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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 septembre 2024, n° 22/10609

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société de Vente et Distribution Sovedis (SARL)

Défendeur :

Hydrachem Ltd

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Brassart, Me Camus, Me Fromantin, Me Stouls

T. com. Paris, 3e ch., du 17 mars 2022, …

17 mars 2022

***

La société Sovedis a pour activité la distribution de produits pharmaceutiques. Elle distribue en France sous la marque Aquatabs depuis 1993 les comprimés ou pastilles de désinfection de l'eau fabriqués par la société irlandaise Medentech.

La société Sovedis a approvisionné l'armée française, à partir de 1999, avec les comprimés Aquatabs 3,5 mg pour le traitement de l'eau.

La société Hydrachem, de droit anglais, a pour activité, depuis 1973, la fabrication et la distribution de comprimés de chlore effervescents destinés à la purification de l'eau qu'elle commercialise sous ses propres marques.

La société Hydrachem a mis sur le marché français en 2011 des comprimés de purification de l'eau sous la marque Oasis. Elle a arrêté en 2016 la commercialisation de ce produit Oasis 3,5 mg auprès du grand public.

En 2016, à l'issue d'un appel d'offres, l'armée française a attribué le marché des ensembles de réchauffage (ou rations de combat), lesquels comprennent notamment des comprimés de purification d'eau, à la société SRD Lamifrance qui propose le comprimé Oasis de la société Hydrachem. Ce marché lui a été à nouveau attribué en 2019, puis en 2023.

La société Sovedis reproche à la société Hydrachem de commercialiser des comprimés Oasis surdosés en principe actif, dont ledit dosage diffère de celui indiqué sur la boîte, et ce, en mettant en avant de façon mensongère leur efficacité contre la bilharziose.

La société Sovedis a assigné la société Hydrachem, par acte extrajudiciaire du 1er décembre 2017 en concurrence déloyale et parasitaire devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 17 mars 2022, dont appel, le tribunal de commerce de Paris:

pris acte de ce que la société Sovedis se désiste de sa demande de dommages et intérêts sur le parasitisme ;

débouté la société Hydrachem de sa demande d'irrecevabilité pour prescription ;

débouté la société Sovedis de sa demande de prise de connaissance d'une de ses pièces avant dire droit ;

débouté la société Sovedis de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique et moral du fait d'une concurrence déloyale de la société Hydrachem ;

débouté la société Sovedis de sa demande de mesure d'instruction ;

débouté la société Hydrachem de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, ainsi que sa demande de retrait du marché des produits en cause ;

condamné la société Sovedis aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 € dont 12,85 € de TVA ;

dit qu'il n'y a pas lieu à article 700 du code de procédure civile ;

rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires.

La société Sovedis a interjeté appel de ce jugement le 2 juin 2022.

Par jugement du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles, saisi d'une demande de la société Sovedis à l'encontre de l'armée française aux fins notamment de mesures d'injonction et d'expertise relatives aux comprimés de désinfection Oasis de la société Hydrachem, a rejeté toutes les demandes de la société Sovedis.

Dans ses dernières conclusions numérotées 4, transmises le 11 mars 2024, la société Sovedis, appelante, demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

débouté Sovedis de sa demande de prise de connaissance d'une de ses pièces avant dire droit ;

débouté Sovedis de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique et moral du fait d'une concurrence déloyale de la société Hydrachem LTD

débouté Sovedis de sa demande de mesure d'instruction

condamné Sovedis aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 78,36 dont 12,85 de TVA

dit qu'il n'y a pas lieu à 700 CPC

rejeté les demandes de Sovedis autres, plus amples ou contraires.

confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

débouté la société Hydrachem LTD de sa demande d'irrecevabilité pour prescription ;

débouté la société Hydrachem LTD de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, ainsi que de sa demande de retrait du marché des produits en cause ;

Et, statuant à nouveau :

