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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 11 septembre 2024, n° 23/06364

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 23/06364

11 septembre 2024

N° RG 23/06364 -N°Portalis DBVX-V-B7H-PEQB

Décision du Président du TC de Lyon en référé du 01 août 2023

RG : 2023R269

S.A.S. VISIO-SCREEN

C/

S.A.R.L. ATAWA INTERACTIVE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 11 Septembre 2024

APPELANTE :

La société VISIO-SCREEN, société par actions simplifiée au capital de 100.000,00 € immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 877 912 170, dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jessica BRON de la SELARL C&S AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1246

INTIMÉE :

La société ATAWA INTERACTIVE, Société à Responsabilité Limitée, au capital de 25.000 €, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 483 078 960, dont le siège social est situé [Adresse 4] agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Dénommée Atawa dans le corps du présent arrêt

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier NICOLAS, avocat au barreau de BORDEAUX

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 12 Juin 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Juin 2024

Date de mise à disposition : 11 Septembre 2024

Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Véronique DRAHI, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige

La société Atawa Interactive (« Atawa ») immatriculée le 30 juin 2005, a pour activité : « Conception, développement, commercialisation d'outils de communication, intégrant le contenu et le support à destination des professionnels, consommateurs et grandes surfaces, représentation et ventes des outils de communication précités (activité créée) produits et services destinés aux professionnels autour de la reconnaissance et de la recommandation de boissons alcoolisées (activité achetée). »

La société Visio-Screen immatriculée le 8 octobre 2019 a pour activité « la conception, le développement, l'intégration, la location et la commercialisation d'outils de communication intégrant le support et le contenu à destination des professionnels et des consommateurs de la grande distribution ou de l'industrie. »

Les deux sociétés sont concurrentes sur le marché de l'affichage publicitaire dynamique dans les supermarchés.

Invoquant la détention par la société Visio-Screen de son fichier client et la nécessité avant tout procès d'en connaître l'origine, et de constater l'utilisation faite, la société Atawa a saisi le Président du Tribunal de commerce de Lyon d'une requête aux fins de constat le 2 décembre 2022.

Par ordonnance du 15 décembre 2022, le Président du Tribunal de commerce de Lyon, a autorisé la société Visio-Screen à faire procéder par voie d'huissier à des constatations et saisies. Une première requête avait été rejetée le 2 décembre 2022, la mission de l'huissier étant trop large.

La mesure de constat a été exécutée le 2 février 2023 au siège social de la société Visio-Screen.

Le commissaire de justice instrumentaire a conservé les pièces appréhendées lors des opérations d'expertise.

Par acte du 28 février 2023, la société Visio-Screen a fait assigner la S.A.R.L. Atawa en rétractation de l'ordonnance.

Par ordonnance de référé du 1er août 2023, le président du tribunal de commerce de Lyon a :

Débouté la société Visio-Screen SAS de sa demande de rétractation de l'ordonnance et de toutes ses autres demandes ;

Confirmé l'ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Commerce de Lyon du 15 décembre 2022 ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société Visio-Screen SAS aux entiers dépens de l'instance.

La société Visio-Screen interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 4 août 2023.

Selon avis du greffe et ordonnance de la présidente de la chambre du 28 septembre 2023, les plaidoiries ont été fixées au 19 juin 2024 avec clôture le 12 juin 2024.

Par conclusions régularisées au RPVA le 6 juin 2024, la SAS Visio-Screen demande à la cour :

Vu les articles 145 et 496 du Code de procédure civile,

Infirmer l'ordonnance de référé rendue le Président du Tribunal de Commerce de Lyon le 1er août 2023 en ce qu'elle a :

Débouté la société Visio-Screen de sa demande de rétractation d'ordonnance et de toutes ses autres demandes ;

Confirmé l'ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Commerce de Lyon en date du 15 décembre 2023 ;

Condamné la société Visio-Screen aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Ordonner la rétractation de l'ordonnance rendue par M. le Président du Tribunal de commerce de Lyon en date du 15 décembre 2022.

