CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 11 septembre 2024, n° 23/09745
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2024
(n° 094/2024 , 32 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/09745 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHW2N
sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation rendu le 27 mai 2021 (pourvoi n°B 18-17.760), d'un arrêt du pôle 5 chambre 2 de la Cour d'appel de PARIS rendu le 9 mars 2028 (RG n°16/24260) rendu sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de PARIS du20 octobre 2016 - 3ème chambre - 4ème section - (RG n°15/05010)
DEMANDERESSES À LA SAISINE
S.A. GENERALE BISCUIT-GLICO FRANCE
Société au capital de 1 525 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERREx sous le numéro 324 031 525
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée de Me Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0401
S.A.S. [X] FRANCE
Société au capital de 4 251 936 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 808 234 801
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée de Me Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0401
Société [X] EUROPE GMBH
Société de droit suisse
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5] (SUISSE)
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée de Me Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0401
DÉFENDERESSES À LA SAISINE
Société GRIESSON DE BEUKELAER GMBH & CO.KG
Société de droit allemand enregistrée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro HRA 12303
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège August-Horch-Str. 23
[Localité 2]
(ALLEMAGNE)
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistée de Me Emmanuel GOUGÉ du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : R020
S.A.S. SOLINEST
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MULHOUSE sous le numéro 946 050 200
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistée de Me Emmanuel GOUGÉ du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : R020
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
- Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
- Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
- Mme Deborah BOHEE, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par Soufiane HASSAOUI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société GENERALE BISCUIT GLICO FRANCE (ci-après, la société GLICO), la société de droit suisse [X] EUROPE et la société [X] FRANCE (ci-après, les sociétés [X]) font partie du groupe agro-alimentaire [X] INTERNATIONAL (anciennement KRAFT FOODS), l'un des leaders mondiaux en matière de chocolat, biscuits, chewing-gum, bonbons, café et boissons en poudre.
La société GLICO est titulaire :
- de la marque française tridimensionnelle déposée le 19 octobre 2005 et enregistrée sous le n° 3 386 825 (ci-après, la marque 825) pour designer en classe 30 des « biscuits enrobés ou nappés, notamment de chocolat ou de caramel » :
- la marque française tridimensionnelle déposée le 29 mars 2010 et enregistrée sous le n° 3 725 291 (ci-après, la marque 291) en classe 30, pour les produits suivants : « Cacao, chocolat, boisson à base de cacao et/ou de chocolat et préparation pour faire des boissons ; produits de boulangerie, de pâtisserie, de confiserie, à savoir, pain, biscottes, biscuits (sucrés ou salés), gaufres, gaufrettes, gâteaux, pâtisseries ; barres de céréales ; préparations faites de céréales ; tous ces produits étant nature et/ou nappés et/ou fourrés et/ou aromatisés » :
Les sociétés [X] EUROPE et MODELEZ FRANCE sont respectivement la licenciée et la sous-licenciée (non-inscrites) de ces deux marques.
Les sociétés GLICO et [X] exposent que la marque n° 825 est une marque renommée par l'usage qui en est fait depuis 1982 sous la forme d'un biscuit MIKADO « classique » (ayant la forme d'un bâtonnet en biscuit recouvert d'un enrobement lisse de chocolat) et que la marque n° 291 est pareillement une marque renommée par l'usage qui en est fait depuis 2012 sous la forme d'un biscuit MIKADO « King Choco » (ayant la forme d'un bâtonnet en biscuit recouvert d'un enrobement en chocolat présentant un aspect torsadé).
La société de droit allemand GRIESSON DE BEUKELAER (ci-après, la société GRIESSON) est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de biscuits. Elle fabriquait et commercialisait un biscuit au chocolat dénommé « ChocOlé » et était titulaire des marques semi-figuratives suivantes :
- la marque n°12 3 950 482 (ci-après, la marque 482) déposée le 2 octobre 2012 en classe 30 pour désigner les « pâtisseries fines enrobées de chocolat » :
- la marque n° 12 3 950 493 (ci-après, la marque 493) déposée le 2 octobre 2012 en classe 30 pour désigner les mêmes produits :
La société GRIESSON indique que pour des raisons strictement commerciales, les biscuits « ChocOlé » ne sont plus commercialisés en France depuis décembre 2016, et que par ailleurs, ses deux marques n'ont pas été renouvelées et sont ainsi venues à expiration le 2 octobre 2022.
La société GRIESSON a été le partenaire commercial du groupe [X] INTERNATIONAL en Allemagne et en Autriche pour la distribution des biscuits Mikado en vertu d'un accord de coopération conclu en mai 2007 qui a pris fin en juillet 2010.
La société SOLINEST est une société française spécialisée dans la distribution de confiseries, boissons et biscuits en France. Elle importait et commercialisait en France, dans plusieurs enseignes de la grande distribution, les biscuits « ChocOlé » de la société GRIESSON.
Estimant que la commercialisation des biscuits 'ChocOlé' portait atteinte aux droits qu'elles revendiquent sur les marques sus-visées qu'elles disent renommées, et que cette atteinte était aggravée par le caractère parasitaire de leur conditionnement, la société GLICO et les sociétés [X] ont, selon acte d'huissier du 18 mars 2015, fait assigner la société GRIESSON et la société SOLINEST en contrefaçon de marques, atteinte à la renommée des marques, nullité des marques appartenant à la société GRIESSON et parasitisme devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 20 octobre 2016 assorti de l'exécution provisoire, ce tribunal a :
rejeté les demandes reconventionnelles en annulation des marques françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291,
déclaré irrecevables les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE dans toutes leurs demandes fondées sur une atteinte à la renommée des marques n° 825 et n° 291 [demande à titre principal pour la marque n° 291 et demande à titre subsidiaire pour la marque n° 825],
débouté les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de l'intégralité de leurs demandes en contrefaçon de la marque n° 825,
rejeté les demandes en annulation des marques « Choc'Olé » [n° 482 et n° 493] fondées sur une contrefaçon de la marque n° 825,
débouté la société [X] FRANCE de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE à payer à la société GRIESSON et à la société SOLINEST la somme de 10 000 euros à chacune soit 20 000 euros au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Emmanuel GOUGE, avocat.
Sur l'appel interjeté par les sociétés GLICO et [X], cette cour (dans une autre composition), dans un arrêt du 9 mars 2018, a :
confirmé le jugement en toutes ses dispositions, sauf à dire que les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE ne sont pas irrecevables en leurs demandes fondées sur une atteinte à la renommée des marques n° 825 et n° 291 mais mal fondées,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE à payer à la société GRIESSON la somme de 40 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE
aux entiers dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Sur le pourvoi formé par les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] France, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mai 2021 a notamment :
cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement en tant que celui-ci :
rejetait les demandes reconventionnelles en annulation des marques tridimensionnelles françaises n° 825 et n° 291,
rejetait les demandes en annulation des marques « Choc'Olé » fondées sur une contrefaçon de la marque n° 825,
et déboutait la société [X] FRANCE de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire,
remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée,
condamné les sociétés GRIESSON et SOLINEST aux dépens,
condamné in solidum les sociétés GRIESSON et SOLINEST à payer aux sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE la somme globale de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE, par déclaration du 25 mai 2023, ont saisi cette cour désignée comme cour de renvoi.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 3, transmises le 4 avril 2024, les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE demandent à la cour :
Vu les articles L.711-4, L.713-3-b), L.713-5, L.716-1 et L.716-14 du code de la propriété intellectuelle dans leur version en vigueur à l'époque des faits,
Vu l'article L.716-7-1 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 565 et 633 du code de procédure civile,
Vu l'arrêt prononcé le 27 mai 2021 par la chambre commerciale de la Cour de cassation,
de les déclarer recevables et bien fondées en leur appel et en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il a :
débouté les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de leur action en contrefaçon de la marque n° 825,
déclaré irrecevables les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE dans toutes leurs demandes fondées sur une atteinte à la renommée des marques n° 825 et n° 291 au motif que la renommée de ces marques ne serait pas établie,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE à payer à chacune des sociétés GRIESSON et SOLINEST la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE à supporter les entiers dépens de l'instance,
et statuant à nouveau,
de constater que la société GLICO est titulaire des marques françaises n° 825 et n° 291,
de juger que lesdites marques sont des marques renommées au sens des dispositions de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur à l'époque des faits,
sur la contrefaçon de la marque n° 825 :
de juger que la société GLICO en sa qualité de titulaire de la marque n° 825 et que les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE en leurs qualités respectives de licenciée et de sous-licenciée de cette marque, sont recevables et bien fondées en leur action fondée sur la contrefaçon de cette marque et, subsidiairement, juger que les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE, sont recevables et bien fondées à agir en réparation du préjudice que leur cause la contrefaçon de ladite marque, sur le fondement de la concurrence déloyale et de l'article 1240 du code civil,
de juger que les sociétés GRIESSON et SOLINEST, en commercialisant en France les biscuits au chocolat noir et les biscuits au chocolat au lait dénommés «iChocOléi», ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque tridimensionnelle n° 825 au sens des dispositions des articles L.713-3 b) et L.716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur version en vigueur à la date des faits,
d'interdire aux sociétés GRIESSON et SOLINEST toute fabrication, commercialisation, promotion et publicité, ou plus généralement toute exploitation, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, des biscuits litigieux ainsi que leur représentation sur des conditionnements, publicités, catalogues et documents promotionnels, sous astreinte de 1000 € par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, chaque exemplaire de paquet de biscuit, de conditionnement, de support, de document publicitaire ou commercial faisant l'objet de ladite mesure constituant une infraction,
de se réserver la liquidation de l'astreinte,
de condamner les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum à payer à la société GLICO une somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, outre une provision de 300 000 €, à valoir sur la réparation de son préjudice économique sous la forme de redevances indemnitaires au taux de 10 % sur les ventes de biscuits ChocOlé par les intimées,
de condamner les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum à payer à chacune des sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE une provision de 100 000 €, à valoir sur la réparation de leur préjudice économique,
d'enjoindre aux sociétés GRIESSON et SOLINEST de communiquer aux sociétés GLICO , [X] EUROPE et [X] FRANCE, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, l'ensemble des éléments de comptabilité, de gestion des stocks, de production et de commercialisation relatifs respectivement aux biscuits ChocOlé et aux conditionnements comportant la représentation de ces biscuits, depuis le début de leur commercialisation en France, sous astreinte de 3 000 € par jour de retard, à compter de la date d'effet de la décision à intervenir,
de se réserver la liquidation de l'astreinte prononcée,
subsidiairement :
de nommer tel expert qu'il lui plaira avec mission de :
se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment les documents énumérés au paragraphe précédent,
fournir tous éléments comptables de nature à permettre à la cour de déterminer la masse contrefaisante, le chiffre d'affaires réalisé par les intimées, directement ou indirectement, les gains manqués et les bénéfices perdus respectivement par les appelantes, ainsi que le préjudice subi par ces dernières,
impartir à l'expert un délai pour l'exécution de sa mission et le dépôt de son rapport,
fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir,
subsidiairement, de juger que la société GLICO en sa qualité de titulaire de la marque n° 825 et que les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE en leurs qualités respectives de licenciée et de sous-licenciée de cette marque, sont recevables et bien fondées en leur action fondée sur les dispositions de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle,