Avant dire droit

ordonner la désignation d'un expert agréé en analyses physico-chimiques auprès de la Cour d'appel de Paris ou tout technicien de son choix aux fins d'analyse de la teneur en principe actif (DCCNa) et en chlore libre résiduel des comprimés Oasis avec mission de :

se faire remettre les échantillons de marque Oasis fournis par la société SRD-Lamifrance et les échantillons de marque Aquatabs fournis par la société Esbit Compagnie GMBH conservés à titre de spécimens par le laboratoire du Commissariat des Armées au titre de l'analyse des offres portant sur le marché de fourniture d'ensembles de réchauffage ' référence T104 BOAMP n°19-69535 du 3 mai 2019 ;

procéder au prélèvement aléatoire de 20 blisters de pastilles Oasis et Aquatabs sur les stocks livrés par la société SRD-LAMIFRANCE dans le cadre de l'exécution du marché auprès de l'ELOCA d'[Localité 4] ;

décrire les produits (dimensions, poids, aspect') et leur composition chimique et notamment :

procéder à l'analyse de ces échantillons en précisant la méthode utilisée et les instruments employés aux fins de déterminer leur teneur en principe actif (DCCNa) et en chlore libre résiduel avant et après étuvage ;

se faire adjoindre tout sapiteur de son choix ;

prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

rédiger un rapport qu'il adressera à la Cour ainsi qu'aux parties dans les trois mois de sa saisine ;

fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération du technicien désigné et ordonner consignation au greffe à charge des sociétés Sovedis et Hydrachem pour moitié chacune dans les conditions qu'il lui plaira ;

fixer le calendrier des opérations d'instruction.

À titre principal :

juger que les pratiques commerciales Hydrachem LTD relatives à la commercialisation du comprimé de purification de l'eau Oasis sont déloyales en ce qu'elles :

créent une confusion avec le comprimé Aquatabs 3,5 mg commercialisé par la société Sovedis ;

reposent sur des allégations fausses concernant ses caractéristiques essentielles et notamment sa composition, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage de nature à induire en erreur le consommateur et le professionnel de santé prescripteur sur les qualités de son produit et donc à prendre une décision d'achat qu'il n'aurait sinon pas prise au détriment de l'Aquatabs ;

juger que Hydrachem LTD a trompé le consommateur selon les termes de l'article L.213-1 du code de la consommation ;

condamner Hydrachem LTD au paiement de la somme de 450.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice économique et moral du fait de la concurrence déloyale pratiquée au détriment de Sovedis ;

En conséquence

avant dire droit sur l'attribution de dommages-intérêts en réparation des préjudices:

prendre connaissance seul de la Pièce 57 de Sovedis : « Note sur perte de marge brute et factures achats/ventes justificatives » et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues à l'article L.153-1 du Code de commerce ;

condamner la société Hydrachem LTD au paiement de la somme de 450.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice économique et moral du fait de la concurrence déloyale pratiquée au détriment de Sovedis ;

ordonner la cessation de la promotion du comprimé Oasis en France faisant référence de quelque manière que ce soit à une composition de 3,5 mg ;

En tout état de cause

débouter Hydrachem de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la société Hydrachem LTD à la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner la société Hydrachem LTD aux dépens de première instance et d'appel comprenant notamment les frais d'expertise, de greffe et d'huissiers y compris de constat ;

Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 22 avril 2024, la société Hydrachem, intimée et appelante incident, demande à la cour de :

infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Hydrachem LTD, de son exception de prescription et jugé que les faits reprochés par la SARL Société de vente et de distribution et fondés sur l'analyse d'échantillons de produits datant de 2011 n'étaient pas prescrits,

Statuant à nouveau,

déclarer irrecevables comme prescrites l'action et les demandes de la SARL Société de vente et de distribution en concurrence déloyale et parasitisme.

Subsidiairement,

déclarer la SARL Société de vente et de distribution mal fondée en son appel et la débouter de ses demandes,

confirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SARL Société de vente et de distribution au titre de ses prétentions de pratiques commerciales déloyales à l'encontre de la société Hydrachem LTD.

confirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SARL Société de vente et de distribution au titre de ses prétentions de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

infirmer le jugement en ce qu'il déboute la société Hydrachem LTD de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, ainsi que de sa demande de retrait du marché des produits en cause.

