CA Riom, ch. com., 11 septembre 2024, n° 24/00045
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
American Trucks (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubled-Vacheron
Conseiller :
Mme Theuil-Dif
Avocats :
Me Lacquit, Me Portejoie, Me Gutton Perrin
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 12 juillet 2013, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL American Trucks.
Par jugement du 9 janvier 2015, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a placé la SARL American Trucks en liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 13 novembre 2017, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ordonné la vente aux enchères publiques des actifs de la société.
Un inventaire des biens de la société a été réalisé durant lequel le commissaire-priseur, Maître [N], a constaté que la SARL American Trucks était propriétaire d'un véhicule de la marque Hummer, modèle H2 immatriculé [Immatriculation 5].
Le 15 novembre 2017, M. [Y] [G], gérant de la SARL American Trucks a relevé appel de l'ordonnance ordonnant la vente aux enchères publiques des actifs de la société.
Le 29 novembre 2017, le liquidateur a sollicité que le commissaire-priseur, procède à l'enlèvement des biens de la société afin de les sécuriser jusqu'au terme de la procédure d'appel dans l'attente d'une décision définitive. Il indiquait notamment que : « M. [Y] [G] a cherché continuellement tout au long de la procédure à gagner du temps pour pouvoir continuer à exercer illicitement son activité d'événementiel en louant notamment la limousine Hummer ».
Par arrêt du 23 mars 2018, la cour d'appel de Riom a confirmé cette ordonnance.
M. [G] a cédé le véhicule Hummer à M. [H] [K] sans l'accord de Me [B].
M. [K], qui a sollicité le certificat de cession, a été averti que cette cession n'avait pas obtenu l'accord du liquidateur, que le véhicule devait donc être immobilisé, et qu'il ne pouvait être ni vendu ni même cédé à titre gratuit.
Pour autant ce véhicule n'a jamais été restitué à Me [B].
Par acte du 15 décembre 2022, Me [P] [B], ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks, a fait assigner devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand M. [Y] [G] aux fins de voir prononcer l'inopposabilité de la cession dudit véhicule à la procédure collective, de réintégrer ce véhicule dans l'actif de la société et condamner M. [G] à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En réponse, M. [G] a fait savoir qu'il avait vendu ce véhicule à M. [K] lequel avait semble-t-il été lui-même revendu à un tiers.
Me [B] a fait évoluer sa demande et fait le choix, à titre principal, de solliciter le règlement du prix de vente dès lors que le règlement ayant été effectué entre les mains de M. [G] n'était pas libératoire. Il a sollicité la restitution d'une somme de 25 000 euros correspondant à l'estimation du véhicule telle qu'arrêtée par Me [N], commissaire-priseur. Il a en outre été demandé la condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts. La demande de réintégration dans l'actif est restée par ailleurs formée, mais à titre subsidiaire.
Par acte du 23 mai 2023, un appel en cause a été régularisé contre M. [H] [K] à qui il a été demandé, pour le cas où il serait fait droit à la demande formée à titre subsidiaire contre M. [G], de restituer le véhicule à la procédure collective.
Par jugement du le 7 décembre 2023 le tribunal a :
- joint les instances et statué par un seul et même jugement ;
- débouté M. [G] de ses demandes ;
- condamné M. [G] à payer et porter à Me [B], agissant en qualité de liquidateur de la SARL American Trucks, la somme de 25 000 euros en restitution du produit de la vente du véhicule Hummer modèle H2 immatriculé [Immatriculation 5] ;
- débouté Me [B], agissant en qualité de liquidateur de la SARL American Trucks, de sa demande de la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts ;
- condamné M. [G] à payer et porter à Me [B], agissant en qualité de liquidateur de la SARL American Trucks, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [G] aux dépens.
M. [Y] [G] a interjeté appel du jugement le 8 janvier 2024, et n'a intimé que Me [B], ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks.
Suivant une ordonnance du 11 janvier 2024 rendue au visa des articles 904-1 et 905 du code de procédure civile, la présidente de la 3ème chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Riom a fixé l'affaire, à bref délai, à l'audience collégiale du 29 mai 2024.
