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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 septembre 2024, n° 22/11225

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

My Jolie Candle (SAS), Thevenot Partners (SELARL)

Défendeur :

Diamanta (SAS), La Grande Vitrine (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Mengeot, Me Sion

T. com. Paris, du 16 mai 2022, n° J20220…

16 mai 2022

La société My Jolie Candle, immatriculée au RCS de Paris le 24 octobre 2010, commercialise principalement sur internet sous sa marque « My jolie Candle » des bougies parfumées dont certaines contiennent des bijoux et indiquait être le principal acteur sur ce secteur en 2020.

La société Diamanta, immatriculée en août 2001 et qui a une activité de grossiste, commercialise sous la marque « Mon Bijou Secret » des bougies contenant chacune un bijou, dont un de grande valeur placé de manière aléatoire, dans des boutiques et sur les sites de vente en ligne www.showroomprive.com, www.bazarchic.com et www.veepee.fr.

Elle fournit la société La Grande Vitrine qui commercialise sur le site www.monbijousecret.fr les bougies auprès des particuliers.

La société My Jolie Candle, dénonçant notamment des actes de concurrence déloyale et parasitaire, a mis en demeure la société La Grande Vitrine le 10 décembre 2020 de cesser la commercialisation des produits « Mon Bijou Secret » sur l'ensemble des plateformes de vente. Elle a également informé trois plateformes (Vente Privée, Showroomprivé et Bazarchic) de sa démarche.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 décembre 2020, le conseil de la société Diamanta, fournisseur des bougies, a fait part de son refus de stopper la commercialisation de ces produits et a dénoncé être victime, pour sa part, d'actes de dénigrement.

C'est dans ce contexte que, suivant acte du 16 février 2021, la société Diamanta a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société My Jolie Candle pour être indemnisée d'actes qu'elle qualifiait de dénigrement.

La société My Jolie Candle a, de son côté, fait assigner, par actes du 2 mars 2021, devant la même juridiction, les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine, afin d'être indemnisée d'actes qu'elle qualifiait de déloyaux et parasitaires.

Par jugement rendu le 16 mai 2022 dont appel, le tribunal de commerce de Paris a:

donné acte de la jonction des causes enrôlées sous les numéros RG 2021009602 et RG 2021011924 et les joint sous le RG J2022000238 ;

débouté la SAS My Jolie Candle de son exception d'irrecevabilité ;

dit les demandes de SAS Diamanta recevables ;

débouté My Jolie Candle de l'ensemble de ses demandes ;

condamné la société SAS My Jolie Candle à payer à la SAS Diamanta et la SAS La Grande Vitrine ensemble les sommes des :

+ 218 000 euros en réparation de leur manque à gagner ;

+ 200 000 euros en réparation de leur préjudice d'image ;

+ 15 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SAS My Jolie Candle aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,93 € dont 14,94 de TVA.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société My Jolie Candle par jugement du tribunal de commerce de Nantes le 1er juin 2022.

La société My Jolie Candle, la Selarl [G]-MJ-O prise en la personne de Maître [V] [G], ès qualités de mandataire judiciaire et la Selarl Thevenot Partners prise en la personne de Maître [S] [W], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société My Jolie Candle, ont interjeté appel de ce jugement le 13 juin 2022.

La procédure de redressement judiciaire de la société My Jolie Candle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 27 juillet 2022.

Les organes de la procédure collective, la Selarl [G]-MJ-O prise en la personne de Maître [V] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire et la Selarl Thevenot Partners prise en la personne de Maître [S] [W], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société My Jolie Candle, sont intervenus dans la présente instance.

