,99 euros chirographaires du prêt n°'9014, 44 084,45 euros hypothécaires du prêt n°'8381/2680 outre intérêts et 47 895,43 euros hypothécaires du prêt n°'0750, la cour, par arrêt du 1er juillet 2020 a, en confirmant l'admission de la créance de 12 691,52 euros de frais :

- renvoyé les parties devant le tribunal concernant les admissions à hauteur de : 5 555,99 euros chirographaires pour le prêt n°'9014, 44 084,45 euros hypothécaires pour le prêt n°'8381/2680 et 47 895,43 euros hypothécaires pour le prêt n°'0750.

Suivant acte d'huissier délivré le 17 juillet 2020, [D] [T] a fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées devant le tribunal judiciaire de Cahors, sur le fondement des articles L 624-2 et R 624-1 du code de commerce et L 341-1 du code de la consommation, pour :

sur la recevabilité : rejeter les créances à son passif en constatant la prescription des déclarations de ses créances à son redressement judiciaire qui n'y ont pas été admises,

au fond :

sur la créance déclarée au titre du prêt n°'9014, l'admettre à 5 555,99 euros à titre chirographaire,

sur la créance déclarée au titre du prêt n°'0750, la rejeter, le bien affecté en garantie par lui en qualité de caution hypothécaire étant vendu, sauf à dire que le cautionnement est disproportionné,

sur la créance déclarée au titre du prêt n°'8381/2680, l'admettre à 37 927,29 euros en principal et 39 636,80 euros au taux d'intérêt légal, sauf le cautionnement disproportionné et le taux contractuel étant variable.

Par jugement réputé contradictoire, la SELARL [R], commissaire à l'exécution du plan d'[H] [T] étant défaillante, du 9 juin 2023, le tribunal a :

- sur la créance déclarée de 8 821,12 euros au titre du prêt initial n°'9014 de 53 357,16 euros :

jugé que l'action de la CRCAM à l'égard d'[D] [T] n'est pas prescrite et l'a fixée à 5 555,99 euros au titre chirographaire,

- sur la créance déclarée au titre du prêt n°'8381/2680 et du prêt n°'0750 :

jugé que l'action de la CRCAM n'est pas prescrite,

jugé que la CRCAM est déchue de son droit aux intérêts et le montant est de 37 927,29 euros hypothécaires pour le prêt n°'8381/2680 et de 39 630,80 euros chirographaires pour le prêt n° '0750,

toutefois jugé que la CRCAM ne peut se prévaloir du cautionnement d'[D] [T] souscrit à l'acte du 21 août 2003 pour les prêts de 38 000 euros n°'0750 et 36 500 euros n°'8381/2680,

en conséquence, débouté la CRCAM de ses demandes de fixation de créances à ces titres de prêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PROCÉDURE

Suivant déclaration au greffe le 7 juillet 2023, la CRCAM Nord Midi Pyrénées a fait appel de ce que le tribunal a jugé que : la CRCAM ne peut se prévaloir du cautionnement d'[D] [T] souscrit à l'acte du 21 août 2003 pour les prêts de 38 000 euros et 36 500 euros, en conséquence, débouté la CRCAM de ses demandes de fixation de créances à ces titres de prêts, - débouté les parties du surplus de leurs demandes, - ordonné l'exécution provisoire, - dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective, - dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.' ; elle a intimé [D] [T] et la SCP [R] mandataire judiciaire.

Selon dernières conclusions visées au greffe le 27 mars 2024, Me [K] pour la CRCAM conclut, en infirmant le jugement dans les limites de l'appel et jugeant à nouveau, demande de :

- débouter [D] [T] de ses demandes visant à déclarer ses engagements de caution dans l'acte du 21 août 2023 pour les prêts n°'0750 et n°'8381/2680, consenti à [E] [X] ép. [T], souscrits pour l'activité professionnelle,

- le débouter de toutes ses demandes,

- fixer ses propres créances à 37 927,29 euros au prêt n°'8381/2680, hypothécaires et 39 626,80 au prêt n°'0750, hypothécaires,

- juger en toute hypothèse que la CRCAM est en droit d'obtenir le règlement des sommes dues par la vente des parcelles cadastrées section [Cadastre 6] à [Cadastre 3] à [Localité 5], si ces dernières sont encore en possession d'[D] [T] au jour de la vente,

- débouter [D] [T] de son appel incident visant à déclarer prescrites ses propres actions et rejeter ses demandes en fixation de sa créance,

- confirmer pour le surplus le jugement,

- débouter [D] [T] de ses plus amples demandes et contestations,

- passer les dépens en frais privilégiés de procédure collective.