A titre subsidiaire,

Restreindre les termes de la mesure d'instruction autorisée par l'ordonnance rendue par M. le Président du Tribunal de commerce de Lyon le 15 décembre 2022 dans les termes suivants :

permettre à l'Huissier de « se faire donner tous les accès uniquement les téléphones portables, ordinateurs, serveurs et zones de stockage professionnels et autres outils professionnels affectés à l'usage du dirigeant de la société Visio-Screen, M. [Z] [S] » ;

permettre à l'Huissier de « se connecter autant de fois que nécessaire aux appareils et services précités, afin, s'il y a lieu, de copier, extraire tous messages reçus et fichiers joints et/ou contenus sur les espaces de stockage, créés, extraits, reçus, effacés ou supprimés, dont M. [Z] [S] serait l'expéditeur ou le destinataire » ;

délimiter la mission de l'Huissier aux quelques jours précédents et suivants la date du 12 octobre 2021 ;

exclure la mission tendant « à procéder à toute constatation utile concernant la nature, l'origine, la consistance, l'étendue et la durée de la concurrence déloyale alléguée » ;

exclure de la mission de l'huissier les recherches effectuées à l'aide de tous les termes utilisés dans ce secteur d'activité de manière générique, comme « totem », « affichage dynamique interactif », « interactive », « kiosk ».

permettre à l'Huissier de « consulter, prendre et/ou se faire remettre copie de tout fichier (papier ou électronique), dossier (papier ou électronique), ou courrier reçu (papier ou électronique), contenant les noms des clients détournés de la société Atawa que cette dernière peut réellement rapporter.

Supprimer la mission de l'Huissier tendant « à procéder à toute constatation utile concernant la nature, l'origine, la consistance, l'étendue et la durée de la concurrence déloyale alléguée »

A titre infiniment subsidiaire,

A défaut de rétractation ou de restriction de l'ordonnance du 15 décembre 2022, acter que la mission du Commissaire de justice devait être limitée quant aux personnes concernées, s'agissant de Messieurs [M] [D] et [Z] [S].

En tout état de cause,

Condamner la société Atawa à régler à la société Visio-Screen une indemnité de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Atawa aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions régularisées au RPVA le 17 novembre 2023, la S.A.R.L. Atawa Interactive demande à la cour :

Vu l'article 493 du Code de procédure civile,

Vu les articles 874 et 875 du Code de procédure civile,

Vu l'article 145 du Code de procédure civile,

Confirmer l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Lyon du 1er août 2023 en toutes ses dispositions ;

Débouter la société Visio-Screen de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société Visio-Screen à verser à la société Atawa Interactive la somme de 10.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.

MOTIFS

Selon l'article 145 du Code de procédure civile, «'s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé'».

L'article 493 dispose que «'l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse'».

Sur le motif légitime d'établir ou conserver la preuve :

Le demandeur doit justifier d'un motif légitime, en ce sens qu'il lui appartient d'établir qu'un litige potentiel existe et qu'il a besoin à ce titre, pour l'engagement éventuel d'une procédure judiciaire, d'éléments de preuve qui lui font défaut.

Il doit établir que le procès est possible, mais l'article 145 du Code de procédure civile n'exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée.

La mesure doit être utile et pertinente.

Le juge de la rétractation doit apprécier l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Comme le soutient l'appelante, le seul déplacement de clientèle, non accompagné de man'uvres illicites, ne saurait être considéré comme un acte de concurrence déloyale. Il n'en est pas de même de la détention du fichier client sans accord de la société concernée.

Si la société Visio-Screen invoque également l'absence de preuve tangible d'un vol ou détournement de fichier, d'une utilisation de celui-ci, la cour rappelle que la société Atawa doit non rapporter une preuve mais justifier d'un motif légitime à solliciter la mesure dans le but d'établir une preuve de la concurrence déloyale.