et, plus subsidiairement, de juger que les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE, sont recevables et bien fondées à agir en réparation du préjudice que leur cause l'atteinte portée à ladite marque renommée, sur le fondement de la concurrence déloyale et de l'article 1240 du code civil,
de juger qu'en commercialisant en France les biscuits au chocolat noir et les biscuits au chocolat au lait dénommés « ChocOlé », les sociétés GRIESSON et SOLINEST ont porté atteinte au caractère distinctif de la marque renommée n°3 386 825 et exploité de manière indue la renommée de cette marque, au préjudice des sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE et qu'elles ont ainsi engagé leur responsabilité civile de ce chef, au sens des dispositions de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa version en vigueur à l'époque des faits et, plus subsidiairement à l'égard des sociétés [X] EUROOPE et [X] FRANCE, au titre d'agissements de concurrence déloyale parasitaire,
de condamner les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum à payer à la société GLICO une somme de 300 000 € et à chacune des sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE une somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts,
d'interdire aux sociétés GRIESSON et SOLINEST toute fabrication, commercialisation, promotion et publicité, ou plus généralement toute exploitation, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, des biscuits litigieux ainsi que leur représentation sur des conditionnements, publicités, catalogues et documents promotionnels, sous astreinte de 1000 € par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, chaque exemplaire de paquet de biscuit, de conditionnement, de support, de document publicitaire ou commercial faisant l'objet de ladite mesure constituant une infraction,
de se réserver la liquidation de l'astreinte prononcée,
sur l'atteinte à la marque renommée n° 291 :
de juger que la société GLICO en sa qualité de titulaire de la marque n° 291 et que les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE en leurs qualités respectives de licenciée et de sous-licenciée de cette marque, sont recevables et bien fondées en leur action fondée sur les dispositions de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle,
et, subsidiairement, de juger que les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE, sont recevables et bien fondées à agir en réparation du préjudice que leur cause l'atteinte portée à ladite marque renommée, sur le fondement de la concurrence déloyale parasitaire et de l'article 1240 du code civil,
de juger qu'en commercialisant en France les biscuits au chocolat noir et les biscuits au chocolat au lait dénommés « ChocOlé », les sociétés GRIESSON et SOLINEST ont porté atteinte au caractère distinctif de la marque renommée n° 291, ont exploité sa renommée de manière injustifiée et ont porté préjudice aux sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE au sens des dispositions de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa version en vigueur à l'époque des faits et, subsidiairement à l'égard des sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE, au titre d'agissements de concurrence déloyale parasitaire,
d'interdire aux sociétés GRIESSON et SOLINEST toute fabrication, commercialisation, promotion et publicité, ou plus généralement toute exploitation, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, des biscuits litigieux ainsi que leur représentation sur des conditionnements, publicités, catalogues et documents promotionnels, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, chaque exemplaire de paquet de biscuit, de conditionnement, de support, de document publicitaire ou commercial faisant l'objet de ladite mesure constituant une infraction,
de se réserver la liquidation de l'astreinte prononcée,
de condamner les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum à payer à la société GLICO une somme de 200 000 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
de condamner les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum à payer à chacune des sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE une somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice,
en tout état de cause :
de condamner les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum à payer aux sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE la somme de 150 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais de constat et les dépens de l'instance,
d'ordonner à titre de réparation complémentaire, la publication du dispositif de la décision à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq revues ou magazines, au choix des appelantes et aux frais des sociétés intimées in solidum, et ce, à concurrence d'une somme de 8 000 € hors taxes par publication,
d'ordonner à titre de réparation complémentaire, l'affichage pendant 15 jours, du dispositif de la décision à intervenir sur la page d'accueil des sites internet des sociétés GRIESSON et SOLINEST, dans un format occupant au moins un quart de l'espace de cette page d'accueil, dans un délai de 8 jours suivant la signification de ladite décision à intervenir, sous astreinte de 8 000 € par jour de retard,
de se réserver la liquidation de l'astreinte prononcée,
de condamner les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum aux entiers dépens de première instance comprenant les frais de constat d'huissier ainsi qu'aux dépens d'appel comprenant les frais de traduction en langue allemande de la déclaration de saisine de la cour, des conclusions signifiées le 24 juillet 2023 ainsi que des actes de signification de ces actes, qui seront recouvrés par la SCP SEPTIME, avocats au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 3, transmises le 15 avril 2024, les sociétés GRIESSON et SOLINEST demandent à la cour :
Vu le code de la propriété intellectuelle, en particulier le Livre VII,
Vu le code de procédure civile, en particulier les articles 31, 32, 122 et 564,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 octobre 2016,
Vu l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 mai 2021,
de déclarer les sociétés GRIESSON et SOLINEST recevables et bien fondées dans leurs demandes et y faisant droit,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de toutes leurs demandes,
en conséquence :
de confirmer le jugement en ce qu'il a :
rejeté l'ensemble des demandes des sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE au titre de la contrefaçon de la marque française tridimensionnelle n° 825,
considéré que les marques françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291 ne jouissent pas d'une renommée et, en conséquence, rejeté l'ensemble des demandes des sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE au titre de l'atteinte à la renommée des marques françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE à payer à la société GRIESSON et la société SOLINEST la somme de 10 000 euros à chacune, soit 20 000 euros au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
y ajoutant :
de déclarer les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE irrecevables à agir en réparation du préjudice qui aurait été causé par la prétendue contrefaçon de la marque tridimensionnelle n° 825 sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
de déclarer les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE irrecevables à agir sur le fondement de l'atteinte à la renommée des marque françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291, autant au visa de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle en vigueur à l'époque des faits qu'au visa de l'article 1240 du code civil,
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait infirmer totalement ou partiellement le jugement :
' sur la marque française tridimensionnelle n° 825 :
sur la contrefaçon de la marque française tridimensionnelle n° 825 :
de juger que les biscuits ChocOlé, l'emballage desdits biscuits et l'affiche publicitaire ne portent pas atteinte à la marque française tridimensionnelle n° 825,
en conséquence,
de juger que les sociétés GRIESSON et la société SOLINEST n'ont commis aucun acte de contrefaçon de la marque française tridimensionnelle n° 825,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de leurs demandes au titre de la contrefaçon de la marque française tridimensionnelle n° 825,
dans l'hypothèse où la cour viendrait rejeter l'action en contrefaçon de la marque française tridimensionnelle n° 825 et à apprécier l'atteinte à la renommée de ladite marque :
de déclarer les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE irrecevables à agir sur le fondement de l'atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 825, autant au visa de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle en vigueur à l'époque des faits qu'au visa de l'article 1240 du code civil,
de juger que la marque française tridimensionnelle n° 825 ne jouit pas d'une renommée sur le territoire française au sens de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de leurs demandes au titre de l'atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 825,
à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 825, sur l'atteinte alléguée à la renommée de ladite marque :
de juger que les sociétés GRIESSON et SOLINEST ne portent pas atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 825,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de leurs demandes au titre de l'atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 825,
' Sur l'atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 291 :
de déclarer les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE irrecevables à agir sur le fondement de l'atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 291, autant au visa de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle en vigueur à l'époque des faits qu'au visa de l'article 1240 du code civil,
de juger que la marque française tridimensionnelle n° 291 ne jouit pas d'une renommée sur le territoire française au sens de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de leurs demandes au titre de l'atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 291,
à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 291, sur l'atteinte alléguée à la renommée de ladite marque :
de juger que les sociétés GRIESSON et SOLINEST ne portent pas atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 291,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de leurs demandes au titre de l'atteinte à la renommée de la marque française tridimensionnelle n° 291,
à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour devait entrer en voie de condamnation contre les sociétés GRIESSON et SOLINEST :
de déclarer les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE irrecevables à agir en réparation du préjudice qui aurait été causé par la prétendue contrefaçon de la marque tridimensionnelle n° 825 sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
de déclarer les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE irrecevables à agir sur le fondement de l'atteinte à la renommée des marque françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291, autant au visa de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle en vigueur à l'époque des faits qu'au visa de l'article 1240 du code civil,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon de la marque française tridimensionnelle n° 825 et au titre de l'atteinte à la renommée des marques françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291, en ce que ces dernières sont disproportionnées et ne sont justifiées ni dans leur nature, ni dans leur étendue, ni dans leur montant,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de leur demande de communication de documents en ce qu'elle n'est pas nécessaire et viendrait violer le secret des affaires des sociétés GRIESSON et SOLINEST,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE ET [X] FRANCE de leur demande de désignation d'un expert en ce qu'une telle désignation n'est pas nécessaire,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE ET [X] FRANCE de leur demandes de publication en ce qu'elles ne sont pas nécessaires et sont disproportionnées au regard des faits de l'espèce,
de débouter les sociétés GLICO, [X] EUROPE ET [X] FRANCE de leur demandes d'astreinte au titre des mesures d'interdiction en ce que ces mesures n'ont plus d'objet, sont exorbitantes et non justifiées,
en tout état de cause :
de condamner les sociétés GLICO, [X] EUROPE ET [X] FRANCE in solidum à payer aux sociétés GRIESSON et SOLINEST la somme de 150 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, quitte à parfaire,
de condamner les sociétés GLICO, [X] EUROPE ET [X] FRANCE in solidum à tous les dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Véronique DE LA TAILLE.
L'ordonnance de clôture est du 23 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur l'étendue de la cassation prononcée et de la saisine de la cour de renvoi
Le jugement n'est pas remis en cause par la cassation partielle, et est donc définitif, en ce qu'il a :
rejeté les demandes reconventionnelles en annulation des marques françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291,
rejeté la demande en concurrence déloyale et parasitaire de la société [X] FRANCE.
Sur les chefs non contestés du jugement
Il est constant que les enregistrements des marques semi-figuratives n° 482 et n° 493 de la société GRIESSON, faute de renouvellement, sont venus à expiration le 2 octobre 2022.
La cour constate que les sociétés appelantes ne demandent pas l'annulation des marques n° 482 et n° 493 de la société GRIESSON sur le fondement de l'atteinte portée par elles à la renommée des marques n° 825 et n° 291.