L'appelante expose que l'absence d'admission de sa créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de Mme [I] [X] est sans incidence, tant sur sa possibilité de déclarer cette créance dans le cadre de la procédure collective d'[D] [T], que sur le cours de la prescription de la dette de cette caution. Elle rappelle qu'elle a également fait délivrer commandement de payer le 11 mars 2016 au titre des deux prêts n°'8381/2680 et n°'0750 et que la procédure de saisie immobilière suit son cours.

Elle fait valoir :

* sur la créance du prêt n°'9014, que Mme [I] [X] a prévenu le notaire vendeur, le 20 juin 2008 de son intention de déposer son bilan au tribunal de grande instance, raison pour laquelle l'officier public a consigné le prix qu'il n'a adressé qu'au mandataire judiciaire à la date du jugement de liquidation le 18 novembre de la même année ; [D] [T] avait été mis en demeure le 3 juin 2008 vainement et la date du 31 juillet 2015 est le terme de ses engagements sans aucun paiement, qui rend inutile toute déchéance. La déclaration de créance interrompt la prescription contre le codébiteur et la caution jusqu'à la clôture de la procédure collective le 30 avril 2015, soit un délai pour agir jusqu'au 30 avril 2017 en cas d'application du code de la consommation alors qu'elle a déclaré dans le présent contentieux, le 28 novembre 2016, le montant de la somme incontesté ;

* sur la créance des prêts n°'8381/2680 et n°'0750, que l'engagement d'[D] [T] est mixte ; il avait été mis en demeure le 3 juin 2008 vainement et la date du 21 août 2015 est le terme de ses engagements sans aucun paiement, qui rend inutile toute déchéance. La déclaration de créance interrompt la prescription contre le codébiteur et la caution jusqu'à la clôture de la procédure collective le 30 avril 2015, soit un délai pour agir jusqu'au 30 avril 2017 en cas d'application du code de la consommation et en 2020 au plus tard alors qu'elle a déclaré dans le présent contentieux, le 28 novembre 2016, le montant de la somme incontesté. A titre solidaire, il est en tout état de cause redevable des sommes qu'il a reconnues ; à titre hypothécaire, le cautionnement n'est pas soumis aux dispositions du code de la consommation protectrices de l'acquéreur. Le seul fait que l'engagement de caution est supérieur au patrimoine déclaré ne suffit pas à justifier le caractère manifeste de la disproportion mais nécessite de prouver que la caution se trouve quand elle souscrit au contrat d'ores et déjà dans l'impossibilité de faire face à la hauteur de son engagement sans tenir compte de ses engagements ultérieurs et si elle est revenue à meilleure fortune au jour qu'elle est appelée, elle devra s'exécuter. En l'espèce le différentiel de l'actif avec le passif du patrimoine de - 40 000 euros ne caractérise pas une disproportion manifeste du cautionnement par [D] [T] compte tenu de l'ampleur en 2003 de son patrimoine immobilier à [Localité 5] et aussi à [Localité 9] soit 306 422 euros, de son patrimoine mobilier de 109 293 euros outre que les revenus des époux étaient de 13 821 euros et 36 220 euros respectifs en 2003 et sont de 100 082 euros annuels au jour de l'action en paiement.

