CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 septembre 2024, n° 22/05431
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Lohr Service (SAS), Lohr Immobilier (SAS), Lohr Industrie (SAS), Schneebichler Driving Innovation GmbH
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohée
Avocats :
Me Meynard, Me Delahaie-Roth, Me Schwab, Me Geneste, Me Gendron
Le groupe LOHR se présente comme spécialisé depuis plus de 50 ans dans la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes de transports de biens et de personnes, et en particulier de véhicules porte-voitures, marché sur lequel il revendique la position de leader. Les véhicules porte-voitures sont conçus et fabriqués par la société LOHR INDUSTRIE qui détient les droits de propriété industrielle y afférents.
La société LOHR IMMOBILIER est titulaire des marques « LOHR » utilisées par les filiales du groupe LOHR.
La société LOHR SERVICE assure le service après-vente, notamment la vente de pièces de rechange et de maintenance des porte-voitures fabriqués par la société LOHR INDUSTRIE.
La société de droit autrichien SCHNEEBICHLER DRIVING INNOVATION (ci-après, la société SCHNEEBICHLER) se présente comme une entreprise familiale spécialisée dans la fabrication et l'entretien de composants et de pièces de rechange pour transporteurs automobiles.
Par acte d'huissier du 17 avril 2018, les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE ont fait assigner la société SCHEEBICHLER devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques, de dessins et modèles et de droits d'auteur, ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 24 janvier 2020, ce tribunal ' devenu tribunal judiciaire de Paris ' a notamment :
dit que la société SCHNEEBICHLER, en distribuant et commercialisant des pièces détachées sous le signe verbal LOHR, s'est rendue coupable de contrefaçon par reproduction des marques n° 3757121 et n° 2751014 et de contrefaçon par imitation des marques n° 1263278, n° 4255266 et n° 1320946 au préjudice de la société LOHR IMMOBILIER,
dit que la société SCHNEEBICHLER, en distribuant et commercialisant des cales de roue reproduisant les caractéristiques du modèle français n° 997982 du 23.12.1999 s'est rendue coupable de contrefaçon de dessin et modèle enregistré au préjudice de la société LOHR INDUSTRIE,
dit que la société SCHNEEBICHLER a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société LOHR SERVICE,
fait interdiction à la société SCHNEEBICHLER, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois, d'utiliser le terme LOHR à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites Internet détenus par la défenderesse ou des membres de son réseau de distribution,
condamné la société SCHNEEBICHLER à verser :
à la société LOHR IMMOBILIER, la somme de 50.000 euros à titre de réparation pour les faits de contrefaçon des marques LOHR précitées (atteinte à la valeur patrimoniale des titres),
à la société LOHR IMMOBILIER, la somme provisionnelle de 80.000 euros au titre du préjudice économique résultant des faits de contrefaçon des marques LOHR précitées,
à la société LOHR INDUSTRIE, la somme de 8.000 euros en réparation des actes de contrefaçon de modèle enregistré,
condamné la société SCHNEEBICHLER à verser à la société LOHR SERVICE, la somme de 100.000 euros en réparation pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire,
ordonné à la société SCHNEEBICHLER de communiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la signification du jugement et pendant une durée de 3 mois, un état des ventes des produits référencés LOHR sur sa documentation commerciale (catalogue et internet) au titre des années 2016 et 2017, et un document attestant du chiffre d'affaires et de la marge brute réalisés sur chacun de ces produits, ces documents devant être certifiés conformes par un commissaire aux comptes,
renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique résultant des actes de contrefaçon, et à défaut par voie d'assignation,
rejeté les demandes fondées sur le préjudice moral,
ordonné la destruction de l'ensemble des catalogues papier portant les mentions jugées contrefaisantes,
ordonné la modification du site Internet exploité à l'adresse www.schneebichler.com,
dit se réserver la liquidation des astreintes prononcées,
condamné la société SCHNEEBICHLER à payer à chacune des trois sociétés LOHR la somme de 10.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société SCHNEEBICHLER aux dépens, en ce non inclus les frais de constat exposés,
ordonné l'exécution provisoire à l'exclusion des mesures de destruction.
La société SCHNEEBICHLER a interjeté appel de ce jugement le 4 mars 2020.
Par ordonnance du 7 octobre 2020, le Premier président de la cour d'appel de Paris a :
rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 24 janvier 2020 du tribunal judiciaire de Paris ;
condamné la société SCHNEEBICHLER à verser aux sociétés LOHR INDUSTRIE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société SCHNEEBICHLER aux dépens.
Par exploit d'huissier du 30 novembre 2020, les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE (ci-après, les sociétés LOHR) ont fait assigner la société SCHNEEBICHLER devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de liquidation des astreintes prononcées par le jugement du 24 janvier 2020.
Par ordonnance sur incident du 7 mai 2021, le juge de la mise en état a :
débouté la société SCHNEEBICHLER de sa demande de sursis à statuer,
condamné la société SCHNEEBICHLER à verser aux sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE la somme de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,
réservé les dépens.