La cour observe à l'examen de la requête que la société Atawa a exposé avoir été avertie par M. [B], ancien salarié de la société Visio-Screen de la détention par celle-ci de ses fiches clients. La requérante a précisé que lesdites fiches contiennent l'ensemble des informations utiles à la gestion de la relation commerciale notamment les dates de fin de contrats permettant de les démarcher au moment propice et en ayant les coordonnées de la personne à contacter.

Elle appuie ses affirmations sur la détention par Viso-Screen de ses fichiers clients par :

des sms du 3 mai 2022 adressés à « [W] » de Visio-Screen par lesquels l'utilisateur de la ligne [XXXXXXXX01] « [X] » transmettait des fichiers qu'il disait avoir reçus de [Z] [S] le 12 octobre 2021,

une attestation de [X] [B] du 8 mars 2022 selon laquelle il avait été responsable commercial de Visio-Screen de janvier 2020 à mars 2022 et confirmant s'être vu transmettre par la direction le fichier client d'Atawa,

des fiches clients ;

un procès-verbal de constat d'huissier dressé à sa requête le 12 juillet 2022, selon lequel les fichiers transférés par SMS l'ont été à M. [W] [E], Directeur des ventes de Atawa.

La société requérante a par ailleurs précisé que c'est après avoir comparé l'intégralité des fichiers transmis avec les fiches clients de la société Atawa, que le commissaire de justice a établi son constat le 12 juillet 2022, que ces fichiers correspondent aux fiches clients telles qu'extraites de son CRM, et que le constat comporte 110 pages, ses annexes étant les fiches clients litigieuses qu'elle ne versait pas aux débats pour des raisons de confidentialité.

La société Atawa a également fait valoir qu'à la date de la requête, seize de ses clients avaient choisi de ne pas renouveler leur contrat, alors que les années précédentes, environ neuf clients sur dix le renouvelaient.

La non production par la société Atawa de la conversation entre M. [B] et M. [S] du 12 octobre 2021 alors que selon Visio-Screen son ancien salarié ayant quitté la société en mars 2022, pourrait en vouloir à son ancien employeur et chercher une opportunité d'emploi ou autre, ne remet pas en cause la réalité des pièces produites même si l'appelante invoque la versatilité de ce salarié et l'absence de fiabilité de son témoignage. En effet, au-delà des dires de M. [B], il a été justifié par d'un transfert de fichier.

Il ne peut être exigé de la société requérante qu'elle verse aux débats les annexes du constat du 12 juillet 2022, ces annexes comportant des fiches clients qu'elle dit lui appartenir.

L'affirmation de l'appelante selon laquelle elle ne possède aucune imprimante « Canon IR-ADV C55535 » qui pourtant aurait été à l'origine de la création des fiches clients est inopérante en l'espèce.

Il n'appartient pas au juge de la requête et au juge saisi d'une demande de rétractation d'apprécier le fond du litige potentiel et de dire si, comme le dit l'appelante, que trois des clients qu'Atawa dit avoir perdus ne sont pas clients de Visio-Screen, que la requête n'est en réalité fondée que sur le détournement de deux clients, deux autres ayant signé avec Visio-Screen avant la prétendue transmission de fichier à M. [B], et l'autre étant resté client d'Atawa.

Le fait que l'offre de la société Visio-Screen serait extrêmement attrayante comme le reconnaît nombre de ses clients, et qu'elle n'avait donc aucun besoin du prétendu fichier litigieux est également indifférent.

La cour considère que la société requérante a suffisamment justifié d'un motif légitime à l'appui de sa demande de constat. En effet, par les pièces appuyant ses allégations, la société Atawa a suffisamment justifié de la potentialité d'un litige fondé sur la concurrence déloyale par détournement du fichier clientèle et démarchage à partir des données obtenues du fichier.

Sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire :

La requête doit contenir une motivation sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction et expliciter les circonstances qui justifient cette dérogation.

Le juge doit prendre en considération la requête dans son ensemble, la motivation requise pouvant découler de l'exposé par le requérant des circonstances de fait du litige, sans être nécessairement reprise dans un paragraphe dédié de la requête.