Selon conclusions visées au greffe le 29 décembre 2023, Me [F] pour [D] [T] demande de :

- principalement, infirmer le jugement et statuant à nouveau, de :

déclarer prescrites les créances de la CRCAM déclarées à son redressement judiciaire,

débouter la CRCAM de sa demande de fixation de créance à son passif pour 5 555,99 euros chirographaires pour le prêt n°'9014, 37 927,29 euros pour le prêt n°'8381/2680 et 39 636,80 euros pour le prêt n°'0750,

- subsidiairement, en confirmant le jugement en ce que le tribunal a fixé la créance à son passif à 5 555,99 euros chirographaires pour le prêt n° 9014 et jugé que la CRCAM ne peut se prévaloir du cautionnement en raison de son caractère disproportionné par rapport à ses capacités financières en application de l'article L 341-1 du code de la consommation, en conséquence, de :

débouter la CRCAM de sa demande de fixation de créance pour 37 927,29 euros du prêt n°'8381/2680 et 39 626,80 du prêt n°'0750,

- en toute hypothèse, de :

condamner la CRCAM à payer 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction suivant l'article 699 dudit code, et aux dépens.

L'intimé expose qu'il a consulté au dossier de la liquidation judiciaire de Mme [I] [X] et l'admission des créances contestées autrefois par elle et aujourd'hui par lui ; les contestations n'ont jamais été tranchées, sauf le solde du compte courant débiteur de Mme [I] [T] pour 60 974,87 euros et ses intérêts et celui du prêt 'calamités' pour 8 582,88 euros et ses intérêts, le juge commissaire ayant considéré qu'une instance était d'ores et déjà en cours concernant les créances de 5 704,31 euros, 43 374,84 euros et 30 445,67 euros relatives aux prêts notariés ; le Crédit Agricole n'a pas fait appel de cette décision datée du 21 septembre 2010, notifiée le 12 octobre suivant et publiée le 19 suivant. En l'absence de toute autre procédure alors en cours, aucune admission n'a eu lieu aux montants réclamés et les créances déclarées le 18 décembre 2008 dans le cadre de la liquidation, clôturée le 30 avril 2015, sont prescrites. Au fond, il ne conteste pas le montant reliquataire de 5 555,99 euros.

Il fait valoir :

* sur l'emprunt n°'9014, que c'est à son insu que les règlements du notaire au mandataire n'ont pas désintéressé le Crédit Agricole alors que les créances hypothécaires auraient pu être réglées dès 2008 ; le mandataire judiciaire a adressé la somme de 107 579,47 euros en 2014 et 2015 pour régler 68 602,30 euros du principal, intérêts et frais des emprunts n°'6011 et n°'2011 au lieu du découvert de Mme [I] [X] de 60 974,87 euros ; si le montant principal de la dette au titre de la créance déclarée de 53 357,16 euros de l'emprunt immobilier n°'9014 n'est plus contestable, la déchéance du terme n'a jamais été prononcée et aucun rejet ni réduction de l'indemnité légale n'a pu être présenté car il n'est produit aucune décision d'admission définitive de cette créance et le juge commissaire s'est dessaisi. Les dispositions protectrices de l'acquéreur au code de la consommation s'appliquent s'agissant de l'acquisition de la maison d'habitation et non d'un prêt d'activité ; en conséquence, la prescription biennale a couru à dater du premier incident de paiement non régularisé et la somme est prescrite.

* sur les emprunts n°'8381/2680 et n°'0750, qu'à titre hypothécaire, le cautionnement n'était assis que sur l'immeuble acquis en 2000 et le Crédit Agricole, qui a perçu toutes les sommes lui revenant sur la vente de cet immeuble vendu en 2008, doit être débouté en cet état ; qu'à titre solidaire, son engagement était disproportionné, ayant déjà contracté un prêt personnel au capital restant dû de 41 951,22 euros, étant déjà caution associé du GAEC familial emprunteur pour 195 498 euros et co-emprunteur d'un prêt tracteur de 13 310 euros et encore co-emprunteur avec son épouse pour 173 959,41 euros, ses revenus modestes étaient de 13 821 euros et son patrimoine doit être évalué à l'aune de l'endettement du GAEC, son passif étant ainsi supérieur à son actif au jour où il a contracté en 2003 ; au jour où il est appelé, il fait l'objet d'une procédure collective, il dégage 8 800 euros de revenu annuel, sa famille vit dans l'ancienne porcherie de 75 m² et en mobil-home.