Par acte du 19 février 2024, Me [B] agissant en qualité de liquidateur de la SARL American Trucks a fait assigner M. [H] [K] devant la cour en appel provoqué (signification selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile)
Par conclusions déposées et notifiées le 5 mars 2024, M. [Y] [G] demande à la cour, au visa de l'article L.641-9 I du code de commerce, de :
- réformer le jugement ;
- statuant à nouveau ;
- à titre principal, déclarer Me [B] irrecevable en ses demandes, fins et conclusions ;
- à défaut, débouter Me [B] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre lui ;
- juger que M. [H] [K] devra le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
- condamner Me [B] aux dépens.
Il expose que de bonne foi, il a vendu ce véhicule Hummer en octobre 2020, soit il y a plus de 3 ans, à M. [H] [K] ; que depuis, ce dernier a semble-t-il lui-même revendu le véhicule Hummer à un tiers. A ce jour, il ignore totalement l'identité du propriétaire actuel du véhicule et de son lieu de stockage. Il regrette que l'action ait été dirigée plus de 2 ans et demi après la vente du véhicule. Il estime qu'informé de cette vente, Me [B] était libre d'appeler dans la cause M. [K] aux fins que celui-ci informe le tribunal de l'identité du propriétaire actuel du Hummer et du lieu de dépôt de ce véhicule, ce qu'il n'a pas fait et qu'il réalise pour la première fois en cause d'appel.
Au visa de l'article 4 du code de procédure civile, il constate que dans l'acte introductif d'instance, Me [B] sollicitait à titre principal la restitution du véhicule Hummer ; qu'en cours de procédure, et sans justifier de l'appel en cause de M. [K], Me [B] a totalement modifié ses prétentions pour ensuite solliciter à titre principal l'octroi d'une somme de 25 000 euros en lieu et place de la restitution du véhicule. En formulant une telle demande, l'objet du litige a été totalement modifié puisque les deux actions n'avaient pas la même cause. Il s'ensuit que cette nouvelle demande financière doit être déclarée irrecevable devant la cour.
Enfin, il tient à souligner que la valeur du véhicule n'a jamais été de 25 000 euros : ledit véhicule n'a jamais été homologué pour circuler en France, sa valeur n'était en réalité pas supérieure à 10 000 euros. Au surplus, il fait valoir que Me [B] ne lui a jamais indiqué qu'il n'avait pas la faculté de céder son véhicule. De surcroît, pendant toute la durée de la procédure, l'entretien et surtout le gardiennage du véhicule a été assuré exclusivement par ses soins : il aurait été légitime à solliciter le règlement de frais de gardiennage pour ce véhicule, à hauteur de 20 euros par jour, ce qui représente pour une période de 5 ans une somme de 36 500 euros.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 février 2024, Me [B] ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks demande à la cour de :
- dire l'appel interjeté non fondé ;
à titre principal :
- sur l'appel principal : confirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [G] de ses demandes ;
- condamné M. [G] à lui payer et porter la somme de 25 000 euros en restitution du produit de la vente du véhicule Hummer modèle H2 immatriculé [Immatriculation 5] ;
- condamné M. [G] à lui payer et porter la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire l'appel incident et provoqué initié par ses soins recevable et bien fondé ;
- ce faisant, ajoutant à la décision, assortir la somme de 25 000 euros des intérêts au taux légal majoré conformément aux dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, et sous le bénéfice des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 2 octobre 2020 et jusqu'au paiement effectif de l'intégralité des sommes dues ;
- condamner M. [G] à lui porter et payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;
- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
- en conséquence, condamner M. [G] à lui porter et payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
à titre subsidiaire :
- s'il était fait droit aux demandes de M. [G], condamner ce dernier au paiement du prix de vente évalué à 25 000 euros entre ses mains ;
- assortir la somme de 25 000 euros des intérêts au taux légal majoré conformément aux dispositions de l'article L.313-3 du code monétaire et financier, et sous le bénéfice des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 2 octobre 2020 et jusqu'au paiement effectif de l'intégralité des sommes dues ;
à titre infiniment subsidiaire :
- condamner M. [K] à lui restituer le véhicule ;
- condamner M. [K] à lui porter et payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;
- en tout état de cause, condamner toute partie succombante aux dépens et faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL LX Riom-Clermont, prise en la personne de Me [O] [L].
