CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 septembre 2024, n° 21/21264
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Sofop (SAS)
Défendeur :
Hozelock Exel (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
Mme Depelley, M. Richaud
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Rivalan, Me Vignes, Me Berthet
FAITS ET PROCEDURE
La Société Française d'Outils Professionnels (ci-après « la société SOFOP ») exerce des activités de fabrication, stockage et distribution d'outillage fabriqués par elle ou par des tiers.
La société Hozelock Exel (ci-après « la société Hozelock »), venant aux droits de la société Exel GSA, a pour activité la fabrication et l'exploitation de matériel utile à l'agriculture, la viticulture ou toute industrie, notamment des produits d'arrosage et de pulvérisation distribués à des professionnels et particuliers.
Le 16 avril 1998, un contrat de distribution exclusive de pulvérisateurs a été signé entre les parties, confiant à la société SOFOP la distribution de produits de la société Hozelock sous la marque Laser Industrie.
Ce contrat a été complété par deux avenants contractuels des 24 septembre 2010 et 2 février 2017.
Par lettre du 11 juin 2019, la société SOFOP a notifié à la société Hozelock la fin du contrat de distribution, avec un préavis de six mois, conformément aux stipulations du contrat et a cessé ses commandes en novembre 2019.
Par acte du 29 janvier 2020, la société Hozelock a assigné la société SOFOP devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir des dommages-intérêts au titre d'une rupture brutale des relations commerciales établies.
Par un jugement du 12 octobre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :
- Dit que la relation commerciale existant entre la Hozelock Exel et la Société Française D'outils Professionnels (SOFOP) était établie ;
- Jugé que la Société Française D'outils Professionnels (SOFOP) est responsable de la rupture de la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Hozelock Exel ;
- Condamné la Société Française D'outils Professionnels (SOFOP) à payer à la société Hozelock Exel la somme de 231 985,65 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation commerciale établie.
- Rejeté la demande de la société Hozelock Exel de se voir communiquer par la Société Française D'outils Professionnels (SOFOP) le détail des ventes s'agissant du « secteur d'activité » et des clients.
- Rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties.
- Condamné la Société Française D'outils Professionnels (SOFOP) à payer la somme de 1500 euros à la société Hozelock Exel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné la Société Française D'outils Professionnels (SOFOP) aux dépens de l'instance.
La société SOFOP a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 3 décembre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par RPVA le 31 juillet 2022, la société SOFOP demande à la Cour de :
- Dire et juger recevable et fondée la société SOFOP en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Hozelock Exel, et,
- Débouter la société Hozelock Exel de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en ce compris de son appel incident, et,
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon le 12 octobre 2021, en ce qu'il a
' Dit que la relation commerciale existant entre la société Hozelock Exel et la société SOFOP était établie ;
' Jugé que la société SOFOP est responsable de la rupture de la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Hozelock Exel ;
' Condamné la société SOFOP à payer à la société Hozelock Exel la somme de 231 985,65 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation commerciale établie ;
' Rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties, mais uniquement lorsqu'il rejette les moyens et prétentions de la société SOFOP ;
' Condamné la société SOFOP à payer la somme de 1 500 € à la société Hozelock Exel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' Condamné la société SOFOP aux dépens de l'instance.
Et statuant à nouveau,
Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé la société SOFOP responsable de rupture brutale de relation commerciale établie :
Vu l'article L. 442-1, II du Code de commerce,
A titre principal,
- Dire et juger que la relation commerciale entre la société SOFOP et la société Hozelock Exel n'était pas établie,
- Débouter la société Hozelock Exel de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale de relation commerciale établie,
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que la rupture par la société SOFOP de la relation commerciale avec la société Hozelock Exel n'était pas brutale,
- Débouter la société Hozelock Exel de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale de relation commerciale établie,
A titre infiniment subsidiaire,
- Dire et juger que la société Hozelock Exel n'apporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque,
- Débouter la société Hozelock Exel de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale de relation commerciale établie.
Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société SOFOP de ses demandes reconventionnelles :
Sur la responsabilité de la société Hozelock Exel à raison des violations de son engagement d'exclusivité :
Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
Vu les articles 1103, 1130, 1131, 1137, 1178 et 1188 et 1231-1 du Code civil, dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016,
A titre principal,
- Dire et juger que la société Hozelock Exel a violé son engagement d'exclusivité consenti à la société SOFOP,
- Avant-dire droit, condamner la société Hozelock Exel à communiquer, sous astreinte de 150 € par jour de retard, une attestation de son expert-comptable mettant en évidence le montant du chiffre d'affaires réalisé par celle-ci entre le 15 mai 2015 et le 31 décembre 2019 en violation de l'engagement d'exclusivité consenti à la société SOFOP, c'est-à-dire à l'égard des professionnels du bâtiment et de l'industrie ' hors clientèle d'industries (fabricants et distributeurs de produits chimiques, sociétés prestataires de services, marchés d'états spécifiques (SCNF, aéronautiques, etc.) et groupe Saint Gobain (Point P) ' situés sur le territoire français.