Les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine ont, chacune, effectué une déclaration de créance le 23 juin 2022 pour une somme de 216.536,49€. (soit un total de 433.072,98€)

Dans leurs conclusions transmises le 9 septembre 2022, la société My Jolie Candle prise en la personne de la Selarl [G] MJ-O représentée par Maître [V] [G], ès qualités de liquidateur, et la Selarl Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [S] [W], ès qualités d'administrateur judiciaire, appelantes, demandent à la cour de :

Vu les articles 143 et 144 du code de procédure civile,

Vu les articles 1240 et suivants du Code civil,

déclarer recevable et bien fondée la Société My Jolie Candle en son appel ;

Y faisant droit,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 mai 2022

Et statuant à nouveau,

À titre liminaire,

prendre acte de ce que la SELARL [G] ' MJO, représentée par Maître [F] [G] intervient désormais ès qualités de liquidateur judiciaire de la société My Jolie Candle.

Sur le dénigrement

À titre principal,

infirmer le jugement dont appel et DEBOUTER les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine de leurs demandes d'indemnisation à hauteur de 218.000 euros au titre de leur préjudice économique ;

infirmer le jugement dont appel et DEBOUTER les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine de leurs demandes d'indemnisation à hauteur de 200.000 euros au titre de préjudice d'image ;

rejeter toutes les demandes formulées par la Société Diamanta et La Grande Vitrine à l'encontre de la Société My Jolie Candle ;

À titre subsidiaire,

limiter la fixation de l'indemnisation formulée par la Société Diamanta à la perte de chance au titre du manque à gagner ;

limiter la fixation de l'indemnisation formulée par la Société Diamanta à la somme de 1 € au titre de l'atteinte à son image.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme : le préjudice de la société My Jolie

Candle

infirmer le jugement en ce qu'il a débouté MY JOLI CANDLE de sa demande avant dire droit,

Et statuant à nouveau,

Avant-dire droit,

ordonner aux sociétés Diamanta et La Grande Vitrine la communication de :

la date de la première commercialisation des bougies MON BIJOU SECRET ;

le nombre de bougies MON BIJOU SECRET vendues depuis leurs commercialisations;

le montant du chiffre d'affaires et la marge brute résultant de la vente des bougies MON BIJOU SECRET depuis leur commercialisation ;

le montant des frais de publicité engagés par la Société Diamanta s'agissant des produits MON BIJOU SECRET.

À titre subsidiaire, si la Cour venait à rejeter la demande avant dire droit,

condamner solidairement la Société Diamanta et la Société La Grande Vitrine à payer à la société My Jolie Candle la somme de 500.000 € sauf à parfaire ;

En tout état de cause,

rejeter toutes les demandes, fins et conclusions formulées par la Société Diamanta et la Société La Grande Vitrine ;

condamner solidairement la Société Diamanta et la Société La Grande Vitrine à payer à la société My Jolie Candle la somme de 100.000 € en réparation de son préjudice moral ;

condamner solidairement les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine à payer à la société My Jolie Candle la somme de 20.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.

condamner solidairement la Société Diamanta et la Société La Grande Vitrine aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions transmises le 7 décembre 2022, les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 31 et suivants du code de procédure civile et de l'article 1240 du Code Civil,

confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 16 mai 2022 en toutes ses dispositions.

En conséquence,

débouter la Société My Jolie Candle et SELARL [G] MJ-O ès qualité de liquidateur de la Société My Jolie Candle de l'intégralité des demandes formées contre les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine.

dire et juger que la Société My Jolie Candle s'est rendue coupable de dénigrement, constitutif de concurrence déloyale, à l'égard de la Société Diamanta,

condamner la Société My Jolie Candle et SELARL [G] MJ-O ès qualité de liquidateur de la Société My Jolie Candle pour concurrence déloyale en application des dispositions de l'article 1240 du Code Civil,

fixer le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la SELARL [G] MJ-O ès qualité de liquidateur de la Société My Jolie Candle au bénéfice des sociétés Diamanta et La Grande Vitrine à la somme de 218.000 € en réparation du préjudice subi du fait du manque à gagner par elles subi

fixer le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la SELARL [G] MJ-O ès qualité de liquidateur de la Société My Jolie Candle au bénéfice des sociétés Diamanta et La Grande Vitrine à la somme de 200.000 € en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à leur image de marque et à leur réputation.

fixer le montant des condamnation prononcées à l'encontre de la SELARL [G] MJ-O ès qualité de liquidateur de la Société My Jolie Candle au bénéfice des sociétés Diamanta et La Grande Vitrine à la somme de 15.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance.