Il expose que M. [G] était dessaisi de la gestion des actifs de la SARL American Trucks depuis le 9 janvier 2015, date de la liquidation judiciaire ; que le 2 octobre 2020, il a cédé le véhicule Hummer, modèle H2 immatriculé [Immatriculation 5] à M. [H] [K]. La cession a été réalisée alors même qu'il ne pouvait ni vendre le véhicule, ni le céder à titre gratuit. M. [K] a été informé de la situation et a indiqué avoir acquis le véhicule de bonne foi auprès de M. [G]. Le commissaire-priseur lui a répondu en lui précisant que le véhicule devait être immobilisé et placé en sécurité dans l'attente d'une décision à intervenir du juge commissaire précisant si la cession est déclarée opposable à la procédure collective.
Il fait valoir que l'acte passé en violation des règles du dessaisissement est inopposable à la procédure collective sans qu'il y ait lieu de rechercher si le ou les tiers concernés sont de bonne foi ; qu'à la suite de la vente de bien matériel détenu par le débiteur en liquidation en méconnaissance du dessaisissement, les dits biens auraient dû réintégrer l'actif du cédant.
Il précise qu'en cas de vente au mépris de la procédure collective, soit le bien vendu retourne dans l'actif de la procédure collective, soit, l'acte reste efficace, le liquidateur pouvant faire le choix de confirmer l'acte inopposable et demander que le paiement effectué entre les mains du débiteur soit inopposable à la procédure et donc lui soit restitué. Au regard de la réponse de M. [G], il a fait évoluer sa demande et fait le choix, à titre principal, de solliciter le règlement du prix de vente, le règlement effectué entre les mains de M. [G] n'étant pas libératoire. A titre de fondement subsidiaire, la demande pourrait également être fondée sur les dispositions des articles 1303, 1303-1 et 1303-4 du code civil. L'appauvrissement constaté peut être évalué à l'estimation retenue par Me [N] dans le cadre de la prisée réalisée pour la procédure collective à savoir la somme de 25 000 euros ; qu'à défaut de précision sur le prix de vente, c'est ce prix qui devra être admis et restitué tel que retenu par le tribunal.
Par ailleurs, il répond aux moyens de l'appelant :
- que les deux instances ont bien été jointes par le jugement qui l'indique expressément dans son dispositif ;
- qu'il n'est pas contesté que ses conclusions n°2 faisant mention de l'appel en cause aient bien été communiquées dans le cadre de la première instance ;
- qu'en outre, les demandes étant parfaitement claires en première instance, l'appel en cause formé contre M. [K] n'avait pas pour but de permettre la mise hors de cause de M. [G].
Conformément à l'article 4 du code de procédure civile, il a adapté ses demandes à la position procédurale de M. [G] qui a estimé ne pas devoir assumer les conséquences de ses actes en sollicitant qu'il soit, à titre personnel, condamné à rapporter à la procédure collective le prix de vente qu'il avait subtilisé. Ces prétentions se rattachaient d'évidence aux prétentions originaires par un lien suffisant.
M. [H] [K] n'a pas constitué avocat.
Par soit-transmis du 11 avril 2024 communiqué aux parties le 12 avril 2024, le parquet général a indiqué s'en rapporter à la sagesse de la cour.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024.
MOTIFS
- Sur la recevabilité des demandes de Me [B] ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks
M. [G] soutient en premier lieu que Me [B] était libre d'appeler dans la cause M. [K], dernier vendeur du véhicule Hummer connu, aux fins que celui-ci informe le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand de l'identité du propriétaire actuel du Hummer et du lieu de dépôt de ce véhicule ; que Me [B] n'a pas daigné régulariser cet appel en cause en première instance ; qu'il le fait pour la première fois en cause d'appel ; qu'en aucun cas, il ne peut être condamné à restituer un véhicule qui n'est plus en sa possession ; que du fait de l'appel en cause devant la cour, il doit être mis hors de cause.
Contrairement à ce qu'expose M. [G], M. [K] a été appelé en cause en première instance par acte du 23 mai 2023.
Les deux instances ont été jointes par le jugement dont il a été relevé appel.
L'appel en cause formé contre M. [K] n'avait pas pour but de permettre la mise hors de cause de M. [G], puisque la demande de Me [B] contre lui était modifiée et l'appel en cause était mentionné.
En second lieu, M. [G] se prévaut des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, faisant valoir qu'au terme de l'acte introductif d'instance, Me [B] sollicitait la restitution du véhicule Hummer, et qu'en cours de procédure et sans justifier de l'appel en cause de M. [K], Me [B] a modifié totalement ses prétentions pour solliciter à titre principal l'octroi d'une somme de 25 000 euros en lieu et place de la restitution du véhicule ; qu'en formulant une telle demande, l'objet du litige a été totalement modifié puisque les deux actions n'avaient pas la même cause. Il conclut que cette nouvelle demande doit être déclarée irrecevable.
Selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Me [B] a fait assigner M. [G] aux fins de voir prononcer l'inopposabilité de la cession du véhicule Hummer à la procédure collective et de voir réintégrer ce véhicule dans l'actif de la SARL American Trucks.
Au vu de la position procédurale de M. [G] qui a indiqué avoir vendu le véhicule Hummer à M. [K] lequel avait été semble-t-lui revendu à un tiers, Me [B] a fait évoluer sa demande, il a appelé en cause M. [K], et a fait le choix à titre principal de solliciter le règlement du prix de vente outre l'octroi de dommages et intérêts, et la demande de réintégration dans l'actif a été formée à titre subsidiaire.
Dans le cadre de l'appel en cause, il a été demandé, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande formée à titre subsidiaire contre M. [G], de restituer le véhicule à la procédure collective. Il convient de préciser que l'acte délivré à M. [K] l'a été selon procès-verbal de recherches infructueuses.
Dans ces conditions, les prétentions formées après l'assignation se rattachaient d'évidence aux prétentions originaires par un lien suffisant et étaient parfaitement recevables devant le premier juge.
- Sur la demande en restitution
Aux termes de l'article L.641-9 alinéa 1er du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Les actes juridiques accomplis sur son patrimoine par le débiteur dessaisis sont inopposables à la procédure collective.
En l'espèce, par jugement du 12 juillet 2013, la SARL American Trucks a été placée en redressement judiciaire.
Par jugement du 9 janvier 2015, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a placé la SARL American Trucks en liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 13 novembre 2017, le tribunal a ordonné la vente aux enchères publiques des actifs de la société.
Suite à l'appel de M. [Y] [G], gérant de la SARL American Trucks, la cour d'appel de Riom a confirmé l'ordonnance par arrêt du 23 mars 2018.
Or, M. [G] a cédé le véhicule Hummer à M. [H] [K] sans l'accord de Me [B] (acte de cession du 2 octobre 2020).
Ainsi, l'acte de vente du véhicule Hummer du 2 octobre 2020 par M. [G] à à M. [K] est inopposable à la procédure collective.
Cette inopposabilité est encourue de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de démontrer que le débiteur et/ou son cocontractant auraient agi de mauvaise foi.
Est par ailleurs indifférente la négligence fautive invoquée par M. [G] à l'encontre du liquidateur, qui ne pourrait donner lieu qu'à une action en responsabilité exercée contre ce dernier à titre personnel, sans effet sur l'inopposabilité édictée pour la protection des créanciers de la procédure collective.
L'inopposabilité à la procédure collective de la vente consentie par le débiteur dessaisi permet au liquidateur d'agir contre l'acheteur pour appréhender le bien et lui faire réintégrer le gage des créanciers si le bien est toujours entre les mains de l'acheteur, ou d'appréhender le prix de vente du bien si l'acheteur l'a vendu à un tiers.
Les dispositions de l'article L.649-1 du code de commerce ne confèrent pas au liquidateur un droit de suite à l'égard d'un sous acquéreur.
Les actes passés par le débiteur dessaisi au mépris des dispositions précitées sont inopposables mais ne sont pas frappés de nullité et demeurent valables inter partes.
Suite à la vente, M. [K], qui a sollicité le certificat de cession, a été averti que cette cession n'avait pas obtenu l'accord du liquidateur, que le véhicule devait donc être immobilisé, et qu'il ne pouvait être ni vendu ni même cédé à titre gratuit. Pour autant le véhicule n'a jamais été restitué à Me [B], et il a, a priori, été revendu par M. [K] à un tiers.
Me [B] a fait le choix de solliciter la confirmation de l'acte inopposable et de demander que le paiement effectué entre les mains de M. [G] soit inopposable à la procédure et donc lui soit restitué. M. [G] a en effet reconnu (page 4 de ses conclusions) avoir 'vendu ce véhicule Hummer en octobre 2020, soit il y a plus de 3 ans, à M. [H] [K]'.