- Renvoyer le dossier à telle audience qu'il plaira à la Juridiction de céans
A titre subsidiaire, si la Cour considérait que l'avenant n°2 du 2 février 2017 a supprimé l'exclusivité de distribution de la société SOFOP,
- Dire et juger que le consentement de la société SOFOP à la conclusion de l'avenant n°2 du 2 février 2017 a été vicié par les man'uvres dolosives de la société Hozelock Exel,
- Prononcer la nullité pour dol de l'avenant n°2 du 2 février 2017,
- Dire et juger que la société Hozelock Exel a violé son engagement d'exclusivité consenti à la société SOFOP par le contrat initial du 16 avril 1998 modifié par avenant n°1 du 24 septembre 2010,
- Avant-dire droit, condamner la société Hozelock Exel à communiquer, sous astreinte de 150 € par jour de retard, une attestation de son expert-comptable mettant en évidence le montant du chiffre d'affaires réalisé par celle-ci entre le 15 mai 2015 et le 31 décembre 2019 en violation de l'engagement d'exclusivité consenti à la société SOFOP, c'est-à-dire à l'égard des professionnels du bâtiment et de l'industrie ' hors clientèle d'industries (fabricants et distributeurs de produits chimiques, sociétés prestataires de services, marchés d'états spécifiques (SCNF, aéronautiques, etc.) et groupe Saint Gobain (Point P) ' situés sur le territoire français.
- Renvoyer le dossier à telle audience qu'il plaira à la Juridiction de céans.
Sur la demande en paiement de la remise due au titre des ventes réalisées auprès de la société Chausson Matériaux :
Vu l'article 1103 du Code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016,
- Condamner la société Hozelock Exel à payer à la société SOFOP la somme de 12 107,23 € au titre de la remise due sur les ventes de pulvérisateurs Exel 7 Construction réalisées par la société SOFOP auprès de la société Chausson Matériaux entre le 8 janvier 2019 et le 11 mars 2020.
En tout état de cause,
- Débouter la société Hozelock Exel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Hozelock Exel à payer à la société SOFOP la somme de 17 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par RPVA le 11 mai 2022, La société Hozelock Exel demande à la Cour de :
Vu l'article L. 442-1-II du Code de Commerce,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la relation commerciale entre les parties était établie et que la société SOFOP est responsable de la rupture abusive de cette relation commerciale établie.
- Réformer le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau,
- Condamner la société SOFOP à payer à la société Hozelock Exel la somme de 285.520,80 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de relations commerciales établies.
- Condamner la société SOFOP à communiquer à la société Hozelock Exel le détail des ventes (chiffres d'affaires et quantités par Produit) au niveau du « secteur d'activité » (appellation SOFOP) et des clients et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en application des dispositions contractuelles.
- Débouter la société SOFOP de l'ensemble de ses demandes.
- Condamner la société SOFOP au paiement d'une somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture de la relation commerciale établie
Exposé des moyens,
La société SOFOP fait principalement valoir l'absence de caractère établi de la relation commerciale nouée entre les parties par le contrat de distribution signé en 1998 en soutenant l'absence de caractère stable et significatif de cette relation. Elle relève d'abord que la part de chiffre d'affaires réalisé par la société Hozelock avec la société SOFOP est insignifiante pour représenter moins de 1% de son chiffre d'affaires global. Ensuite, elle insiste sur le fait que cette relation a été émaillée de tensions liées aux divergences entre les parties et aux manquements de la société Hozelock à l'exclusivité consentie sur les produits objets du contrat de distribution, en sorte que cette dernière ne pouvait légitimement croire à la continuité de cette relation commerciale. A titre subsidiaire, la société SOFOP conteste la brutalité de la rupture et soutient que le préavis contractuel de 6 mois, qui a été respecté, était amplement suffisant. Elle relève à cet effet l'absence de dépendance économique de la société Hozelock avec la société SOFOP dès lors que la relation commerciale représentait moins de 1% de son chiffre d'affaires global. Elle ajoute que la société Hozelock n'a éprouvé aucune difficulté à se réorganiser dès lors qu'elle avait amorcé sa reconversion dès 2007 en ne respectant pas l'exclusivité concédée à la société SOFOP et se trouve être la filiale du groupe leader mondial de la pulvérisation. Enfin sur le préjudice, la société SOFOP conteste son existence et son évaluation basée sur une marge brute de 63% qu'elle estime irréaliste pour une activité de production et ne correspondant pas à la notion de marge sur coûts variables.