Statuant à nouveau,

condamner la SARL Société de vente et de distribution à payer à la société Hydrachem LTD la somme de 100.000 €uros pour concurrence déloyale et parasitisme.

ordonner le retrait du marché des comprimés Aquatabs comportant des allégations mensongères et non conformes aux exigences d'étiquetage fixées par la réglementation européenne, et ce dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à peine d'une astreinte de 10.000 €uros par jour de retard.

À défaut,

ordonner la désignation d'un expert agréé en réglementation des produits biocides avec pour mission notamment de vérifier la conformité du produit de Sovedis au regard des réglementations française et européenne en vigueur.

condamner la SARL Société de vente et de distribution au paiement de la somme de 30.000 euros au bénéfice de de la société Hydrachem LTD au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile et en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION,

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la prescription

La société Hydrachem avance que les faits dénoncés au titre de la concurrence déloyale par Sovedis datent de 2011 et en tous cas se sont produits 5 ans avant 2019 ; que l'action de la société Sovedis en concurrence déloyale est donc prescrite.

Sur ce,

Une action en concurrence déloyale, de nature délictuelle, est soumise au régime de la prescription de l'article 2224 du code civil, de sorte que le délai quinquennal court du jour où le demandeur à l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, peu important que les agissements déloyaux se soient inscrits dans la durée (Cass. Com. 26 février 2020 n°18-19.153) à moins que les faits invoqués constituent des faits distincts. (Cass. Com. 9 juin 2021 n° 19-19.487).

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Hydrachem a obtenu un marché en 2016 auprès de l'armée française, via la société SRD Lamifrance pour les comprimés litigieux, soit moins de 5 ans avant l'introduction de l'instance, outre que ce marché lui a de nouveau été attribué en 2019. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen d'irrecevabilité pour prescription.

Sur la désignation d'un expert

La société Sovedis soutient que le fond du litige reposant sur le caractère déloyal des pratiques imputées à Hydrachem, l'analyse de la teneur en principe actif des comprimés vendus par Hydrachem est fondamentale ; qu'aucune des prétendues analyses de conformité réalisées par l'armée n'ont été versées ; qu'une mesure d'instruction peut être ordonnée en tout état de cause dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer ; que le jugement du tribunal administratif fait l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel.

La société Hydrachem répond que cette demande est irrecevable et mal fondée ; que depuis 2016, elle ne vend plus de produits en pharmacies et parapharmacies ; que l'ensemble de sa production se conforme aux instructions de présentation de l'armée française ; qu'en tout état de cause, si des griefs au sujet des préconisations ou des analyses de l'armée devaient être présentés, c'est auprès du ministère des Armées ; que la procédure devant le tribunal administratif s'est soldée par un rejet alors que la société Sovedis formait des demandes similaires ; que Sovedis cherche à l'attraire artificiellement devant les juridictions pour protéger sa position.

Sur ce,

Aux termes de l'article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.

En l'espèce, la société Sovedis reproche à la société Hydrachem une quantité de principe actif de 5 mg supérieure à la quantité de 3,5 mg annoncée sur la boîte conduisant le consommateur à prendre une décision qu'il n'aurait pas prise. La cour observe cependant, que la société Sovedis a déjà fait valoir devant le tribunal administratif de Versailles, devant lequel elle a assigné le ministère des armées aux fins notamment de désignation d'un expert, que la teneur en principe actif des comprimés Oasis fournis par Hydrachem ne correspond pas à ce qui est indiqué dans l'offre de la société SRD Lamifrance, et que le tribunal administratif a relevé dans son jugement du 23 juin 2022 que « les échantillons de comprimés de désinfection de l'eau fournis par la société SRD Lamifrance (') ont été analysés par le laboratoire du commissariat des armées », que « le rapport d'essai de ce laboratoire du 4 septembre 2019, dont ni la méthodologie, ni les résultats ne sont sérieusement remis en cause par la société requérante, indique que la teneur en chlore actif, avant et après étuvage en atmosphère humide, des échantillons fournis par la société SRD Lamifrance est comprise entre 2 et 3 mg, conformément aux spécifications techniques (') », « qu'il ne résulte pas de l'instruction que le délai entre la livraison des échantillons et les opérations de vérification aurait faussé les résultats des essais réalisés », que « les analyses effectuées à intervalles réguliers au cours de l'exécution du lot n°1 de l'accord-cadre litigieux révèlent que la teneur en chlore actif, avant et après étuvage en atmosphère humide, des comprimés de désinfection de l'eau commercialisés sous l'appellation Oasis (') est demeurée conforme à ces spécifications techniques », « que les renseignements transmis par la société SRD Lamifrance relatifs à la teneur en chlore actif des comprimés de désinfection de l'eau sur lesquels son offre s'appuyait ne peuvent être regardés comme erronés et n'ont, dès lors, pas été de nature à vicier le consentement de l'administration contractante qui, au demeurant, ne s'est pas contentée des informations transmises par les soumissionnaires mais a procédé à l'analyse des échantillons fournis par ces derniers, ainsi d'ailleurs qu'à la vérification, en cours d'exécution du contrat, de la conformité des comprimés aux spécifications techniques du marché ».