Le 13 septembre 2023, la CRCAM a fait signifier la déclaration d'appel à personne habilitée à la SELARL [R] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, laquelle n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera réputé contradictoire.

Le 3 janvier 2024, [D] [T] a fait signifier ses conclusions à personne habilitée à la SELARL [R] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le 2 avril 2024, la CRCAM a fait signifier ses conclusions à personne habilitée à la SELARL [R] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de [D] [T].

Le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure par ordonnance du 3 mai 2024.

MOTIFS

1 / Sur la prescription :

Pour écarter la prescription des créances, le tribunal a jugé que l'absence de vérification des créances dans la procédure collective n'a aucun effet sur le cours de la prescription ; une fois les créances déclarées à la procédure de l'épouse, cette seule déclaration emportait l'interruption du délai à l'égard des deux co-débiteurs jusqu'à l'expiration du plan de redressement par jugement de clôture pour insuffisance d'actif. D'autre part, l'instance n'a pas été périmée, le mandataire judiciaire ayant agi aux lieu et place des parties.

L'article L 622-25-1 du code de commerce dispose : "La déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites".

L'article L 218-2 du code de la consommation dispose : "L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans".

C'est avec des motifs que la cour approuve et qu'elle adopte que le tribunal, par une interprétation juste du droit applicable aux faits de la cause, a rejeté l'exception de prescription des créances du Crédit Agricole.

Il convient d'abord de relever qu'[D] [T] ne conteste pas l'indication du Crédit Agricole que la défaillance du règlement des mensualités du prêt immobilier n°'9014 est contemporaine de la déclaration de ses créances ni ne précise à quelle date de plus de deux ans avant la déclaration de créance de décembre 2008, en application de l'article 137-2 ancien du code de la consommation, remonterait alors le dernier incident non régularisé ; un nouveau délai quinquennal de droit commun a recommencé à courir le 1er mai 2015 qui a été interrompu dès l'année suivante, le 3 juin par le commandement immobilier pour les emprunts hypothécaires et le 24 novembre par les déclarations de créances pour ces derniers et les autres, soit dans les deux cas, dans les deux ans de la reprise du cours de la prescription.

Il convient aussi de repréciser que la péremption ne sanctionne les défauts de diligence que des parties qui ne font pas progresser l'instance ; la direction de la procédure a échappé à la débitrice depuis l'ouverture de sa procédure collective jusqu'à sa clôture pour revenir au mandataire judiciaire liquidateur qui a agi en contestation des créances et autres actes. L'instance n'a donc pas pu se périmer.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2 / Sur le cautionnement par [D] [T] :

Pour débouter le Crédit Agricole de son action contre [D] [T], le tribunal a jugé qu'en 2003, son patrimoine immobilier comprenait 164 645 euros et 68 602 euros de terres et de bâtiments à [Localité 9] et [Localité 5], son patrimoine mobilier était de 109 293 euros de la valeur de la moitié des parts du GAEC valorisé à 218 586 euros, soit 342 540 euros ; à son passif, il était redevable de 41 951,22 euros de capital restant dû de l'emprunt immobilier à la Banque Populaire Occitane, il cautionnait les engagements du GAEC : de 73 020,08 euros du prêt Crédit Agricole de trésorerie de 2001 (pour rééquilibrer les comptes courants des frères associés [H] et [Z] [N]), les prêts porcherie et sa rénovation et tracteur agricole, pour 195 498 euros ; outre un autre prêt personnel tracteur de 13 310 euros ; il était de mémoire emprunteur de 121 959,46 euros en 2000 du financement de l'acquisition des immeubles du GAEC sur 15 ans, outre de 52 000 euros en 2003 pour régler la dette d'indivision post communautaire de son épouse d'un premier mariage et racheter la part de son ancien mari, soit au total 382 767 euros ; enfin ses revenus avaient été de 13 821 euros et l'activité, déficitaire de 36 200 euros cumulés, ne semblait bénéficiaire que par les reports des exercices déficitaires antérieurs, avec 6 enfants à charge. Quant à la date présente à laquelle il est appelé, il fait toujours l'objet de la procédure collective de 2016 et tous ses immeubles sont saisis.