Par arrêt du 14 janvier 2022, la cour d'appel de Paris (chambre 5-2) a confirmé pour l'essentiel le jugement du 24 janvier 2020, l'infirmant notamment :
en ce qu'il s'est prononcé sur la contrefaçon de la marque internationale n° 1320946 au titre de laquelle il s'était [à juste raison] déclaré incompétent,
en ce qu'il a jugé que la société SCHNEEBICHLER s'était rendue coupable d'acte de contrefaçon de modèle enregistré [la société LOHR INDUSTRIE est déboutée de ce chef],
en ses dispositions relatives à la réparation du préjudice résultant de la contrefaçon des marques de la société LOHR IMMOBILIER, la cour condamnant la société SCHNEEBICHLER à payer à cette dernière, au titre de la contrefaçon de ses marques, les sommes de 300 000 € au titre des conséquences négatives de la contrefaçon, 60 000 € au titre de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale des marques et 30 000 € au titre du préjudice moral.
C'est dans ce contexte que, par jugement rendu le 18 février 2022, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris, appelé à se prononcer sur la liquidation des astreintes, a :
débouté les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE de l'intégralité de leurs demandes,
débouté la société SCHNEEBICHLER de sa demande reconventionnelle,
condamné les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE à payer ensemble à la société SCHNEEBICHLER la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE aux dépens,
rappelé que sa décision était exécutoire de droit à titre provisoire.
Les sociétés LOHR ont interjeté appel de ce jugement le 14 mars 2022.
Le 15 juin 2022, la société SCHNEEBICHLER a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (chambre 5-2).
Par une ordonnance d'incident rendue le 17 janvier 2023, la conseillère de la mise en état de cette chambre (5-1) a :
rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la société SCHNEEBICHLER [dans l'attente de l'arrêt à venir de la Cour de cassation],
débouté les parties de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
réservé les dépens de l'incident.
Dans leurs dernières conclusions, numérotées 5 et transmises le 26 janvier 2024, les sociétés LOHR, appelantes et intimées incidentes, demandent à la cour de :
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris 18 février 2022
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 24 janvier 2020
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 janvier 2022
Vu les articles L. 131-1 et L131-4 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu le considérant 32 et les articles 130, 126 (1) (a) et 125 (4) (b) du Règlement sur les marques de l'Union européenne,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
Sur l'appel principal :
infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 18 février 2022 en ce qu'il a :
débouté les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE de l'intégralité de leurs demandes ;
condamné les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE à payer ensemble à la société SCHNEEBICHLER la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE aux dépens ;
rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;
statuant à nouveau :
déclarer la demande des sociétés LOHR IMMOBILIER, LOHR INDUSTRIE et LOHR SERVICE, régulière, recevable et bien fondée ;
liquider les astreintes provisoires prononcées par le tribunal judiciaire de Paris le 24 janvier 2020 contre la société SCHNEEBICHLER à la somme de 33 500,-€ ;
reconduire l'astreinte provisoire portant sur l'interdiction d'utiliser le terme « LOHR » prononcée par le tribunal judiciaire de Paris le 24 janvier 2020 et confirmée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 14 janvier 2022 contre la société SCHNEEBICHLER ;
condamner la société SCHNEEBICHLER à payer en conséquence la somme de 234 600,- €, somme à parfaire au jour de l'arrêt, aux sociétés LOHR IMMOBILIER, LOHR INDUSTRIE, LOHR SERVICE, à charge pour elles de se répartir cette somme, lesdits montants portant intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
condamner la société SCHNEEBICHLER à verser une astreinte définitive de 500 € par jour de retard et pour une durée de 6 mois à compter du jour de son prononcé ;
Sur l'appel incident interjeté par SCHNEEBICHLER :
déclarer irrecevables les demandes nouvelles de suppression sous astreinte de la société SCHNEEBICHLER ;
déclarer infondé l'appel incident interjeté par la société SCHNEEBICHLER ;
en conséquence :
débouter la société SCHNEEBICHLER de toutes ses demandes ;
En tout état de cause :
condamner la société SCHNEEBICHLER à payer aux sociétés LOHR IMMOBILIER, LOHR INDUSTRIE, LOHR SERVICE, une somme de 12 000 € chacune soit un total de 36 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société SCHNEEBICHLER au paiement des entiers frais et dépens de la procédure.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 4 et transmises le 25 janvier 2024, la société SCHNEEBICHLER, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Vu les articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article 567 du code de procédure civile,
Vu les articles 14, 15, 124 à 126 du Règlement (UE) n°2017/1001 sur la marque de l'Union européenne,
Vu les articles 26 (1) du Règlement (UE) n°1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,
Vu l'article 41 alinéa 4 et alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1881,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 24 janvier 2020 (N° RG 18/04732)
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 18 février 2022 (N°RG 20/12267)
recevoir la société SCHNEEBICHLER en son appel incident,
infirmer partiellement le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
condamner les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE à verser à la société SCHNEEBICHLER la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice résultant de ses imputations diffamatoires dans leur assignation du 30 novembre 2020, leurs conclusions d'appel signifiées le 13 juin 2022 et le 5 décembre 2022,
ordonner aux sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER ET LOHR INDUSTRIE, dans le délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de supprimer les imputations diffamatoires de leurs écritures sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
En tout état de cause,
rejeter la pièce 38 des sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE,
débouter les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE de l'ensemble de leurs demandes,
condamner les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE à verser à la société SCHNEEBICHLER la somme de 35.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2 H AVOCATS, en la personne de Me Audrey SCHWAB, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2023.
Dans un arrêt rendu le 15 mai 2024, communiqué par les parties en cours de délibéré, comme elles y avaient été invitées par la cour, la Cour de cassation a partiellement cassé, sans renvoi, l'arrêt rendu par la cour d'appel le 14 janvier 2022 en ces termes : « Casse et annule, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il interdit à la société Schneebichler Driving Innovation Gmbh de faire usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, du signe 'Lohr' pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire des marques 'Lohr', en particulier lorsque l'usage de ces marques est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, l'arrêt rendu le 14 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ».
MOTIFS DE LA DECISION,
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la demande de rejet des débats de la pièce 38 des sociétés LOHR
La société SCHNEEBICHLER fait valoir que la pièce 38 des sociétés LOHR, intitulée par les appelantes "Devis émis par la société SCHNEEBICHLER comprenant des pièces portant les références LOHR et extrait du catalogue LOHR" est partiellement rédigée en allemand et en lituanien sans avoir fait l'objet d'une traduction en français, de sorte qu'elle sera rejetée.
Les sociétés LOHR ne répondent pas précisément sur ce point.
L'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, qui impose que les pièces de procédure soient libellées en langue française, de même que la loi dite 'loi Toubon', ne visent pas les pièces soumises au juge comme éléments de preuve et il appartient à celui-ci, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier s'il convient d'écarter un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française.
En l'espèce, la pièce 38 des appelantes est un document rédigé en langue allemande censé démontrer que la société SCHNEEBICHLER utilise la référence « OEM » de la société LOHR, ce que la cour est en mesure d'apprécier nonobstant l'absence de traduction, et ce document émane de la société SCHNEEBICHLER elle-même, de sorte que cette société de droit autrichien ne peut soutenir qu'elle n'en comprend pas le sens.
Il n'y a donc pas lieu d'écarter la pièce 38 des appelantes. La demande de la société SCHNEEBICHLER sera rejetée.
Sur la demande des sociétés LOHR de liquidation des astreintes provisoires prononcées par le jugement du 24 janvier 2020
Les sociétés LOHR soutiennent que la société SCHNEEBICHLER est totalement défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe concernant l'exécution des mesures d'interdiction et de communication ; qu'en ce qui concerne la mesure d'interdiction, l'unique modification entreprise par SCHNEEBICHLER concerne son seul site internet accessible à l'adresse www.schneebichler.com et, à ce titre, la suppression de la mention de la marque « LOHR » sur les seules pages traduites en langue française ; que SCHNEEBICHLER ne démontre pas avoir modifié, dans le délai imparti, son catalogue papier qui contenait sur les 152 premières pages et ensuite en en-tête de chaque page, le terme « LOHR » ; qu'en ce qui concerne sa documentation commerciale, le mail du 11 mars 2020 ne peut suffire à justifier de l'absence d'utilisation de la marque « LOHR » pour l'ensemble de sa documentation commerciale, outre que SCHNEEBICHLER explique à ses clients et prospects qu'elle fait une « manipulation » et leur donne le mode d'emploi de la lecture des marques qu'elle prétend faussement distribuer ; qu'en ce qui concerne le site internet, seules les pages françaises du site internet de l'intimée ont été modifiées et en juin 2021, la marque « LOHR » apparaissait toujours sur les versions en langues étrangères du site ; que le jugement a ordonné la modification du site www.schneebichler.com et non des pages françaises du site ; qu'enfin, SCHNEEBICHLER n'a procédé à aucune modification des sites des membres de son réseau de distribution, laissant penser que les distributeurs membres du réseau exclusif de la société SCHNEEBICHLER vendent des produits de marques « LOHR » ; qu'en ce qui concerne la mesure de communication, l'injonction n'a jamais été exécutée ; qu'en effet, le document communiqué par le conseil de la société SCHNEEBICHLER n'a pas été certifié par un commissaire aux comptes ; que le document transmis consiste en un tableau Excel, de données non certifiées, suite à un retraitement des logiciels d'exploitation de la société SCHNEEBICHLER opéré par son gérant et mise en forme dans un document établi par l'expert-comptable de la société, de sorte que les informations contenues ne présentent aucune fiabilité ; qu'en outre, le calcul de la marge brute se base des informations recueillies sur internet ; qu'enfin, les documents transmis ne concernent que le territoire français.
Subsidiairement, les sociétés LOHR soutiennent que l'étendue géographique des condamnations prononcées par le jugement est bien la totalité du territoire de l'Union Européenne ; que la compétence du tribunal judiciaire de Paris n'a jamais été contestée par l'intimée, qui a soulevé par pure opportunité et pour la première fois devant le juge de l'astreinte puis devant la cour de céans sur le fond du litige, la question de la compétence rationae loci de façon biaisée, en considérant que les sociétés LOHR auraient saisi le tribunal sur le territoire duquel les faits de contrefaçon auraient été commis (article 125 § 5 du règlement (UE) 2017/1001) ; qu'en outre, il ressort du règlement lui-même qu'une décision rendue par une juridiction d'un Etat membre statuant sur des actes de contrefaçon d'une marque de l'Union Européenne, a vocation à produire des effets sur tout le territoire de l'Union (cf. considérant 32 et article 126 (1) a) ; que si le tribunal entendait limiter la portée territoriale de l'interdiction d'usage, il lui appartenait de nommer les Etats membres exclus ; qu'il n'a jamais été soutenu par les sociétés LOHR, dans leur dispositif, qu'elles entendaient fonder la compétence du tribunal judiciaire de Paris sur l'article 125(5) du règlement (qui consacre la compétence du lieu du dommage), ce qui aurait été du reste en contradiction avec leurs demandes qui portaient sur l'indemnisation du préjudice subi sur l'entier territoire de l'Union ; qu'en tout état de cause, la question de la compétence internationale constituant une exception de procédure et non une fin de non-recevoir, il appartenait à SCHNEEBICHLER de soulever l'incompétence du tribunal judiciaire de Paris in limine litis, ce qu'elle n'a pas fait ; que SCHNEEBICHLER a tacitement accepté la compétence du tribunal judiciaire de Paris conformément aux règles exposées à l'article 125(4) du règlement ; que le tribunal, en jugeant que les mesures d'interdiction d'utilisation de la marque « LOHR » se limitaient au seul territoire français, a violé les articles 125(4)b et 126(1)a du Règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne ; que le jugement de première instance du 24 janvier 2020 a bien prononcé des condamnations portant sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne conformément au dispositif des demandes des sociétés LOHR.
La société SCHNEEBICHLER répond que comme l'a jugé le tribunal, le périmètre géographique des mesures prononcées au fond par le jugement du 24 janvier 2020 se limite au seul territoire français ; qu'en réalité, l'argumentation des sociétés LOHR sur la portée géographique des mesures ordonnées par le jugement du 24 janvier 2020 est née postérieurement à l'assignation et qu'elles l'ont développé ex post dans le but de tirer profit du fait que la condamnation de SCHNEEBICHLER n'était assortie d'aucune précision territoriale ; que le défaut de pouvoir juridictionnel d'une juridiction ne constitue pas une exception d'incompétence mais une fin de non-recevoir et qu'elle est donc recevable à la soulever ; que s'agissant de l'exécution des mesures, elle n'utilise plus, au moins depuis mars 2020, le terme « LOHR » à titre de marque sur ses supports de communication ; que s'agissant des mesures de communication, elle s'est également conformée aux mesures ordonnées par le tribunal ; que les sociétés LOHR doivent donc être déboutées de leur demande en liquidation des astreintes provisoires et de fixation d'une astreinte définitive.
Sur l'étendue géographique des mesures ordonnées sous astreinte
Aux termes de l'article 125, intitulé « Compétence internationale » du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (RMUE), « 1. Sous réserve des dispositions du présent règlement ainsi que des dispositions du règlement (UE) n° 1215/2012 applicables en vertu de l'article 122, les procédures résultant des actions et demandes visées à l'article 124 [essentiellement les actions en contrefaçon de marques de l'UE et les demandes reconventionnelles en nullité et déchéance de telles marques] sont portées devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile ou, si celui-ci n'est pas domicilié dans l'un des États membres, de l'État membre sur le territoire duquel il a un établissement.
2. Si le défendeur n'a ni son domicile, ni un établissement sur le territoire d'un État membre, ces procédures sont portées devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le demandeur a son domicile ou, si ce dernier n'est pas domicilié dans l'un des États membres, de l'État membre sur le territoire duquel il a un établissement.
3. Si ni le défendeur, ni le demandeur ne sont ainsi domiciliés ou n'ont un tel établissement, ces procédures sont portées devant les tribunaux de l'État membre dans lequel l'Office a son siège.
4. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 :
(a) l'article 25 du règlement (UE) n° 1215/2012 est applicable si les parties conviennent qu'un autre tribunal des marques de l'Union européenne est compétent ;
(b) l'article 26 du règlement (UE) n° 1215/2012 est applicable si le défendeur comparaît devant un autre tribunal des marques de l'Union européenne.
5. Les procédures résultant des actions et demandes visées à l'article 124, à l'exception des actions en déclaration de non-contrefaçon d'une marque de l'Union européenne, peuvent également être portées devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ou menace d'être commis ou sur le territoire duquel un fait visé à l'article 11, paragraphe 2 a été commis ».
L'article 126 du même règlement, intitulé « Etendue de la compétence » prévoit : « 1. Un tribunal des marques de l'Union européenne dont la compétence est fondée sur l'article 125, paragraphes 1 à 4, est compétent pour statuer sur :
a) les faits de contrefaçon commis ou menaçant d'être commis sur le territoire de tout État membre ;
b) les faits visés à l'article 11, paragraphe 2 commis sur le territoire de tout État membre.
2. Un tribunal des marques de l'Union européenne dont la compétence est fondée sur l'article 125, paragraphe 5, est compétent uniquement pour statuer sur les faits commis ou menaçant d'être commis sur le territoire de l'État membre dans lequel est situé ce tribunal ».
Et l'article 26 § 1 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose que « Outre les cas où sa compétence résulte d'autres dispositions du présent règlement, la juridiction d'un État membre devant laquelle le défendeur comparaît est compétente. Cette règle n'est pas applicable si la comparution a pour objet de contester la compétence ou s'il existe une autre juridiction exclusivement compétente en vertu de l'article 24 ».
Il sera précisé que pour débouter les sociétés LOHR de leur demande de liquidation des astreintes prononcées par le jugement rendu le 24 janvier 2020, le tribunal a retenu notamment que sa compétence étant au cas présent fondée sur le lieu de la commission des faits de contrefaçon au sens de l'article 125 § 5 du règlement n° 2017/1001, il n'était compétent que pour statuer sur les faits commis sur le territoire français conformément à l'article 126 § 2 du même règlement ; qu'ainsi, la mesure d'interdiction prononcée par le tribunal était nécessairement limitée au territoire français et ne s'étendait pas à l'ensemble du territoire européen ; qu'au vu des éléments de preuve apportés par la société SCHNEEBICHLER, aucun défaut d'exécution ne pouvait lui être reproché, l'argumentation selon laquelle les mesures d'interdiction et de communication sous astreinte n'avaient pas été exécutées sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne étant inopérante.
C'est à juste raison que les sociétés LOHR soutiennent que rien ne justifiait cependant que les premiers juges décident que leur compétence était fondée sur le lieu de la commission des faits de contrefaçon au sens de l'article 125 § 5 du règlement précité.
En effet, la lecture du jugement du 24 janvier 2020 ayant prononcé les astreintes dont la liquidation est demandée révèle que les sociétés demanderesses reprochaient à la société SCHNEEBICHLER de faire usage des marques LOHR et d'offrir à la vente « sur l'ensemble du territoire européen et en particulier en France » les pièces présentes au catalogue LOHR SERVICE (page 4), sollicitant la communication sous astreinte de documents comptables concernant notamment le chiffre d'affaires, les bénéfices et marges réalisés par la société SCHNEEBICHLER et les chiffres des quantités produites « sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne » (page 7), aucun débat ne s'étant élevé sur la compétence du tribunal pour connaître des faits allégués « sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne » - cette défense ayant été présentée pour la première fois par la société SCHNEEBICHLER devant cette cour saisie de l'appel sur le fond de l'affaire.
En outre, le tribunal, comme il a été rappelé supra, a fait notamment interdiction à la société SCHNEEBICHLER, sous astreinte, d'utiliser le terme LOHR à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites Internet détenus par la défenderesse ou des membres de son réseau de distribution
1: souligné par la cour.
, alors qu'il n'est pas contesté, et établi par la pièce 31 des appelantes, que le réseau de la société autrichienne se déploie dans plusieurs pays de l'UE en dehors de la France (Autriche, Italie, Portugal, Roumanie, Espagne, République Tchèque, Lituanie, Pologne, Slovénie).
Cette cour (chambre 5-2) a jugé, dans son arrêt du 14 janvier 2022 ayant notamment confirmé les dispositions du jugement relatives aux mesures d'interdiction et de communication prononcées sous astreintes, que les actes de contrefaçon retenus à l'encontre de la société SCHNEEBICHLER portent, en particulier, sur la marque verbale de l'Union européenne « LOHR » n° 2751014 dont la protection s'étend à l'ensemble du territoire de l'Union européenne, que selon les dispositions de l'article 126 du règlement 2017/1001, un tribunal des marques de l'Union européenne dont la compétence est fondée sur l'article 125 § 1 à 4, est compétent pour statuer sur les faits de contrefaçon commis ou menaçant d'être commis sur le territoire de tout Etat membre et que l'article 125 § 4 dit applicable l'article 26 précité du règlement n° 1215/2012 selon lequel « la juridiction d'un État membre devant laquelle le défendeur comparaît est compétente » sauf si la comparution a pour objet de contester la compétence. La société SCHNEEBICHLER ayant comparu devant le tribunal judiciaire de Paris, tribunal des marques de l'Union européenne, sans contester la compétence de cette juridiction, la cour d'appel a jugé que cette juridiction était compétente, s'agissant de la marque de l'Union européenne, pour statuer sur les faits de contrefaçon commis sur l'ensemble de l'Union européenne. L'arrêt de la cour d'appel n'a pas été, sur ce point, atteint par la cassation partielle prononcée par la Cour de cassation dans son arrêt du 15 mai 2024, le moyen soulevé à ce titre par la société SCHNEEBICHLER ayant été rejeté.
Il s'infère de ce qui précède que l'exécution ou la non-exécution des mesures ordonnées par le tribunal sous astreinte doit être appréciée sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.
Sur l'exécution ou l'inexécution des mesures d'interdiction et de communication de pièces comptables
Il est constant que le jugement du 24 janvier 2020 ayant été signifié à la société SCHNEEBICHLER le 28 février 2020, le délai imparti par le tribunal à cette société pour exécuter la mesure d'interdiction et la mesure de communication de pièces comptables expirait le 28 avril 2020.
En ce qui concerne l'interdiction faite à la société SCHNEEBICHLER
Comme les premiers juges l'ont relevé, la société SCHNEEBICHLER justifie, par un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 31 mars 2020, soit un mois avant l'expiration du délai imparti par le tribunal, que le terme LOHR n'apparaît plus à cette date sur son site internet www.schneebichler.com dans la mesure où lorsque l'huissier instrumentaire effectue une recherche générale, puis des recherches par catégories de produits, ses requêtes n'aboutissent à aucun résultat dans la version du site en langue française (sa pièce 15).
La société SCHNEEBICHLER produit également ses supports de communication papier en langue française de l'année 2020 dont l'examen, auquel s'est livrée la cour, après le tribunal, ne révèle pas de mention du terme LOHR (pièce 19). Dans un courriel du 11 mars 2020, la société SCHNEEBICHLER a d'ailleurs annoncé le remplacement dans sa documentation du terme LOHR par le terme FR, expliquant à ses clients et prospects qu'« un tribunal français de Paris a donné raison à Lohr dans une affaire de concurrence et nous retirons le nom de Lohr de nos documents » (pièce LOHR 15.1).
La société SCHNEEBICHLER produit par ailleurs des copies d'écran, faisant apparaître la date du 3 mai 2020, de son site en langues anglaise, espagnole et italienne, indiquant que des recherches à partir du mot LOHR n'aboutissent à aucun résultat (pièce 16). Elle produit encore deux copies d'écran, faisant apparaître les dates du 30 août 2021, du 9 mars 2022 et du 10 décembre 2023, de la version allemande de son site internet montrant qu'une recherche à partir du mot-clé LOHR ne donne à ces dates aucun résultat (pièce 17, 18 et 28).
Les sociétés LOHR, de leur côté, versent au débat des pages extraites du catalogue papier du catalogue SCHNEEBICHLER et du site internet de cette dernière, faisant apparaître la date du 13 août 2020 et portant la mention « Lohr » en tout petits caractères et en bas des pages (leur pièce 14). Mais, comme le relève la société SCHNEEBICHLER, cette mention s'inscrit dans une phrase rédigée en plusieurs langues signifiant « produit/pièce de rechange fabriquée par Schneebichler Driving Innovation GmbH et compatible avec les produits Rolfo®, Kassbohrer® et Lohr® », ce qui correspond aux conditions de l'exception fondée sur la référence nécessaire prévue par l'article L. 713-6, I, 3° du code de la propriété intellectuelle, selon lequel « Une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (') 3° De la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée », ce texte étant visé dans l'arrêt de la Cour de cassation dans son motif de cassation partielle par voie de retranchement. Cet élément ne sera donc pas retenu à charge contre la société SCHNEEBICHLER.
Les sociétés LOHR se prévalent aussi du mail précité du 11 mars 2020 par lequel la société SCHNEEBICHLER a annoncé à ses clients et prospects le remplacement dans sa documentation du terme LOHR par le terme FR, expliquant à ses destinataires qu'« un tribunal français de Paris a donné raison à Lohr dans une affaire de concurrence et nous retirons le nom de Lohr de nos documents » et ajoutant « Nous avons remplacé Lohr par 'FR' dans notre documentation et pouvons continuer à fournir le service et les pièces de rechange ! », ce qui ne démontre pas toutefois que sa documentation destinée à ses clients et prospects a continué à mentionner le terme LOHR, en dehors de la mention écrite en tout petits caractères et en bas de page : « produit/pièce de rechange fabriquée par Schneebichler Driving Innovation GmbH et compatible avec les produits Rolfo®, Kassbohrer® et Lohr® », qui ne peut être considérée comme fautive, comme il vient d'être indiqué.
Les appelantes fournissent en outre une page de la version allemande du site de la société SCHNEEBICHLER (leur pièce 25). Cependant, cette pièce, peu lisible, ne fait pas apparaître le terme LOHR sur le site lui-même mais seulement dans la barre de recherche du dit site.
Les appelantes soutiennent encore que la marque LOHR figure toujours sur le site des membres du réseau de distribution SCHNEEBICHLER et fournissent à cet égard une pièce 26 qui est une page du site internet d'une société espagnole HCS, laquelle fait partie du réseau SCHNEEBICHLER au vu de la pièce 31 des appelantes. Mais ces pages, non datées, ne peuvent être considérées comme probantes. N'est pas plus probant le montage proposé par les sociétés appelantes, à défaut de constat d'huissier, consistant à placer devant un écran d'ordinateur affichant une page illisible du site de la société HCS, ne faisant apparaître le mot LOHR que dans la barre de recherches, leurs écritures signifiées le 8 septembre 2022 afin de tenter de dater la page litigieuse (dernière page de leur pièce 26).
Enfin, entre dans le cadre de l'exception fondée sur la référence nécessaire prévue par l'article L. 713-6, I, 3° du code de la propriété intellectuelle précité, la mention figurant sur le site de la société espagnole HCS : « Notre gamme de produits couvre plus de 5 000 produits des principaux constructeurs de porte-véhicules : Lohr (')» (pièce 39 des appelantes), qui ne peut donc être considérée comme fautive.
En définitive, il résulte des développements qui précèdent que l'inexécution par la société SCHNEEBICHLER de son obligation de s'abstenir, sous astreinte, d'utiliser le terme LOHR à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites Internet détenus par la défenderesse ou des membres de son réseau de distribution, ne peut être tenue pour établie.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés LOHR de leur demande de liquidation de l'astreinte à ce titre.
En ce qui concerne la communication des pièces comptables
Contrairement à ce qu'affirment la société SCHNEEBICHLER, la cour d'appel, même si elle a fixé de manière définitive le montant des condamnations afférentes au préjudice économique des sociétés LOHR, n'a pas pour autant infirmé le jugement en ce qu'il a ordonné la mesure de communication de pièces comptables, qui faisait obligation à la société défenderesse de fournir des pièces comptables certifiées conformes par un commissaire aux comptes, dans un délai de deux mois.
Il est constant qu'en exécution du jugement, la société SCHNEEBICHLER a communiqué aux sociétés LOHR, par courrier officiel du 14 avril 2020, selon la traduction proposée, un « rapport sur l'examen indépendant de la représentation de la les (sic) facteurs de réussite commerciale « ventes » et « marge brute » concernant les produits « LOHR » (partie de la marchandise) depuis les années 2016 et 2017 » établi par un « wirtschaftsprüfer ». Si, au vu de la pièce 22 de l'intimée (extrait du site internet de la Commission européenne), le terme « wirtschaftsprüfer » désigne bien un commissaire aux comptes, et si les éléments communiqués concernent, comme ordonné par le tribunal, les quantités vendues, le chiffre d'affaires réalisé et la marge brute, il reste que les pièces comptables fournies ne concernent que les ventes réalisées sur le territoire français (page 32 du rapport), comme l'admet la société SCHNEEBICHLER (page 28 de ses écritures).
Dans ces conditions, il sera retenu que la société SCHNEEBICHLER n'a pas exécuté l'obligation de communication prononcée par le tribunal.
Sur le montant de l'astreinte à liquider
Les sociétés LOHR soutiennent que le montant de l'astreinte ne saurait être minoré eu égard à la résistance purement dilatoire de l'intimée à s'exécuter ; que le montant total de l'astreinte s'élève à 9 100 euros pour ce qui concerne la communication des documents comptables relatifs à la vente de produits portant la marque LOHR.
La société SCHNEEBICHLER fait valoir qu'elle n'utilise plus, au moins depuis mars 2020, le terme LOHR à titre de marque sur ses supports de communication et qu'il convient dès lors de débouter les sociétés LOHR de leur demande en liquidation de l'astreinte provisoire et de fixation d'une astreinte définitive ; que la demande de reconduction de l'astreinte est mal fondée.
Aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, « Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ».
Le comportement du débiteur doit être apprécié à compter de la décision prononçant l'injonction. Le juge peut prononcer la liquidation de l'astreinte en présence d'une exécution imparfaite ou en présence d'une exécution en dehors des délais impartis. Le juge dispose d'un pouvoir souverain pour liquider l'astreinte prononcée en fonction des circonstances.
Au regard du fait que la question de la portée géographique des mesures ordonnées par le tribunal était une question sérieuse sur laquelle la société SCHNEEBICHLER a pu se méprendre et de l'exécution partielle de l'obligation de communiquer, l'astreinte prononcée par le tribunal ' 100 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la signification du jugement, pendant une durée de 3 mois ' sera liquidée à la somme de 5 000 €.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les demandes des sociétés LOHR de reconduction de l'astreinte relative à la mesure d'interdiction d'utiliser le terme LOHR et de fixation d'une astreinte définitive concernant cette interdiction
Les sociétés LOHR soutiennent que compte tenu de l'attitude déloyale de la société SCHNEEBICHLER qui se refuse depuis plus de deux ans à s'exécuter et qui n'a toujours pas exécuté l'injonction relative à l'interdiction d'utiliser le terme LOHR à titre de marque, l'astreinte y attachée doit être reconduite jusqu'au jour de la décision à venir, de sorte qu'elle doit être condamnée à leur payer la somme de 234 600 € (1 173 jours depuis l'entrée en vigueur de l'astreinte). Elles ajoutent que compte tenu de l'attitude de la société SCHNEEBICHLER, de particulière mauvaise foi, consistant à ne pas respecter l'autorité de la chose jugée, critiquer par voie de communication électronique à ses clients et prospects les décisions de justice, et n'exécuter que par la contrainte les décisions de justice, il est nécessaire, pour assurer l'exécution du jugement de première instance confirmé par la cour de céans, de l'assortir désormais d'une astreinte définitive de 500 € par jour de retard à compter de son prononcé.
La société SCHNEEBICHLER répond que cette demande, nullement justifiée, doit être rejetée, soulignant que la mesure de communication n'a plus d'objet depuis l'arrêt de la cour d'appel du 14 janvier 2022.
Eu égard à l'étendue limitée de la seule inexécution retenue, relative à la communication d'éléments comptables ne concernant que les ventes réalisées sur le territoire français, et au fait, souligné par l'intimée, que la mesure de communication ordonnée par le tribunal est devenue sans objet depuis l'arrêt de la cour d'appel ' non atteint sur ce point par la cassation partielle intervenue ', qui a fixé de manière définitive le préjudice économique des sociétés LOHR, les mesures de reconduction de l'astreinte et de fixation d'une astreinte définitive sollicitées en appel par ces dernières sont disproportionnées et seront rejetées.
Sur les demandes de la société SCHNEEBICHLER au titre des imputations diffamatoires contenues dans les conclusions adverses
La société SCHNEEBICHLER fait valoir que les parties ne sont pas libres de se diffamer et de s'injurier lors d'un procès ; qu'en prétendant qu'"Il est manifeste que les chiffres communiqués dans ce rapport ont été manipulés par la défenderesse et ne reflètent pas la réalité de la situation", sans produire aucun commencement de preuve, les appelantes se sont livrées à des imputations diffamatoires qui portent gravement atteinte à son honorabilité et justifient qu'il leur soit enjoint, sous astreinte, de supprimer les passages litigieux de leurs conclusions et qu'elles soient condamnées à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts. Elle ajoute que la demande d'injonction sollicitée ne constitue pas une demande nouvelle en appel dès lors que, comme le prévoit l'article 567 du code de procédure civile, elle se rattache à la demande principale par un lien suffisant, lequel est caractérisé puisque c'est dans le cadre de l'action en liquidation d'astreinte intentée par les sociétés LOHR que celles-ci ont tenu des propos diffamatoires.
Les sociétés LOHR répliquent que la demande tendant à leur condamnation pour diffamation s'accompagne d'une demande nouvelle, consistant à solliciter sous astreinte de 500 € par jour de retard et pendant 30 jours la suppression de certains passages des conclusions des sociétés LOHR, qui n'a jamais été présentée au tribunal et qui est donc irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile ; qu'en tout état de cause, les sociétés LOHR n'ont jamais excédé les limites du droit de la défense et que les propos tenus dans ce cadre ne sont nullement diffamatoires.
Ceci étant exposé, la société SCHNEEBICHLER vise expressément le caractère diffamatoire du passage des conclusions des sociétés LOHR mettant en cause la fiabilité des éléments comptables qu'elle a communiqués en exécution du jugement du 24 janvier 2020.
Cependant l'article 41 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, dont les dispositions sont rappelées dans le jugement déféré, confère une immunité judiciaire quant aux discours prononcés ou aux écrits produits par les plaideurs devant les juridictions en rapport avec l'affaire dans laquelle ils sont parties, sauf excès dont la cour estime qu'il n'est pas caractérisé en l'espèce.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle de la société SCHNEEBICHLER et, par voie de conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner sa recevabilité en appel, sera également rejetée la demande de suppression des propos litigieux sous astreinte.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société SCHNEEBICHLER, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'incident ayant abouti à l'ordonnance sur incident du 17 janvier 2023, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les frais irrépétibles de première instance étant infirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de la société SCHNEEBICHLER au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés LOHR peut être équitablement fixée à 12 000 €, au titre de la première instance et de l'appel.
PAR CES MOTIFS,
Rejette la demande de la société SCHNEEBICHLER tendant au rejet de la pièce 38 des appelantes ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté les sociétés LOHR SERVICE, LOHR IMMOBILIER et LOHR INDUSTRIE de leurs demande relative à la liquidation de l'astreinte au titre de l'interdiction d'utiliser le terme LOHR à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites Internet détenus par la défenderesse ou des membres de son réseau de distribution ;
- débouté la société SCHNEEBICHLER de sa demande reconventionnelle au titre d'imputations diffamatoires contenues dans les écritures des sociétés LOHR ;
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Dit que la société SCHNEEBICHLER n'a pas exécuté l'obligation prononcée par le tribunal de communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la signification du jugement et pendant une durée de 3 mois, un état des ventes des produits référencés LOHR sur sa documentation commerciale (catalogue et internet) au titre des années 2016 et 2017, et un document attestant du chiffre d'affaires et de la marge brute réalisées sur chacun de ces produits ;
Liquide l'astreinte à la somme de 5 000 € ;
Condamne en conséquence la société SCHNEEBICHLER à payer cette somme aux sociétés LOHR ;
Déboute les sociétés LOHR du surplus de leurs demandes, notamment celles tendant à la reconduction de l'astreinte relative à la mesure de communication d'éléments comptables et à la fixation d'une astreinte définitive ;
Déboute la société SCHNEEBICHLER de sa demande tendant à la suppression, sous astreinte, de passages argués de diffamation dans les écritures des sociétés LOHR ;
Condamne la société SCHNEEBICHLER aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'incident ayant abouti à l'ordonnance sur incident du 17 janvier 2023;
Condamne la société SCHNEEBICHLER à payer aux société LOHR la somme globale de 12 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et l'appel.