La société Hozelock soutient avoir été victime d'une rupture abusive de la relation commerciale établie sur le fondement de l'article L.442-1-II du code de commerce. Elle fait valoir que la relation commerciale était établie depuis 1998, et que si des tensions ont émaillé la relation, celles-ci sont anciennes et antérieures à la signature de l'avenant n°2 du 2 février 2017 marquant la volonté des parties d'inscrire leur relation dans l'avenir. Elle relève en outre que les griefs invoqués dans l'instance n'ont pas motivé la rupture du 11 juin 2019. Elle ajoute que la relation présentait une réelle stabilité et représentait un chiffre d'affaires moyen annuel de 300 000 euros HT depuis près de 20 ans. Elle soutient ensuite que dès lors que la durée du préavis dépend principalement de l'ancienneté de la relation entre les parties, elle devait bénéficier d'un préavis d'au moins 21 mois. Elle prétend n'avoir bénéficié que d'un préavis effectif de 5 mois, la société SOFOP ayant cessé toute commande en novembre 2019. Elle évalue son préjudice à la somme de 285 520,80 euros, calculé sur une perte de marge brute mensuelle moyenne de 16 mois de 17 845,05 euros certifiée par le cabinet KPMG.
Réponse de la Cour,
L'article L.442-1 II du code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
* Sur le caractère établi de la relation
Les parties s'opposent quant au caractère établi de leur relation.
La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions susvisées, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Les parties ont noué une relation commerciale de distribution par la société SOFOP des produits Laser Industrie fabriqués par la société Hozelock, suivant un premier contrat de distribution exclusive signé en 1998.
La société SOFOP verse de nombreuses pièces aux débats (notamment pièces n°8 à 35) mettant en évidence une relation émaillée d'incidents et de tensions sur le respect de l'exclusivité consentie par la société Hozelock et sa méthode de fixation de ses tarifs, mais qui ont donné lieu à des négociations à l'initiative de la société SOFOP et à la signature d'avenants successifs au contrat de distribution les 24 septembre 2010 et 2 février 2017. Il n'est pas contesté que le courant d'affaires a été stable entre 1999 et 2019 et de l'ordre de 300 000 € HT annuel (conclusions Hozelock page 4 et pièce SOFOP n°33).
Dans ces conditions, la société Hozelock pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec la société SOFOP, en sorte que la relation commerciale nouée entre les parties depuis 1998 était établie au sens des dispositions précitées au moment de la notification de la rupture par lettre du 11 juin 2019.
* sur la brutalité de la rupture
Il ressort de l'article L.442-1 II du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
Certes la relation commerciale nouée entre les parties est ancienne de plus de 20 années.
Cependant force est de constater que le flux d'affaires tiré de cette relation représentait moins de 1% du chiffre d'affaires global de la société Hozelock et que celle-ci ne justifie ni même allègue une quelconque difficulté ou spécificité du marché ou du produit pour se réorganiser ou trouver d'autres partenaires pour la distribution de ses produits. Si la société Hozelock avait concédé une exclusivité de distribution de certains produits à la société SOFOP, celle-ci justifie de difficultés à faire respecter cette clause contractuelle, dont la société Hozelock invoque la disparition dans l'avenant n°2.
Dans ces circonstances, la Cour estime que le délai de préavis de 6 mois, tel que prévu dans le dernier avenant signé le 2 février 2017 est nécessaire et suffisant.
La Cour constate que selon les déclarations de la société Hozelock, celle-ci a réalisé un chiffre d'affaires avec la société SOFOP de 405 330 euros sur l'exercice 2018/2019 alors qu'il était de 316 322 euros sur l'exercice 2016/2017 (conclusions page 2). Sur les mois d'octobre à décembre 2017 et 2018, la moyenne des commandes a été de 22 834 euros à comparer à 20 030 euros sur la même période en 2019 (conclusions page 4). Il en résulte qu'il n'est justifié d'aucune baisse significative du flux d'affaires sur la période de préavis courant du 11 juin 2019 au 31 décembre 2019.