L'article L 332-1 du code de la consommation dispose :

'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. "

[D] [T] ne peut pas être considéré comme une caution avertie, s'agissant des engagements souscrits par son épouse, dans la mesure où s'il avait une vision directe sur l'exploitation de la porcherie dans le même lieu que sa propre activité agricole, l'activité d'élevage animal requiert des compétences tout à fait différentes de celles de l'exploitation de la terre.

Il a affecté à la garantie de l'emprunt par son épouse de la somme totale de 74 500 euros, principalement ses biens de l'époque, à savoir sa maison à [Localité 5] évaluée 68 000 euros et sa maison et ses terres à [Localité 9] évalués 164 000 euros et accessoirement, ses revenus déclarés de seulement 1 456 euros en 2002 du GAEC. Le Crédit Agricole ne pouvait pas ignorer que l'achat alors très récent des parcelles à [Localité 9] ne s'était pas fait au comptant et qu'elles étaient d'ores et déjà hypothéquées. Pour les besoins de sa solvabilité, [D] [T] a aussi dû à bref délai de 8 mois plus tard affecter les mêmes biens aux garanties d'une ouverture de crédit hypothécaire de 38 100 euros à la porcherie et de l'emprunt cautionné 'calamité agricole' de 14 475 euros au GAEC. Le Crédit Agricole ne pouvait pas ignorer non plus que les comptes annuels du GAEC n'étaient créditeurs qu'à la faveur des emprunts contractés et non de la valeur de la production agricole vendue ou consommée. Au vu de ces éléments la disproportion visée par le texte ci-dessus est manifeste.

Au jour où [L] [T] est appel en qualité de caution, il fait l'objet d'une procédure collective depuis le 28 octobre 2016, il a dégagé pour l'année 2018 un revenu de 8.800,00 euros et les biens du couple ont été vendus, la famille vit dans un mobil home et un logement de 75 m² aménagé dans la porcherie et le 17 juillet 2020, la CRCAM a initié une procédure de saisie immobilière ; il apparaît donc qu'[L] [T] n'est pas en état de faire face à ses engagements au jour où il est appelé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la CRCAM ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrit dans l'acte notarié du 21 août 2003.

3 / Sur le droit aux intérêts :

Pour déchoir le Crédit Agricole des intérêts, le tribunal a jugé que le Crédit Agricole n'a pas respecté l'obligation d'informer [D] [T] de l'évolution de ses créances contre Mme [I] [X].

C'est avec des motifs que la cour approuve et qu'elle adopte que le tribunal, par une interprétation juste du droit applicable aux faits de la cause, a prononcé cette déchéance du Crédit Agricole.

4 / Sur les montants dus à titre de caution :

* du prêt immobilier n°'9014 : le montant réclamé de 5 555,99 euros est le reliquat de la dette d'acquisition de l'immeuble d'[Localité 5] en 2003, dont la Banque populaire a été désintéressée des montants des deux autres contrats de crédit par le liquidateur judiciaire de Mme [I] [X] avec les fonds de la revente en 2008 ; ce montant n'est pas contesté. Le jugement sera confirmé de ce chef.

* du prêt n°'0750, [D] [T] a été mis en demeure le 3 juin 2008 de payer 13 930,58 euros ; la dette n'est plus hypothécaire mais encore solidaire ; le montant réclamé, soit principal de 39 626,80 euros ou bien de 47 895,43 euros outre intérêt est exact. Les sommes ne sont pas dues.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

* du prêt n°'8381/2680, [D] [T] a été mis en demeure le 3 juin 2008 de payer 11 452,79 euros ; la dette n'est plus hypothécaire mais encore solidaire ; le montant réclamé, soit principal de 37 929,29 euros ou bien de 44 084,45 euros outre intérêts, est exact. Les sommes ne sont pas dues.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Confirme le jugement,

y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées à payer à [H] [T] 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.