La société Atawa, en précisant le contexte justifiant le recours à une mesure d'investigation, a fait valoir que celle-ci ne pouvait pas être sollicitée contradictoirement en raison de la nature des fichiers litigieux qui auraient pu être détruits par la société Visio-Screen si celle-ci avait été informée des mesures ordonnées.

La cour considère qu'en l'espèce, alors que les données informatiques, numériques ou électroniques (courriels) sont par essence furtives, susceptibles d'être aisément détruites ou altérées, il est suffisamment justifié du risque de dissimulation du fichier clients au cas où il serait effectivement détenu par la société Visio-Screen, puisque détenu frauduleusement et la nécessité en découlant de l'effet de surprise.

Sur la mission ordonnée :

La mesure doit être circonscrite dans le temps et dans son objet. Elle ne doit pas être une mesure d'investigation générale.

Le juge saisi de la requête, le juge saisi de la rétractation, et la cour, ne statuent pas ultra petita en modifiant la mesure.

La société requérante a exposé que les constatations du Commissaire de justice avaient vocation à être effectuées par l'usage de mots-clés précis renvoyant aux clients d'Atawa visés dans les fichiers PDF litigieux, aux appellations de matériels propres à la société Atawa, et aux noms employés pour les fichiers PDF détournés, ce, sur les appareils professionnels uniquement des employés de la société Visio-Screen, et tout particulièrement des deux dirigeants de la société impliqués dans la diffusion des PDF.

Dans la mesure où selon les pièces produites les fichiers auraient été transmis le 12 octobre 2021, par M. [S] de Visio-Screen à M. [B], la mesure doit couvrir une période antérieure mais aussi postérieure afin d'établir si les fichiers ont été utilisés.

La société Atawa a fait valoir que les propriétés des fichiers informatiques en possession de Visio-Screen permettent de constater qu'ils ont été créés entre le 9 et le 30 décembre 2020.

Aussi la cour retient la période à partir du 10 décembre 2020 et considère qu'en l'espèce, la durée doit être limitée à la période s'achevant au 1er juin 2022.

La cour relève que n'a pas été autorisée une mesure de saisie générale puisqu'elle ne porte que sur la saisie de fichier, dossier ou courrier reçu contenant un mot clé, précisément en lien avec la société Atawa. Ainsi des mots-clés, personnalisés et pertinents en lien avec le litige, permettent de circonscrire la mesure d'instruction dans son objet.

En effet les mots clés sont :

les dénominations sociales des clients de la société Atawa figurant sur les fichiers détournés,

des appellations de matériels propres à la société Atawat ex « AT32 ».

Sont certes contestés les mots clés : « Affichage dynamique interactif », « totem », « kiosk » qu'il convient d'écarter car pouvant couvrir des fichiers sans lien avec la recherche sollicitée.

les noms des fichiers PDF détournés : « Atawa », « Interactive », « [C] », « [C] », « [H] ».

Les termes « Interactive », « [C] », « [C] » seront écartés pouvant correspondre à des fichiers sans lien avec la recherche sollicitée.

De même, la cour écarte la recherche au nom de « [H] » sans adjonction d'un autre mot clé car si ce nom correspond à un ancien salarié de la société Atawa soupçonné par celle-ci d'avoir détourné son fichier client, cette personne a été embauchée par Visio-Screen et la recherche à ce nom amènerait la saisie de fichiers sans lien avec la recherche sollicitée.

La cour relève par ailleurs que contrairement à ce qu'indique le premier juge, les recherches n'ont pas été autorisées sur les matériels à l'usage du président de la société Visio-Screen M. [D] et du directeur général M. [S] mais ' notamment' sur leurs matériels ;

Il convient de rectifier la mission en ce qu'elle est dirigée sur les matériels à l'usage des dirigeants pré cités et non de téléphones et ordinateurs affectés à des salariés de la société.

