Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 11 septembre 2024, n° 20/03006
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 11 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 20/03006 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFVMP
[C] [F]
[X] [M] [N]
C/
S.A.R.L. TLM 2008
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Elie MUSACCHIA
Me Alain-david POTHET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 13 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 2018/3833.
APPELANTS
Monsieur [C] [F]
né le 25 Janvier 1962 à [Localité 9] (68)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 10]
[Adresse 1],
[Localité 4]
représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assisté de Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant.
Monsieur [X] [M] [N]
né le 03 Décembre 1963 à [Localité 5] (SRI LANKA)
de nationalité Britannique,
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6], [Localité 11] (Royaume-Uni)
représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant.
INTIMEE
S.A.R.L. TLM 2008,
agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège sis
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alain-david POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Stéphanie COMBRIE a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2024,
Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Elodie BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'une violente tempête, le navire [W], appartenant à M. [X] [N], s'est échoué sur la plage de [Localité 7] (Var). Ne pouvant être réparé, le navire est resté plusieurs mois sur la plage avant que M. [C] [F] ne se rapproche du propriétaire afin de lui proposer de sauver les restes du navire.
M. [C] [F] a souhaité ainsi récupérer trois morceaux de la coque et faire déplacer la quille en plomb du navire mesurant 8 mètres de long et représentant un poids de 25 tonnes.
Pour ce faire, il a confié à la société TLM 2008 le soin de transporter le navire sur un terrain situé à [Localité 8].
Le transport du navire a donné lieu à un différend entre M. [C] [F] et la société TLM 2008, M. [F] estimant que la facture d'un montant de 12.916,80 euros, en date du 14 mai 2012, ne correspondait pas au devis initial estimé à 3.500 euros, avec une possibilité de plus ou moins 20 % en fonction de la réalisation de la prestation.
Parallèlement à ce différend, M. [C] [F] s'est aperçu au mois de juillet 2013 de la disparition de la quille. Il a, dès lors, déposé plainte à la gendarmerie de [Localité 8].
Par un premier jugement en date du 14 avril 2015, le tribunal de grande instance de Draguignan a condamné M. [C] [F] à payer un montant de 3.500 euros pour le transport du navire et a débouté la société TLM 2008 de sa demande concernant la somme sollicitée pour le transport et l'entrepôt de la quille.
Le tribunal n'a pas ordonné la restitution de la quille, estimant que M. [C] [F] ne justifiait pas de sa qualité de propriétaire.
Faute de restitution, le 25 juillet 2018 M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] ont alors fait assigner la société TLM 2008 devant le tribunal de commerce de Fréjus.
Par jugement du 13 janvier 2020, le tribunal de commerce de Fréjus a :
- dit irrecevable la demande de M. [X] [M] [N] et de M. [C] [F] et les a déboutés de toutes leurs autres demandes ;
- condamné solidairement M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] à verser à la société TLM 2008, la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du C.P.C ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;
- condamné solidairement M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 114,98 euros TTC dont 19,16 euros de TVA.
-------
M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 février 2020.
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 03 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] demandent à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 528 du Code Civil,
Vu l'article 2261 du Code Civil,
Vu l'article 700 du CPC,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le Tribunal de Commerce de Fréjus,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le Tribunal de commerce de Fréjus ;
- constater que la société TLM 2008 détient indûment la quille du bateau « [W] » d'un poids de 25 tonnes et de 8 mètres de long ;
- condamner la société TLM 2008 à restituer la quille d'un poids de 25 tonnes et de 8 mètres de long provenant du démantèlement du bateau « [W] » ;
- juger que cette quille du bateau « [W] » de 25 tonnes devra être mise à disposition de Monsieur [N] et de Monsieur [F] ;
- ordonner que MM. [F] et [N] pourront procéder à l'enlèvement de la quille dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir avec délai de prévenance de 8 jours ;
- dire qu'à défaut de mise à disposition ou d'empêchement opéré par la société TLM 2008, celle-ci sera condamnée à régler une astreinte de 1.000 € par infraction constatée ;
- juger qu'à défaut de restitution, la société TLM sera condamnée à verser à Monsieur [F] et à Monsieur [N] la somme de 50.000 €, somme correspondant à la valeur de la quille.