M. [G] sera donc condamné à restituer le prix de vente du véhicule Hummer entre les mains du liquidateur.
L'appelant conteste la valeur du véhicule invoquée par Me [B], faisant valoir qu'il n'a jamais été homologué pour circuler en France, que sa valeur ne peut être supérieure à 10 000 euros. Il invoque en outre sa bonne foi, indiquant que Me [B] ne lui a jamais précisé qu'il n'avait pas la faculté de céder son véhicule.
Il convient de rappeler qu'un inventaire des biens de la SARL American Trucks été réalisé le 3 mars 2017 durant lequel le commissaire-priseur, Maître [N], a constaté que la SARL American Trucks était propriétaire du véhicule litigieux ; que suite à l'ordonnance du 13 novembre 2017 ayant ordonné la vente aux enchères publiques des actifs de la société, le liquidateur a le 29 novembre 2017 sollicité que le commissaire-priseur procède à l'enlèvement des biens de la société afin de les sécuriser jusqu'au terme de la procédure d'appel dans l'attente d'une décision définitive ; qu'il indiquait notamment que : « M. [Y] [G] a cherché continuellement tout au long de la procédure à gagner du temps pour pouvoir continuer à exercer illicitement son activité d'événementiel en louant notamment la limousine Hummer » ; que M. [G] a fait appel de l'ordonnance ayant ordonné la vente aux enchères publiques des actifs de la société ; qu'ainsi, il n'ignorait nullement l'impossibilité de céder les actifs de la société.
Dans le cadre de l'inventaire le véhicule litigieux avait été évalué 25 000 euros.
Il résulte toutefois d'un courrier du commissaire-priseur en date du 9 mai 2019 que le véhicule Hummer n'était pas homologué pour circuler en France car il ne correspondait à aucun critère d'homologation ; qu'il ne pouvait être vendu non plus pour pièces détachées selon la législation en vigueur. Il exposait au liquidateur qu'il serait bon de privilégier une proposition de rachat amiable.
Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir une valeur de 16 000 euros.
M. [G] ne peut en outre sérieusement se prévaloir de frais d'entretien et de gardiennage qui, outre le fait qu'ils ne sont pas justifiés, ne pourraient en tout état de cause que revenir à la SARL American Trucks qui était propriétaire du véhicule.
M. [G] sera ainsi condamné à payer à Me [B] ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks la somme de 16 000 euros en restitution du produit de la vente du véhicule Hummer, somme qui portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée conformément à l'article 1343-2 du code civil.
Par ailleurs, Me [B] sollicite 'l'indemnisation de la liquidation judiciaire du préjudice subi du fait de la vente en toute connaissance de cause et malgré l'interdiction qui lui avait été faite', et ce, à hauteur de 25 000 euros. Il fait valoir que l'ensemble des procédures initiées par M. [G] lui ont permis de maintenir ouverte une procédure initiée en 2013 et que la valeur du bien aurait pu désintéresser une partie des créanciers depuis longtemps.
Toutefois, outre le fait que M. [G] est en droit de défendre ses intérêts, la longueur de la procédure collective ne trouve pas son explication uniquement dans les actes de celui-ci. La liquidation judiciaire a été prononcée le 9 janvier 2015, et la vente litigieuse est intervenue en octobre 2020. Le préjudice invoqué par le liquidateur n'est pas caractérisé. La demande sera rejetée.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé sur le sort des dépens de première instance et la condamnation au titre des frais irrépétibles.
Dans le cadre de la procédure d'appel, succombant principalement à l'instance, M. [G] sera condamné aux dépens d'appel et à verser à Me [B] ès qualités, une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La distraction des dépens sera ordonnée au profit de la SELARL LX Riom-Clermont, prise en la personne de Me Barbara Gutton, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, rendu par défaut,
Confirme le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a retenu un montant de 25 000 euros au titre de la restitution du produit de la vente du véhicule Hummer modèle H2 immatriculé [Immatriculation 5];
Statuant à nouveau :
Déclare Me [P] [B] ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks, recevable en ses demandes ;
Condamne M. [Y] [G] à payer à Me [P] [B] ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks, la somme de 16 000 euros en restitution du produit de la vente du véhicule Hummer modèle H2 immatriculé [Immatriculation 5], avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
Condamne M. [Y] [G] à payer à Me [P] [B] ès qualités de liquidateur de la SARL American Trucks la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne M. [Y] [G] aux dépens d'appel ;
Ordonne la distraction des dépens d'appel au profit de la SELARL LX Riom-Clermont, prise en la personne de Me Barbara Gutton.