Si la société Visio-Screen soutient que le commissaire de justice a agi au-delà de la mesure et si la société Atawa soutient que la mesure légalement ordonnée a été en pratique limitée compte tenu de l'absence des dirigeants lors des opérations d'expertise et de leur refus non justifié de communiquer les codes d'accès à leur messagerie, la cour saisie d'un appel en l'instance en rétractation n'est pas juge de l'exécution de la mesure.

Enfin, parmi la mission du commissaire de justice qui est saisi d'un constat et non d'une mesure d'investigation générale , doit être retirée la partie de la mission lui demandant de « procéder à toute constatation utile concernant la nature, l'origine, la consistance, l'étendue et la durée de la concurrence déloyale alléguée ».

Telle qu'ordonnée, la mesure ordonnée est nécessaire à la détermination de la preuve des faits allégués et ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires.

Selon les informations portées à la connaissance de la cour, les pièces saisies sont toujours conservées par le commissaire de justice.

Après s'être fait assisté si besoin de tout sachant pour prendre en compte les modifications apportées par le présent arrêt, le Commissaire de justice devra remettre à la société Atawa le procès-verbal et les éléments saisis tels que conformes au présent arrêt, une fois acquis le caractère irrévocable de la présente décision.

Sur les demandes accessoires :

La société Visio-Screen succombant, la cour confirme la décision déférée sur les dépens et condamne également l'appelante aux dépens à hauteur d'appel.

En équité la cour la condamne à payer à la société Atawa la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité.

Sa propre demande sur le même montant ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

La cour d'appel,

Infirme partiellement la décision attaquée sur la mission dévolue au commissaire de justice.

Statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à rétractation intégrale de l'ordonnance du 15 décembre 2022,

Rétracte partiellement l'ordonnance du 15 décembre 2022 rendue par le Président du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a :

- autorisé la mesure de constat au titre de la période du 1er septembre 2020 au jour de l'ordonnance.

- autorisé la mesure par accès à tous les matériels de la société Visio-Screen,

- autorisé et validé les mots clés suivants : « totem », « affichage dynamique interactif », « Kiosk », « interactive », « [C] », « [C] », « [H] »,

- donné mission au commissaire de justice de « procéder à toute constatation utile concernant la nature, l'origine, la consistance, l'étendue et la durée de la concurrence déloyale alléguée »,

Supprime de la mission impartie au commissaire de justice :

les mots clés « totem », « affichage dynamique interactif », « Kiosk », « interactive », « [C] », « [C] »,« [H] »,

« procéder à toute constatation utile concernant la nature, l'origine, la consistance, l'étendue et la durée de la concurrence déloyale alléguée »

Dit que la mesure de constat porte sur la période du 10 décembre 2020 au 1er juin 2022,

Dit qu'est autorisé l'accès à tous les téléphones portables, ordinateurs, et autres outils professionnels, serveurs, et zones de stockage physiques professionnels uniquement cloud ou à distance de la société Visio Screen à l'usage de M. [M] [D], Président de la société Visio Screen ([XXXXXXXX02]) ainsi que de M. [Z] [S], Directeur général de la société Visio-Screen,

Dit que le commissaire de justice devra, si besoin avec l'aide d'un sachant, exclure des éléments récoltés à l'occasion de sa mission :

tout document de quelque nature qu'il soit obtenu à l'aide des mots clés : « totem », « affichage dynamique interactif », « Kiosk », « interactive », « [C] », « [C] », « [H] »,

tout document de quelque nature antérieure au 10 décembre 2020 et postérieur au 1er juin 2022.

tout document de quelque nature saisi d'un téléphone ou d'un ordinateur affecté à l'usage de salariés et non seulement de ceux à l'usage M. [D] et de M. [S],

Dit que le commissaire de justice devra le cas échéant retirer de son constat toute constatation de sa part : « concernant la nature, l'origine, la consistance, l'étendue et la durée de la concurrence déloyale alléguée »,

Confirme la décision attaquée sur le surplus.

Y ajoutant,

Condamne la SAS Visio-Screen aux dépens à hauteur d'appel,

Condamne la SAS Visio-Screen à payer à la société Atawa Interactive la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT