CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 septembre 2024, n° 22/15530
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Guy Hoquet l'Immobilier (SAS)
Défendeur :
Soleidad (SARL), Selarl AJ Partenaires (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
M. Richaud, Mme Dallery
Avocats :
Me Guizard, Me Beaugendre, Me Fromantin, Me Becquet
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 1er octobre 2019, la société Guy Hoquet l'immobilier (ci-après GHI), qui exploite un réseau d'agences immobilières sous l'enseigne Guy Hoquet l'Immobilier, a conclu avec la société Soleidad, qui exerce une activité de voyagiste et d'organisation d'évènements, un « contrat de voyage de groupe N°190701 » pour l'organisation de sa convention nationale 2020 devant se tenir à [Localité 9] entre le 15 et le 17 mars 2020, et regrouper 1.400 participants.
Chacun des 163 franchisés GHI a signé avec Soleidad un contrat de participation afin d'engager les participants sur une partie des frais restants à leur charge.
En février (pièce 16 des intimées), des discussions ont été entamées relativement à l'évolution de la situation sanitaire et, en mars 2020, GHI a notifié à Soleidad l'annulation de sa convention nationale et la résolution du contrat.
Par acte du 12 avril 2021, Soleidad a assigné GHI devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir l'indemnisation de son préjudice en raison de la résiliation unilatérale sans motif légitime du contrat, à titre subsidiaire du manquement de GHI à son obligation de bonne foi au cours des négociations de report de la convention de Madrid, et rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal de commerce de Lyon a statué en ces termes :
« Déboute la société Soleidad de ses demandes relatives à des dommages et intérêts liées à une rupture sans motif légitime ou au manquement de son obligation de bonne foi au cours des négociations de report, de la part de la société Guy Hoquet l'Immobilier.
Juge que la société Guy Hoquet l'Immobilier a rompu brutalement les relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Soleidad.
Condamne la société Guy Hoquet l'Immobilier à payer à la société Soleidad la somme de 58.660 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de marge brute qui aurait été réalisée sur les 7 mois de préavis.
Condamne la société Guy Hoquet l'Immobilier à payer à la société Soleidad la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société Guy Hoquet l'Immobilier aux entiers dépens ».
La société Guy Hoquet l'immobilier a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 30 août 2022.
Par ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 26 mars 2024, GHI prie la Cour de :
Vu l'article L. 211-14 du Code du tourisme,
Vu les articles 1218, 1229 et 1352-6 du Code civil,
Vu l'Ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 et la décision du Conseil d'Etat du 13 octobre 2023,
Vu l'article L.442-1 II du Code de commerce,
Vu la jurisprudence citée, spécialement les arrêts de la Cour de Justice de l'Union Européenne et de la Cour de cassation,
Vu les pièces versées aux débats,
1/ Sur le droit applicable :
Par infirmation, déclarer applicable au litige et au « Contrat de voyage de groupe N°190701 » du 1e octobre 2019, le régime du code du tourisme, spécialement l'article L.211-14 interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne ; subsidiairement appliquer la force majeure de droit commun au sens de l'article 1218 du Code civil ;
2/ Sur la confirmation du jugement ayant débouté la société Soleidad de ses demandes mettant en cause la responsabilité contractuelle de la société Guy Hoquet l'immobilier :
Confirmer le jugement dont appel du Tribunal de commerce de Lyon du 7 juillet 2022 (RG n°2021J539) en ce qu'il a débouté « la société Soleidad de ses demandes relatives à des dommages-intérêts liées à une rupture sans motif légitime ou au manquement à son obligation de bonne foi au cours des négociations de report, de la part de la société Guy Hoquet L'immobilier » ; Par substitution de motifs, Déclarer légitime la résolution opérée le 6 mars 2020 par l'appelante pour « circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination », compte tenu du risque pour la santé liée à la pandémie de Covid-19 et à ses effets à [Localité 9], conformément à l'article L 211-14 du Code du tourisme et, subsidiairement, à l'article 1218 du Code civil dès lors que l'évènement de force majeure a rendu impossible l'exécution par le débiteur Soleidad des prestations contractuelles qu'elle devait réaliser à [Localité 9] du 15 au 17 mars 2020 ;