En tout état de cause,
- débouter la société TLM 2008 de l'intégralité de ses demandes formulée au titre de ses demandes reconventionnelles ;
- condamner la société TLM 2008 à verser à Monsieur [F] et Monsieur [N] la somme de 10.000 € à titre de justes dommages-intérêts pour résistance abusive ;
- condamner la société TLM 2008 à verser à Monsieur [F] et Monsieur [N] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner la société TLM 2008 aux entiers dépens distraits au profit de Maître Elie Musacchia, Avocat, sur ses offres de droit.
Au soutien de leurs conclusions, ils font valoir que :
- sur la qualité de propriétaire de la quille : M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] sont copropriétaires de la quille puisque M. [X] [M] [N] a fait l'acquisition du navire en 2009 à Malte, qu'ils ont décidé que M. [C] [F] se chargerait du transport de la quille à ses frais avancés et qu'il stockerait cette dernière sur un terrain lui appartenant ;
- sur la mauvaise foi de la société TLM 2008 : la société s'est rendue sur le terrain de M.[C] [F] sans autorisation, sans produire un quelconque devis ni contrat de transport et a ainsi réclamé un prix non prévu par les parties ; M. [C] [F] en qualité de consommateur aurait dû se voir appliquer les dispositions du code de la consommation qui prévoient que le consommateur doit être en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service avant l'exécution d'une prestation de service
-------
Par conclusions en réplique enregistrées par voie dématérialisée le 17 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société TLM 2008 demande à la cour de :
Vu le jugement entrepris rendu par le Tribunal de commerce de Fréjus le 13 janvier 2020, RG n°2018/003833,
Vu la jurisprudence : Cass. Civ. 1 ère, 14 avr. 2010, n°08-70.229,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il a déclaré irrecevables en leur action Monsieur [X] [N] et Monsieur [C] [F].
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour réformait sur la recevabilité,
- débouter Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Reconventionnellement,
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] à payer à la SARL TLM 2008, la somme de 6960 € pour la période du 01/08/2013 au 31/03/2023 au titre de frais d'entreposage et de gardiennage dans le cadre d'un dépôt volontaire de la quille litigieuse ;
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] à payer à la société TLM 2008 la somme de 50 € HT par mois soit 60 € TTC par mois à compter du 1er avril 2023 au titre de l'entreposage et de gardiennage dans le cadre d'un dépôt volontaire jusqu'à la récupération de la quille litigieuse.
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] au paiement de la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel qui comprendront la contribution à hauteur de 225 € et dire que la SELAS Cabinet Pothet, Avocat, pourra recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Au soutien de ses conclusions, la société TLM 2008 fait valoir que :
- la propriété du navire n'est pas établie : l'acte d'acquisition est en anglais, or l'ordonnance Villers-Cotterets conditionne la recevabilité de l'action à la production de pièces en français ou dûment traduites; l'acte ne démontre pas les formalités accomplies par M. [X] [M] [N] pour transférer le navire à son nom, la francisation du navire étant une condition obligatoire pour rendre opposable aux tiers la propriété ; le justificatif d'immatriculation du bateau n'est pas produit ;
- M. [C] [F] n'a ni droit ni titre sur le navire, la quille est rattachable au voilier ; ce dernier a agi dans le cadre d'une société de restauration de navires qui n'est pas dans la cause.
- sur le déplacement de la quille : M. [C] [F] a demandé à la société intimée d'enlever la quille et de la stocker,
- sur la somme réclamée par les appelants : aucun élément probant ne justifie la valeur de 50.000 euros de la quille,
- le stockage de la quille ayant lieu sur un terrain lui appartenant, une contrepartie doit lui être versée
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de M. [C] [F] et M. [X] [N] :
En application de l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Ainsi, au visa de l'article 31 du code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, il apparaît que le débat portant sur la qualité à agir des demandeurs à la procédure relève en réalité d'une appréciation au fond.
En effet, la détermination des rôles respectifs de M. [X] [N] et M. [C] [F] dans le litige les opposant à la société TLM 2008 quant à l'entreposage de la quille du navire [W] suppose une analyse des relations contractuelles existant entre les différentes parties, de sorte que leur qualité pour agir relève, non pas de la recevabilité de l'action, mais de son succès.
Par ailleurs, il ne peut être déduit de l'absence de traduction des pièces versées en langue anglaise que M. [X] [N] ne justifie pas de sa qualité de propriétaire, ni que M. [C] [F] ne justifie de sa qualité de propriétaire ou de mandataire de celui-ci, considérant que si l'article 111 de l'ordonnance du 25 août 1539, dite de Villers-Cotterêt, impose l'usage de la langue française dans les actes de procédure, en revanche, aucun texte n'impose de règle de traduction des documents rédigés en langue étrangère pour être produits en justice, sauf au juge à apprécier la valeur probante des pièces en application de l'article 9 du code de procédure civile.