Y ajoutant,

fixer à la somme de 15.000 € la somme due par la SELARL [G] MJ-O ès qualité de liquidateur de la Société My Jolie Candle à aux Sociétés Diamanta et La Grande Vitrine au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024,

MOTIFS DE LA DÉCISION,

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

À titre liminaire, la cour prend acte de l'intervention de la SELARL [G] MJ-O, prise en la personne de Maître [V] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société My Jolie Candle.

Sur les chefs du jugement non contestés

Malgré les termes de la déclaration d'appel, le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a débouté la société My Jolie Candle de son exception d'irrecevabilité et dit les demandes de la société Diamanta recevables et doit en conséquence être confirmé de ces chefs pour les justes motifs qu'il comporte.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

La société My Jolie Candle, représentée par son liquidateur, reproche aux sociétés Diamanta et La Grande Vitrine d'avoir commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son encontre. S'agissant de la concurrence déloyale, elle soutient que les produits « Mon Bijou Secret » entretiennent volontairement la confusion avec les produits My Jolie Candle s'agissant du même concept novateur d'une bougie parfumée contenant un bijou récupérable, des caractéristiques du produit, des emballages et du conditionnement et de la publicité (et notamment la reprise du losange blanc avec double bordure), soulignant que le risque de confusion doit s'apprécier essentiellement avec les produits tels que présentés sur internet, seul moyen de les commercialiser en pleine période de Covid et de confinements successifs. S'agissant du parasitisme, elle rappelle avoir investi plus d'un million et demi d'euros en 2020 dans sa communication tandis que les intimés ont imité le concept, les processus de fabrication, les fragrances, le type de bijoux, les illustrations du packaging, la palette de couleurs, le site internet et la description de ses produits. Elle soutient avoir subi en conséquence un préjudice économique et moral et demande la communication des documents comptables de ses adversaires, soulignant d'ores et déjà le détournement de ses investissements en lien avec les faits dénoncés.

Les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine contestent l'intégralité des faits qui leur sont imputés soutenant en substance que le concept et les caractéristiques des bougies sont banals et que les produits en cause sont différents, ainsi que l'a retenu le tribunal de commerce.

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l'application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit ou un service qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.

La charge de la preuve incombe au cas présent à l'appelante.

Il est constant que les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine ont commercialisé sous la marque « Mon bijou secret » des bougies contenant un bijou comme la société My jolie Candle, qui ne peut cependant revendiquer aucun droit privatif à ce titre, s'agissant d'une idée ou d'un concept, par essence non appropriables, et alors que plusieurs autres acteurs proposent le même type de produits.

Par ailleurs, les caractéristiques communes revendiquées par la société My Jolie Candle s'agissant de la fabrication, de la composition, des parfums (monoï, vanille, caramel) sont banales pour des bougies parfumées. Il en est de même de la conception et de la présentation de ses produits sur son site internet ou sur ses documents publicitaires, les points communs tenant seulement au type de produit et à ses caractéristiques liées au mode de fabrication.

De plus, la seule production d'échanges de courriels par la société My Jolie Candle avec une cliente ne peut suffire à caractériser le risque de confusion allégué, en l'absence de toute précision quant à leur contexte.

De même, le fait de reproduire sur l'emballage un motif ou un décor évoquant le parfum de la bougie est également usuel et pratiqué par de nombreux acteurs du secteur, la société Diamanta démontrant, en outre, utiliser des illustrations libres de droit sur internet pour décorer les emballages de ses bougies.

La cour constate, comme le tribunal, que l'insertion de la marque dans un losange blanc est utilisée par d'autres opérateurs sur le même marché des bougies parfumées, outre que la présentation de la société My Jolie Candle est beaucoup plus épurée.