La société Hozelock a donc bénéficié d'un préavis de rupture effectif et suffisant de 6 mois de la part de son partenaire la société SOFOP.
Dès lors, il y a lieu de débouter la société Hozelock de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie. En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société SOFOP à verser à la société Hozelock la somme de 231 985,65 euros.
Sur la demande de la société Hozelock de communication de pièces comptables
Exposé des moyens,
La société Hozelock demande la condamnation de la société SOFOP à lui communiquer le détail des ventes (chiffres d'affaires et quantités par produit) au niveau du « secteur d'activité » et « des clients » et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard en application de l'article 7.1.3 du contrat du 16 avril 1998 et les avenants des 14 septembre 2010 et 2 février 2017. Elle expose à l'appui de sa demande que la société SOFOP s'est vue confier un produit fabriqué par la société Hozelock et que ce produit ne peut être distribué par d'autres canaux, en sorte qu'en mettant fin à son initiative à la relation commerciale la société SOFOP l'empêche de poursuivre la commercialisation de ses produits confiés à ses clients.
La société SOFOP soutient que l'obligation mise à sa charge par l'article 7.1.3 de l'avenant n°2 de communiquer à la société Hozelock le nom de ses clients crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Elle prétend que les dispositions de cet article faisant référence non seulement au secteur d'activité mais aussi aux clients ont été modifiées à son insu lors de la signature de l'avenant n°2 et que cette obligation lui imposerait de transférer une grande partie de son fichier clients représentant une importante valeur économique sans contrepartie. Elle relève par ailleurs que la société Hozelock n'a pas mis en 'uvre cette clause pendant l'exécution de la relation contractuelle mais seulement à réception de la lettre de résiliation du 11 juin 2019.
Réponse de la Cour,
Il ressort des pièces versées aux débats par la société SOFOP (notamment pièce n°20) qu'en vue de la signature de l'avenant n°1 du 24 septembre 2010, les parties avaient échangé sur la nature des informations commerciales à communiquer par le distributeur à son fournisseur et les parties étaient parvenues à un compromis prévoyant la communication du détail des ventes (CA et quantités par produits) au niveau des centrales, c'est-à-dire au niveau du « secteur d'activité » (appellation SOFOP).
Si dans l'avenant n°2 figure le rajout de la mention « et des clients », la société SOFOP justifie des circonstances particulières de la rédaction de ce contrat où la société Hozelock n'a pas mentionné de manière loyale les modifications faites au projet de contrat (pièces n° 28 à32). En outre, lors de la relation contractuelle qui s'est poursuivie après la signature de l'avenant n°2, la société Hozelock ne justifie pas avoir réclamé à la société SOFOP les informations sur les détails de ventre des secteurs d'activité, et en particulier ceux des clients. Cette demande n'est intervenue que postérieurement à la résiliation du contrat (pièce Hozelock n°5) et sous astreinte au cours de la présente instance alors que le contrat de distribution a pris fin le 31 décembre 2019.
Dès lors, la société Hozelock sera déboutée de sa demande de communication de pièces en application de l'article 7.1.3 du contrat résilié. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de la société SOFOP fondée sur la responsabilité contractuelle et de communication de pièces
Exposé des moyens,
La société SOFOP fait valoir pour l'essentiel que la société Hozelock a violé à plusieurs reprises au cours de la relation contractuelle l'exclusivité sur le territoire de la France métropolitaine dont elle bénéficiait pour la distribution des produits Laser Industrie auprès d'une clientèle de professionnels du bâtiment et de l'industrie, tant sous sa marque a minima auprès des groupes GEDIMAT et CHAMPION que sous marque distributeur a minima auprès des réseaux PROLIANS et OREXAD. Dans ce contexte, elle soutient que la responsabilité contractuelle de la société Hozelock est engagée et réclame pour l'évaluation de son préjudice la condamnation de celle-ci sous astreinte à lui communiquer une attestation de son expert-comptable mettant en évidence le montant du chiffre d'affaires réalisé entre le 15 mai 2015 et le 31 décembre 2019 en violation de l'engagement d'exclusivité. A titre subsidiaire, elle demande la nullité de l'avenant n°2 pour dol au motif qu'elle n'a jamais eu l'intention d'accepter que l'exclusivité de distribution soit supprimée et que son consentement a été vicié par des man'uvres dolosives de la part de la société Hozelock qui lui a fautivement fait croire au maintien de celle-ci.
La société Hozelock soutient en réponse que la société SOFOP ne disposait de l'exclusivité que sur les modèles de la marque Laser Industrie et non sur l'ensemble des produits qu'elle fabrique, et notamment les produits sous marque de distributeur dont la distribution lui était totalement libre. Elle relève en outre que la clause d'exclusivité a été supprimée dans l'avenant du 2 février 2017 et n'a jamais indiqué le contraire dans ses conclusions. Elle en déduit qu'aucun manquement contractuel n'est établi à son encontre et que la demande de pièces n'est donc pas justifiée.
Réponse de la Cour,
Certes la société SOFOP produit divers pièces aux débats mettant en évidence qu'au cours de la relation contractuelle, et notamment en 2007 et 2008, puis juillet 2010 et janvier 2012, elle a reproché à la société Hozelock divers manquements à l'engagement de distribution exclusive sur les produits Laser Industrie. Elle a néanmoins négocié en connaissance de cause des avenants au contrat de distribution qu'elle a signé les 24 septembre 2010 et 2 février 2017 pour la poursuite de la relation contractuelle, et ne peut de ce fait venir reprocher à nouveau de tels manquements pour en demander réparation.
Courant 2019, la société SOFOP prétend que la société Hozelock a de nouveau violé son obligation en distribuant les produits soumis à exclusivité sous marque distributeur. Force est de constater qu'elle a déjà entendu en tirer les conséquences en notifiant la résiliation du contrat de distribution la liant à la société Hozelock. Par ailleurs, il ressort des stipulations de l'avenant n°2, et notamment de son préambule, de l'article 2 et de l'annexe 1, que les produits faisant l'objet du contrat de distribution concernaient une gamme de produit de la marque Laser Industrie, en sorte que la distribution d'un des produits de cette gamme pouvait être effectuée sous une autre marque distributeur sans violer l'exclusivité dont la société SOFOP prétend avoir conservé aux termes de l'avenant n°2.
Dès lors, à défaut pour la société Hozelock d'établir un manquement de la société Hozelock susceptible de lui causer un préjudice indemnisable, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de communication de pièces sous astreinte. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société SOFOP de ses autres demandes.
Sur la demande de la société SOFOP au titre des remises
Exposé des moyens,
La société SOFOP réclame la somme de 12 107,23 euros correspondant au taux de remise de 15% HT appliquée par la société Hozelock sur le prix net HT des ventes de pulvérisateurs Exel 7 Construction qu'elle réalisait auprès de la société Chausson Materiaux et ce aux termes d'un courrier du 21 juillet 2017. La société SOFOP explique que la société Hozelock a pendant près de trois années honoré cette remise en émettant des avoirs après réception des factures, mais qu'elle a cessé brutalement de procéder au règlement de cette remise pour les factures émises du 1er janvier 2019 au 11 mars 2020, et ce concomitamment à l'engagement de la procédure de 1ère instance, sans pour autant contester en être redevable. Elle précise avoir formulé des demandes d'avoir auprès de la société Hozelock dès le 30 avril 2020.
La société Hozelock répond que la remise de 15% spécifique au client Chausson Materiaux mentionnée dans le courrier du 21 juillet 2017 n'était accordée que pour les tarifs du 1 octobre 2017 au 30 septembre 2018, et ne devait s'appliquer ni aux tarifs de l'exercice 2019 ni à ceux de 2020.
Réponse de la Cour,
Il résulte clairement des termes de la lettre du 21 juillet 2017 (pièce n°35 SOFOP) que la remise de 15% spécifique au client Chausson Materiaux était accordée au regard des tarifs définis pour l'exercice 2017/2018. La société SOFOP ne démontre pas que la société Hozelock entendait maintenir cette remise pour les exercices 2018/2019 et 2019/2020.
La société SOFOP sera déboutée de sa demande de paiement de remises. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société SOFOP de ce chef de demande.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société SOFOP aux dépens de première instance et à payer à la société Hozelock la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Hozelock, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société Hozelock sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société SOFOP la somme de 15 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour mais seulement en ce qu'il a :
- Jugé que la Société Française d'Outils Professionnels est responsable de la rupture de la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Hozelock Excel,
- Condamné la Société Française d'Outils Professionnels à payer à la société Hozelock Excel la somme de 231 985,65 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation commerciale établie,
- Condamné la Société Française d'Outils Professionnels aux dépens et à payer à la société Hozeloeck Exel la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus ;
Statuant de nouveaux des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société Hozelock Excel de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation commerciale établie sur le fondement de l'article L.442-1 II du code de commerce ;
Condamne la société Hozelock Excel aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la société Hozelock Excel à payer à la Société Française d'Outils Professionnels (SOFOP) la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.