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Décisions

CA Pau, 1re ch., 10 septembre 2024, n° 21/03230

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Constructions (SARL)

Défendeur :

Époux (P), S.E.L.A.S. Guérin & Associées

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Faure

Conseillers :

Mme De Framond, Mme Blanchard

Avocats :

Me Piault, Me Chanfreau-Dulinge

TJ Mont-de-Marsan, du 21 juill. 2021, n°…

21 juillet 2021

EXPOSE DU LITIGE

Suivant devis acceptés des 30 octobre 2012 et 12 décembre 2012, M. [R] [P] et son épouse, Mme [V] [P], ont confié la construction de leur maison d'habitation située à [Adresse 5] (40) à la SARL Charpente-Carrelages du Brassens, devenue SARL CONSTRUCTIONS [C] , sous la direction de Messieurs [NN] et [K] [C] , assistés par M. [A] [U] maître d'oeuvre pour la coordination des travaux, pour un montant total de 485 000 € TTC.

Le lot menuiserie a été confié à M. [AB] [M].

Le lot charpente a été confié à M. [H].

Le lot plâtrerie a été confié à M. [W] [F].

Le lot électricité a été confié à la société CAP SUD ENERGIE.

La réception du chantier devait intervenir le 31 décembre 2013 mais M. et Mme [P] se sont plaints de désordres et d'inachèvements courant 2014.

Par ordonnance du 9 octobre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mont-De-Marsan a fait droit à la demande des époux [P] et a ordonné une mesure d'expertise concernant les désordres affectant le chantier de construction de leur maison, et commis M. [Z] pour y procéder.

Des ordonnances d'extension de l'expertise ont été rendues le 7 mai et 25 juin 2015, le 5 janvier et 1er juin 2017.

L'expert a déposé son rapport le 15 mai 2018.

Par actes d'huissier de justice des 21, 24, 26 et 27 décembre 2018, M. [R] [P] et Mme [V] [P] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Mont-De-Marsan aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement du coût des travaux réparatoires et l'indemnisation de leur préjudice de jouissance :

- la SARL CONSTRUCTIONS [C],

- M. [AB] [M],

- M. [F],

- M. [U],

- la SARL PROBOIS CHALOSSAIS, en charge de la fourniture de pièces de bois,

- Maître [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H],

- Maître [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CAP SUD

ENERGIE,

- et Maître [G] es qualités de liquidateur judiciaire de M. [J] chargé du lot couverture-Zinc.

Suivant jugement réputé contradictoire du 21 juillet 2021 (RG n°19/00007), le tribunal a :

- déclaré irrecevables les demandes des époux [P] à l'encontre de Maître [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H], de Maître [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CAP SUD ENERGIE, et de Maître [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [J],

- rejeté les demandes de nullité du rapport d'expertise judiciaire de

M. [Z],

- débouté les époux [P] de leurs demandes à l'encontre de la SARL PROBOIS CHALOSSAIS,

- déclaré la SARL CONSTRUCTIONS [C] responsable du préjudice subi par les époux [P] pour l'ensemble des désordres et inachèvements affectant leur bien immobilier situé [Adresse 3] [Adresse 5] sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

- déclaré M. [U] responsable du préjudice subi par les époux [P] pour le désordre n°7 affectant la baie coulissante et imposte sur le séjour sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

- déclaré M. [M] responsable du préjudice subi par les époux [P] pour les désordres n° 8 et n° 9 concernant le lot menuiserie et l'inachèvement

n°4 des travaux intérieurs pour les menuiseries sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

- déclaré M. [F] responsable du préjudice subi par les époux [P] du désordre n°10 concernant le lot plâtrerie et de l'inachèvement n°4 pour le lot plâtrerie sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à verser aux époux [P] la somme de 514 562,24 € TTC au titre des travaux de reprise et d'achèvement, et condamné in solidum M. [M] à hauteur de 19 578,68 € TTC, M. [F] à hauteur de 4 360,85 € TTC, et M. [U] à hauteur de 46 647,69 € TTC,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à verser aux époux [P] la somme de 101 000 € au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance et condamné in solidum M. [M] à hauteur de la somme de 5 050 € et M. [U] à hauteur de 10 100 €,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à payer aux époux [P] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné in solidum M. [F] à hauteur de 50 €, M. [M] à hauteur de 250 € et M. [U] à hauteur de 500 €,

- condamné les époux [P] à verser à la SARL PROBOIS CHALOSSAIS la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] aux entiers dépens en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise, et condamné in solidum M. [F] à hauteur de 1% du montant des dépens, M. [M] à hauteur de 5% des dépens, et M. [U] à hauteur de 10% des dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :

* Sur la recevabilité des demandes contre les mandataires liquidateurs

- que les demandes à l'encontre de Maître [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H], de Me [T] es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CAP SUD ENERGIE, et de Me [G] es qualités de liquidateur judiciaire de M. [J] sont irrecevables dès lors que l'instance au fond n'avait pas été introduite lors de l'ouverture de leurs procédures collectives, et qu'en vertu de l'article L622-21 le juge de droit commun ne peut plus fixer la créance,

* Sur la validité de l'expertise :