C'est également à juste titre que le tribunal a constaté les différences existant entre les produits s'agissant des marques distinctes apposées, de la forme et de la taille des bougies, de leur mode de conditionnement, soit un emballage classique sous forme de cube pour la bougie « Mon bijou secret » et un emballage hexagonal avec une fermeture particulière composée de six languettes ou encore de codes couleurs différents, autant de caractéristiques visibles pour le client, y compris sur internet.

En conséquence, au vu de cet ensemble d'éléments, il n'existe aucun risque de confusion entre les produits en cause même pour le consommateur internaute, ni aucun comportement fautif imputable aux intimés.

S'agissant des faits de parasitisme, si la société My Jolie Candle affirme avoir engagé en 2020 des dépenses à hauteur de 1,4 millions d'euros en « publicité et en notoriété », dépenses qui ne sont cependant pas individualisées, elle ne démontre pas que le produit précisément revendiqué constitue une valeur économique individualisée qui aurait été copiée à titre lucratif et de façon injustifiée par les sociétés intimées, qui ne se sont jamais, au demeurant, inscrites dans son sillage et alors que d'autres acteurs, comme il a déjà été vu, proposent également le même type de produit et que la société Diamanta, de son côté, se démarque en proposant, dans une bougie sur cent, un bijou surprise, soit un collier en or serti d'un diamant d'une valeur de 600€ placé de manière aléatoire dans les bougies.

C'est en conséquence, à juste titre, que le tribunal a débouté la société My Jolie Candle de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur le dénigrement

Les appelants contestent les faits de dénigrement imputés à la société My Jolie Candle. Ils soutiennent que la faute n'est pas caractérisée puisque les propos tenus dans la correspondance litigieuse ne dénigrent pas les produits ou ne jettent pas le discrédit sur les sociétés mais dénoncent la concurrence déloyale dont elles se rendent coupables ; que les propos ne sont pas publics et que les clients n'ont jamais été informés ou avertis de l'existence de la correspondance qui, selon eux, transcrit simplement l'exercice de la liberté d'expression de la société ; que ce sont les plateformes elles-mêmes qui ont pris l'initiative d'interrompre la vente des produits litigieux ; que les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine ne justifient pas avoir subi un quelconque préjudice personnel en résultant ; qu'il n'est, en outre, pas certain et que son montant n'est pas déterminé relevant que le tribunal ne pouvait évaluer la perte de chance à hauteur de 100% ; que, de plus le préjudice d'image allégué est inexistant, aucun client n'ayant reçu le courrier. La société My Jolie Candle, représentée par son liquidateur, souligne qu'aucun élément justificatif ou comptable n'a été produit s'agissant tant du taux de marge que de la baisse de chiffre d'affaires alléguée, le fait que certaines plateformes aient suspendu la commercialisation des bougies n'ayant pas empêché la vente des produits par ailleurs.

Les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine sollicitent la confirmation du jugement du tribunal. Elles soutiennent que le courrier adressé aux plateformes de vente en ligne commercialisant les bougies « Mon Bijou Secret » comportant copie de la mise en demeure qu'elles avaient reçue est constitutif d'actes de dénigrement comme leur imputant des actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale nullement reconnus par une décision de justice, les propos tenus étant énoncés, en outre, sans aucune nuance et ne relevant pas de la liberté d'expression.

Les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine retiennent que le tribunal a justement indemnisé leur préjudice en tenant compte à la fois des annulations de commandes suite au courrier litigieux et de leur manque à gagner, mais aussi de l'atteinte à leur réputation, les propos dénigrant tenus ayant gravement porté atteinte à leur image de marque.

La cour rappelle que le dénigrement consiste à divulguer une information de nature à jeter le discrédit sur l'activité, les produits ou services d'une entreprise, désignée ou identifiable, afin de détourner sa clientèle en usant de propos ou d'arguments répréhensibles, rédigés en terme excessifs ou comminatoires, ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis afin de toucher les clients de l'entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l'auteur.

Il n'est pas contesté que la société My Jolie Candle a adressé à la société La Grande Vitrine une lettre de mise en demeure le 10 décembre 2020, copie de ce courrier ayant été communiquée aux plateformes veepee.fr, showroomprive.com et bazarchic.com, clientes des appelantes et mises en demeure également de cesser la commercialisation des bougies « Mon bijou secret ».

Le lettre est ainsi rédigée : « Ces produits entretiennent volontairement la confusion auprès des consommateurs dont la Société LA GRANDE VITRINE s'approprie l'image et le savoir-faire de ma cliente sans bourse délier.

Il apparait d'ailleurs que le site internet www.monbijousecret.fr sert uniquement de vitrine afin de permettre son référencement sur les sites de vente en ligne en affichant un prix majoré sur lequel celle-ci consent une promotion fictive afin de pouvoir commercialiser ses produits sur lesdites plateformes.

Cette imitation, plus qu'une simple confusion constitue une usurpation de marque pure et simple.

Une imitation aussi grossière à des fins commerciales constitue des faits de concurrence déloyale et de parasitisme économique sanctionné sur le fondement des article 1240 et 1241 du Code Civil.

La reproduction de l'identité graphique de la Société MY JOLIE CANDLE pourrait également constituer une contrefaçon au sens des articles 521-3-1 et suivants du Code de La Propriété Intellectuelle.

Ces actes de concurrence déloyale et de contrefaçon sont graves et causent à ma cliente un préjudice économique important dont elle entend solliciter réparation.

En conséquence je vous remercie de bien vouloir me confirmer par retour que vous cessez, sans délai, de commercialiser sur vos plateformes les produits MON BIJOU SECRET vendus par LA GRANDE VITRINE, laquelle imite et profite de la notoriété de la Société MY JOLIE CANDLE en entretenant la confusion dans l'esprit du consommateur ».

La cour retient, comme les premiers juges, que les propos tenus dans ces courriers adressés tant à la société La Grande Vitrine qu'à ses clients, soit de grands sites de vente en ligne, ont excédé la libre critique, n'ayant pas été rédigés en terme généraux et objectifs, mais, au contraire, dans des termes subjectifs et accusatoires, sans mesure ni nuances, en dénigrant les produits et l'activité de la société La Grande Vitrine et par voie de conséquence la société Diamanta, fournisseur, vers qui les plates-formes de vente en ligne se sont immédiatement retournées.

Les faits de dénigrement sont ainsi pleinement constitués, la société My Jolie Candle ayant ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, usé abusivement de sa liberté d'expression, accusant au demeurant la société Grande Vitrine d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale sur la base de ses seules allégations, alors qu'elle a, au surplus, été déboutée des demandes qu'elle a formées à ce titre.

Elle a ainsi manifestement cherché à évincer un concurrent, les sociétés intimées démontrant la commercialisation de bougies My Jolie Candle sur un des sites en cause, postérieurement à l'arrêt de la commercialisation de leurs propres produits.

Il doit par ailleurs être relevé que ce courrier a été diffusé en pleine crise sanitaire qui limitait l'accès aux magasins et rendait stratégique la vente en ligne notamment via des plates-formes, et au moment de la période de Noël, traditionnellement importante au vu du type d'objets concernés.

Il ressort de courriels émanant des sites Bazarchic, Showroomprive et Veepee que ces derniers, suite à cette mise en demeure du 10 décembre 2020, ont suspendu les ventes des bougies « Mon bijou secret » à compter des 16 et 17 décembre 2020, sollicitant de la société Diamanta des explications sur les faits dénoncés et, pour certaines, ne prévoyant pas de nouvelles commercialisations pour le mois de février 2021.

Ces éléments établissent, à suffisance, que suite à ces propos dénigrants, la société Diamanta a subi un manque à gagner incontestable sur les ventes de décembre et une perte de chance de vendre ses produits pour la période de février 2021.