Dès lors, le premier juge ne pouvait, sur le seul fondement de l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêt, écarter la recevabilité des pièces versées aux débats pour en déduire l'irrecevabilité des demandes s'agissant de pièces ne constituant pas des actes de procédure mais des pièces relatives au navire litigieux et à sa propriété.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. [X] [N] et de M. [C] [F].
Sur la demande en restitution de la quille :
Il ressort de la traduction proposée et non contestée par les parties que suite à une tempête ayant fait échouer le bateau « [W] », J. Samuel White & Company, propriétaire du voilier, a donné à M. [X] [N] le navire et s'est déchargé dans le même temps de toute responsabilité (évacuation, stockage de l'épave, destruction et autres) aux termes de l'acte conclu le 2 janvier 2012 (pièce 8 des appelants).
Postérieurement, par contrat signé le 5 février 2012 entre les deux parties, M. [X] [N] et M. [C] [F] ont convenu que « Monsieur [C] [F] est en charge de l'évacuation et du stockage du voilier « [W] » (146250-23,89 mètres) qui s'est échoué sur une plage dans le Var, suite à une tempête.
L'épave pourra être transportée et stockée à la convenance de Monsieur [C] [F], en tout lieu et par l'entreprise de son choix. Le tout dans le respect de la réglementation en vigueur.
A compter de ce jour, l'épave du voilier « [W] » appartiendra aux deux parties » (pièce 14 des appelants).
Il résulte de ces éléments que le navire, qui a perdu cette qualité en devenant épave, est désormais la copropriété de M. [X] [N] et M. [C] [F].
En tout état de cause, il résulte des articles 1937 et 1938 du code civil que le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée, indépendamment de sa qualité de propriétaire de la chose remise en dépôt.
En l'espèce, indépendamment du débat opposant les parties sur une éventuelle soustraction frauduleuse de la quille reprochée à la société TLM 2008 dans le cadre de la plainte pénale déposée par M. [C] [F], il apparaît que la société TLM 2008 ne conteste pas être en possession de la quille dès lors qu'elle soutient, au dispositif de ses conclusions, que celle-ci lui a été remise à titre de dépôt volontaire et qu'elle sollicite auprès de M. [X] [N] et M. [C] [F] le paiement de ses frais d'entreposage pour la période du 1er août 2013 au 31 mars 2023 à hauteur de 6 960 euros aux termes d'une facture datée du 13 avril 2023.
En outre, au-delà de l'existence de scellés invoquée par la société TLM 2008 et sur laquelle il n'appartient pas à la juridiction commerciale de se prononcer, il ressort du procès-verbal établi par les services de Gendarmerie le 28 octobre 2013 que le substitut du procureur de la République de Draguignan a autorisé la gendarmerie à restituer la quille à M. [C] [F] et à en informer M. [D], gérant de la société TLM 2008, lequel « détient la quille au sein de sa société », M. [C] [F] devant alors la récupérer par ses propres moyens, ce qui n'a pas été rendu possible en l'absence d'accord sur le montant de la facturation sollicitée par la société TLM 2008.
En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de M. [X] [N] et M. [C] [F] tendant à la restitution de la quille détenue par la société TLM 2008 et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision.
Passé ce délai, et à défaut d'exécution, la société TLM 2008 sera tenue du paiement d'une astreinte provisoire de 130 euros par jour de retard pendant 200 jours.
En l'état de l'astreinte prononcée, qui pourra être liquidée et révisée par le juge de l'exécution à l'issue de la période initiale, il n'y a pas lieu à condamnation à dommages et intérêts.
Sur la demande en paiement de frais d'entreposage :
Si le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt, encore est-il nécessaire qu'il établisse le bien-fondé des sommes qui lui sont dues.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société TLM 2008 a fait obstacle à la restitution de la quille au regard du litige l'opposant à M. [C] [F] quant au montant des frais de transport de celle-ci suite à l'échouage du navire.
Pour autant, en l'état du jugement rendu le 14 avril 2015, à l'encontre duquel il n'est pas justifié qu'un appel ait été interjeté, le tribunal de grande instance de Draguignan a arrêté la créance de la société TLM 2008 à la somme de 3 500 euros de sorte que cette société ne pouvait plus se prévaloir du litige l'opposant à M. [C] [F] pour opérer une rétention de la quille.