En l'état de ces éléments, et nonobstant le fait que ce jugement fasse l'objet d'un recours devant la cour administrative d'appel laquelle pourra le cas échéant ordonner une expertise si cela lui paraît fondé, le ministère des armées, qui est étranger à la présente cause et qui est partie à l'instance devant la jurisdiction administrative étant le seul détenteur des comprimés à expertiser, il n'y a pas lieu de faire droit à l'expertise sollicitée à titre principal. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les pratiques déloyales et trompeuses

La société Sovedis fait valoir à titre subsidiaire qu'Hydrachem commercialise sur le marché français des comprimés de purification de l'eau vendus sous marque Oasis et présentés comme comprenant 3,5mg de principe actif alors que ces produits contiennent 5mg de principe actif ; qu'il s'agit d'une fausse déclaration sur la teneur en principe actif du produit mis sur le marché alors que les analyses réalisées démontrent que le produit contient 5,12mg en moyenne de principe actif et non pas 3,5mg comme déclaré à l'ANSES ; que la société Hydrachem entretient sciemment la confusion entre la teneur en principe actif et le chlore libre présent dans le produit et le dosage indiqué sur la boîte ; qu'il y a mise en danger de la santé du consommateur ; que le temps de désinfection indiqué est mensonger et de nature à influencer le consommateur ; que les pastilles Oasis sont présentées comme efficaces contre la bilharziose ou schistosomiase qui est une maladie de type protozoaire alors même que les études de l'OMS démontrent que la désinfection chimique par le chlore est inefficace contre les protozoaires.

La société Hydrachem soutient que Medentech, qui est le fabricant des comprimés Aquatabs dont Sovedis est le distributeur exclusif en France depuis plus de 20 ans, et qui a réalisé deux des rapports d'analyse invoqués par la société Sovedis, est juge et partie dans cette affaire ; que Sovedis n'a toujours pas expliqué comment elle a obtenu ces produits de l'armée française qu'elle a soi-disant fait analyser ; que ces échantillons n'ont pu être récupérés que de façon illicite dans des conditions exclusives de la traçabilité nécessaire ; qu'aucun reproche de surdosage ne peut lui être fait, ni aucune allégation de mention mensongère sur ses packagings puisque les lots sont testés par le laboratoire du commissariat des armées avant admission ; qu'elle ne vend plus depuis 2016 de produits en pharmacies et parapharmacies ; que l'ensemble de sa production se conforme aux instructions de présentation de l'armée ; que le temps erroné de désinfection de 10 minutes sur les emballages a été corrigé dès 2013 ; que les rapports de l'OMS mentionnent que le traitement au chlore est efficace contre la schistosomiase.

Sur ce,

La société Sovedis fonde sa demande au titre de la concurrence déloyale sur les pratiques déloyales trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation aux termes duquel «Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ».