La société My Jolie Candle ne conteste pas au demeurant avoir ensuite pénétré ce marché web en commercialisant notamment sur le site showroom privé ses propres bougies bijoux.

Pour justifier du préjudice subi, la société Diamanta verse au débat trois factures à destination des trois sites Bazarchic, Showroomprive et Ventre Privée (exploitant le site Veepee), respectivement datées des 27 novembre, 23 novembre et 30 novembre 2020, pour des ventes de bougies à hauteur de 9.690€, 110.940€ et 220.335€. Elle verse également une facture adressée au site Beauté privé du 30 novembre 2020 pour une somme de de 62.040€. Ces factures attestent ainsi de ce que le chiffre d'affaires généré par la vente de ces produits avoisinait les 403.000€, l'expert-comptable de la société Diamanta attestant que la marge nette s'élevait pour 2020 à 58%.

La cour constate, cependant, qu'en dehors de ces mails et de ces factures, les sociétés Diamanta et La Grande Vitrine ne versent aucune pièce comptable ou tout autre document attestant des volumes effectivement concernés par la suspension ou l'annulation des ventes des bougies « Mon bijou secret » par les trois plates-formes concernées ( nombre de bougies retournées, pièces attestant des annulations de commandes etc'), ni aucune autre pièce certifiée attestant de la diminution corrélative de leur chiffre d'affaires.

Au vu de cet ensemble d'éléments appréciés distinctement, la cour retient que le préjudice financier ainsi subi par la société Diamanta, la société La Grande Vitrine ne versant aucune pièce justifiant d'un préjudice commercial certain et personnel subi à ce titre, sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 150.000€, le jugement déféré étant infirmé de ces chefs.

Par ailleurs, le courrier comportant des propos dénigrants adressés aux trois grandes plates-formes de vente en ligne, à une période particulièrement cruciale pour ce type d'activité et dans le contexte de crise sanitaire déjà rappelé, a incontestablement porté atteinte à l'image des deux sociétés Diamanta et La Grande Vitrine eu égard aux accusations graves portées à leur encontre, les mails versés aux débats attestant d'une perte de confiance de leurs partenaires, atteinte à l'image qui ne s'est cependant pas propagée à l'ensemble de leur clientèle.

La cour considère que le préjudice subi en conséquence par ces deux sociétés sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 100.000 €, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

Ces sommes seront fixées au passif de la société My Jolie Candle.

Sur les autres demandes

La Selarl [G] MJ-O représentée par Maître [V] [G], ès qualités de liquidateur de la société My Jolie Candle, et la Selarl Thevenot Partners, prise en la personne de Maître [S] [W], ès qualités d'administrateur judiciaire, succombant, garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées, sauf pour la cour à fixer la créance de dépens et de frais irrépétibles au passif de la procédure collective de la société My Jolie Candle.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Prend acte de l'intervention de la SELARL [G] MJ-O, prise en la personne de Maître [V] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société My Jolie Candle,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société My Jolie Candle à payer à la société Diamanta et la société La Grande Vitrine ensemble les sommes de 218 000 euros en réparation de leur manque à gagner et 200 000 euros en réparation de leur préjudice d'image et sauf pour la cour à fixer les autres condamnations au passif de la société My Jolie Candle,

L'infirme de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société La Grande Vitrine de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice commercial,

Fixe au passif de la procédure collective de la société My Jolie Candle la créance de la société Diamanta à la somme de 150.000€ en réparation du préjudice commercial subi,

Fixe au passif de la procédure collective de la société My Jolie Candle la créance des sociétés Diamanta et La Grande Vitrine à la somme de 100.000€ en réparation du préjudice moral subi,

Fixe au passif de la procédure collective de la société My Jolie Candle les dépens de première instance et d'appel,

Fixe au passif de la procédure collective de la société My Jolie Candle la créance des sociétés Diamanta et La Grande Vitrine à la somme de 15.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.