Sur la renommée des marques n° 825 et n° 291 de la société GLICO
Les appelantes soutiennent que les marques n° 825 et n° 291 de la société GLICO sont des marques renommées au sens de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ; que les marques sont connues d'une partie significative du public pertinent, à savoir le consommateur français normalement informé et moyennement attentif. Elles se prévalent d'une exploitation ancienne, depuis 1982, de la marque figurative représentant le biscuit Mikado « classique » correspondant à la marque n° 825, et depuis 2012, du biscuit Mikado « King Choco » correspondant à la marque n° 291, constamment mis en avant sur leur conditionnement ; des volumes de vente des produits revêtus de ces marques et des chiffres d'affaires réalisés ; des parts de marché des biscuits Mikado ; des importantes campagnes publicitaires diffusées en France et des budgets très significatifs consacrés, en France, à ces campagnes publicitaires ; de plusieurs décisions statuant sur le caractère renommé de la marque n° 825 ; de trois enquêtes effectuées auprès de consommateurs ayant confirmé la renommée de l'aspect du biscuit Mikado « classique » et établi celle du biscuit « King Choco ».
Les intimés dénient toute renommée de la marque n° 825, faisant valoir que la Cour de cassation n'a pas considéré que les éléments versés au débat par GLICO/[X] démontreraient la renommée des marques de GLICO mais a seulement sanctionné un défaut de motivation des juges du fond ; qu'il découle de la jurisprudence communautaire que l'usage du signe à titre de marque doit porter sur un usage autonome de ladite marque, c'est-à-dire sans que la fonction de marque soit assurée par la présence d'un autre signe à proximité du signe en question ; que s'il est admis qu'une marque puisse être utilisée sous une forme modifiée et/ou en combinaison avec une autre marque, les modifications apportées et/ou la présence de l'autre marque ne doivent pas altérer le caractère distinctif de la marque en question ; que le caractère distinctif de la marque tridimensionnelle n° 825 est contestable et, au mieux, cette marque est faiblement distinctive ; que plus le caractère distinctif d'une marque est faible, plus il sera aisément altéré par des modifications mineures ou l'adjonction d'un élément lui-même distinctif ; que dès lors, le tribunal et la cour d'appel ont eu raison de considérer comme non pertinentes les pièces des appelantes visant à établir la prétendue renommée des marques de GLICO, ces dernières reproduisant systématiquement le biscuit Mikado en sa qualité de marchandise et non les marques elles-mêmes ; que la forme du biscuit Mikado « classique » n'est pas la forme de la marque tridimensionnelle n° 825, cette dernière présentant des différences substantielles en termes de couleur, proportions, dimensions et axes de direction ; qu'ainsi, si la cour venait à considérer que les biscuits Mikado correspondent à la reproduction des marques de GLICO en deux dimensions, les modifications et adjonctions apportées par les appelantes aux marques sur l'ensemble des pièces communiquées ont nécessairement altéré le caractère faiblement distinctif des signes protégés, de sorte que ces signes ne remplissent plus, en tant que tels et à eux seuls, leur fonction d'origine commerciale des produits en question ; que l'ensemble des éléments apportés par les parties adverses ne porte jamais sur la marque tridimensionnelle n° 825 mais sur les biscuits Mikado, présentés d'une façon (bidimensionnelle, en faisceau, de manière tronquée et/ou cachée par un cercle rouge emblématique des paquets de biscuits Mikado, avec les marques verbales et semi-figuratives MIKADO, LU et/ou GLICO, lesquelles seules retiendront l'attention du public comme éléments distinctifs des produits) qui diffère de la marque tridimensionnelle n° 825 ; que l'image des biscuits Mikado sur les emballages des produits, n'est qu'une illustration du produit vendu à l'intérieur du packaging, ce qui est parfaitement banal pour des produits relevant du domaine de la biscuiterie ; que les appelantes ne peuvent invoquer des dépenses publicitaires relatives à la promotion du biscuit Mikado, c'est-à-dire de la marchandise commercialisée sous la forme de paquet de biscuits assortis de la marque semi-figurative MIKADO, et non de la seule marque tridimensionnelle n° 825 ; que les différentes juridictions françaises ayant eu à se prononcer sur la prétendue renommée de la marque tridimensionnelle n° 825 ont chacune considéré que ladite marque était dépourvue de renommée nonobstant un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg qui traitait de la seule notoriété qu'aurait acquise la marque en 2006 ; que les études de notoriété fournies sont anciennes et/ou non pertinentes et en tout cas insuffisantes pour constituer des preuves valables de la renommée alléguée. Les intimées soutiennent que l'ensemble des critiques relevées à l'égard de la renommée de la marque tridimensionnelle n° 825 valent également à l'égard de la prétendue renommée de la marque tridimensionnelle n° 291.
Ceci étant exposé, l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 applicable au cas d'espèce, dispose que « La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de [Localité 8] pour la protection de la propriété industrielle précitée ».
De même, l'article 5§2 de la directive 2008/95/CE du 22obre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques indique que « Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique ou comparable à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas comparables à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'État membre et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice ».
Une marque renommée doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque et exercer un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits et services qu'elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment de l'atteinte alléguée.
Le public pertinent est constitué par le consommateur moyen des produits et services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Pour apprécier si une marque est renommée, le juge doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la promouvoir. Doit être notamment pris en compte l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, la représentation bidimensionnelle d'une marque tridimensionnelle pouvant notamment faciliter la connaissance de la marque par le public pertinent lorsqu'elle permet de percevoir les éléments essentiels de la forme tridimensionnelle du produit (Cass, com, GLICO FRANCE, n° 18-17.760, 27 mai 2021).
Selon la jurisprudence de la CJUE et du TUE, l'usage de la marque peut prendre une forme différente du signe enregistré lorsque les deux formes sont « globalement équivalentes » (notamment, TUE, 10 juin 2010, ATLAS TRANSPORT, T-482/08, point 30).
Sur la renommée de la marque n° 825
Pour démontrer la renommée de la marque n° 825, les sociétés GLICO et [X] produisent au débat des emballages de biscuits MIKADO depuis 1984 jusqu'en 2016 (pièces 2.1 et 2.2) montrant sur ces emballages la représentation graphique du biscuit dit « classique » correspondant à la marque tridimensionnelle n° 825, ce biscuit étant présenté parmi d'autres, en vrac ou en faisceau évoquant un jeu de mikado, mais également, à partir de 2009, de façon isolée, recouvert en son centre par le terme MIKADO apposé sur un rond rouge, sur quasiment toute la hauteur du paquet sur l'une des faces latérales dudit paquet, cette représentation isolée et sur la quasi-hauteur du paquet se retrouvant en outre, en 2016, sur la partie gauche de la face avant du paquet.
Les sociétés intimées objectent que le biscuit ainsi reproduit sur les emballages est le biscuit Mikado « classique » en tant que marchandise et non la marque elle-même, la forme du biscuit Mikado « classique » présentant des différences substantielles par rapport à la marque en termes de couleur (« jaune verdâtre et marron clair pour la marque tridimensionnelle '825 contre beige et marron foncé pour le biscuit »), de proportions (« la forme de la marque est visiblement fine et sa partie marron clair prend la suite de la partie jaune alors que la forme du biscuit est plus épaisse du fait de la superposition de la partie marron foncé (le chocolat) sur la partie beige (le biscuit) »), de dimensions (« faute d'information sur les dimensions de la forme de la marque tridimensionnelle '825, il ne peut être affirmé de manière opportuniste que la taille et le diamètre de cette forme seraient identiques à ceux du biscuit Mikado classique ») et d'axes de direction (« la forme de la marque tridimensionnelle '825 est incurvée alors que la forme du biscuit Mikado classique est droite »). Mais les différences relevées par les intimées sont artificielles, le biscuit « classique », comme le modèle de la marque déposée en couleur, pouvant seulement être décrit comme un bâtonnet fin allongé aux bouts arrondis, recouvert dans sa plus grande partie de chocolat, la couleur « jaune verdâtre » n'apparaissant nullement au vu du certificat d'identité de la marque considérée qui montre plutôt une couleur beige/jaune pour la partie nue du biscuit, non recouverte de chocolat (pièce 1.1 appelantes), la partie chocolatée du biscuit étant plus ou moins foncée selon qu'il s'agit de chocolat au lait ou de chocolat noir (pièce 13 appelantes), et les considérations relatives aux proportions et dimensions étant inopérantes dès lors que la marque ne protège pas l'épaisseur du biscuit ni sa taille mais seulement sa forme et son aspect général tels qu'ils viennent d'être décrits. La démonstration des intimées quant à la forme incurvée de la marque (page 37 de leurs écritures) ne convainc pas au regard de la contre-démonstration proposée par les appelantes (page 65 de leurs écritures). Si les différentes représentations du biscuit « classique » sur les emballages ' représentation en vrac ou en faisceau ou représentation isolée ' peuvent certes constituer des illustrations des biscuits qui y sont contenus, elles constituent également, particulièrement la représentation isolée à partir de 2009, un usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, permettant de percevoir les éléments essentiels de la forme tridimensionnelle du produit ; elles constituent une forme « globalement équivalente », au sens de la jurisprudence communautaire précitée, au modèle de la marque n° 825.
Il est relevé que, bien que le biscuit dont la forme constitue la marque, ne soit pas vendu à l'unité, il apparaît représenté de façon isolée sur la tranche des emballages et aussi (en 2016) sur la face latérale de ces emballages, et par ailleurs, que si les emballages font apparaître plusieurs biscuits (en vrac ou en faisceau évoquant le jeu de mikado), la particularité de leur forme, dont le caractère oblong est une des caractéristiques principales aux yeux du public pertinent, est mis en exergue par leur présentation entrecroisée ainsi que par le terme MIKADO. La forme du biscuit reproduite sur les emballages fournis par les appelantes est perçue, au-delà de la représentation du biscuit lui-même, comme une identification de l'origine commerciale de ce produit, et ce indépendamment des marques verbales ou semi-figuratives « MIKADO », « LU » ou « GLICO » apparaissant sur les mêmes emballages. Est par ailleurs inopérante l'argumentation sur le défaut de distinctivité de la marque, le jugement qui a rejeté la demande d'annulation de la marque reposant sur ce motif et qui a retenu, à juste raison, que le signe se démarquait des normes du secteur de la biscuiterie par son embout biscuité dépourvu d'enrobage de chocolat, sa forme oblongue et mince et l'embout biscuité le rendant susceptible d'attirer l'attention du public pertinent qui le percevra comme une indication d'origine commerciale des produits, n'étant pas remis en question par la cassation partielle intervenue.
La série d'emballages fournie par les appelantes est par conséquent un élément pertinent pour montrer l'ancienneté et l'intensité de l'exploitation de la marque considérée.