3/ Sur l'infirmation du jugement attaqué du chef de la rupture brutale de la relation commerciale imputée à la société Guy Hoquet l'immobilier :
3.1/ Sur l'absence de rupture brutale de relation commerciale établie :
Infirmer le jugement dont appel dans toutes ses autres dispositions, spécialement en ce qu'il a jugé la société Guy Hoquet l'immobilier responsable d'une rupture brutale de relation commerciale établie envers la société Soleidad et l'a condamnée à indemniser cette dernière par une somme de 58.860 euros à titre de dommages- intérêts et 3.000 euros au titre de l'article 700 CPC, ainsi qu'aux dépens ;
Statuer à nouveau sur tous les chefs d'infirmation, comme suit :
Déclarer que la société Guy Hoquet l'immobilier n'a pas infligé de rupture brutale de relation commerciale établie à la société Soleidad, en ce que la relation commerciale n'était pas établie au sens de l'article L 442-1 Il du code de commerce ;
Subsidiairement, dire que l'appelante n'a pas rompu la relation postérieurement à la résolution du 6 mars 2020 du « Contrat de voyage de groupe N°190701 » du 1er octobre 2019, motivée par la crise sanitaire du Covid-19, constitutive d'un cas de force majeure au sens du dernier alinéa de l'article L 442-1-Il du Code de commerce ;
Déclarer, au surplus, que la société Soleidad a, par son comportement fautif, rendu impossible le maintien de la relation commerciale et est donc seule responsable de la rupture et de ses conséquences ;
En toutes hypothèses, déclarer la société Guy Hoquet L'immobilier non responsable envers la société Soleidad d'une rupture brutale de relation commerciale établie et qu'elle ne lui doit donc aucune indemnité de ce chef ;
Ordonner à la société Soleidad la Selarl AJ Partenaires et la Selarl [B] & Associés d'avoir à restituer à la société Guy Hoquet L'immobilier le montant de toutes condamnations qui leur aura été versé par l'appelante en exécution du jugement infirmé ;
3.2/ A titre subsidiaire, sur le montant des dommages-intérêts :
Dire que la rupture de la relation commerciale n'a causé aucun préjudice à la société Soleidad et, par voie de conséquence, ne lui allouer aucune indemnité ;
Plus subsidiairement, la réduire à 5.000 euros et encore plus subsidiairement, à toute somme inférieure à 58.660 euros ;
4 / En toutes hypothèses :
Débouter la société Soleidad, la Selarl AJ Partenaires et la Selarl [B] & Associés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Condamner in solidum la société Soleidad, la Selarl AJ Partenaires et la Selarl [B] & Associés aux entiers dépens et à payer à la société Guy Hoquet l'immobilier la somme 12.000 € au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à lui restituer la somme de 3.000 euros correspondant à l'indemnité pour frais irrépétibles allouée à Soleidad par le jugement dont appel.
La société Soleidad, la Selarl AJ Partenaires en sa qualité d'administrateur judiciaire de Soleidad représentée par Me [X] [R] et en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ainsi que la Selarl [B], mandataire judiciaire de Soleidad par leurs dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 15 avril 2024, demandent à la Cour de :
Vu les dispositions de l'article L.442-1 2° du Code de commerce,
Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1218, 1231-1 et 1231-2 du Code Civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
Dire recevable et bien fondé l'appel incident interjeté par la Société Soleidad à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon le 6 juillet 2022,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Jugé que la société Guy Hoquet l'Immobilier a rompu brutalement les relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Soleidad,
- Condamné la société Guy Hoquet l'Immobilier aux entiers dépens
Le réformer en ce qu'il a :
- Débouté la société Soleidad de ses demandes relatives à des dommages et intérêts liées à une rupture sans motif légitime ou au manquement de son obligation de bonne foi au cours des négociations de report, de la part de la société Guy Hoquet l'Immobilier.
- Limité à 58.660 € la condamnation de la société Guy Hoquet l'Immobilier au profit de la société Soleidad au titre des dommages et intérêts en réparation de la perte de marge brute qui aurait été réalisée sur les 7 mois de préavis,
- Limité à 3.000 euros la condamnation de la société Guy Hoquet l'Immobilier au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Sur la responsabilité contractuelle de la société Guy Hoquet l'Immobilier au titre du contrat de voyage de groupe du 10 octobre 2020 :
A titre principal :
- Constater qu'au 2 mars 2020, date de la rupture du contrat de voyage de groupe du 10 octobre 2020, la force majeure n'était pas constituée, pas davantage que n'étaient caractérisées des circonstances exceptionnelles et inévitables au lieu du voyage,
- Dires en toute hypothèse inapplicables les dispositions de l'article L. 211-14 du Code du Tourisme et de l'Ordonnance 2020-315 à la rupture, le 2 mars 2024, audit contrat de voyage de groupe,
- Dire et juger que la société Guy Hoquet l'Immobilier a rompu unilatéralement et sans motif légitime le contrat de voyage de groupe du 10 octobre 2020 ;
- Dire et juger que cette résolution unilatérale sans motif légitime a emporté la caducité de tous les contrats de participation conclus entre la société Soleidad et la société Guy Hoquet ;
En conséquence :
- Condamner la société Guy Hoquet l'Immobilier à verser à la société Soleidad les sommes suivantes :
* 206.420,60 € à titre de dommages et intérêts correspondant au solde dû en application du contrat de voyage de groupe du 10 octobre 2020, subsidiairement la somme de 203.192,60 €.
* 17.810,41 € à titre de dommages et intérêts correspondant au solde des prestations impayées sur les contrats franchisés, devenus caduc du fait de la société Guy Hoquet
* 32.242,12 € à titre de dommages et intérêts correspondant au montant définitif des créances déclarées par les franchisés Guy Hoquet au passif de la procédure de sauvegarde ;
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que la société Guy Hoquet l'Immobilier a manqué à son obligation de bonne foi au cours des négociations de report de la convention de [Localité 9] ;
En conséquence :
- Condamner la société Guy Hoquet l'Immobilier à verser à la société Soleidad la somme de 224.231,01 € à titre de dommages intérêts, montant correspondant au gain dont la société Soleidad a été privée, subsidiairement la somme de 203.192,60 €.
- Condamner la société Guy Hoquet l'Immobilier à verser à la société Soleidad la somme de 32.242,12 € à titre de dommages et intérêts correspondant au montant définitif des créances déclarées par les franchisés Guy Hoquet au passif de la procédure de sauvegarde ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :
- Dire et juger que la société Guy Hoquet l'Immobilier a rompu brutalement les relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Soleidad ;
- Fixer la date de ladite rupture au 2 mars 2020 ;
- Constater que cette rupture n'a été accompagnée d'aucun préavis de rupture ;
- Dire et juger que compte tenu des caractéristiques de la relation qu'elle entretenait avec la société Soleidad, la société Guy Hoquet l'Immobilier aurait dû respecter un préavis d'une durée de 18 mois ;
En conséquence :
- Condamner la société Guy Hoquet l'Immobilier à verser à la société Soleidad la somme de 279.925,21 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de marge brute qui aurait été réalisée sur ces 18 mois de préavis ;
En tout état de cause :
- Rejeter toutes demandes, fins, moyens ou prétentions contraires
- Condamner la société Guy Hoquet l'Immobilier à verser à la société Soleidad la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de l'instance.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.
MOTIVATION
Sur la résolution du contrat par la société GHI
GHI soutient :
- s'agissant du droit applicable,
µ que le contrat de voyage relève du champ d'application du Code du tourisme car il ne constitue pas une convention générale pour le voyage d'affaires mais un contrat conclu pour un évènement ponctuel et spécifique, la prestation de Soleidad constituant une seule prestation de forfait touristique ;
* que si par nature le contrat ne relèvait pas des règles du code du tourisme, les articles sont néanmoins applicables en ce que les parties ont expressément soumis leur contrat aux dispositions de ce code au vu de l'article 5 du contrat sur la révision du prix qui mentionne : « (') Toute modification du prix consécutive aux cas mentionnés ci-dessus sera transmise au Client au plus tard 30 jours avant la date de départ. En vertu de l'article L.211-13 du code du tourisme, le Client pourra alors, soit accepter l'augmentation, soit résilier le présent contrat et obtenir le remboursement sans pénalité des sommes déjà versées, à condition toutefois que l'augmentation du prix soit supérieure à 10% du prix initial figurant en annexe, variation considérée comme significative du prix du contrat, intervenant conformément aux conditions prévues à l'article L.211-12 du code de tourisme », l'application des articles L.211-12 et L.211-13 du code du tourisme emportant nécessairement application de l'article L.211-14 du même code car relevant de la même section 2.
- S'agissant du bienfondé de la résolution :
* Que la résolution a été opérée le 6 mars 2020 de manière parfaitement légitime, compte tenu des circonstances exceptionnelles et inévitables liées à la pandémie de Covid-19 qui sévissait en Espagne et exposait les participants au voyage de groupe à un risque grave pour la santé humaine au point que l'exécution du contrat par Soleidad était rendue impossible et que nul n'aurait pu tenir une telle Convention du 15 au 17 mars 2020 à [Localité 9] ;
* Que le 6 mars 2020 que les autorités espagnoles ont été contraintes d'interdire dès le 9 mars 2020 tout rassemblement à [Localité 9] de plus de 1.000 personnes puis d'instaurer un confinement strict le 15 mars 2020 ;
* Que cette impossibilité objective d'exécuter le contrat vaut quelle que soit la partie ayant pris l'initiative de résoudre ;
* Qu'elle a notifié la résolution le 6 mars 2020, soit postérieurement au 1er mars 2020, date à laquelle le gouvernement français a considéré comme celle à partir de laquelle le risque sanitaire inhérent à la pandémie de Covid-19 justifiait que les voyageurs puissent résoudre leur contrat, conformément à l'ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020,
* Que les conditions de l'article L 211-14 du code de tourisme, qui régissent le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage sont réunies :
* Que si le droit commun était applicable, la force majeure conduirait à une solution identique à l'application du code du tourisme, la résolution du 6 mars 2020 étant parfaitement légitime, conformément aux dispositions de l'article 1218 du code civil, vu l'existence de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant à [Localité 9] est certain compte tenu du danger sanitaire en cours au 6 mars 2020, l'exécution du contrat n'était pas possible, l'imprévisibilité est certaine et aucune mesure n'aurait permis la tenue à [Localité 9] de la convention nationale par l'effet des mesures de confinement mises en place dès le 9 mars 2020.
Les intimées rétorquent que :
- Sur le droit applicable :
* Le 2 mars 2020, jour de la rupture, et non le 6 comme il est soutenu (courriel de GHI mentionnant « avoir pris la décision d'annuler la convention nationale qui devait se tenir à [Localité 9] du 15 au 17 mars prochain »), les circonstances exceptionnelles ou inévitables qui sont survenues ultérieurement, n'existaient pas, l'Espagne n'étant pas touchée par les effets de la pandémie ;
* Seule la mise en 'uvre effective des restrictions imposées en Espagne pouvait déclencher l'application des dispositifs de l'article L. 211-14 II du code du tourisme et de l'ordonnance du 25 mars 2020 ;
* Les dispositions du code du tourisme ne s'appliquent pas à GHI, qui n'est en sa qualité de franchiseur pas « voyageur » au sens du code du tourisme puisqu'il n'a pris à sa charge que diverses prestations évènementielles ;
* Même à considérer que GHI présente bien la qualité de « voyageur », la relation les liant est expressément exclue du champ d'application du code du tourisme s'agissant des services de voyage et forfaits touristiques vendus dans le cadre d'une convention générale conclue pour le voyage d'affaires ;
* La prestation vendue correspondait à un séminaire d'entreprise, soit un voyage d'affaires, commercialisé dans le cadre d'une convention cadre générale conclue GHI et de contrats d'application conclus avec les franchisés Guy Hoquet, formant un tout indivisible ;
* Le droit commun est applicable, de sorte que :
° la bonne foi est exigée pendant la période d'exécution contractuelle et pendant les périodes de négociation ;
° la force majeure n'est pas une cause de résolution d'un contrat, mais uniquement une cause justifiant éventuellement l'inexécution d'une obligation ;
° si l'ordonnance n° 2020-315 vise la force majeure et un droit à résolution du voyageur, c'est au titre de la crise de Covid-19, alors qu'au moment de sa notification par GHI, la résolution du contrat s'inscrivait dans un autre cadre ;
° l'application combinée du principe de bonne foi contractuelle et de limitation des effets de la force majeure impliquait une obligation de report en cas d'empêchement temporaire.
- Sur le fond :
* La force majeure n'est pas une cause de résolution d'un contrat mais à simplement vocation à suspendre l'exécution d'une prestation momentanément empêchée ;
* La résolution du contrat est bien intervenue le 2 mars 2020, date à laquelle aucun évènement présentant les caractères de la force majeure n'existait, puisqu'aucune mesure administrative n'empêchait la bonne tenue de la convention ;
* L'article 4 du contrat de voyage de groupe conclu prévoyait qu'en cas d'annulation par GHI, le remboursement des sommes versées interviendrait déduction faite des montants précisés, soit 100% du montant de la prestation en cas d'annulation moins de 15 jours avant le 15 mars 2020 ;
* GHI a résilié le contrat le 2 mars 2020 soit 13 jours avant le début de la prestation le 15 mars 2020 pour un montant de 554.986 € ;
* Au jour de la résolution, GHI n'avait versée que la somme de 348.565,40 € sur ces 554.986 €, alors que le contrat devait être soldé au plus tard le 14 février 2020 et était donc débitrice de la somme de 554.986 € - 348.565,40 € = 206.420,60 € ;
* Le contrat prévoyait par ailleurs expressément le caractère variable du prix initialement convenu en fonction du nombre de participants et des activités choisies ;
* Du fait de leur interdépendance, la résolution unilatérale prononcée GHI a entrainé la caducité de l'ensemble des contrats de participation conclus avec les franchisés de sorte que GHI est seule responsable de la caducité des contrats franchisés ;
* Soleidad a proposé un avoir à chaque franchisé GHI lui ayant versé des sommes en application d'un contrat de participation, mais du fait du comportement de GHI, Soleidad a été contrainte de solliciter et obtenir une ouverture d'une procédure de sauvegarde ;
* Au jour de la résolution du contrat, l'empêchement n'était pas définitif, la survenance de la crise sanitaire ayant tout au plus suspendu les obligations de chacun, qui devaient faire l'objet d'un report « par des mesures appropriées » ;
* GHI a fait tout son possible pour faire échec aux négociations en refusant 3 propositions de report formulées dès le 19 mars 2020 faisant preuve de mauvaise foi et n'a pas hésité à la diffamer auprès de ses franchisés et de ses prestataires, n'hésitant pas à l'accuser d'escroquerie et de détournement ;
* GHI ne justifie d'ailleurs d'aucune démarche positive ou proposition permettant de favoriser un accord amiable quant au report de la prestation ;
* La convention prévue au mois de mars 2020 s'est finalement tenue au mois de novembre 2021 sans elle, en reprenant une partie substantielle du travail qu'elle avait réalisé.
Réponse de la Cour
Contrairement à ce que soutiennent les intimées et à ce qu'ont retenu les premiers juges, les dispositions relatives au code du tourisme sont applicables au contrat conclu entre GHI et Soleidad le 1er octobre 2019 intitulé « contrat de voyage de groupe N°190701 » pour l'organisation de la convention nationale 2020 de GHI devant se tenir à [Localité 9] entre le 15 et le 17 mars 2020.
Il sera retenu à cet égard, outre que les parties ont entendu soumettre le contrat aux dispositions du code du tourisme en visant à l'article 5 « Révision du prix », les articles L 211-12 et L 211-13 dudit code, qu'il résulte de la section I du chapitre unique du titre 1er du Livre II relative aux « Contrats de vente de voyages et de séjours (Articles L 211-7 à L211-14)», dont l'article L 211-7 définit le champ d'application, que le contrat de voyage de groupe litigieux relève de ces dispositions au regard des prestations mentionnées au 1° et 2° de l'article L 211-1 du code du tourisme, l'exclusion prévue au II de ce dernier article relativement « aux services de voyage et forfaits touristiques vendus dans le cadre d'une convention générale conclue pour le voyage d'affaires » ne lui étant pas applicable.
En effet, le contrat dont s'agit n'entre pas dans le cadre d'une convention générale conclue pour le voyage d'affaires mais constitue une convention spéciale, à objet spécifique relatif à l'organisation de la convention du réseau GHI du 15 au 17 mars 200 à [Localité 9], étant observé les règles du contrat de vente de voyages à forfait s'appliquent lorsque « le voyageur » est un professionnel.
Cependant, force est de constater que ne sont pas réunies les conditions d'application de l'article L 211-14 II du code du tourisme qui dispose :
« Le voyageur a droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelle et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Dans ce cas le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire.
(') »
En effet, au jour de la résolution notifiée pat lettre recommandée du 6 mars 2020, l'existence de circonstances exceptionnelles ou inévitables n'étaient pas réunies, l'existence d'un risque sanitaire invoquée dans ce courrier étant insuffisante.
La circonstance que les autorités espagnoles aient le 9 mars 2020 interdit tout rassemblement à [Localité 9] de plus de 1 000 personnes, avant d'instaurer un confinement le 15 mars suivant est à ce titre inopérante.
Il sera ajouté qu'a fortiori, un cas de force majeure au sens de l'article 1218 du code civil, n'était pas constitué à cette date, aucun événement échappant au contrôle du débiteur n'empêchant l'exécution de son obligation par ce dernier.
En conséquence, en application de l'article 6 du contrat, l'annulation par le client de la prestation étant intervenue dans un délai inférieur à 15 jours par rapport à la date de l'évènement, aucun remboursement ne pouvait intervenir, le montant du dédit étant égal à 100% du montant de l'évènement.
S'agissant du montant des sommes dues par GHI au titre de ce contrat, le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu que le montant de l'évènement se monte à la somme de 310 500 €. En effet, l'article 8 « Modalités de paiement « mentionne que Soleidad garantit son prix ferme et définitif aux conditions fixées aux articles 1 et 5 et prévoit le versement de cette somme en trois fois, le solde au 14 février. Par ailleurs, les intimées produisent deux annexes 1 (leur pièces 7 et 8) non signées des parties pour des montants différents (551 758 € pour la première et 554 986,90 € pour la seconde) dépourvues de valeur probante. Enfin, les échanges de courriels produits (pièces 43 et 44) faisant notamment état d'un accord sur une chorégraphie et un déjeuner ne permettent de retenir que le montant du contrat s'élevait à la somme de 554 986 € ou même de 551 758 €, étant observé que selon l'attestation du commissaire aux comptes de GHI (pièce 2 de l'appelante), celle-ci s'est acquittée de la somme totale de 362 243 € entre juillet 2019 et février 2020.
Par conséquent, le jugement est confirmé par substitution de motifs sur le droit applicable, en ce qu'il a rejeté les dommages intérêts sollicités par Soleidad au titre de la résolution du contrat par GHI.
Le jugement est de même confirmé en ce qu'il a rejeté, par des motifs adoptés, les demandes de dommages intérêts au titre du solde des prestations impayées sur les contrats de participation des franchisés et au titre sur des créances déclarées par les franchisés au passif de la procédure de sauvegarde puisqu'en effet il résulte de l'article 10.1 de ces contrats,, seules le sommes versées par chacun des franchisés restent acquises à Soleidad et que la délivrance d'avoirs aux franchisés n'engage pas la responsabilité de GHI qui s'est conformé aux dispositions de l'article 6 du contrat la liant à Soleidad.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
GHI dénie l'existence de relations commerciales établies avec Soleidad aux motifs que les parties n'auraient jamais régularisé ni contrat-cadre ni contrat à durée déterminée avec tacite reconduction ni accord exclusif, qui aurait assuré une pérennité et une exclusivité de leur relation et qu'elle aurait travaillé avec d'autres voyagistes que Soleidad.
Elle dit n'avoir pas rompu la relation commerciale avec Soleidad, lui ayant immédiatement proposé d'organiser le report de la Convention, ce dès notification de la résolution du 6 mars 2020, demande réitérée par lettre officielle de son conseil du 19 mars 2020 à laquelle Soleidad n'a pas répondu en se bornant simplement à transmettre un tableau abscons duquel il s'évince qu'en cas de report en 2021, elle et ses franchisés auraient dû payer un surcoût de 244.310 euro, conditions qu'elle ne pouvait accepter au regard du contexte de la résolution du contrat., que Soleidad étant dans l'impossibilité d'organiser un report de la Convention, c'est par sa seule faute que l'organisation du report de la Convention lui a échappé et Soleidad lui a réclamé à le paiement d'un surcout de 244.310 €.
Elle ajoute que durant la période de pandémie, GHI n'a organisé aucun évènement et s'est bornée à prévoir le report de la Convention résolue et que la rupture est d'autant plus justifiée par la force majeure qui est venue s'ajouter aux fautes de Soleidad
Les intimées rétorquent
- Sur l'existence de relations commerciales établies, que depuis 2012, le groupe Guy Hoquet confiait à Soleidad la quasi-intégralité de la gestion évènementielle du groupe, que sur les 4 dernières années, le chiffre d'affaires était en constante augmentation passant de 201.408 € au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2016 à 1.185.781 € au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2019, que la part du chiffre d'affaires de Soleidad réalisée avec GHI était également en augmentation constante témoignant de la dépendance économique à l'égard de cette dernière, et que le taux de marge réalisé par Soleidad sur le chiffre d'affaires réalisé avec le groupe Guy Hoquet, s'établissait au dernier état à 17,77 % ;
- Sur la brutalité de la rupture, que les perspectives annoncées à Soleidad concernant leur relation commerciale étaient particulièrement bonnes et témoignaient d'une véritable relation de confiance, que par courriel du 25 février 2020, soit 7 jours avant la résolution du contrat de voyage de groupe, qui emportera rupture totale et définitive des relations, Guy Hoquet l'Immobilier laissait encore croire à la poursuite de la relation sur 2021, que le 2 mars 2020, alors qu'aucune mesure administrative n'empêchait la réalisation du séminaire, GHI a unilatéralement pris la décision de prononcer la résolution du contrat, décision qui a emporté la rupture totale et définitive de l'ensemble des relations commerciales entretenues avec Soleidad depuis 2012, que GHI n'a accordé aucun délai de préavis à Soleidad d'autant plus qu'à compter de cette date, elle n'a plus enregistré aucune commande et n'a plus réalisé aucun chiffre d'affaires avec GHI, que cette rupture est exclusivement imputable à GHI qui ne peut s'exonérer de sa responsabilité en arguant d'un évènement de force majeure due à l'épidémie de Covid 19 dès lors que la résolution est intervenue le 2 mars 2020 date à laquelle aucune mesure administrative n'interdisait la bonne tenue de la convention de [Localité 9], outre que la résolution ne concernait que le contrat portant sur la convention nationale de [Localité 9] et nous sur la totalité de la relation, que GHI ne peut pas conclure à la responsabilité de Soleidad puisque cette dernière a fait ses meilleurs efforts pour proposer des solutions de report à GHI, allant même jusqu'à renoncer à une partie de sa rémunération.
Réponse de la Cour
L'article L. 442-1, II du code de commerce issu de l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige dispose :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels
(') ».
La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial. L'absence de contrat écrit n'est pas incompatible avec l'existence d'une relation établie.
Contrairement à ce que soutient GHI, les relations commerciales étaient bien établies entre GHI et Soleidad puisqu'en effet, la première confiant régulièrement depuis 2012 à la seconde notamment la charge de concevoir et proposer des prestations sur mesure, de choisir les prestataires, de coordonner leurs interventions et d'assurer la gestion des relations avec l'ensemble des intervenants sur le projet ainsi qu'il résulte de la succession de contrats conclus entre elles, et que la part du chiffre d'affaires de Soleidad réalisée avec GHI était en constante augmentation, démontrant le caractère suivi, stable et habituel de ces relations commerciales.
L'absence de contrat-cadre ou de contrat à durée déterminée avec tacite reconduction ou accord exclusif invoquées par GHI est à cet égard inopérante, l'existence d'un flux constant d'affaires étant suffisante et aucune exclusivité n'étant requise.
En revanche, s'agissant de la brutalité alléguée de la rupture, la Cour considère, contrairement aux premiers juges, que l'existence de pourparlers en vue du report de l'évènement exclut toute brutalité, eu égard aux éléments de contexte spécifiques à l'espèce, la rupture étant le résultat de l'échec des négociations, étant observé que GHI n'a pu organiser de nouveaux événements pendant la période de pandémie.
En effet, dès le 6 mars 2020, jour de résolution du contrat, GHI a proposé à Soleidad d'organiser le report de sa Convention, proposition réitérée par lettre officielle de son conseil du 19 mars 2020.
La circonstance que les négociations aient achoppé du fait de l'important surcoût demandé par Soleidad ne permet pas de retenir la mauvaise foi de GHI dans les négociations et les demandes de dommages intérêts présentées à titre subsidiaire par les intimées sont rejetées, le jugement étant confirmé de ce chef.
Le jugement est infirmé en ce qu'il porte condamnation de GHI à payer des dommages intérêts en réparation de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies avec Soleidad.
Les intimées sont déboutées de leurs demandes à ce titre.
Sur les autres demandes
Soleidad qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et les intimées sont déboutées de leur demande au titre des frais irrépétibles, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné GHI à verser à Soleidad la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Soleidas est condamnée à verser à GHI la somme de 5 000 € sur ce fondement.
L'arrêt de la cour en ses dispositions infirmatives constituant un titre de restitution des fonds, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées de ce chef par GHI.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises, sauf en ce qu'il déboute la société Soleidad de ses demandes relatives à des dommages et intérêts liées à une rupture sans motif légitime ou au manquement de son obligation de bonne foi au cours des négociations de report, de la part de la société Guy Hoquet l'Immobilier ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Déboute la société Soleidad, la Selarl AJ Partenaires en sa qualité d'administrateur judiciaire de Soleidad représentée par Me [X] [R] et en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ainsi que la Selarl [B] en sa qualité de mandataire judiciaire de Soleidad de leur demande de dommages intérêts fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies, de leur demande de condamnation de GHI aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Soleidad, aux dépens et à verser à la société GHI la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.