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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 11 septembre 2024, n° 21/04468

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cospas (SCI)

Défendeur :

Conforama France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Champion

Conseillers :

Mme Parent, Mme Hauet

Avocats :

Me Bommelaer, Me Verrando

CA Rennes n° 21/04468

10 septembre 2024

Suivant acte dressé le 12 octobre 1981 par maître [O] [F], notaire associé à [Localité 6], la société Du Seil a donné à bail commercial à la société Sodinam des locaux dans un immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 7] à destination de vente de biens d'équipement de la maison et de loisirs tant pour les éléments intérieurs que pour les éléments extérieurs pour une durée de 9 ans à compter du 1er juin 1981.

Des magasins de la galerie commerciale située en façade du bâtiment loué, exclus initialement, ont été adjoints par avenant du 23 janvier 1984 établi par le même notaire.

La société Sodinam a fait apport à la société Conforama du droit au bail dans le cadre d'une opération de fusion-absorption le 22 juillet 1987, et selon un nouvel avenant notarié du 21 décembre 1987, le reste de la galerie marchande a été ajouté à la surface louée.

Suite à un congé avec offre de renouvellement délivré par le bailleur 1e 29 novembre 1989, les parties ont conclu sous seing privé un protocole d'accord du 25 mai 1994 convenant du renouvellement du bail à effet du 1er juin 1990 moyennant un loyer de 1 800 000 francs hors taxes hors charges.

Par acte d'huissier du 27 juin 2018, la société Conforama a fait signifier à la société Du Seil une demande de renouvellement du bail aux mêmes clauses et conditions, sauf celles à adapter aux dispositions de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et moyennant un loyer de 391 000 euros.

Par jugement en date du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :

- fixé à 477 958,96 euros hors taxes hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018,

- condamné la société Conforama à payer à la société Cospas les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyers et ordonné la capitalisation des intérêts de retard par années entières dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil,

- rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraire,

- ordonné l'exécution provisoire,

- fait masse des dépens, y compris les frais d'expertise, et les partage par moitié entre les parties avec autorisation de recouvrement direct donnée à maître Joachim Bernier, avocat au barreau de Nantes, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 16 juillet 2021, la société Cospas a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 avril 2022, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* fixé le prix du m² pondéré des locaux loués à 136,58 euros m²,

* appliqué un abattement de 20 % sur la valeur locative en raison de la surface des lieux loués par la société Conforama,

* refusé de majorer la valeur locative de la taxe foncière alors qu'elle est réglée par l'ensemble des autres références du secteur,

* rejeté la demande de paiement de la société Cospas à condamner la société Conforama à lui payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Cospas à régler la moitié des dépens, y compris les frais d'expertise,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* fixé la surface pondérée des locaux loués à 4 374,51 m²,

* rejeté la demande de la société Conforama de minoration de 3 % de la valeur locative en raison des travaux réalisés par la société Conforama, s'agissant de simples travaux d'entretien,

* rejeté la demande de minoration de la valeur locative de 10 % de la société Conforama en raison de la clause d'accession en fin de jouissance,

* condamné la société Conforama au paiement des intérêts au taux légal sur les loyers arriérés conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil et leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du même code, pour ceux correspondant à des loyers dus depuis plus d'un an,

Et statuant à nouveau :

- fixer le loyer du bail renouvelé à la date du 1er juillet 2018 à la somme annuelle de 568 686,30 euros HT, toutes les autres charges et conditions du bail demeurant inchangées,

- condamner la société Conforama au paiement des intérêts au taux légal sur les loyers arriérés conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil et leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du même code, pour ceux correspondant à des loyers dus depuis plus d'un an,

- condamner la société Conforama à lui payer la somme 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Conforama à l'ensemble des dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2022, la société Conforama demande à la cour de :

- débouter la société Cospas de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer la société Conforama recevable et bien fondée en son appel incident à l'encontre du jugement du 17 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Nantes,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement du 17 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il :

* a fixé à 477 958,96 euros hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018,

* l'a condamnée à payer à la société Cospas les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyers et a ordonné la capitalisation des intérêts de retard par années entières dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil,

* rejeté la demande de condamnation de la société Cospas au paiement à la société Conforama de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

En conséquence, et par l'effet dévolutif de l'appel, statuant a nouveau,

- fixer le loyer annuel du bail renouvelé à la valeur locative pour un montant de 387 000 euros hors taxes, hors charges ou droits, à compter du 1er juillet 2018,

- condamner la société Cospas à lui rembourser la différence entre les loyers provisionnels perçus à compter du 1er juillet 2018 et le loyer en renouvellement définitivement fixé par la présente juridiction, outre le règlement des intérêts au taux d'intérêt légal ainsi que leur capitalisation pour les fractions dues depuis plus d'un an, le tout conformément aux dispositions de l'article 1231-6 et suivants du code civil, jusqu'à parfait règlement,

En tout état de cause :

- condamner la société Cospas à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de maître Marie Verrando sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SCI Cospas rappelle que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative, le bail expiré ayant dépassé 12 ans par l'effet de la tacite reconduction au visa de l'article L.145-34 du code de commerce.

Elle expose que pour déterminer la valeur locative, il faut rechercher la surface pondérée, le loyer du mètre carré pondéré et les éventuelles majorations et minorations à opérer.

S'agissant de la surface pondérée, elle accepte l'évaluation de l'expert judiciaire M. [C] à 4 374,51m2 notamment s'agissant des réserves. Elle soutient que la société Conforama ne justifie pas que ses réserves mesurent habituellement au moins 3 mètres de hauteur. Elle ajoute que lors de la visite des lieux, il a été constaté que toutes les surfaces étaient utilisées de sorte qu'il n'y a pas lieu de différencier des coefficients en fonction de la hauteur des réserves à mesurer.

S'agissant du prix au mètre carré pondéré, elle considère que le juge des loyers a retenu une valeur de 136,58 euros/m2 sans corriger les calculs de l'expert qui étaient erronés. Elle fait valoir que l'expert, sur l'un de ses dires, avait accepté de retirer la référence But qui était très inférieure aux autres références mais l'a néanmoins maintenue dans son calcul, ce qui a entraîné une incidence sur les moyennes. Elle reproche à l'expert d'avoir ensuite arrondi à la baisse la valeur. Elle demande de retenir une valeur moyenne de 140 euros/m2.

S'agissant des éventuelles majorations et minorations à opérer et notamment de l'abattement pour tenir compte des surfaces, elle admet que les locaux litigieux sont plus vastes que ceux dont les références ont été produites toutefois elle fait valoir qu'il n'existe pas de théorème absolu d'écrasement des prix en fonction de l'importance des surfaces et qu'il appartient à l'expert de rechercher si, sur le secteur en cause, cette règle se vérifie. Elle reproche à l'expert d'avoir appliqué une décote de 20 % sans texte légal ou règlementaire et sans que les chiffres du voisinage ne démontrent l'existence de cette théorie de l'écrasement. Elle critique l'expert qui a appliqué cet abattement en retenant une valeur 130 euros/m2 correspondant à un arrondi à la baisse de 136 euros au lieu de retenir 140 euros de valeur moyenne. Elle ajoute que cet abattement est d'autant moins justifié que l'activité de vente de meubles et d'électroménager du preneur nécessite de bénéficier d'une très grande surface de vente et de réserve et lui confère une excellente visibilité. Elle s'oppose à l'application d'un abattement.

En ce qui concerne l'incidence de la taxe foncière, elle rappelle qu'elle ne refacture pas la taxe foncière au preneur contrairement aux références produites. Elle dit produire devant la cour les baux des deux références que le juge des loyers n'avait pas retenu faute de justificatif du bail et relève que chacun des deux baux, comme les autres références, met l'impôt foncier à la charge du preneur. Elle indique que la taxe foncière, dans la zone sous expertise, représente 11 à 12 % des loyers pratiqués de sorte que les valeurs locatives réelles sont de 11 à 12 % supérieures aux loyers faciaux. Elle demande de corriger les références au visa de l'article R.145-7 du code de commerce.

En ce qui concerne les travaux que le preneur dit avoir réalisés entre 2010 et 2018, elle soutient que les réparations et remplacements, pris en charge par la société Conforama, l'ont été en application du bail et qu'ils représentent un coût très raisonnable au vu de la durée de présence du locataire dans les lieux et de l'importance de la surface. Elle ajoute qu'il s'agit de travaux d'entretien normal du bâtiment et non des dépenses exorbitantes et qu'en tout état de cause, les travaux ne peuvent être considérés comme des éléments de valorisation en ce qu'ils ne peuvent faire accession au bailleur en fin de bail.

A ce titre, elle soutient que les travaux listés par le preneur dans sa pièce n° 14 sont des réparations ou des remises en état et ne sont donc pas régis par la clause d'accession. Elle considère qu'il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement de 10 % .

La SCI Cospas sollicite une fixation du loyer à 586 686,30 euros HT.

La société Conforama demande de voir fixer le loyer renouvelé à la somme de 387 000 euros HT correspondant, selon elle, à la valeur locative.

S'agissant des caractéristiques, elle rappelle que la surface totale est de 7 886,71m2 soit une surface très importante qui justifie, comme le jugement l'a retenu, l'application d'un effet d'écrasement sur le loyer.

Elle demande de réformer le jugement sur les surfaces pondérées qu'elle sollicite de voir réduire à 4 234,17m2 et non 4 374,51m2 en raison de la configuration de par sa faible hauteur et l'état des réserves qui représentent une surface de 728,43m2.

Elle demande de retenir une valeur locative de renouvellement annuelle de 104 euros/m2 conformément à l'expertise judiciaire et de réformer le jugement qui a fixé une valeur de 109,26 euros. Elle soutient que plus l'assiette locative est grande, plus l'effet d'écrasement du loyer, ramené au m2, est fort. Si l'expert n'a pas trouvé de valeurs de référence pour des surfaces équivalentes, elle invoque la jurisprudence qui retient que lorsque la surface est petite, le prix au mètre carré doit être majoré qu'elle demande d'appliquer a contrario. Elle conteste, par ailleurs, que l'expert ait commis une erreur de calcul.

S'agissant des obligations exorbitantes du preneur, elle demande d'infirmer le jugement sur la charge des travaux exorbitants de conformité. Elle indique avoir justifié en cours d'expertise d'importantes dépenses au titre des travaux de conformité et ayant pour effet de remédier à la vétusté allant jusqu'à 476 652 euros en 2016. Elle sollicite un abattement de 3 % à ce titre.

S'agissant de l'accession des travaux en fin de jouissance, elle demande de réformer le jugement qui a rejeté sa demande de minoration de la valeur locative de 10 %. Elle fait valoir qu'elle a fait réaliser des lourds travaux comme notamment l'installation de racks pour 48 500 euros en 2010, des travaux d'électricité, de sprinklage, d'agencement et de climatisation pour 168 450,25 euros en 2012, des travaux de révision trentenaire du réseau de sprinklage pour 109 028,04 euros en 2015 et la réfection de la chaufferie, du groupe froid et bardage pour 476 652,73 euros en 2016. Elle indique que la clause d'accession prévue au bail concerne tous les travaux et toutes les améliorations réalisées par le preneur au cours du bail de sorte qu'il convient de reconstituer abstraitement les locaux sans l'ensemble des travaux réalisés par elle au cours du bail. Elle ajoute que ces travaux ont participé à la valorisation du bâtiment ce dont le bailleur tirera profit en fin de jouissance.

S'agissant de la taxe foncière, elle expose qu'elle ne supporte pas, aux termes du bail, la charge de la taxe foncière et demande de confirmer le jugement qui a retenu que la valeur locative n'avait pas à être majorée du montant de la taxe foncière. Elle rappelle que la jurisprudence considère que le montant de la taxe foncière doit être déduit de la valeur locative puisqu'il s'agit d'une obligation incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le preneur sans contrepartie. Elle ajoute qu'il n'est pas précisé par l'expert si les loyers des références utilisées ont fait ou non l'objet de baisses de loyer consenties au preneur qui supporte cette charge exorbitante.

L'article L.145-33 du code de commerce prévoit que : 'le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1° les caractéristiques du local considéré ;

2° la destination des lieux ;

3° les obligations respectives des parties ;

4° les facteurs locaux de commercialité ;

Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments.'