Les sociétés GLICO/[X] produisent également une pièce 13 qui est un document interne, intitulé « Mikado : une marque vendue en France depuis 1982 et dynamisée depuis les 30 dernières années grâce à une communication télévisuelle spécifique », faisant apparaître les volumes de biscuits MIKADO commercialisés depuis 1994, les différentes variétés de biscuits MIKADO et les différentes campagnes de communication télévisuelle de 1983 à 2012. Elles fournissent également de nombreuses pièces relatives à des campagnes publicitaires concernant le biscuit Mikado « classique », notamment :
une campagne d'affichage sur la voie publique en France en 2014 mettant en avant de façon humoristique la forme oblongue du biscuit par différents slogans (« le biscuit long comme un jour sans Mikado », « c'est comme mâchouiller son crayon en meilleur », « le biscuit dont on ne peut pas faire qu'une bouchée », « le biscuit si long qu'on n'en voit pas le bout. Ah, si », « C'est un roc, c'est un pic, c'est un cap. Non, c'est un Mikado », « Si Mikado était une voiture, elle serait impossible à garer », « Si votre Mikado est trop long, faites une pause ») (pièces 14.7 et 14.8), la forme du biscuit apparaissant de façon prépondérante sur ces affiches étant là encore « globalement équivalente » à celle représentée sur la marque tridimensionnelle, permettant aisément au consommateur de percevoir les éléments essentiels de la forme tridimensionnelle de la marque et de rattacher cette représentation à l'origine commerciale des produits et ce, indépendamment de la marque semi-figurative MIKADO (le terme MIKADO apposé sur un cercle rouge) apposée également sur les affiches ;
des films TV montrant le biscuit tel que représenté par la marque dans différentes mises en scène humoristique (un malfaiteur démasqué à cause de sa faiblesse pour les biscuits Mikado, manifestée par le geste caractéristique compulsif de reniflement du biscuit (1988) ; une employée de bureau surprise par un collègue en position accroupie sur une photocopieuse, tentant d'attraper un paquet de biscuits Mikado sur une étagère (2001) ; un homme mangeant un biscuit Mikado dans une vente aux enchères, son geste étant interprété par le commissaire-priseur comme une enchère pour l'acquisition d'un bien (2011) (pièces 14.4, 14.5), les spots diffusés de 2002 à 2006 montrant systématiquement un plan où le biscuit placé horizontalement apparaît seul, sans aucun autre élément, en train d'être nappé de chocolat (pièce 14.6) ;
des films publicitaires destinés à l'internet (2006, 2013, 2014), notamment une publicité sur Shazam (application mobile de reconnaissance musicale) comportant la représentation de la marque n° 825 avec le slogan « Mikado, lui, on le reconnaît tout de suite » (pièces 14.11 à 14.15) ;
des présences sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) des emballages précités comportant la représentation de la marque (pièces 14.16 et 14.17) ;
des budgets publicitaires propres aux biscuits Mikado « classiques » qui s'établissent au total à plus de 42 millions d'euros pour la période 2008 à 2015 (pièces 15.1 et 15.2) ; les intimées opposent que ces budgets ont été consacrés à la promotion du produit et non de la marque et qu'ils ont été engagés par la société américaine [X] INTERNATIONAL, étrangère au litige. Cependant, en admettant que ces dépenses aient été consacrées à la promotion du produit, celle-ci contribue nécessairement, au moins pour partie, à la promotion de la marque puisque celle-ci comporte une représentation très proche du produit. Par ailleurs, les appelantes produisent l'attestation du directeur du contrôle des ventes pour la France de la société [X] EUROPE, partie au litige, qui indique que, depuis 2012, les coûts des opérations de marketing, de promotion et de publicité réalisées pour les biscuits Mikado dans les magasins en France sont supportés par la société [X] FRANCE, les coûts des mêmes opérations réalisées en France à destination des consommateurs en dehors des magasins étant supportés par la société [X] EUROPE SERVICES qui les refacture à la société GLICO pour 50 % et à la société [X] EUROPE pour les 50 % restants, et ce depuis 2012 (pièce 6.2).
Les éléments fournis par les appelantes relatifs aux campagnes de communication et aux budgets publicitaires sont par conséquents pertinents pour l'appréciation de la renommée de la marque n° 825.
Les sociétés GLICO et [X] produisent par ailleurs, joint à l'attestation du directeur du contrôle des ventes pour la France de la société [X] EUROPE, un tableau émanant de la société NIELSEN, présentée comme le leader mondial des études de marché (pièce 16.5), duquel il ressort que les volumes de ventes du biscuit Mikado « classique » se sont globalement accrus, passant de 856 tonnes en 1994 à 3001 tonnes en 2020 et qu'au cours de la période des faits litigieux (2013/2016), le volume des ventes est passé de 1848 tonnes à 2423 tonnes. Ces données ont été certifiées par le directeur du contrôle des ventes pour la France de la société [X] EUROPE dans son attestation.
La pièce 6.2 indique que la part de marché en valeur du biscuit MIKADO « classique » correspondait à 2,1 % du marché des biscuits sucrés en 2011 et représentait 1,5 % de ce marché en 2015 pour atteindre 1,8 % en 2020, ces pourcentages étant conséquents compte tenu de la forte dispersion du marché concerné, soulignée à raison par les appelantes.
Les sociétés GLICO/[X] produisent enfin trois enquêtes réalisées en 2004, 2006 et 2014. L'étude TNS SOFRES réalisée au cours de l'année 2004 sur un panel de 1 000 personnes (pièce 18) montre que le produit Mikado « classique » est connu de 79 % des personnes interrogées dont 69 % l'associent à la marque Mikado. Cette étude, bien que réalisée avant le dépôt de la marque n° 825, doit être prise en considération dès lors que la renommée d'une marque peut résulter notamment de l'usage du signe qu'elle protège avant son dépôt à titre de marque pour autant que cette renommée perdure à la date de l'introduction de l'action (CJUE, FERRERO, 17 avril 2008, C-108/07 P). La deuxième étude TNS SOFRES réalisée en 2006 (pièce 19), consistant à soumettre aux personnes interrogées un emballage concurrent de celui du biscuit Mikado, dont la marque a été masquée mais laissant apparaître des biscuits visuellement très proches des biscuits Mikado « classiques » disposés en vrac, a montré que 96 % des personnes sondées consommatrices de biscuits Mikado et 73 % des personnes sondées non consommatrices de ces mêmes biscuits ont spontanément répondu que la marque du paquet de biscuits caviardée était MIKADO, ce qui tend à établir qu'au vu de la représentation de biscuits dont la forme est similaire à la forme protégée par la marque n° 825, les personnes interrogées les associent immédiatement à cette marque, mais aussi que cette forme correspondant à la marque n° 825 est particulièrement connue du public. La troisième enquête réalisée par IN VIVO BVA en septembre 2014 (pièce 20.1), visant à identifier le niveau de confusion (sur produit nu et sur pack) entre les biscuits Mikado « classique » et « King Choco » et les biscuits litigieux « ChocOlé », montre que face aux produits nus (c'est-à-dire présentés seuls et sans packaging) et devant répondre à la question « Selon vous, quelle est la marque de ce produit ' », 54 % de personnes interrogées répondent spontanément, et non pas de façon assistée comme le plaident les intimées, MIKADO pour le biscuit Mikado « classique » dont la représentation est très similaire à la forme représentée par la marque n° 825 (60 % faisant la même réponse pour le produit « King Choco » dont la représentation est très similaire à la forme représentée par la marque n° 291 et 47 % pour le produit « ChocOlé »), la marque MIKADO étant citée avant LU, BELIN et FINGER (page 13). Cette enquête montre aussi qu'à la question « Nous allons maintenant vous montrer une liste de marques. Selon vous, quelle est la marque de ce produit ' », 96 % des personnes interrogées répondent (en réponse assistée) MIKADO pour le biscuit Mikado « classique » dont la représentation est très similaire à la forme représentée par la marque n° 825 (97 % faisant la même réponse pour le « King Choco » dont la représentation est très similaire à la forme représentée par la marque n° 291 et 95 % pour le produit « ChocOlé ») (page 14). Ces résultats tendent à établir notamment que confrontées à la représentation d'un biscuit dont la forme est très similaire à la forme protégée par la marque n° 825, les personnes interrogées l'associent immédiatement à cette marque mais aussi que cette forme correspondant à la marque n° 825 est particulièrement connue du public.
Il sera relevé enfin que la chambre de recours de l'EUIPO, dans une décision du 11 mai 2018, a retenu que l'intensité de la renommée de la marque n° 825 était particulièrement élevée et que cette décision a été confirmée par le tribunal de l'Union européenne dans un arrêt définitif du 28 février 2019.
La cour retient, compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, pris dans leur globalité, que les appelantes démontrent que la marque tridimensionnelle n° 825 de la société GLICO est connue d'une partie significative du public concerné par les produits couverts par cette marque et qu'elle constitue ainsi une marque renommée pour les produits couverts par son enregistrement, à savoir les « biscuits enrobés ou nappés notamment de chocolat ou de caramel ».
Le jugement doit être infirmé en conséquence.
Sur la renommée de la marque n° 291
Pour démontrer la renommée de la marque n° 291, les sociétés GLICO/[X] produisent au débat de nombreuses pièces concernant la communication qui a accompagné dans la presse, généraliste ou spécialisée, et sur l'internet, le lancement du produit « King Choco » en 2012 (pièces 9.2, 17.1, 17.3, 17.4, 17.5, 14.16, 14.17), cette communication reposant sur la représentation de l'emballage des nouveaux biscuits qui reproduit, sur quasiment toute la hauteur du paquet, deux biscuits entrecroisés sur sa face avant et un biscuit isolé sur l'une des faces latérales du paquet, et s'accompagnant de plusieurs visuels dans les articles de presse représentant le biscuit de façon isolée. Toutes ces représentations du biscuit « King Choco » correspondent à la représentation de la marque tridimensionnelle n° 291 sous des formes qui diffèrent par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée et qui sont globalement équivalentes, au sens de la jurisprudence communautaire, au modèle de la marque n° 291.
Les appelantes justifient aussi que le produit « King Choco » a donné lieu à des campagnes publicitaires, notamment par voie d'affichages sur la voie publique, de spots télévisuels, d'une présence sur les réseaux sociaux, souvent avec des représentations du biscuit seul, de soirées évènementielles (chez Colette') donnant lieu à l'édition de packagings spéciaux comportant la représentation du biscuit (seul) dont la forme est similaire à la forme protégée par la marque n° 291 (pièces 17.7, 17.1, 17.6). Comme précédemment pour la marque n° 825, la promotion du produit « King Choco » participe pour partie à la promotion de la marque tridimensionnelle n° 291 dans la mesure où celle-ci comporte une représentation identique au produit lui-même.
Les pièces précitées 15.1 et 15.2 établissent que les budgets publicitaires propres à la promotion des produits « King Choco » s'élèvent à plus de 13 millions d'euros sur la période 2012/2015.
Le tableau NIELSEN joint à l'attestation du directeur du contrôle des ventes pour la France de la société [X] EUROPE indique que les volumes de ventes du biscuit Mikado « King Choco » étaient de 168 tonnes en 2012, de 201 tonnes en 2013, de 182 tonnes en 2014 et de 120 tonnes en 2015 (pièce 6.2). La pièce 17.6 indique que le chiffre d'affaires résultant de la vente des biscuits Mikado « King Choco » s'élevait en 2014, à 4,8 millions d'euros, ce qui représentait 13% de la valeur totale de la gamme MIKADO. Un article du magazine The Grocer indique que selon [X], le lancement européen du nouveau produit a généré une croissance supplémentaire, 50% des consommateurs de « King Choco » étant de nouveaux consommateurs de la marque MIKADO (pièce n°17.3).
Enfin, comme il a été dit, l'enquête réalisée par IN VIVO BVA en septembre 2014 (pièce 20.1), visant à identifier le niveau de confusion (sur produit nu et sur pack) entre les biscuits Mikado « classique » et « King Choco » et les biscuits litigieux « ChocOlé », montre que face aux produits nus et devant répondre à la question « Selon vous, quelle est la marque de ce produit ' », 60 % des personnes interrogées répondent spontanément MIKADO pour le biscuit Mikado « King Choco » dont la représentation est très similaire à la forme représentée par la marque n° 291, la marque MIKADO étant citée avant les marques LU, BELIN et FINGER (page 13). Cette enquête montre aussi qu'à la question « Nous allons maintenant vous montrer une liste de marques. Selon vous, quelle est la marque de ce produit ' », 97 % des personnes interrogées répondent (en réponse assistée) MIKADO pour le biscuit Mikado « King Choco » dont la représentation est très similaire à la forme représentée par la marque n° 291 (page 14). Ces résultats tendent à établir notamment que confrontées à la représentation d'un biscuit dont la forme est très similaire à la forme protégée par la marque n° 291, les personnes interrogées l'associent immédiatement à cette marque, mais aussi que cette forme correspondant à la marque n° 291 est particulièrement connue du public.
L'ensemble de ces éléments, pris globalement, conduit la cour à considérer que la marque tridimensionnelle n° 291 de la société GLICO est connue d'une partie significative du public concerné par les produits couverts par cette marque, qui est le grand public s'agissant de produits de consommation courante, et qu'elle constitue ainsi une marque renommée.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur la contrefaçon de la marque tridimensionnelle n° 825 de la société GLICO
Les sociétés appelantes GLICO et [X] soutiennent, à titre principal, que les sociétés GRIESSON et SOLINEST ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque tridimensionnelle n° 825 au sens des dispositions des articles L.713-3 b) et L.716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, applicable au cas d'espèce, du fait de la commercialisation en France et notamment sur internet des biscuits chocolatés « ChocOlé ». Elles font valoir que les produits sont identiques, que les signes présentent des similitudes, aux plans visuel et conceptuel et que le risque de confusion, incluant le risque d'association, renforcé par l'identité des produits en cause, par l'appartenance de la marque n° 825 à une famille de marques et par sa renommée, n'est nullement exclu par la présence de torsades sur le produit litigieux, non significatives, ni par la présence du terme « Choc'Olé » sur l'emballage des biscuits.
Les sociétés intimées répondent que les quelques ressemblances relevées par les appelantes entre les biscuits « ChocOlé » et la marque tridimensionnelle n° 825 sont largement insuffisantes pour générer un quelconque risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, compte tenu, notamment, du caractère faiblement distinctif de la marque en cause et du fait que ces ressemblances relèvent toutes de caractéristiques usuelles des biscuits en cause ; que par rapport à la marque tridimensionnelle n° 825, le biscuit « ChocOlé » est plus allongé, plus épais et la partie non recouverte de chocolat à l'une des extrémités est bien plus longue (pratiquement du double), et que cette partie est pratiquement blanche sur le biscuit « ChocOlé » tandis que celle représentée sur la marque tridimensionnelle n° 825 est de couleur jaune ; que les baguettes de jeux Mikado auxquelles se référent les appelantes sont droites sur toute leur longueur et que les biscuits « ChocOlé » sont, quant à eux, torsadés sur toute leur longueur, ce qui ne peut être qualifié d'insignifiant, et, en tant que tel, n'évoquent aucunement la forme d'une baguette du jeu Mikado ; que le seul dénominateur commun entre les marques présentées par les appelantes comme une famille de marques est la partie lisse et fine dépourvue de chocolat qui a pour fonction une saisie du biscuit sans se salir les mains, et que cet élément commun est purement fonctionnel et ne saurait donc conférer une quelconque distinctivité aux marques présentées par les appelantes comme constituant une famille de marques ; que l'existence d'une famille de marques n'est pas démontrée par les appelantes et ne peut résulter des deux marques opposées dans le présent litige et d'une marque tridimensionnelle n° 94 533 338 déposée le 19 août 1994 ; que l'étude IN VIVO BVA de 2014 ne peut être utilement invoquée au titre du risque de confusion car ce qui a été présenté au consommateur n'est pas l'image de la marque "MIKADO" telle qu'elle a été enregistrée (avec des couleurs jaune et marron) mais le biscuit lui-même ou bien sa reproduction sur les emballages Mikado ; qu'en tout état de cause, 37% seulement des consommateurs se réfèreraient, pour décrire le biscuit « ChocOlé », à sa ressemblance avec le biscuit Mikado, et ce en réponses assistées et alors que le nom Mikado leur a été préalablement soufflé lors de la présentation de la photographie du biscuit Mikado ; que l'étude IN VIVO BVA de 2014 ne démontre pas plus un risque de confusion entre l'emballage des biscuits « ChocOlé » et la marque tridimensionnelle n° 825, dès lors que 97 % des consommateurs n'associent pas l'emballage des « ChocOlé » avec la marque verbale Mikado, ce qui montre une absence de tout risque de confusion possible entre les paquets de biscuits « ChocOlé » et la marque tridimensionnelle n° 825, que 63% des consommateurs considèrent, à la vue des emballages des biscuits « ChocOlé » et Mikado, que les produits sont fabriqués par des fabricants différents et que parmi les consommateurs disposant d'un paquet de biscuits ChocOlé entre les mains, aucun d'entre eux ne décrit ce produit à un ami « comme étant un Mikado » ; qu'en tout état de cause, tout risque de confusion entre l'emballage des biscuits « ChocOlé » et la marque tridimensionnelle n° 825 est écarté compte tenu de l'indication très claire de la marque « ChocOlé » sur les emballages des biscuits éponymes.
Ceci étant exposé, le signe contesté n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, la demande en contrefaçon doit être examinée au regard de l'article L.713-3 b) du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, selon lequel « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : (') b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».
L'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, prévoyait que « L'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4. »
L'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Lorsque la marque et le signe en conflit présentent une certaine similitude, l'appartenance de la marque à une famille de marques est un élément dont il faut tenir compte dans l'appréciation du risque de confusion. Dans ce cas, en effet, le risque de confusion résulte du fait que le consommateur peut se méprendre sur la provenance ou l'origine des produits ou services couverts par le signe litigieux et estimer, à tort, que ce dernier fait partie de cette famille de marques (Cass, com, GLICO France, n° 18-17.760, 27 mai 2021).
En l'espèce, il est acquis que les produits « ChocOlé » incriminés sont parfaitement identiques aux « biscuits enrobés ou nappés, notamment de chocolat ou de caramel » couverts par la marque n° 825.
L'appréciation de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
Visuellement, la marque tridimensionnelle n° 825 opposée est constituée de la forme d'un bâtonnet long et fin aux bouts arrondis, lisse, recouvert de chocolat, à l'exception d'un des embouts qui laisse apparaître une tige de couleur beige/jaune. Le biscuit « ChocOlé » a quant à lui la même forme de bâtonnet long et fin aux bouts arrondis, lisse, recouvert de chocolat, à l'exception d'un des embouts qui laisse apparaître le biscuit nu de couleur beige, les différences tenant à la forme légèrement torsadée du biscuit « ChocOlé » et à la longueur légèrement plus grande de l'embout non recouvert de chocolat sur ce biscuit. Au vu de l'étude IN VIVO BVA de 2014 précitée (page 12), la forme torsadée du « ChocOlé » n'est cependant pas déterminante, 7 % seulement des personnes interrogées mises en face du biscuit ayant indiqué, au titre de l'aspect du produit, qu'il avait un aspect torsadé alors que 45 % ont répondu qu'il s'agissait d'une forme longue et que 37 % ont indiqué qu'il ressemblait à un Mikado, 12 % répondant enfin que le biscuit était fin.
Conceptuellement, la forme représentée par la marque évoque un bâtonnet du jeu de mikado ; il en est de même du biscuit « ChocOlé » malgré sa forme légèrement torsadée qui est peu perceptible pour le consommateur comme il vient d'être dit.
Alors que les produits en cause sont parfaitement identiques, le risque de confusion, qui inclut le risque d'association, est réel compte tenu des ressemblances (une forme de bâtonnet long et fin enrobé de chocolat avec un embout dénudé) qui sont prépondérantes par rapport aux dissemblances (forme torsadée peu perceptible et tige nue un peu plus longue sur le biscuit litigieux), et de la renommée de la marque n° 825 reconnue supra, les marques présentant un caractère distinctif élevé, intrinsèquement ou en raison de la connaissance qu'en a une large partie du public, bénéficiant d'une protection plus étendue.
Ce risque procède également de l'appartenance de la marque n° 825 à une famille de marques, regroupant les deux marques tridimensionnelles opposées dans le présent litige et une troisième marque tridimensionnelle n° 94 533 338 déposée en 1994 et renouvelée, représentant la forme d'un bâtonnet long et fin, à l'aspect non pas lisse mais granuleux, recouvert de chocolat, à l'exception d'un des embouts qui laisse apparaître une tige de couleur beige/jaune et qui a été exploitée pour des biscuits Mikado « Daim » de 2012 à 2016 (pièces 25 des appelantes). Le consommateur des produits considérés ' qui sont des produits de consommation courante ', qui est donc moyennement attentif lorsqu'il procède à leur achat, sera susceptible de se méprendre sur la provenance ou l'origine du produit litigieux et estimer à tort que ce dernier fait partie de cette famille de marques.
Ce risque de confusion est d'autant plus important que ce type de biscuit fin et long, partiellement recouvert de chocolat, n'abonde pas sur le marché des biscuits sucrés : les sociétés intimées citent un dessin et modèle GEIMEX (LEADER PRICE) et un biscuit « Delix » commercialisé par l'enseigne LECLERC qui s'en approchent (pages 21 et 22 de ses écritures), les autres exemples fournis ne correspondant pas aux formes en présence dans le présent litige. Le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en présence d'un paquet de biscuits « ChocOlé » dans un magasin, sera ainsi enclin à penser que ce produit a la même origine commerciale que les produits Mikado recouverts de la marque tridimensionnelle n° 825 qui est très largement connue des amateurs de biscuits enrobés de chocolat.
Le risque de confusion n'est pas écarté par la présence sur l'emballage du biscuit litigieux du terme « ChocOlé », l'étude IN VIVO BVA de 2014 révélant que placées pendant un temps très court (une ou deux secondes) devant le paquet de « ChocOlé », les personnes sondées répondent pour 30 % d'entre elles qu'il s'agit d'un produit de marque MIKADO (page 20), ce qui s'explique par le fait que cet emballage présente une certaine proximité graphique par rapport à l'emballage des Mikado « classique » en affichant comme celui-ci des biscuits sur toute la hauteur du paquet.
Le risque de confusion est du reste confirmé par l'étude IN VIVO BVA de 2014 qui révèle que, malgré la forme torsadée du biscuit « ChocOlé », 47 % des personnes interrogées l'ont associé spontanément à Mikado et 95% en réponse assistée (pages 13 et 14), et que 41 % des personnes sondées estiment que le mikado « classique » dont la forme correspond de façon « globalement équivalente » à celle protégée par la marque n'est pas du tout ou peu différent du biscuit « ChocOlé » (page 16), 68 % des personnes estimant en outre que les deux produits proviennent du même fabricant (page 17).
La contrefaçon de la marque tridimensionnelle n° 825 par le biscuit est ainsi établie. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur l'atteinte à la renommée de la marque n° 291
Sur la recevabilité des demandes des sociétés [X]
Les sociétés intimées soutiennent que seule la société GLICO, propriétaire de la marque n° 291, est recevable à agir sur le fondement de l'atteinte à la renommée de cette marque au visa de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au cas d'espèce, à l'exclusion des sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE qui sont respectivement licenciée et sous-licenciée non inscrites de ladite marque ; que les appelantes ne sauraient à cet égard faire fi du principe d'application de la loi dans le temps en soutenant qu'il convient d'appliquer l'alignement opéré par l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 du régime de l'atteinte à la marque de renommée sur celui de l'action en contrefaçon.
Les sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE, respectivement licenciée et sous-licenciée exclusives des marques, s'estiment recevables à agir pour l'ensemble des atteintes portées aux marques par les intimées, aussi bien, à titre principal, sur le fondement de la contrefaçon et de l'atteinte à la marque renommée, qu'à titre subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, pour demander réparation du préjudice que leur ont causé les agissements des intimées. Elles font valoir que la CJUE a dit pour droit (4 février 2016, Hassan, C-163/15) que l'article 23, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 207/2009 du 29 février 2009 sur la marque communautaire doit être interprété en ce sens que le licencié peut agir en contrefaçon de la marque communautaire faisant l'objet de la licence bien que cette dernière n'ait pas fait l'objet d'une inscription ; qu'en vertu de la règle d'interprétation uniforme, cette jurisprudence est applicable à la présente procédure (CA Paris, 28 juin 2016, 17 décembre 2021) ; que l'inopposabilité d'un acte non inscrit au Registre national des marques ne concerne que les actes relatifs à la propriété d'une marque et non la recevabilité de l'action engagée contre un tiers pour faire cesser l'atteinte à une marque et obtenir réparation du préjudice en résultant ; que l'alignement du régime de l'atteinte à la marque renommée sur celui de la contrefaçon de marque et sur celui de la marque de l'Union Européenne, amorcé notamment par les décisions précitées, est désormais entériné par les nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle, issues de l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 ; qu'ainsi, l'atteinte à la marque renommée, visée dorénavant à l'article L.713-3, est expressément qualifiée d'acte de contrefaçon, en application des dispositions de l'article L.716-4 du même code, dans leur nouvelle rédaction, et n'est donc plus régie par le droit commun de la responsabilité délictuelle ; qu'il y a donc lieu d'interpréter les dispositions du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction ancienne applicable à la date d'introduction de l'action des concluantes, à l'aune des dispositions nouvelles.
Ceci étant exposé, l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 applicable au cas d'espèce, dispose que « La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière (...) ». Il résulte de ce texte que l'action sur le fondement de la marque renommée n'est ouverte qu'au propriétaire de la marque. Les sociétés [X], dont l'assignation a été formée le 18 mars 2015, se prévalent vainement des dispositions issues de l'ordonnance du 13 novembre 2019, applicables à compter du 15 décembre 2019, pour soutenir qu'elles leur permettraient d'agir, en tant que licenciée et sous-licenciée, pour les atteintes à la marque renommée désormais qualifiées de contrefaçon. La société GLICO, seule titulaire de la marque n° 291, a seule qualité pour agir sur le fondement de l'atteinte à la marque renommée, à l'exclusion des sociétés [X], sans préjudice d'une action ouverte à ces dernières sur le fondement de l'article 1240 du code civil, comme il sera vu infra, pour demander réparation du préjudice causé du fait des atteintes portées à la marque renommée n° 291 dont elles sont licenciée et sous-licenciée.
Les sociétés [X] seront donc déclarées irrecevables à agir sur le fondement de l'atteinte à la marque renommée.
Sur la matérialité des atteintes à la renommée de la marque n° 291
La société GLICO soutient que les biscuits « ChocOlé » portent atteinte à la marque renommée n° 291 en ce que le public concerné établit un lien entre ces biscuits et la marque tridimensionnelle protégeant l'aspect du biscuit « King Choco ». Elle fait valoir que les produits en cause sont identiques ; que l'emballage des biscuits « ChocOlé » illustré d'une spirale blanche entourant les biscuits évoque la forme protégée par la marque ; que l'enquête IN VIVO BVA a d'ailleurs confirmé l'existence de ce lien ; que la commercialisation des biscuits litigieux par les intimées a porté atteinte au caractère distinctif de la marque n° 291 protégeant l'apparence alors très connue du biscuit Mikado « King Choco » en diluant ce caractère distinctif et en altérant l'aptitude de la marque à identifier l'origine commerciale des produits pour lesquels elle est exploitée ; que du fait des relations contractuelles entretenues par la société GRIESSON avec les appelantes ou leurs ayants-cause, l'intimée connaissait parfaitement la gamme des biscuits Mikado et son vif succès en France, y compris le dernier né de l'époque, doté d'une spirale et dénommé « King Choco », dont l'apparence est protégée par la marque n° 291, et n'a donc eu aucun mal à s'en inspirer pour créer, en toute connaissance de cause, une association immédiate dans l'esprit du consommateur ; que les intimées ont ainsi pu, sans bourse délier pour pénétrer ce marché, prendre appui sur la renommée des marques MIKADO grâce à leur présence sur le marché français depuis plus de trente ans à l'époque, à l'engouement alors suscité par la dernière variété de biscuits Mikado « King Choco » et aux importants investissements publicitaires qui lui ont été consacrés.
En réponse, les intimés contestent le lien allégué entre les biscuits « ChocOlé » et la marque n° 291, faisant valoir que ladite marque est, au mieux, faiblement distinctive ; que la torsade, nettement visible, qui caractérise les biscuits « ChocOlé » présente une physionomie générale très différente de la spirale en chocolat des biscuits Mikado « King Choco » ; que cette torsade est intrinsèque au produit (le biscuit est torsadé en lui-même) alors que la spirale des biscuits « King Choco » est extrinsèque au produit puisqu'il s'agit d'un embellissement en chocolat ajouté par-dessus le chocolat recouvrant le biscuit ; qu'ainsi, la torsade des biscuits "ChocOlé" ne peut être assimilable ni confondue avec la spirale de chocolat des biscuits « King Choco », l'ensemble produisant une impression très différente sur le consommateur d'attention moyenne ; que l'étude IN VIVO BVA révèle que selon 74 % des personnes interrogées, les biscuits « ChocOlé » et « King Choco » sont différents et qu'aucune personne ne décrit le biscuit « ChocOlé » comme étant un produit Mikado ; qu'aucun préjudice causé à la renommée de la marque n'est établi, les appelantes ne justifiant pas d'une modification du comportement économique du consommateur d'attention moyenne et ne démontrant ni perte de chiffre d'affaires suite à la commercialisation des biscuits « ChocOlé » sur le marché français, ni dilution ou affaiblissement de la renommée de la marque n° 291 ; que les appelantes ne justifient pas davantage d'une exploitation injustifiée de la renommée de la marque ; que le fait que les parties aient entretenu des relations contractuelles passées est sans incidence, GRIESSON étant libre de tout engagement envers GLICO à l'expiration de leur accord de coopération en ce qui concerne le territoire français et étant donc en droit de conduire une activité concurrente ; qu'elles n'ont nullement usurpé la prétendue renommée de la marque, mettant au contraire en 'uvre les moyens nécessaires pour commercialiser un biscuit ayant une forme et un conditionnement tout à fait particulier, pour ne pas dire original ; que la conception de son modèle de biscuit et de son procédé de fabrication a fait l'objet d'un brevet déposé en novembre 2009 et que des marques ont été déposées pour protéger la forme particulière de l'emballage du biscuit « ChocOlé ».
Ceci étant exposé, il a été rappelé que selon l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans son ancienne rédaction applicable au cas d'espèce, la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
Sur l'existence d'un lien entre le biscuit « Choc'Olé » et la marque n° 291
Selon la jurisprudence de la CJUE, l'atteinte à une marque renommée est la « conséquence d'un certain degré de similitude » entre la marque et le signe contesté, « en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement » entre ceux-ci, « c'est-à-dire établit un lien », « alors même qu'il ne les confond pas » (CJUE, 27 novembre 2008, INTEL, C-252/07, point 30).
L'existence d'un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, notamment, le degré de similitude entre les signes, la nature des produits ou des services respectivement visés, y compris leur degré de proximité ou de dissemblance, le public concerné, l'intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage, de la marque antérieure, l'existence d'un risque de confusion (même arrêt, points 41 et 42).
Un lien entre les marques en conflit est nécessairement établi en cas de risque de confusion, c'est-à-dire lorsque le public pertinent croit ou est susceptible de croire que les produits ou services commercialisés sous la marque antérieure et ceux commercialisés sous la marque postérieure proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées (même arrêt, point 57). Le fait que la marque postérieure évoque la marque antérieure dans l'esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé équivaut à l'existence d'un tel lien (même arrêt, point 60).
En l'espèce, il n'est pas contesté que les biscuits « ChocOlé » sont identiques aux « biscuits (sucrés ou salés) nature et/ou nappés et/ou fourrés et/ou aromatisés » couverts par la marque n° 291.
Visuellement, la marque tridimensionnelle n° 291 opposée est constituée de la forme d'un bâtonnet long et fin aux bouts arrondis, recouvert de chocolat, à l'exception d'un des embouts qui laisse apparaître une tige de couleur beige/jaune, la partie chocolatée étant elle-même recouverte d'une fine spirale en chocolat de couleur plus foncée ; le biscuit « ChocOlé » a quant à lui la même forme, peu usitée dans la catégorie des biscuits sucrés, d'un bâtonnet long aux bouts arrondis, recouvert de chocolat, à l'exception d'un des embouts qui laisse apparaître le biscuit nu de couleur beige, les différences tenant à l'absence de spirale sur la partie chocolatée du biscuit litigieux et au fait que ce biscuit a un aspect légèrement plus massif que celui de la marque n° 291 qui est plus longiligne et plus fin.
La société GRIESSON souligne à juste raison que son biscuit est intrinsèquement torsadé, ce qui diffère de la spirale en chocolat recouvrant la surface chocolatée du biscuit objet de la marque. Cependant, cette différence n'apparaît pas déterminante pour le consommateur moyen, l'étude IN VIVO BVA de 2014 montrant que face aux biscuits présentés nus, 26 % des personnes interrogées (soit près d'un tiers) considèrent que le biscuit « ChocOlé » est peu différent du Mikado « King Choco » (page 16) et que 75 % des personnes interrogées estiment que ces deux biscuits proviennent du même fabricant (page 17). Ces réponses, à elles seules, tendent à établir l'existence d'un lien effectué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, entre le biscuit « ChocOlé » et le biscuit « King Choco » dont la forme est similaire à la forme protégée par la marque n° 291.
En outre, ce lien sera d'autant plus facilement établi que l'emballage adopté pour présenter les biscuits « ChocOlé », même s'il a une forme ronde et non pas parallélépipédique comme les boîtes MIKADO, reprend les codes graphiques de l'emballage des biscuits « King Choco » qui reproduit la marque n° 291 sous une forme n'en altérant pas le caractère distinctif : est ainsi reprise la présentation des biscuits croisés par paire, disposés verticalement sur presque toute la hauteur du paquet ; de plus, les biscuits « ChocOlé » sont entourés graphiquement par une spirale blanche qui ne manque pas d'évoquer la spirale chocolatée des biscuits « King Choco » ; en outre, l'emballage des biscuits « ChocOlé », dans leur version chocolat au lait, reprend les couleurs bleu (dominant), rouge et blanc du packaging des Mikado « King Choco ».
Le lien entre le biscuit « ChocOlé » et le biscuit « King Choco » dont la forme est protégée par la marque n° 291 résulte également de la renommée de la marque n° 291 reconnue supra, les marques présentant un caractère distinctif élevé, intrinsèquement ou en raison de la connaissance qu'en a une large partie du public, bénéficiant d'une protection plus étendue, et de l'appartenance de la marque n° 291 à une famille de marques comme il a été dit.
Ce lien est du reste confirmé par l'étude IN VIVO BVA de 2014 qui révèle encore qu'exposées brièvement aux packagings des produits concurrents, les personnes interrogées estiment pour 23 % d'entre elles que le paquet de « ChocOlé » leur évoque un produit Mikado ou « une copie de Mikado » (page 21) et que 52 % estiment que ce paquet de biscuits, pourtant recouvert du signe CHOC'OLE, est de marque MIKADO (en réponse assistée) (page 22).
Il résulte de ce qui précède que le biscuit « ChocOlé » présente avec la marque renommée n° 291 une proximité certaine, suffisante pour que le public concerné effectue un rapprochement entre eux et établisse un lien entre ce biscuit et cette marque.
Sur l'atteinte à la marque renommée n° 291
La protection renforcée accordée à la marque renommée est accordée lorsque l'usage du signe litigieux est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou constitue une exploitation injustifiée de cette marque.
La preuve que l'usage du signe litigieux porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, ou un risque sérieux qu'une telle modification se produise dans le futur (CJCE, INTEL CORPORATION, 27 novembre 2008, C-252/07). Il n'est pas exigé de rapporter la preuve d'un préjudice réel, le risque sérieux d'un tel préjudice étant suffisant. Ce risque peut être établi sur la base de déductions logiques reposant sur une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur considéré, ainsi que de toute autre circonstance de l'espèce (CJUE, WOLF, 14 novembre 2013, C-383/12P).
En l'espèce, en raison de la parfaite identité des produits en cause et des similitudes des formes des produits en présence et de leurs packagings, la commercialisation des biscuits « ChocOlé » a contribué à diluer le caractère distinctif de la marque renommée n° 291 protégeant l'apparence bien connue du biscuit Mikado « King Choco » et à altérer son aptitude à identifier l'origine commerciale des produits pour lesquels elle est exploitée, le consommateur moyen ayant été amené à penser que les deux produits proviennent du même fabricant comme le montre l'étude IN VIVO BVA précitée. Le risque sérieux d'une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée est ainsi établi.
La société GRIESSON, ancien distributeur de biscuits MIKADO en Allemagne et en Autriche de 2007 à 2010, a manifestement cherché à tirer parti de la renommée de la marque tridimensionnelle n° 291. La cour relève que si elle a déposé un brevet en 2009 relatif à un « procédé de fabrication d'un produit cuit développé en longueur de type tige », il n'est pas justifié d'investissement marketing ou de promotion pour le lancement du biscuit « Choc'Olé » sur un marché pourtant très concurrentiel, ce qui révèle qu'elle a indûment bénéficié de la renommée de la marque n° 291.
Il résulte de ce qui précède qu'en commercialisant les biscuits « Choc'Olé » en France, les sociétés GRIESSON et SOLINEST ont porté atteinte à la marque renommée n° 291 de la société GLICO.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur les réparations
Sur la recevabilité des demandes en réparation des sociétés [X] fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire
Les sociétés [X] forment, à titre subsidiaire à leurs demandes en réparation fondées sur la contrefaçon et l'atteinte aux marques renommées, des demandes en réparation fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire, au visa de l'article 1240 du code civil, pour obtenir réparation du préjudice que leur ont causé les atteintes portées aux marques (contrefaçon et atteinte à la renommée). Elles font valoir que, sur ce fondement, l'arrêt de la cour d'appel rendu le 9 mars 2018 a été atteint par la cassation partielle seulement en ce qu'il porte sur l'action de la société [X] FRANCE qui était alors fondée exclusivement sur des faits de concurrence déloyale et parasitaire distincts de ceux de contrefaçon et d'atteinte aux marques renommées et concernant les emballages des biscuits « ChocOlé » ; que désormais, les sociétés [X] sont recevables à fonder leurs demandes, à titre subsidiaire, sur la concurrence déloyale, qui tend aux mêmes fins que leurs demandes principales, au sens de l'article 565 du code de procédure civile ; qu'une demande subsidiaire, formée en cause d'appel, n'est pas nouvelle au sens de l'article 565 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que la demande présentée aux premiers juges (Cass. com., 26 septembre 2018, Nergeco).
Les intimés soutiennent que les sociétés [X], irrecevables à agir sur le fondement des marques renommées, ne peuvent, sur le terrain de la contrefaçon, qu'invoquer un préjudice propre de concurrence déloyale et non de contrefaçon ; que les sociétés [X] sont irrecevables à agir à titre subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale dès lors que leurs demandes formées à ce titre sont nouvelles en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile, ces demandes ne pouvant être considérées comme tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge au sens de l'article 565 du même code dès lors que la demande fondée sur la contrefaçon vise à sanctionner l'atteinte à un droit privatif alors que l'action en concurrence déloyale repose sur l'existence d'une faute ; qu'en outre, la Cour de cassation dans son arrêt du 27 mai 2021 a définitivement confirmé que les sociétés GRIESSON et SOLINEST n'avaient commis aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire envers les sociétés [X].
Ceci étant exposé, les sociétés [X], en leur qualités respectives de licenciée et de sous licenciée exclusives de la marque n° 825 sont recevables à demander, sur le fondement de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, dans son ancienne version applicable à l'espèce, réparation du préjudice qui leur serait propre résultant des actes de contrefaçon de la marque n° 825 et ce, en application de l'article L.716-5 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, dans son ancienne version applicable, selon laquelle « Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre ». L'absence de publication de la licence et de la sous-licence de marque n'est pas un obstacle à l'action en contrefaçon (CJUE, 4 février 2016, [S], C-163/15).
Il a été dit supra que ces sociétés étaient irrecevables à agir sur le fondement de l'atteinte à la marque renommée n° 291, dès lors qu'il résulte de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans son ancienne rédaction applicable au cas d'espèce, que l'action sur le fondement de la marque renommée n'est ouverte qu'au propriétaire de la marque qui est en l'occurrence la seule société GLICO. Cependant, les sociétés [X] soutiennent à juste raison qu'elles sont recevables, en leur qualités respectives de licenciée et de sous licenciée exclusives de la marque n° 291, ainsi qu'elles en justifient (leur pièce 6-1), à former des demandes de réparation du préjudice résultant pour elles de l'atteinte portée à cette marque renommée, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil selon lequel « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n 'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l 'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'. L'article 565 du même code dispose que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'. Les demandes en réparation fondées subsidiairement sur l'article 1240 du code civil des sociétés [X] ne peuvent être considérées comme nouvelles en cause d'appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins (la réparation d'un préjudice propre né de l'atteinte à la marque de renommée n° 291 dont elles sont licenciées ou sous-licenciée) au sens de l'article 565 précité que celles qui ont été présentées aux premiers juges sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle.
Les sociétés intimées ne peuvent opposer l'arrêt de la Cour de cassation qui n'a pas remis en cause l'arrêt de la cour d'appel ayant confirmé le jugement en ce que celui-ci avait débouté la société [X] France de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire dans la mesure où cette demande, qui n'est plus formulée devant la cour de renvoi, portait sur des faits distincts concernant la reprise des caractéristiques essentielles des emballages des biscuits MIKADO.
Les fins de non-recevoir des intimées seront rejetées et les sociétés [X] déclarées recevables à demander réparation, sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, du préjudice qui leur est propre résultant de l'atteinte à la marque renommée n° 291.
Sur le bien-fondé des demandes
La société GLICO fait valoir que les actes de contrefaçon de la marque n° 825 commis par les intimées lui ont causé un préjudice moral, qu'elle estime à 100 000 €, résultant de la banalisation de l'apparence très connue du biscuit Mikado « classique » qui nuit à son image positive auprès des consommateurs, ces agissements ayant gravement porté atteinte à l'image et au pouvoir attractif de cette marque présente sur le marché français depuis plus de trente ans ; que son préjudice économique résulte du gain manqué et des bénéfices, ainsi que des économies indûment réalisées par les intimées du fait des actes de contrefaçon, et doit être réparé sur la base d'une redevance indemnitaire de 10 % sur les ventes de biscuits « ChocOlé » réalisées par les intimées. La société appelante demande en conséquence la communication par les intimées de documents comptables relatifs à tous paquets de biscuits « ChocOlé », pour les deux variétés en cause (chocolat noir et chocolat au lait), depuis le début de leur commercialisation en France, afin d'être en mesure de réclamer la redevance indemnitaire qui lui est due en contrepartie de l'emploi non autorisé de sa marque, ou, subsidiairement, la désignation d'un expert, et une provision de 300 000 €, ainsi qu'une mesure de publication.
La société GLICO fait valoir que l'atteinte à la marque renommée n° 291 a pour conséquence une banalisation de l'apparence alors très connue et caractéristique du biscuit Mikado « King Choco », qui a nui à son image positive alors que ce produit était en pleine phase de lancement et avait fait l'objet d'une intense campagne de communication ; que ces agissements ont ainsi gravement porté atteinte à l'image et au pouvoir attractif de cette marque dont les investissements publicitaires ont ainsi indument profité aux intimées. Elle réclame à ce titre la somme de 200 000 €.
Les sociétés [X] invoquent un préjudice économique du fait de la commercialisation des produits contrefaisants « ChocOlé » en France, constitué du gain manqué et des bénéfices ainsi que des économies réalisées par les intimées, faisant valoir que la vente de produits contrefaisants a perturbé la jouissance paisible des marques. Elles s'associent aux demandes de communication d'éléments comptables ou d'expertise et de publication et demandent chacune une provision de 100 000 €. En ce qui concerne l'atteinte à la marque n° 291, elles plaident qu'elles ont subi un préjudice du fait de l'atteinte portée à la renommée de la marque, consistant en la dilution de son pouvoir attractif et la captation des investissements publicitaires qu'elles ont supportés pour promouvoir les ventes du biscuit « King Choco » et sollicitent chacune la somme de 100 000 €.
Les sociétés intimées concluent au rejet de ces demandes, qu'elles jugent disproportionnées et aucunement justifiées dans leur nature et leur montant, arguant qu'après 9 années de procédure, les appelantes sont dans l'incapacité de rapporter la preuve de l'existence d'un préjudice résultant des faits reprochés ; qu'aucune perte de chiffre d'affaires ou de part de marché n'est établie ; que le taux de redevance invoqué de 10 % n'est pas plus justifié, les redevances étant en réalité de 3 % à 6 % dans le secteur ; que les ventes des « Choc'Olé », produits dont la commercialisation a cessé en 2016 et qui n'ont pas pénétré le marché français, ont été limitées ; que le seul intérêt des appelantes est d'obtenir une reconnaissance de la renommée de leurs marques afin de l'opposer à tout nouvel entrant sur le marché ; que la demande de communication de documents comptables, qui n'est présentée que dans le but de violer le secret des affaires de GRIESSON et SOLINEST, doit être rejetée ; que la société [X] EUROPE, dont le nom n'apparaît pas sur les emballages des biscuits, n'établit pas son rôle dans la fabrication et la distribution des biscuits Mikado en France ; que doivent être également rejetées les demandes d'expertise et de publication, non nécessaires.
Ceci étant exposé, en application de l'article L.716-14 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable : « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».
En ce qui concerne la réparation de la contrefaçon de la marque renommée n° 825
Contrairement à ce qui est soutenu, les produits « Choc'Olé » ont pénétré le marché français ainsi qu'il résulte notamment du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 juin 3014 (pièce 10.1) depuis le site internet en langue française www.gdb-fr.com, faisant la promotion des nouveaux biscuits « Choc'Olé » (« Choc'Olé on n'est jamais seul à l'aimer ») et du procès-verbal de constat d'achat effectué le 12 juin 2014 dans un magasin Carrefour de [Localité 8] (pièce 10.1). Il n'est pas contesté que la commercialisation de ces biscuits a cessé en France en décembre 2016.
Les sociétés appelantes réclament une indemnisation forfaitaire sur la base d'une redevance de 10 % sans fournir le moindre élément à cet égard, les intimées opposant, sans davantage de justificatif, que dans le secteur, le taux de redevance est de 3 % à 6 %. La somme devant réparer le préjudice devant être supérieure au montant des droits que le contrefacteur aurait payés s'il avait demandé l'autorisation, il sera retenu, sur la base des dires respectifs des parties, une redevance majorée de 5 %.
Il sera fait droit à la demande de droit d'information des appelantes comme précisé au dispositif, afin de permettre à la société GLICO, propriétaire de la marque n° 825, de déterminer l'assiette de la redevance. La demande d'expertise sera en conséquence rejetée.
Les parties sont invitées à déterminer amiablement l'indemnisation du préjudice économique de la société GLICO résultant des actes de contrefaçon de la marque n° 825, et ce sur la base d'une redevance majorée de 5 % et au vu des éléments comptables qui seront communiqués à cette dernière par les intimées, et à en référer à la cour par voie de conclusions en cas de difficultés.
Une provision de 30 000 € sera d'ores et déjà accordée à la société GLICO, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice économique.
Les actes de contrefaçon ont en outre causé un préjudice moral à la société GLICO, titulaire de la marque n° 825 contrefaite, résultant du fait de la banalisation de l'apparence très connue de la marque de renommée. Ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts.
La société [X] EUROPE, licenciée de la marque, est en charge de la fabrication (y compris par voie de sous-traitance) de la distribution et d'une partie de la promotion des biscuits MIKADO, tandis que la société [X] FRANCE assure la distribution et la promotion des biscuits MIKADO auprès des enseignes de la grande distribution en France (pièces 6.1 et 6.2). La banalisation de la marque de renommée n° 825 a nécessairement affecté la rentabilité de celle-ci et perturbé la jouissance et l'exploitation normales du titre, occasionnant à chacune des sociétés un préjudice qui lui est propre. Il sera alloué à chacune, la somme définitive de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Les condamnations prononcées, y compris la somme à déterminer amiablement par les parties au titre du préjudice économique de la société GLICO (redevance majorée), sont mises à la charge des sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum, ces sociétés ayant contribué ensemble aux mêmes dommages.
En ce qui concerne l'atteinte à la marque renommée n° 291
L'atteinte à la marque renommée n° 291 a eu pour conséquence une banalisation de son apparence alors bien connue et a amoindri son pouvoir attractif, les investissements promotionnels dont elle avait été l'objet ayant été ainsi détournés par les intimées.
La société GLICO ne justifie ni n'invoque une baisse de chiffre d'affaires ou de part de marché du fait de l'atteinte portée à sa marque n° 291 et ne rattache pas l'arrêt de la commercialisation du biscuit « King Choco » en 2016 à la vente des biscuits « Choc'Olé ».
L'atteinte portée à la marque a duré de 2013 à la fin de l'année 2016, soit 4 années.
Il n'est pas soutenu que l'atteinte portée à la marque a entraîné une baisse des ventes des biscuits Mikado.
Les biscuits litigieux ont été vendus dans des enseignes de grande distribution, telles Carrefour.
Compte tenu de cet ensemble d'éléments, le préjudice sera réparé par l'allocation à la société GLICO de la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts.
La banalisation de la marque de renommée n° 291 a nécessairement affecté la rentabilité de celle-ci et perturbé la jouissance normale du titre, causant aux sociétés [X], licenciée et sous-licenciée, un préjudice propre à chacune. Il sera alloué à chacune la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Sur les autres demandes
Sur les mesures d'interdiction
Il y a lieu, en tant que de besoin, de faire interdiction aux sociétés GRIESSON et SOLINEST de toute fabrication, commercialisation et promotion des biscuits litigieux « Choc'Olé », sans qu'il y ait lieu de prononcer d'astreinte à ce titre.
Sur les mesures de publication et d'affichage
Il ne sera pas fait droit aux demandes de publication et d'affichage, les biscuits litigieux n'étant plus commercialisés depuis 2016.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les sociétés GRIESSON et SOLINEST, parties perdantes, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, dont distraction au profit de la SCP SEPTIME, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.
La somme qui doit être mise à la charge des sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE, ensemble, peut être équitablement fixée à la somme de 90 000 € qui comprendra les frais de constats d'huissier, de traduction et de signification des actes de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
La cour de renvoi statuant dans les limites de la cassation partielle,
Infirme le jugement en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] France dans toutes leurs demandes fondées sur une atteinte à la renommée des marques n° 825 et n° 291,
débouté les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE de l'intégralité de leurs demandes en contrefaçon de la marque n° 825,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE à payer à la société GRIESSON et à la société SOLINEST la somme de 10 000 euros à chacune soit 20 000 euros au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum les sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Emmanuel GOUGE, avocat,
Statuant à nouveau,
Dit que les marques françaises tridimensionnelles n° 825 et n° 291 de la société GLICO sont des marques renommées,
Dit que les sociétés GRIESSON et SOLINEST, en commercialisant en France les biscuits dénommés « Choc'Olé », ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque n° 825,
Dit que les sociétés GRIESSON et SOLINEST, en commercialisant en France les biscuits dénommés « Choc'Olé », ont porté atteinte à la marque renommée n° 291,
Dit les sociétés [X] irrecevables à agir sur le fondement de l'atteinte à la marque renommée,
Dit les sociétés [X] recevables à demander réparation, à titre subsidiaire, sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, du préjudice qui leur est propre résultant de l'atteinte à la marque renommée n° 291,
Enjoint aux sociétés GRIESSON et SOLINEST de communiquer à la société GLICO, dans le délai de deux mois à compter de la signification de cet arrêt, les éléments comptables (quantités, chiffres d'affaires et marge brute) concernant la commercialisation des biscuits « Choc'Olé » et de leurs conditionnements comportant la représentation de ces biscuits, depuis le début de leur commercialisation en France, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard et pendant 3 mois,
Dit n'y avoir lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l'astreinte,
Renvoie les parties à la détermination amiable de l'indemnisation du préjudice économique de la société GLICO résultant des actes de contrefaçon de la marque renommée n° 825, et ce sur la base d'une redevance majorée de 5 % et au vu des éléments comptables communiqués par les intimées ; dit qu'elles en référeront à la cour par voie de conclusions en cas de difficultés,
Ordonne le retrait du rôle de l'affaire et dit que celle-ci sera rétablie à la demande de l'une des parties par la remise au greffe de conclusions à cette fin,
Rejette la demande d'expertise,
Condamne in solidum les sociétés GRIESSON et SOLINEST à payer à la société GLICO une provision de 30 000 € à valoir sur son préjudice économique résultant de la contrefaçon de la marque renommée n° 825,
Condamne in solidum les sociétés GRIESSON et SOLINEST à payer à la société GLICO une somme de 40 000 € à titre définitif en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque renommée n° 825,
Condamne in solidum les sociétés GRIESSON et SOLINEST à payer à chacune des sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE, la somme définitive de 10 000 € en réparation de son préjudice propre résultant de la contrefaçon de la marque renommée n° 825,
Condamne in solidum les sociétés GRIESSON et SOLINEST à payer à la société GLICO une somme de 40 000 € à titre définitif en réparation de son préjudice résultant de l'atteinte portée à la marque renommée n° 291,
Condamne in solidum les sociétés GRIESSON et SOLINEST à payer à chacune des sociétés [X] EUROPE et [X] FRANCE, la somme définitive de 5 000 € en réparation de son préjudice propre résultant de l'atteinte portée à la marque renommée n° 291,
Constate que les sociétés GLICO et [X] ne demandent plus l'annulation des marques n° 482 et n° 493 de la société GRIESSON venues à expiration,
Fait interdiction, en tant que de besoin, aux sociétés GRIESSON et SOLINEST de toute fabrication, commercialisation et promotion des biscuits « Choc'Olé »,
Rejette les demandes de publication et d'affichage,
Condamne les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP SEPTIME, avocats au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne les sociétés GRIESSON et SOLINEST in solidum à payer aux sociétés GLICO, [X] EUROPE et [X] FRANCE, ensemble, la somme de 90 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de constats d'huissier, de traduction et de signification des actes de la procédure,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.