En l'espèce, s'agissant de la quantité incriminée de principe actif, la société Sovedis ne démontre pas une pratique de la société Hydrachem contraire à une diligence professionnelle, les rapports produits ne donnant aucun élément sur les conditions d'obtention des produits expertisés seuls livrés à l'armée française, outre que deux de ces rapports proviennent du propre fournisseur et fabricant de la société Sovedis, qu'un autre porte sur un lot de 2011 ayant dépassé la date limite d'utilisation au moment de son analyse, et que le dernier, datant de 2021, qui est supposé concerner un produit vendu à l'armée française, aboutit à des résultats différents de ceux du laboratoire du commissariat des armées, lequel a pourtant, ainsi qu'il a été dit, procédé à la vérification de leur conformité. La dangerosité pour la santé d'un taux de chlore de 5 mg/l n'est pas davantage établie, un rapport de l'OMS de 2008 fixant une valeur recommandée de 5 mg/l dans l'eau potable et précisant que cette concentration est considérée comme acceptable. Enfin, en tout état de cause, la société Sovedis ne justifie pas que cette supposée tromperie aurait altéré substantiellement le comportement du consommateur, à savoir l'administration des armées, laquelle ne s'est pas contentée des informations transmises par les soumissionnaires mais a procédé à l'analyse des échantillons fournis par ces derniers ainsi qu'à la vérification, en cours d'exécution du contrat, de la conformité des comprimés aux spécifications techniques du marché.

S'agissant de l'allégation par la société Sovedis de la mention d'un temps de désinfection erroné de 10 mn sur un packaging Oasis, fondée sur une seule photographie dudit packaging versée au débat par la société Hydrachem, ce seul élément ne suffit pas davantage à justifier d'un manquement à une diligence professionnelle de nature à modifier substantiellement le comportement du consommateur, la société Hydrachem ayant en outre produit une autre photographie sur lequel le temps de désinfection indiqué est de 30 minutes.

Enfin, s'agissant du grief relatif à la mention, sur le site internet de la société Hydrachem, que les comprimés Oasis sont efficaces contre la schistosomiase, là encore, et alors qu'il n'appartient pas à la cour de trancher un débat scientifique, la société Sovedis affirme que les études de l'OMS « démontrent clairement que la désinfection chimique par le chlore est inefficace contre les protozoaires » en se bornant à produire un article de l'OMS relatif à un « programme international pour l'évaluation des technologies de traitement de l'eau domestique » contenant des informations générales sur ce sujet mais aucun élément spécifique sur l'inefficacité de la désinfection par le chlore pour contribuer à combattre la schistosomiase, la société Hydrachem produisant au contraire, notamment un article d'un site medecinedesvoyages.net relatif à la biharziose ou schistosomiase, dont la source est la direction générale de la santé, indiquant que l'infestation se produit dans de l'eau douce hébergeant des formes larvaires (cercaires) de schistosomes, et concluant « Il faut aussi éviter de boire de l'eau dans une zone à risque de contamination ('). On peut éliminer ou inactiver les cercaires au moyen d'un filtre en papier ou avec de l'iode ou du chlore ». Il s'ensuit que, là encore, la société Sovedis échoue à démontrer que ce grief constitue un manquement à une diligence professionnelle entraînant une altération substantielle du comportement du consommateur.

Les demandes de la société Sovedis sur le fondement de la concurrence déloyale seront donc rejetées et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur les agissements déloyaux et parasitaires à titre reconventionnel

La société Hydrachem souligne que Sovedis continue de se prévaloir sur son emballage d'une 'Autorisation du Conseil Supérieur de l'Hygiène Publique de France du 3 mai 1999', ce qui est totalement fallacieux ; qu'elle met également en avant sur ses documents commerciaux, son site internet et ceux de ses distributeurs une autorisation de la DGS (Direction Générale de la Santé) qui est obsolète et mensongère ; que l'étiquetage du produit Aquatabs n'est pas conforme au règlement européen régissant les normes d'étiquetages sur les produits chimiques ; que Sovedis a procédé à des déclarations mensongères auprès du ministère de la transition écologique et solidaire en omettant de préciser que ses comprimés contiennent des substances dangereuses pour la santé ; que Sovedis commercialise un autre produit désinfectant, dit Klorkleen, alors qu'elle n'a effectué aucune déclaration auprès de l'ANSES ; que Sovedis se prévaut d'un produit breveté alors qu'elle ne dispose d'aucun titre de propriété de ce type.

La société Sovedis répond qu'elle a obtenu une autorisation de mise sur le marché de son produit après un long et coûteux processus de demande et qu'elle est bien fondée à s'en prévaloir ; que concernant l'étiquetage, elle fait application conforme de l'article 29 du règlement CE n°1272/2008 du 16 décembre 2008 ; que les pictogrammes sont bien mentionnés sur la notice et sur l'emballage externe et que l'absence de pictogramme sur l'emballage interne ne saurait donc exercer une quelconque influence sur le choix du consommateur lors de l'achat.