Il en résulte que la société TLM 2008, par sa résistance à restituer la quille, est à l'origine de son préjudice résultant de l'entreposage.
En outre, la société TLM 2008 ne produit aucune convention entre les parties sur la facturation des frais d'entreposage, se contentant de produire a posteriori une facture en date du 13 avril 2023, alors même qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.
Elle doit donc être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 6 960 euros au titre de la facture susvisée de ce seul chef, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le motif tenant à l'éventuelle qualité de consommateur de M. [F].
Sur la demande de dommages et intérêts :
M. [C] [F] et M. [X] [N], qui ne précisent pas le fondement juridique de leur demande de dommages et intérêts pour « résistance abusive et injustifiée », ne précisent pas davantage le préjudice qui serait résulté de la faute de la société TLM 2008 à restituer la quille litigieuse, autre que celui généré par les frais et dépens induits par la procédure engagée.
Il y a donc lieu de débouter M. [C] [F] et M. [X] [N] de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les frais et dépens :
La société TLM 2008, partie succombante, conservera la charge des dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et sera tenue de payer à M. [X] [N] et M. [C] [F] ensemble la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Fréjus,
Statuant à nouveau,
Condamne la société TLM 2008 à mettre à disposition de M. [C] [F] ou M. [X] [N] la quille du navire [W] et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, afin que ceux-ci puissent procéder à son enlèvement après avoir respecté un délai de prévenance de 8 jours,
Dit que passé le délai de trois mois, la société TLM 2008 sera tenue d'une astreinte provisoire de 130 euros par jour de retard pendant 200 jours,
Déboute M. [C] [F] et M. [X] [N] de leur demande de dommages et intérêts à titre subsidiaire,
Déboute M. [C] [F] et M. [X] [N] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Déboute la société TLM 2008 de sa demande au titre du paiement de la facture d'entreposage et des frais postérieurs,
Condamne la société TLM 2008 aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société TLM 2008 à payer à M. [X] [N] et M. [C] [F] ensemble la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 11 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 20/03006 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFVMP
[C] [F]
[X] [M] [N]
C/
S.A.R.L. TLM 2008
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Elie MUSACCHIA
Me Alain-david POTHET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 13 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 2018/3833.
APPELANTS
Monsieur [C] [F]
né le 25 Janvier 1962 à [Localité 9] (68)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 10]
[Adresse 1],
[Localité 4]
représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assisté de Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant.
Monsieur [X] [M] [N]
né le 03 Décembre 1963 à [Localité 5] (SRI LANKA)
de nationalité Britannique,
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 6], [Localité 11] (Royaume-Uni)
représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant.
INTIMEE
S.A.R.L. TLM 2008,
agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège sis
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alain-david POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Stéphanie COMBRIE a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2024,
Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Elodie BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'une violente tempête, le navire [W], appartenant à M. [X] [N], s'est échoué sur la plage de [Localité 7] (Var). Ne pouvant être réparé, le navire est resté plusieurs mois sur la plage avant que M. [C] [F] ne se rapproche du propriétaire afin de lui proposer de sauver les restes du navire.
M. [C] [F] a souhaité ainsi récupérer trois morceaux de la coque et faire déplacer la quille en plomb du navire mesurant 8 mètres de long et représentant un poids de 25 tonnes.
Pour ce faire, il a confié à la société TLM 2008 le soin de transporter le navire sur un terrain situé à [Localité 8].
Le transport du navire a donné lieu à un différend entre M. [C] [F] et la société TLM 2008, M. [F] estimant que la facture d'un montant de 12.916,80 euros, en date du 14 mai 2012, ne correspondait pas au devis initial estimé à 3.500 euros, avec une possibilité de plus ou moins 20 % en fonction de la réalisation de la prestation.
Parallèlement à ce différend, M. [C] [F] s'est aperçu au mois de juillet 2013 de la disparition de la quille. Il a, dès lors, déposé plainte à la gendarmerie de [Localité 8].
Par un premier jugement en date du 14 avril 2015, le tribunal de grande instance de Draguignan a condamné M. [C] [F] à payer un montant de 3.500 euros pour le transport du navire et a débouté la société TLM 2008 de sa demande concernant la somme sollicitée pour le transport et l'entrepôt de la quille.
Le tribunal n'a pas ordonné la restitution de la quille, estimant que M. [C] [F] ne justifiait pas de sa qualité de propriétaire.
Faute de restitution, le 25 juillet 2018 M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] ont alors fait assigner la société TLM 2008 devant le tribunal de commerce de Fréjus.
Par jugement du 13 janvier 2020, le tribunal de commerce de Fréjus a :
- dit irrecevable la demande de M. [X] [M] [N] et de M. [C] [F] et les a déboutés de toutes leurs autres demandes ;
- condamné solidairement M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] à verser à la société TLM 2008, la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du C.P.C ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;
- condamné solidairement M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 114,98 euros TTC dont 19,16 euros de TVA.
-------
M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 février 2020.
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 03 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] demandent à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 528 du Code Civil,
Vu l'article 2261 du Code Civil,
Vu l'article 700 du CPC,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le Tribunal de Commerce de Fréjus,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le Tribunal de commerce de Fréjus ;
- constater que la société TLM 2008 détient indûment la quille du bateau « [W] » d'un poids de 25 tonnes et de 8 mètres de long ;
- condamner la société TLM 2008 à restituer la quille d'un poids de 25 tonnes et de 8 mètres de long provenant du démantèlement du bateau « [W] » ;
- juger que cette quille du bateau « [W] » de 25 tonnes devra être mise à disposition de Monsieur [N] et de Monsieur [F] ;
- ordonner que MM. [F] et [N] pourront procéder à l'enlèvement de la quille dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir avec délai de prévenance de 8 jours ;
- dire qu'à défaut de mise à disposition ou d'empêchement opéré par la société TLM 2008, celle-ci sera condamnée à régler une astreinte de 1.000 € par infraction constatée ;
- juger qu'à défaut de restitution, la société TLM sera condamnée à verser à Monsieur [F] et à Monsieur [N] la somme de 50.000 €, somme correspondant à la valeur de la quille.
En tout état de cause,
- débouter la société TLM 2008 de l'intégralité de ses demandes formulée au titre de ses demandes reconventionnelles ;
- condamner la société TLM 2008 à verser à Monsieur [F] et Monsieur [N] la somme de 10.000 € à titre de justes dommages-intérêts pour résistance abusive ;
- condamner la société TLM 2008 à verser à Monsieur [F] et Monsieur [N] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner la société TLM 2008 aux entiers dépens distraits au profit de Maître Elie Musacchia, Avocat, sur ses offres de droit.
Au soutien de leurs conclusions, ils font valoir que :
- sur la qualité de propriétaire de la quille : M. [X] [M] [N] et M. [C] [F] sont copropriétaires de la quille puisque M. [X] [M] [N] a fait l'acquisition du navire en 2009 à Malte, qu'ils ont décidé que M. [C] [F] se chargerait du transport de la quille à ses frais avancés et qu'il stockerait cette dernière sur un terrain lui appartenant ;
- sur la mauvaise foi de la société TLM 2008 : la société s'est rendue sur le terrain de M.[C] [F] sans autorisation, sans produire un quelconque devis ni contrat de transport et a ainsi réclamé un prix non prévu par les parties ; M. [C] [F] en qualité de consommateur aurait dû se voir appliquer les dispositions du code de la consommation qui prévoient que le consommateur doit être en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service avant l'exécution d'une prestation de service
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Par conclusions en réplique enregistrées par voie dématérialisée le 17 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société TLM 2008 demande à la cour de :
Vu le jugement entrepris rendu par le Tribunal de commerce de Fréjus le 13 janvier 2020, RG n°2018/003833,
Vu la jurisprudence : Cass. Civ. 1 ère, 14 avr. 2010, n°08-70.229,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il a déclaré irrecevables en leur action Monsieur [X] [N] et Monsieur [C] [F].
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour réformait sur la recevabilité,
- débouter Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Reconventionnellement,
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] à payer à la SARL TLM 2008, la somme de 6960 € pour la période du 01/08/2013 au 31/03/2023 au titre de frais d'entreposage et de gardiennage dans le cadre d'un dépôt volontaire de la quille litigieuse ;
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] à payer à la société TLM 2008 la somme de 50 € HT par mois soit 60 € TTC par mois à compter du 1er avril 2023 au titre de l'entreposage et de gardiennage dans le cadre d'un dépôt volontaire jusqu'à la récupération de la quille litigieuse.