Aux termes de l'article L.145-34 du code de commerce : 'A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié'.

Lorsque la durée de bail s'est prolongée au-delà de 12 ans par tacite reconduction, la règle du plafonnement est expressément écartée au visa de l'article L.145-34 alinéa 3.

En l'espèce, le bail avait été conclu pour une durée de 9 ans à compter du 1er juin 1990. Il s'est poursuivi par tacite reconduction jusqu'au 30 juin 2018. La société Conforama a sollicité le renouvellement à compter du 1er juillet 2018. Il en résulte que la durée du bail s'est prolongée au-delà de 12 ans de sorte que la règle du plafonnement ne s'applique pas et que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative, ce que les parties reconnaissent.

S'agissant des caractéristiques du local considéré, l'article R.145-3 du code de commerce dispose que ces caractéristiques s'apprécient en considération :

1° de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public,

2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,

3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,

4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,

5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

En ce qui concerne la surface pondérée relative aux réserves sur laquelle les parties s'opposent, il résulte de l'expertise judiciaire de Mme [C] que le bâtiment possède des matériaux standards, pour certains d'origine, présente un aspect d'entretien et d'usage courant pour le magasin, désuet pour les espaces destinés aux réserves avec notamment la présence d'une fissure. L'expert a appliqué à l'ensemble des surfaces un coefficient de pondération en fonction de leur utilité relative en se référant aux recommandations validées par la charte de l'expertise en évaluation immobilière. L'expert a ainsi retenu une surface utile pondérée arrondie à 4 375m2 pour une surface utile arrondie de 7 867m2 avec une pondération de 0,20 pour le back office (réserves, bureaux, sanitaires...).

Il est acquis que la hauteur est portée au plus bas à 1,86m sous poutre, étant précisé que le relevé a été effectué au centre de la pièce au vu du plan transmis par le géomètre expert et qu'il est nécessaire de se baisser uniquement au niveau des poutres. Certaines réserves présentent une hauteur plus importante. En tout état de cause, il résulte des photographies de l'expertise que les réserves sont toutes utilisées y compris celles qui présentent une hauteur moindre. Il est constant que la charte de l'expertise ne prévoit pas des coefficients différenciés en fonction de la hauteur des réserves. Dans ces conditions, le premier juge a justement retenu la surface pondérée calculée par l'expert à 4 374,51m2.

S'agissant des valeurs de voisinage, l'expert a retenu une valeur médiane de l'ordre de 142 euros/m2. Après avoir exclu les deux références ayant les plus faibles surfaces de locaux inférieurs à 350m2 et hors zone pour la référence Schmitt, elle a retenu une valeur médiane de 136 euros/m2 par an HT HC. L'expert a retenu 8 références et n'a pas commis d'erreur de calcul car elle n'a pas intégré la valeur But dans son calcul pour retenir une valeur médiane de 136 euros/m2.

L'expert va finalement retenir une valeur de 130 euros/m2 en raison des facteurs locaux de commercialité, des caractéristiques du local, des charges respectives des parties et des prix pratiqués sur le secteur.

Toutefois, au vu des valeurs de référence produites par l'expert, il convient de retenir une valeur moyenne de 136 euros/m2 sans tenir compte des deux locaux ayant les plus petites surfaces et en écartant la valeur But sans qu'il y a lieu d'arrondir cette valeur à la baisse.

S'agissant de la théorie de l'écrasement sur laquelle les parties sont en désaccord, l'expert n'a pas trouvé de valeur ayant une surface aussi importante que celle du local expertisé, les deux valeurs Monsieur Meuble et Boulanger ont respectivement une surface de 1 000m2 et 1 284m2 pour des loyers de 149 euros/m2 HT HC et 132,12 euros/m2 HT HC. Elle reconnaît 'qu'il n'y a pas de règle définie sur un phénomène d'écrasement automatique des prix en fonction de l'importance des surfaces. Toutefois, il parait pertinent de pouvoir retenir en l'espèce d'appliquer un abattement de valeur compte tenu de l'importance du local expertisé. Il est donc proposé de retenir un abattement maximum de 20 %.' Le phénomène d'écrasement, qui est contesté, par le bailleur résulte néanmoins de l'examen des valeurs proposées par l'expert qui fait apparaître que les locaux ayant des surfaces plus petites ont des loyers beaucoup plus élevés (203,54 euros/m2 pour 266 m2 magasin Picard ; 172,11 euros pour 330 m2 Cuisine Schmitt) que ceux qui ont des surfaces plus importantes comme celles des valeurs Monsieur Meuble et Boulanger précités de sorte qu'il convient d'appliquer la décote de 20% proposée par l'expert mais sur la valeur locative de 136 euros/m2 (et non 136,58 euros comme retenu par le premier juge) pondérée par an HT HC soit 136 -20 % = 108,80 euros/m2.

S'agissant de l'incidence de la taxe foncière, l'expert a vérifié que sur 6 baux sur 8, l'impôt foncier était remboursé par le preneur au bailleur alors qu'en l'espèce la SCI Cospas ne refacture pas la taxe foncière à la société Conforama. Devant la cour, le bailleur produit les deux baux que l'expert n'avait pas pu vérifier et qui démontrent que la taxe foncière est refacturée au preneur dans le bail Destock Ouest et que le bail Cuisine Schmitt met l'impôt foncier à la charge du preneur.

Toutefois, il est constant que le montant de l'impôt foncier constitue un facteur de diminution de la valeur locative puisqu'il s'agit d'une obligation du bailleur qui s'est déchargé sur le preneur sans contrepartie et non un facteur de nature à augmenter la valeur locative comme le sollicite le bailleur. En tout état de cause, ni l'expertise ni les pièces produites ne permettent de vérifier si le preneur dans les valeurs de référence a bénéficié de contreparties en lien avec la charge de l'impôt foncier. Dans ces conditions le juge des loyers a justement considéré que la taxe foncière n'avait pas d'incidence sur la valeur locative.

S'agissant de la charge des travaux supportés par le preneur sur laquelle les parties s'opposent sur le principe d'une minoration au titre de l'article R.145-8 du code de commerce, les améliorations apportées aux lieux loués ou au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge. Le jugement a justement relevé que le transfert de la charge des dépenses ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre le bien loué en conformité avec la réglementation, dès lors que ces travaux relèvent des grosses réparations, constitue une clause exorbitante de droit commun mais que cette clause ne peut plus porter d'effet après le renouvellement du bail aux termes des dispositions de l'article R.145-35 du code de commerce qui la prohibe, de sorte qu'elle n'a pas d'effet sur la valeur locative de renouvellement. Le jugement a rejeté à bon droit la demande d'application d'un abattement de 3% du preneur au regard de ladite clause.

S'agissant de l'accession des travaux en fin de jouissance, l'expert, qui a eu connaissance de la liste des travaux réalisés par le preneur, a considéré que partie de ces travaux semblait justifier par l'utilisation qu'il a faite des locaux pendant plus de 30 ans et que son usage quotidien génère par logique un entretien courant et nécessaire afin de maintenir le bâtiment en état d'usage. Il doit en être déduit que les travaux constituent des travaux d'entretien et de remise en état d'éléments anciens ou vétustes et que le preneur ne justifie pas que ces travaux seraient des constructions nouvelles de sorte que le jugement a retenu, à bon droit, qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer un abattement en raison de cette clause.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la valeur locative de renouvellement s'élève à 4 374,51 m2 x 108,80 euros = 475 946,68 euros. Le jugement sera ainsi uniquement infirmé en ce qu'il a fixé à 477 958,96 euros hors taxe hors charge le montant de loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018. Il sera confirmé pour le surplus.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, la SCI Cospas sera condamnée à verser la somme de 2 500 euros à la société Conforama au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement en ce qu'il a fixé à 477 958,96 euros hors taxe hors charge le montant de loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018 ;

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 475 946,68 euros hors taxe hors charge le montant de loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2018 ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI Cospas de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamne la SCI Cospas à payer à la société Conforama la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la SCI Cospas aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute la société Conforama du surplus de ses demandes, fins et conclusions.