Sur ce,

La cour considère, comme les premiers juges, que la société Hydrachem ne peut reprocher à Sovedis de mentionner en petits caractères sur les emballages de ses produits une autorisation obtenue en 1993 du Conseil supérieur d'hygiène publique, cette information qui n'est pas mensongère, quand bien même cet organisme ne délivre plus cette autorisation aujourd'hui, n'étant pas fautive. De même, le fait que la société Sovedis ne fasse pas figurer, sur le blister d'emballage de chaque produit, les pictogrammes alertant sur les dangers liés à certaines utilisations du produit, ne suffit pas à caractériser une faute de concurrence déloyale, l'article 29 du règlement européen 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la « classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges » prévoyant dans certains cas la possibilité de faire figurer lesdits pictogrammes sur la boîte d'emballage et sur la notice, ce qui est le cas en l'espèce, les pictogrammes figurant tant sur la boîte d'emballage que sur la notice du produit Aquatabs. Il n'est pas davantage établi, faute de tout élément notamment en provenance de la DGCCRF que le produit Klortkleen, incriminé en cause d'appel par la société Hydrachem, aurait été mis sur le marché par la société Sovedis de façon illégale et non conforme.

En revanche, la cour considère que le fait de mentionner sur une page de son site internet présentant le produit Aquatabs, dans un encadré apparent, « Agréé par la Direction générale de la santé », et sur la page « Qui sommes-nous » du même site « Aquatab seule formulation à base de troclosène sodique à détenir l'autorisation de la Direction générale de la santé pour le traitement de l'eau d'alimentation », et ce alors qu'il n'existe pas d'autorisation spécifique de la Direction générale de la santé pour ces comprimés ainsi qu'il résulte du mail du 23 janvier 2018 de la responsable de la Direction générale de la santé « chargée de règlementation des matériaux entrant en contact avec l'eau potable », est mensonger et fautif, ces mentions laissant penser au consommateur que ces produits sont pourvus d'une autorisation qui fait défaut aux concurrents comme la société Hydrachem. De la même façon, le fait de mentionner sur la fiche technique du produit Aquatabs 3,5 mg « formule brevetée » sans justifier ni même alléguer dans la présente instance être détenteur ou licencié d'aucun brevet déposé pour ledit produit est également mensonger et fautif, cette mention trompeuse étant un gage indu d'innovation et d'efficacité, étant en outre rappelé que l'article L. 615-12 du code de la propriété intellectuelle prévoit une peine d'amende pour 'Quiconque se prévaut indûment de la qualité de propriétaire d'un brevet ou d'une demande de brevet'. Ces agissement caractérisent des faits de concurrence déloyale commis par la société Sovedis.

La société Hydrachem demande de condamner la société Sovedis à retirer les produits portant les mentions incriminées. Il sera ordonné à la société Sovedis, sous astreinte dans les conditions précisées au dispositif ci-après, de retirer lesdites mentions de son site internet et de la fiche technique du produit Aquatabs, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner le retrait du marché des comprimés, cette mesure étant disproportionnée, les mentions incriminées ne figurant pas sur les produits eux-mêmes.

Cette mesure d'interdiction étant suffisante pour réparer le préjudice, il ne sera pas fait droit à la demande indemnitaire de la société Hydrachem qui n'a produit aucun élément pour justifier de son préjudice financier.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Hydrachem de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, et de sa demande de retrait du marché des produits en cause.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit qu'en mentionnant sur son site internet « Agréé par la Direction générale de la santé », et « Aquatab seule formulation à base de troclosène sodique à détenir l'autorisation de la Direction générale de la santé pour le traitement de l'eau d'alimentation », et sur la fiche technique du produit Aquatabs « formule brevetée », la société Sovedis a commis des actes de concurrence déloyale ;

Enjoint à la société Sovedis de supprimer ces mentions, et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, pendant un délai de six mois ;

Condamne la société Sovedis aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre, à la société Hydrachem, la somme de 15 000 euros.