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] au paiement de la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner Messieurs [C] [F] et [X] [M] [N] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel qui comprendront la contribution à hauteur de 225 € et dire que la SELAS Cabinet Pothet, Avocat, pourra recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Au soutien de ses conclusions, la société TLM 2008 fait valoir que :
- la propriété du navire n'est pas établie : l'acte d'acquisition est en anglais, or l'ordonnance Villers-Cotterets conditionne la recevabilité de l'action à la production de pièces en français ou dûment traduites; l'acte ne démontre pas les formalités accomplies par M. [X] [M] [N] pour transférer le navire à son nom, la francisation du navire étant une condition obligatoire pour rendre opposable aux tiers la propriété ; le justificatif d'immatriculation du bateau n'est pas produit ;
- M. [C] [F] n'a ni droit ni titre sur le navire, la quille est rattachable au voilier ; ce dernier a agi dans le cadre d'une société de restauration de navires qui n'est pas dans la cause.
- sur le déplacement de la quille : M. [C] [F] a demandé à la société intimée d'enlever la quille et de la stocker,
- sur la somme réclamée par les appelants : aucun élément probant ne justifie la valeur de 50.000 euros de la quille,
- le stockage de la quille ayant lieu sur un terrain lui appartenant, une contrepartie doit lui être versée
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de M. [C] [F] et M. [X] [N] :
En application de l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Ainsi, au visa de l'article 31 du code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, il apparaît que le débat portant sur la qualité à agir des demandeurs à la procédure relève en réalité d'une appréciation au fond.
En effet, la détermination des rôles respectifs de M. [X] [N] et M. [C] [F] dans le litige les opposant à la société TLM 2008 quant à l'entreposage de la quille du navire [W] suppose une analyse des relations contractuelles existant entre les différentes parties, de sorte que leur qualité pour agir relève, non pas de la recevabilité de l'action, mais de son succès.
Par ailleurs, il ne peut être déduit de l'absence de traduction des pièces versées en langue anglaise que M. [X] [N] ne justifie pas de sa qualité de propriétaire, ni que M. [C] [F] ne justifie de sa qualité de propriétaire ou de mandataire de celui-ci, considérant que si l'article 111 de l'ordonnance du 25 août 1539, dite de Villers-Cotterêt, impose l'usage de la langue française dans les actes de procédure, en revanche, aucun texte n'impose de règle de traduction des documents rédigés en langue étrangère pour être produits en justice, sauf au juge à apprécier la valeur probante des pièces en application de l'article 9 du code de procédure civile.
Dès lors, le premier juge ne pouvait, sur le seul fondement de l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêt, écarter la recevabilité des pièces versées aux débats pour en déduire l'irrecevabilité des demandes s'agissant de pièces ne constituant pas des actes de procédure mais des pièces relatives au navire litigieux et à sa propriété.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. [X] [N] et de M. [C] [F].
Sur la demande en restitution de la quille :
Il ressort de la traduction proposée et non contestée par les parties que suite à une tempête ayant fait échouer le bateau « [W] », J. Samuel White & Company, propriétaire du voilier, a donné à M. [X] [N] le navire et s'est déchargé dans le même temps de toute responsabilité (évacuation, stockage de l'épave, destruction et autres) aux termes de l'acte conclu le 2 janvier 2012 (pièce 8 des appelants).
Postérieurement, par contrat signé le 5 février 2012 entre les deux parties, M. [X] [N] et M. [C] [F] ont convenu que « Monsieur [C] [F] est en charge de l'évacuation et du stockage du voilier « [W] » (146250-23,89 mètres) qui s'est échoué sur une plage dans le Var, suite à une tempête.
L'épave pourra être transportée et stockée à la convenance de Monsieur [C] [F], en tout lieu et par l'entreprise de son choix. Le tout dans le respect de la réglementation en vigueur.
A compter de ce jour, l'épave du voilier « [W] » appartiendra aux deux parties » (pièce 14 des appelants).
Il résulte de ces éléments que le navire, qui a perdu cette qualité en devenant épave, est désormais la copropriété de M. [X] [N] et M. [C] [F].
En tout état de cause, il résulte des articles 1937 et 1938 du code civil que le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée, indépendamment de sa qualité de propriétaire de la chose remise en dépôt.