- que si l'expert a renvoyé aux annexes établies par les sapiteurs qu'il s'est adjoint pour la description de la nature et du coût des travaux de reprise, il a néanmoins accompli personnellement sa mission en expliquant les raisons pour lesquelles le coût des travaux de reprise avait augmenté, attestant ainsi avoir vérifié le sérieux et le bien fondé du chiffrage des sapiteurs, et en listant les désordres par type de lot et apportant des précisions sur la nature des contrats unissant les parties ; qu'aucun grief n'est allégué du chef de ces prétendues irrégularités de forme de l'expertise selon les articles 114 et 233 du code de procédure civile,

- que les parties ont été en mesure de formuler leurs observations suite à la communication du pré-rapport d'expertise, de discuter les devis des sapiteurs dont l'avis ne constitue pas une nouvelle expertise, le principe du contradictoire ayant été respecté, l'expert a répondu aux dires formulés,

* Sur l'indemnisation des préjudices résultant des 10 désordres et inachèvements :

- que la garantie décennale n'est pas applicable en l'absence de réception des travaux,

- que la SARL CONSTRUCTIONS [C] a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ancien en qualité de constructeur pour les désordres et inexécutions affectant le chantier qui lui a été confié, dès lors qu'elle a manqué à son obligation de livrer l'ouvrage achevé et a méconnu les règles de l'art,

- qu'il ne peut être retenu une immixtion fautive des époux [P] dès lors qu'ils ne sont pas notoirement compétents en matière de bâtiment et n'ont fait que suivre l'évolution du chantier de manière légitime au regard des désordres constatés, M. [U] n'étant pas lié contractuellement avec eux ; que leur intervention concernant la pose du carrelage est sans influence sur le litige puisqu'aucun désordre ne concerne ce lot,

- qu'aucun manquement ne peut être reproché à la SARL PROBOIS CHALOSSAIS dès lors que le rapport d'expertise ne met pas en évidence un défaut du produit qu'elle a livré, ni qu'il ne correspondait pas à celui commandé (des bandeaux et des voliges de châtaignier), et dès lors qu'elle n'est pas responsable de la non adaptation du produit commandé au chantier, recoupées avant leur pose,

- que M. [U] a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à l'égard des époux [P] résultant de sa faute contractuelle à l'égard de la SARL CONSTRUCTIONS [C] pour avoir accepté la coordination des travaux sans fourniture de plans précis, et dans le suivi du chantier dont il était chargé en tant que maître d'oeuvre, concernant le lot charpente et le lot étanchéité, ce qui correspond au désordre n°7 (poteau porteur de la baie coulissante et pose des impostes sur étanchéité dans séjour),

- que M. [M], sous-traitant, a engagé sa responsabilité délictuelle envers les époux [P] dans le cadre des désordres n°8 et 9 concernant le lot menuiserie, et des inachèvements pour les travaux intérieurs n°4 pour les menuiseries,

- que M. [F] sous-traitant a engagé sa responsabilité délictuelle s'agissant des enduits intérieurs au regard des fissures (désordre n°10) et de l'inachèvement n°4,

- que la nature et le montant des travaux de remise en état nécessaires pour mettre fin aux désordres (pour 402'316,58 €) et travaux d'achèvement ( pour 80'060,33 €) tels que proposés par l'expert ne sont pas discutés par les parties, et doivent donc être retenus à hauteur de la somme totale de 482 376,91 € TTC, à laquelle doit s'ajouter le coût de la maîtrise d'oeuvre pour 32 186,32 € comme préconisé par l'expert,

- que le montant des travaux réparatoires au titre du lot menuiserie incombant à M. [M] est chiffré à la somme de 19 578,68 € TTC, le montant des travaux réparatoires au titre du lot plâtrerie incombant à M. [F] est chiffré à hauteur de 4 360,85 € TTC, et le montant des travaux réparatoires du désordre n°7 incombant à M. [U] est chiffré à hauteur de 46 647,69 € TTC,

- que les époux [P] ne peuvent pas habiter leur maison alors que la livraison était prévue le 1er janvier 2014, ce qui leur impose des frais de relogement et de garde meubles, outre un préjudice de jouissance durant le temps des travaux, évalué à 8-10 mois par l'expert, préjudice évalué à la somme de 1 000 € par mois,

- que les désordres mineurs affectant la plâtrerie, imputables à M. [F], n'engendrent pas de préjudice de jouissance,

- que par contre M. [M] et M. [U] seront condamnés in solidum à hauteur de leur part de responsabilité dans le préjudice de jouissance à hauteur de 5 % pour le premier et de 10 % pour le second.

Le 6 septembre 2021, la SARL CONSTRUCTIONS [C] a été placée en redressement judiciaire devant le tribunal de commerce de Bayonne .

La SARL CONSTRUCTIONS [C] a relevé appel en intimant les époux [P] par déclaration du 30 septembre 2021 (RG n°21/03230), critiquant le jugement en ce qu'il a :

- déclaré la SARL CONSTRUCTIONS [C] responsable du préjudice subi par les époux [P] pour l'ensemble des désordres et inachèvements affectant le bien immobilier situé [Adresse 3] [Adresse 5] sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à verser aux époux [P] la somme de 514 562,24 € TTC au titre des travaux de reprise et d'achèvement, et condamné in solidum M. [M] à hauteur de 19 578,68 € TTC, M. [F] à hauteur de 4 360,85 € TTC, et M. [U] à hauteur de 46 647,69 € TTC,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à verser aux époux [P] la somme de 101 000 € au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance et condamné in solidum M. [M] à hauteur de la somme de 5 050 € et M. [U] à hauteur de 10 100 € ,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à payer aux époux [P] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné in solidum M. [F] à hauteur de 50 €, M. [M] à hauteur de 250 € et M. [U] à hauteur de 500 € ,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] aux entiers dépens en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise, et condamné in solidum M. [F] à hauteur de 1% du montant des dépens, M. [M] à hauteur de 5% des dépens, et M. [U] à hauteur de 10% des dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par ordonnance du 9 juin 2022, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions des époux [P] du 14 mars 2022, à l'égard de la SELAS GUÉRIN & ASSOCIÉS mandataire judiciaire au redressement de la SARL CONSTRUCTIONS [C] pour non respect du délai de trois mois pour signifier leur conclusion à un intimé non constitué.

Par ordonnance du 8 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a débouté les époux [P] de leur demande de radiation de l'affaire faute d'exécution du jugement, aux motifs que le placement de la SARL CONSTRUCTIONS [C] en redressement judiciaire constitue un obstacle rendant impossible l'exécution du jugement dans le cadre de l'exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique du 21 juin 2023 la SARL CONSTRUCTIONS [C] , appelante, entend voir la cour :

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture

À titre principal

- annuler l'expertise,

- annuler purement et simplement le jugement,

A titre subsidiaire,

- ordonner la production des documents :

- assurance dommages-ouvrage de M. et Mme [P],

- les assurances incendie de la construction,

- le justificatif du financement,

- le permis de construire du mobil-home,

- l'acte notarié de la vente de la maison objet du litige ou à défaut une attestation sur l'honneur qu'il n'a pas vendu le bien,

- communiquer le mode de calcul métrés et autres qui a permis d'arriver au montant de ces travaux de 585 149,66 € hors pénalités,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré la SARL CONSTRUCTIONS [C] responsable du préjudice subi par les époux [P] pour l'ensemble des désordres et inachèvements affectant le bien immobilier situé [Adresse 3] [Adresse 5] sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à verser aux époux [P] la somme de 514 562,24 € TTC au titre des travaux de reprise et d'achèvement, et condamné in solidum M. [M] à hauteur de 19 578,68 € TTC, M. [F] à hauteur de 4 360,85 € TTC, et M. [U] à hauteur de 46 647,69 € TTC,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à verser aux époux [P] la somme de 101 000 € au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance et condamné in solidum M. [M] à hauteur de la somme de 5 050 € et M. [U] à hauteur de 10 100 €,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à payer aux époux [P] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné in solidum M. [F] à hauteur de 50 €, M. [M] à hauteur de 250 € et M. [U] à hauteur de 500 € ,

- condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] aux entiers dépens en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise, et condamné in solidum M. [F] à hauteur de 1% du montant des dépens, M. [M] à hauteur de 5% des dépens, et M. [U] à hauteur de 10% des dépens,

- prononcer la nullité du rapport de l'expert avec toutes conséquences de droit,

- débouter les époux [P] de toutes leurs demandes à son encontre,

- condamner solidairement les époux [P] à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et les préjudices qui sont d'ores et déjà constitués,

- condamner solidairement les époux [P] à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile, qui pourront être recouvrés par Maître Piault,

- ordonner la publication, aux frais des époux [P], de la décision à intervenir dans trois organes de presse écrite ou audiovisuelle à ses choix et dans la limite de 9 000 € de frais de publications.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

- que la signification du jugement du 31 août 2021 est nulle car elle ne permet pas d'identifier l'huissier qui a instrumentalisé l'acte de signification, sa signature n'étant pas identifiable, et car la personne qui a reçu l'acte, Mme [O], n'avait pas de procuration à cet effet, et n'a aucun lien avec la SARL CONSTRUCTIONS [C] ,

- que le tribunal n'a pas convoqué la SARL MS ENERGIE et la SARL NJF ECO ENERGIES qui font pourtant partie de la liste des entreprises intervenantes selon l'expert,

- que les époux [P] et l'expert n'établissent pas qui a posé le carrelage en ses lieu et place, alors que le lot carrelage était inclus dans le contrat qui liait les parties ; que le contrat a ainsi été rompu à l'initiative de M. [P], qui n'aurait pas dû changer l'achat du carrelage, et faire intervenir une autre entreprise après avoir congédié la SARL CONSTRUCTIONS [C] le 14 mars 2014,

- que M. [P] a commis des fautes par ses interventions incessantes et journalières sur le chantier, et en empêchant les artisans de travailler dans de bonnes conditions, ce qui n'a pas été pris en considération l'expert,

- que le rapport d'expertise doit être annulé dès lors que le sapiteur M. [E] [D] est intervenu le 20 décembre 2017 sans avoir été nommé, donc sans support juridique et/ou judiciaire, et qu'il a été remplacé par M. [I] [D] qui n'avait pas vocation à le représenter et n'a pas la qualité d'expert ; que le rapport d'expertise ne permet pas d'éclairer utilement la juridiction, étant lacunaire sur plusieurs points essentiels de la mission confiée à l'expert et renvoie à des annexes ne comportant ni signature ni nom de leur auteur ; que la réunion d'expertise du 6 avril 2018 a eu lieu en présence de sapiteurs dont deux avaient déjà déposé leurs rapports ; que l'expert n'a fait aucun travail de synthèse et renvoie systématiquement à l'avis du sapiteur alors qu'il devait accomplir personnellement sa mission,

- que M. [P] a vendu sa maison et s'est enrichi alors qu'il sollicite de la SARL CONSTRUCTIONS [C] de payer plus que ce qu'il a investi,

- que l'expert n'est pas impartial et a débordé de sa mission en parlant de contrat de construction de maison individuelle et en prenant en considération le rapport de M. [D] qui a déposé son rapport à une date antérieure à celle des devis que l'expert devait vérifier ; qu'il n'a pas contrôlé ni fait appeler les garanties décennales et assurances responsabilité civile des artisans,

- que M. [P] ne justifie pas de l'attestation décennale de M. [J] et de tous les artisans présents sur le chantier ; qu'il a déclaré un sinistre auprès de l'assurance de M. [J] le 12 juillet 2013 et que l'expert a refusé d'engager la responsabilité de M. [J] comme elle le demandait,

- que le contrat conclu avec les époux [P] est un contrat d'entreprise ou de louage d'ouvrage et non un contrat de construction de maison individuelle dès lors que les époux [P] n'ont pas versé l'intégralité du montant du marché, que les artisans n'étaient pas en contrat de sous-traitance avec la SARL CONSTRUCTIONS [C], et que M. [P] était présent sur le chantier tous les jours en dehors de toute convocation de la SARL CONSTRUCTIONS [C], qu'il a fait son affaire personnelle des travaux contractuellement prévus, et des artisans présents qu'il a payés sans l'en informer, et qu'il a fourni les plans et le permis de construire,

- que la page de garde du contrat a été rédigée à la demande de M. [P] qui voulait un montant global, ce qui n'emporte pas la qualification de contrat de construction de maison individuelle,

- que M. [P], qui est paysagiste, n'a eu de cesse de modifier les plans et n'était jamais satisfait, a congédié à plusieurs reprises les artisans du chantier et a fait suspendre le chantier le 20 novembre 2013 et par trois fax en novembre 2013 et janvier et février 2014,

- qu'il a fait intervenir des entreprises de son plein gré sans l'en avertir, notamment M. [H] qui ne fait pas partie de la liste de marché signé entre les parties, et qui a finalement été congédié sans être payé,

- que M. [P] ne justifie pas la pose en conformité aux dispositions administratives de ses deux mobil-homes en 2014, ni ne justifie de leur achat, de sorte que l'ordonnance de taxe du 26 juillet 2018 a été mise à la charge de la SARL CONSTRUCTIONS [C] sur la base d'une escroquerie des époux [P] qui vivaient en réalité dans leur mobil-home par choix et bien avant le projet de construction,

- que le préjudice de jouissance n'est pas justifié dès lors que le chantier a pris du retard du seul fait de M. [P] qui a congédié les artisans le 14 mars 2014, et à plusieurs reprises, et qu'il vit dans un mobil-home luxueux depuis 17 ans.

- que les époux [P] ne lui ont pas fait sommation de reprendre les travaux à l'exception d'une seule lettre du 22 avril 2014, de sorte qu'ils ne justifient pas avoir envoyé un courrier avant la saisine du tribunal pour la reprise des travaux de finition restants,

- qu'elle a tenté de faire intervenir un médiateur lors des réunions d'expertise dans un esprit de bienveillance et afin de trouver une solution,

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2023 à l'appelante et signifiées à nouveau par RPVA le 9 avril 2024 dans le dossier issu de la jonction, M. [R] [P] et Mme [V] [P], intimés, entendent voir la cour :

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour de l'audience de plaidoirie du 26 juin 2023,

- déclarer recevables mais mal fondées les demandes de la SARL CONSTRUCTIONS [C] ,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- fixer en conséquence la créance de M. et Mme [P] au passif de la SARL CONSTRUCTIONS [C] pour 628 360 €.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil :

- que l'expertise judiciaire a duré quatre ans, et a nécessité six réunions d'expertise, en raison de l'attitude opposante et procédurière de la SARL CONSTRUCTIONS [C]

- que l'expert pouvait se faire assister par les personnes de son choix lors de la réunion du 20 décembre 2027 afin d'être suffisamment éclairé ; que les sapiteurs avaient déposé leurs rapports lors de la réunion du 6 avril 2018 car ils estimaient leur mission terminée, et que la réunion avait pour objet d'exposer les conclusions de ces rapports ; qu'il n'est pas démontré en quoi la présence des sapiteurs lors de certaines réunions entraînerait la nullité du rapport d'expertise,

- que l'expert a été diligent dans la communication du pré-rapport d'expertise,

- que le principe du contradictoire a été respecté dès lors que l'expert a bien pris en compte que l'entreprise [M] intervenait sur le lot menuiseries, et que l'intervention des sapiteurs n'a pas privé les parties de discussion ou porté atteinte à leurs droits de la défense,

- qu'aucune responsabilité ne peut être mise la charge de M. [P] qui n'est pas notoirement compétent en matière de construction, et qui ne s'est pas immiscé de manière fautive dans les travaux, son intervention sur le chantier étant justifiée par les manquements, défauts et anomalies voire abandons de chantier constatés et confirmés par l'expert, qui a retenu que le conflit s'expliquait par le manque de clarté du contrat et une mauvaise gestion du chantier par les intervenants, responsables de manquements graves,

- que les désordres ont été listés par l'expert, affectent tous les lots et nécessitent des travaux conséquents de reprise, chiffrés par l'expert à hauteur de 558 491 € TTC, ce qui n'est pas contesté par les parties,

- que M. [M] chargé du lot menuiseries intérieures et extérieures a abandonné le chantier alors qu'il avait été réglé et ne s'est plus présenté malgré les sommations de reprendre et d'achever le chantier,

- que leur maison est inhabitable en l'état alors qu'elle devait être livrée le 1er janvier 2014, les contraignant à vivre dans un mobil-home et à stocker les meubles qu'ils avaient commandés dans un garde-meubles au prix de 190 € par mois,

- qu'ils ont réglé l'intégralité du marché de travaux et n'ont donc plus les fonds nécessaires pour faire l'avance des travaux de reprise, dont la durée a été évaluée par l'expert à 8 à 10 mois,

- qu'ils ont émis des demandes de paiement aux entreprises intervenues, et qu'aucune contestation du principe de la dette, ni de son montant n'a été soulevée par elles,

- que la SARL CONSTRUCTIONS [C] n'a toujours pas commencé à exécuter la décision de 1ère instance,

- qu'elle n'a pas mentionné les époux [P] dans la liste de ses créanciers devant le juge commissaire, obligeant ceux-ci à solliciter un relevé de forclusion pour déclarer leur créance.

Une ordonnance du 10 mars 2022 de commerce de Bayonne les a relevés de la forclusion leur permettant de déclarer leur créance le 18 mars 2022 entre les mains du liquidateur de la SARL CONSTRUCTIONS [C] pour la somme totale de 628 360,83 €.

Par jugement du 23 janvier 2023 du tribunal de commerce de Bayonne, la SARL CONSTRUCTIONS [C] a été placée en liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier de justice du 27 septembre 2023, les époux [P] ont assigné en appel provoqué la SELAS GUÉRIN & ASSOCIÉS, es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CONSTRUCTIONS [C] , et l'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/02626.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 octobre 2023, la SELAS GUÉRIN & ASSOCIÉS, es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CONSTRUCTIONS [C] , intimée, demande à la cour de :

- lui donner acte qu'elle s'en remet à justice,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ordonnance du 4 janvier 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction entre les deux affaires, sous le numéro RG 21/03230.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2024.

Par conclusions notifiées le 19 avril 2024 postérieurement à la clôture, la SARL CONSTRUCTIONS [C] demande à la Cour de révoquer l'ordonnance de clôture, et reprend les mêmes prétentions que dans ses conclusions précédentes, y ajoutant des moyens en réponse aux conclusions et pièces des époux [P] signifiées à la SELAS GUERIN & ASSOCIES et communiqués le 9 avril 2024 à la SARL CONSTRUCTIONS [C] la veille de la clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, la Cour indique que les conclusions de la SARL CONSTRUCTIONS [C] demeurent recevables malgré l'intervention du liquidateur de cette société en liquidation judiciaire dès lors qu'elle conserve un droit propre à exercer un recours contre les décisions portant sur les créances à fixer à son passif.

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

En application des articles 907'et 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

M. et Mme [P] justifient que leurs conclusions communiquées le 9 avril 2024 à la SARL CONSTRUCTIONS [C] la veille de l'ordonnance de clôture, correspondent exactement à celle signifiées précédemment le 26 juin 2023, les pièces visées ayant déjà été communiquées le 28 avril 2022 et 26 juin 2023 à la SARL CONSTRUCTIONS [C] (contrat initial, courrier de l'huissier relatif à la procédure de redressement judiciaire, demande de relevé de forclusion et déclaration de créance) ou issues de la procédure (jugement du 22 juillet 2021, signification du jugement à la SARL CONSTRUCTIONS [C], demande de relevé de forclusion).

La SARL CONSTRUCTIONS [C] ne justifie donc d'aucun motif légitime pour solliciter la révocation de l'ordonnance de clôture et voir accueillir ses conclusions postérieures du 19 avril 2024 qui doivent par conséquent être déclarées irrecevables.

Sur les limites de la saisine de la Cour :

La cour relève que M. et Mme [P], intimés, concluent exclusivement à la confirmation du jugement rendu le 21 juillet 2021, mais que dans le corps de leurs conclusions, ils maintiennent la demande d'une fixation de leurs créances au passif de la liquidation de M. [H], de M. [J] et de la Société CAP SUD ENERGIE, et maintiennent leur demande contre la SARL PROBOIS CHALOSSAIS alors que le jugement a déclaré les époux [P] irrecevables en leur demande de condamnation in solidum contre les mandataires liquidateurs représentant ces sociétés, les a déboutés de leur demande contre la SARL PROBOIS CHALOSSAIS et qu'ils ne forment pas d'appel incident.

La SARL CONSTRUCTIONS [C] demande également dans le corps de ses conclusions la réformation de cette irrecevabilité des demandes de M. et Mme [P] contre les sous-traitants en liquidation. Cependant, l'appelante n'avait formé aucune demande de garantie en première instance contre ces entreprises, pas plus d'ailleurs qu'elle n'en formule en appel dans son dispositif.

La cour n'est donc pas saisie de ces demandes de réformation de l'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [P] à l'égard des liquidateurs représentant les entreprises de M. [H], de M. [J] et de la Société CAP SUD ENERGIE prononcée par le premier juge, ni d'une demande de réformation du dispositif rejetant la demande des époux [P] contre la SARL PROBOIS CHALOSSAIS.

Sur la nullité du jugement

En procédure écrite, il n'appartient pas au tribunal de convoquer les parties au litige, qui sont déterminées et assignées par le demandeur, ou le cas échéant appelées à la cause par le ou les défendeurs.

Par conséquent, le fait que toutes les entreprises intervenues sur le chantier de construction de la maison de M. et Mme [P] n'aient pas été mises en cause par ceux-ci devant le premier juge relève de leur choix, sauf à la SARL CONSTRUCTIONS [C] de procéder elle-même à cette mise en cause si elle entendait exercer un recours en garantie contre ces autres entreprises, ce qu'elle n'a pas fait, notamment à l'égard de MMA assureur décennal et responsabilité civile professionnelle de M. [J].

Le jugement n'encourt aucune nullité de ce chef et la demande en ce sens sera rejetée.

Sur la validité de la signification du jugement à la SARL CONSTRUCTIONS [C] :

* Sur l'absence de signature et d'identification de l'huissier ayant délivré la signification

Selon l'article 648 du code de procédure civile relatif à la forme des actes d'huissier de justice, ceux-ci comportent notamment les noms prénoms demeurés signature de l'huissier de justice.

En l'espèce, M. et Mme [P] ont fait procéder à la signification, à la SARL CONSTRUCTIONS [C], du jugement rendu le 21 juillet 2021, par la SELARL PPBL huissiers à [Localité 7], composé de plusieurs d'huissiers associés dont les noms figurent dans l'en-tête de la signification, et la désignation de celui qui a procédé à cette signification sur la fiche en dernière page par la croix mise devant le nom de Maître [W] [N], les autres noms étant rayés.

Il en résulte que le huissier ayant procédé à la signification du jugement est parfaitement identifié, et que son acte est donc valide.

* Sur la remise à la personne habilitée par la SARL CONSTRUCTIONS [C] :

Selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne. La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à tout autre personne habilité à cet effet.

La jurisprudence considère qu'il suffit que la personne à qui est remise la copie de la signification déclare être habilitée à recevoir l'acte pour que la signification soit réputée faite à personne sans que l'huissier n'ait à vérifier la qualité déclarée par celle-ci. (Civile 2ème 18 septembre 2003 n° 01-16.604 )

En l'espèce, la signification du jugement à la SARL CONSTRUCTIONS [C] effectuée le 31 août 2021 par la SELARL PPBL mentionne que l'expédition du jugement a été remis à Mme [X] [O], gardienne du siège de la société qui a déclaré être habilitée à recevoir la copie de l'acte. Cette dernière représente une société ESPACE GESTION où peuvent se domicilier les entreprises, ainsi qu'il ressort d'un contrat de domiciliation commerciale produit par la SARL CONSTRUCTIONS [C], qui donne cette adresse notamment au greffe du tribunal de commerce de Bayonne.

Ce faisant, l' huissier, qui n'avait pas à vérifier si Mme [O] bénéficiait d'une procuration régulièrement signée par la gérante de la SARL CONSTRUCTIONS [C], a respecté les prescriptions qui s'imposaient à lui, la signification du jugement a donc été valablement faite à la personne de la SARL CONSTRUCTIONS [C].

En toute hypothèse, la SARL CONSTRUCTIONS [C] ne justifiant ni n'alléguant aucun grief, aucune nullité n'était encourue par application de l'article 114 du code de procédure civile et la demande de ce chef sera rejetée.

Sur la nullité de l'expertise :

Le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient à savoir les articles 276 et suivants du code de procédure civile, et répondu de manière pertinente aux moyens des parties pour la plupart repris en appel en retenant que :

- s'agissant des sapiteurs, l'expert peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien de son choix dans une spécialité distincte que la sienne, sans avoir à solliciter d'autorisation, et sans que ce spécialiste ne soit nécessairement lui-même inscrit sur la liste des experts, qu'il peut participer aux réunions pour apporter son concours et que son avis est alors joint au rapport d'expertise,

- que les parties ont été en mesure de formuler des observations à la réunion du 6 avril 2018 sur les avis donnés le 4 avril 2018 par les sapiteurs, présents à cette réunion, dès lors que le pré-rapport a ensuite été déposé le 12 avril 2018 sur lequel les parties ont fait valoir des dires entre le 19 avril et le 11 mai 2018 auquel l'expert a répondu,

- que le rapport d'expertise mentionne lot par lot les désordres constatés par l'expert qui s'est rendu sur les lieux,

- que la jurisprudence constante retient que les règles de déroulement de l'expertise et d'accomplissement de sa mission par l'expert ne peuvent entraîner la nullité du rapport d'expertise que s'il est justifié d'un grief pour celui qui l'invoque, ce que ne fait pas la SARL CONSTRUCTIONS [C].

À ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter :

- que l'expert judiciaire a comparé les travaux exécutés avec les pièces du marché lorsque celles-ci lui ont été produites (le dossier du permis de construire, des plans de coupe et façade de la maison, et essentiellement les marchés et devis ou factures des entreprises sous-traitantes, le contrat de maîtrise d''uvre, le planning des travaux et des comptes-rendus de visite de chantier) et a relevé de nombreuses non-conformités aux règles de l'art et aux normes de construction en les décrivant lot par lot, démontrant ainsi avoir accompli personnellement sa mission,

- que la SARL CONSTRUCTIONS [C] ne conteste pas les conclusions techniques des sapiteurs ou de l'expert sur les désordres constatés et l'inachèvement des travaux,

- que devant la cour, la SARL CONSTRUCTIONS [C] ne produit ni les annexes au rapport d'expertise, ni le contrat d'entreprise prétendument signé avec les époux [P].

Par conséquent, les critiques formulées par la SARL CONSTRUCTIONS [C] sur le déroulement et la méthodologie de l'expertise, sans démontrer de grief en résultant pour elle, en particulier concernant le principe du contradictoire qui apparaît parfaitement respecté, ne sont pas de nature à infirmer la décision du premier juge qui a rejeté la demande de nullité de l'expertise et que la cour d'appel confirme donc.

Sur la demande subsidiaire de production de documents :

La SARL CONSTRUCTIONS [C] demande en appel la production des documents suivants :

- assurance dommages-ouvrage de M. et Mme [P],

- les assurances incendie de la construction,

- le justificatif du financement,

- le permis de construire du mobil-home,

- l'acte notarié de la vente de la maison objet du litige ou à défaut une attestation sur l'honneur qu'il n'a pas vendu le bien,

- communiquer le mode de calcul métrés et autres qui a permis d'arriver au montant de ces travaux de 585 149,66 € hors pénalités,

En outre, l'expertise judiciaire s'est déroulée sur plusieurs années, la SARL CONSTRUCTIONS [C] avec toute possibilité dans ce cadre de réclamer les justificatifs qu'elle estimait utiles, ou de formuler cette demande de communication de pièces anciennes pour la plupart devant le juge de la mise en état ou le conseiller de la mise en état.

Cette demande au stade de l'appel apparaît donc dilatoire, d'autant que la SARL CONSTRUCTIONS [C] n'explique pas à la cour en quoi ces documents pourraient l'exonérer de sa responsabilité à l'égard de M. et Mme [P].

Cette demande sera donc rejetée.

Sur la demande de réparations de M. et Mme [P] contre la SARL CONSTRUCTIONS [C] :

* Sur la nature du contrat conclu entre la SARL CONSTRUCTIONS [C] et M. et Mme [P] :

En application de l'article L231-1 du code de la construction et de l'habitation, Toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 231-2.

Ce contrat est d'ordre public, il prévoit un formalisme écrit obligatoire et précis décrivant les caractéristiques du bâtiment, le coût de la construction, et le prix convenu ferme et définitif, les modalités de règlement en fonction de l'avancement des travaux, ainsi que notamment :

- La référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage, en application de l'article L. 242-1 du code des assurances ;

- Les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat.

En l'espèce,

Il n'est pas versé au débat le contrat de construction qui a été conclu entre la SARL CONSTRUCTIONS [C] (anciennement CCDB pour SARL CHARPENTE CARRELAGE DU BRASSENX) et M. et Mme [P], mais seulement un devis global pour tous les lots signé le 12 décembre 2012 pour un montage montant total du marché de 485'682,49 €.

La SARL CONSTRUCTIONS [C] ne démontre pas que le plan de construction a été fourni par les maîtres d'ouvrage et au contraire, sa pièce 9 montre le plan de la maison conçu en 2012 par M. [U], maître d''uvre lié contractuellement uniquement à l'appelante.

Or, il est ainsi établi que M. et Mme [P] ont signé un devis unique avec la SARL CONSTRUCTIONS [C] à partir des plans fournis par celle-ci, les entreprises étant désignées et choisies par la SARL CONSTRUCTIONS [C], ces entreprises étant donc des sous-traitantes au marché principal conclu avec la SARL CONSTRUCTIONS [C].

Ressort également du contrat souscrit le 26 décembre 2012 entre la SARL CONSTRUCTIONS [C] et M. [U], que celui-ci se voyait confier la mission de maîtrise d''uvre partielle de coordination de travaux de construction de M. et Mme [P] pour le compte de la SARL CONSTRUCTIONS [C] désigné dans ce contrat comme maître d'ouvrage.

D'ailleurs, M. et Mme [P] ont réglé la SARL CONSTRUCTIONS [C] au fur et à mesure de l'avancement des travaux, ce qui ressort de l'extrait du livre de compte pour le mois de décembre 2013 produit par la SARL CONSTRUCTIONS [C].

Aucune pièce contractuelle versée par la SARL CONSTRUCTIONS [C] ne démontre que les époux [P] s'étaient conservés la réalisation de certains travaux. Leur dénonciation en cours de chantier du lot carrelage devant être réalisé initialement par la SARL CONSTRUCTIONS [C] (anciennement CCDB) pour choisir un autre carreleur confirme au contraire que le contrat initial intégrait tous les lots sous le contrôle de la SARL CONSTRUCTIONS [C].

Les manquements de cette dernière et des entreprises sous-traitantes ne pouvaient que conduire à la rupture des relations contractuelles, sans que cette rupture ne modifie la nature du contrat initial.

Ainsi, c'est à bon droit que le juge a retenu que la construction entreprise par la SARL CONSTRUCTIONS [C] aurait dû faire l'objet d'un Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI) dont la réglementation d'ordre public vise à protéger le maître d'ouvrage de la défaillance du constructeur notamment avec la garantie de livraison.

Il appartenait en particulier à la SARL CONSTRUCTIONS [C] de s'assurer que les sous-traitants effectuaient correctement leurs travaux et respectaient les délais convenus.

Contrairement à ce que soutient la SARL CONSTRUCTIONS [C] aucune réception n'a été signée par M. et Mme [P] dès lors que le seul document qu'elle produit intitulé réception des ouvrages ne concerne que le lot charpente datée du 12 juillet 2013 et ne porte que la signature de M. et Mme [P] mais ni celle de l'entreprise générale CONSTRUCTIONS [C], ni celle du charpentier concerné M. [J], ni celle de M. [U], maître d''uvre de coordination.

La SARL CONSTRUCTIONS [C] reproche la présence constante de M. et Mme [P] sur le chantier, les conflits avec les entrepreneurs, mais il a été vu avec l'expertise que ceux-ci ont été responsables de désordres, non respect des règles de l'art ou d'inachèvements importants, notamment les artisans qui attestent pour la SARL CONSTRUCTIONS [C] (M. [H] charpentier, M. [S], maçon carreleur, M. [Y], électricien, M. [L], agencement intérieur) et la surveillance du chantier exercée par les maîtres d'ouvrage habitant à proximité ne saurait être considérée comme fautive et il n'est démontré aucune qualification ou compétence particulière en matière de construction, (ils sont pépiniéristes), et par conséquent, aucune immixtion fautive de nature à exonérer le constructeur ou l'entreprise de leur responsabilité ne peut être retenue.

La cour confirme donc la liste des 10 désordres à reprendre retenu par le premier juge constituant des malfaçons et des inachèvements selon le rapport d'expertise de M. [Z], sur la base du rapport d'évaluation de la reprise des désordres établis par M. [D], à savoir pour un montant de 517'122 € TTC outre une maîtrise d''uvre de 8 % portant le coût total à 558'491 €.

L'expert a évalué la durée du chantier de reconstruction de la maison à 8 à 10 mois.

Peu importe que M. et Mme [P] aient habité dans leur mobil-home antérieurement au démarrage de la construction, dès lors qu'ils étaient en droit d'espérer pouvoir s'installer dans leur maison au 1er janvier 2014, ils subissent un préjudice de jouissance que l'expert a évalué à 1 000 € par mois, et la cour confirme donc l'indemnité de 101'000 € qui leur est accordée de ce chef.

De même, comme l'a rappelé le premier juge les responsables d'un même dommage doivent être condamnés à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les divers responsables qui n'affectent que les rapports réciproquent de ces derniers.

M. et Mme [P] ayant contracté uniquement avec la SARL CONSTRUCTIONS [C] pour la construction de leur maison, les désordres inachèvements de celle-ci sont donc imputables à cette dernière, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, aucune réception n'étant intervenue et ne pouvant être prononcée au regard de l'état d'inachèvement des travaux.

La cour confirme donc le jugement dans toutes ses dispositions, sauf à substituer à la condamnation de la SARL CONSTRUCTIONS [C] au paiement des indemnités retenues, la fixation de la créance de M. et Mme [P] au passif de la SARL CONSTRUCTIONS [C] ainsi qu'il résulte de leur production pour un total de 628 360,83 € comprenant :

514'562,24 € TTC au titre des travaux de reprise inachèvement

101'000 € au titre de la réparation du préjudice de jouissance

5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

7 798,59 € au titre des dépens de première instance y compris les frais d'expertise.

Les frais et dépens de 1ère instance ont été arbitrés par le 1er juge avant que la société SARL CONSTRUCTIONS [C] ne soit placée en redressement judiciaire, la Cour ne peut donc confirmer la condamnation au paiement de cette somme qui sera mentionnée dans la fixation de la créance.

La cour rejette les demandes de la SARL CONSTRUCTIONS [C], déboutée de toutes ses demandes, de dommages-intérêts pour procédure abusive contre M. et Mme [P] et de publication de la décision.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Rejette la demande de la SARL CONSTRUCTIONS [C] en annulation du jugement rendu le 21 juillet 2021 ;

Rejette la demande de la SARL CONSTRUCTIONS [C] tendant à voir annuler la signification du jugement entrepris ;

Infirme le jugement rendu le 21 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] à verser aux époux [P] :

- la somme de 514 562,24 € TTC au titre des travaux de reprise et d'achèvement,

- la somme de 101 000 € au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance,

- la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et a condamné la SARL CONSTRUCTIONS [C] aux entiers dépens en ce compris ceux de référé et les frais d'expertise,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe la créance de M. [R] [P] et de Mme [V] [P] au passif de la liquidation de la SARL CONSTRUCTIONS [C] à la somme totale de 628 360,83 € décomposée comme suit :

- 514 562,24 € TTC au titre des travaux de reprise et d'achèvement

- 101 000 € au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance

- 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- 7 798,59 € au titre des dépens de première instance y compris les frais d'expertise

Confirme le jugement pour le surplus ;

et y ajoutant,

Rejette la demande de communication de documents présentée par la SARL CONSTRUCTIONS [C] ;

Rejette la demande de dommages intérêts pour procédure abusive présentée par la SARL CONSTRUCTIONS [C] ;

Rejette la demande de publication de l'arrêt présentée par la SARL CONSTRUCTIONS [C] ;

Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de la procédure collective de la SARL CONSTRUCTIONS [C].

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.