En l'espèce, indépendamment du débat opposant les parties sur une éventuelle soustraction frauduleuse de la quille reprochée à la société TLM 2008 dans le cadre de la plainte pénale déposée par M. [C] [F], il apparaît que la société TLM 2008 ne conteste pas être en possession de la quille dès lors qu'elle soutient, au dispositif de ses conclusions, que celle-ci lui a été remise à titre de dépôt volontaire et qu'elle sollicite auprès de M. [X] [N] et M. [C] [F] le paiement de ses frais d'entreposage pour la période du 1er août 2013 au 31 mars 2023 à hauteur de 6 960 euros aux termes d'une facture datée du 13 avril 2023.
En outre, au-delà de l'existence de scellés invoquée par la société TLM 2008 et sur laquelle il n'appartient pas à la juridiction commerciale de se prononcer, il ressort du procès-verbal établi par les services de Gendarmerie le 28 octobre 2013 que le substitut du procureur de la République de Draguignan a autorisé la gendarmerie à restituer la quille à M. [C] [F] et à en informer M. [D], gérant de la société TLM 2008, lequel « détient la quille au sein de sa société », M. [C] [F] devant alors la récupérer par ses propres moyens, ce qui n'a pas été rendu possible en l'absence d'accord sur le montant de la facturation sollicitée par la société TLM 2008.
En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de M. [X] [N] et M. [C] [F] tendant à la restitution de la quille détenue par la société TLM 2008 et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision.
Passé ce délai, et à défaut d'exécution, la société TLM 2008 sera tenue du paiement d'une astreinte provisoire de 130 euros par jour de retard pendant 200 jours.
En l'état de l'astreinte prononcée, qui pourra être liquidée et révisée par le juge de l'exécution à l'issue de la période initiale, il n'y a pas lieu à condamnation à dommages et intérêts.
Sur la demande en paiement de frais d'entreposage :
Si le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt, encore est-il nécessaire qu'il établisse le bien-fondé des sommes qui lui sont dues.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société TLM 2008 a fait obstacle à la restitution de la quille au regard du litige l'opposant à M. [C] [F] quant au montant des frais de transport de celle-ci suite à l'échouage du navire.
Pour autant, en l'état du jugement rendu le 14 avril 2015, à l'encontre duquel il n'est pas justifié qu'un appel ait été interjeté, le tribunal de grande instance de Draguignan a arrêté la créance de la société TLM 2008 à la somme de 3 500 euros de sorte que cette société ne pouvait plus se prévaloir du litige l'opposant à M. [C] [F] pour opérer une rétention de la quille.
Il en résulte que la société TLM 2008, par sa résistance à restituer la quille, est à l'origine de son préjudice résultant de l'entreposage.
En outre, la société TLM 2008 ne produit aucune convention entre les parties sur la facturation des frais d'entreposage, se contentant de produire a posteriori une facture en date du 13 avril 2023, alors même qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.
Elle doit donc être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 6 960 euros au titre de la facture susvisée de ce seul chef, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le motif tenant à l'éventuelle qualité de consommateur de M. [F].
Sur la demande de dommages et intérêts :
M. [C] [F] et M. [X] [N], qui ne précisent pas le fondement juridique de leur demande de dommages et intérêts pour « résistance abusive et injustifiée », ne précisent pas davantage le préjudice qui serait résulté de la faute de la société TLM 2008 à restituer la quille litigieuse, autre que celui généré par les frais et dépens induits par la procédure engagée.
Il y a donc lieu de débouter M. [C] [F] et M. [X] [N] de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les frais et dépens :
La société TLM 2008, partie succombante, conservera la charge des dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et sera tenue de payer à M. [X] [N] et M. [C] [F] ensemble la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Fréjus,
Statuant à nouveau,
Condamne la société TLM 2008 à mettre à disposition de M. [C] [F] ou M. [X] [N] la quille du navire [W] et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, afin que ceux-ci puissent procéder à son enlèvement après avoir respecté un délai de prévenance de 8 jours,
Dit que passé le délai de trois mois, la société TLM 2008 sera tenue d'une astreinte provisoire de 130 euros par jour de retard pendant 200 jours,
Déboute M. [C] [F] et M. [X] [N] de leur demande de dommages et intérêts à titre subsidiaire,
Déboute M. [C] [F] et M. [X] [N] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Déboute la société TLM 2008 de sa demande au titre du paiement de la facture d'entreposage et des frais postérieurs,
Condamne la société TLM 2008 aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société TLM 2008 à payer à M. [X] [N] et M. [C] [F] ensemble la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE