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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 11 septembre 2024, n° 23/08793

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société de Participations Hôtelière (SAS)

Défendeur :

Hotel Astor (SCA), Colsun Histo France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gerard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Badie, Me Rometti, Me Ermeneux, Me Anglade, Me Philippon

T. com. Marseille, du 22 juin 2023, n° 2…

22 juin 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 31 juillet 2014 la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor a cédé son fonds de commerce d'hôtel situé à [Localité 9] à la société Hôtel Astor, société du Groupe Maranatha.

Parallèlement, la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor a consenti à la société Hôtel Astor un bail de l'immeuble à usage d'hôtel moyennant un loyer annuel de 243 375 euros par acte du même jour. Le bail commercial prévoyait également pour le preneur l'obligation de constituer un cautionnement bancaire d'un montant égal à six mois de loyers (article 15 bis).

Le 27 septembre 2017 le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Maranatha puis à l'égard d'autres sociétés du groupe, dont la société Hôtel Astor. Par jugement du 17 octobre 2018 le tribunal de commerce a ordonné la cession des actifs de la société, en ce compris sa participation minoritaire au sein de la société Hôtel Astor, à la société Colsun Histo France.

Le 12 novembre 2019 la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor et la société Hôtel Astor ont convenu, par avenant au contrat de bail commercial, de substituer au cautionnement bancaire prévu à l'article 15 bis, une garantie à première demande d'un montant égal à six mois de loyers hors taxe, avec obligation pour le preneur de reconstituer le montant de cette garantie.

Le 11 juin 2020, invoquant des retards de paiement des loyers, la société de Participations Hôtelière Paris Astor a mis en 'uvre la garantie à première demande, et en l'absence de reconstitution de la garantie par la société Hôtel Astor, a fait délivrer à celle-ci plusieurs commandements de payer, certains visant notamment la clause résolutoire, commandements qui font l'objet de procédures devant le tribunal judiciaire de Paris.

Dans le même temps, le 30 juillet 2020 le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de conciliation à l'égard de la société Hôtel Astor, désignant Maître [T], puis Maître [P] en qualité de conciliateurs, accordant par ailleurs de nouveaux délais à cette société à l'effet de reconstituer le montant de la garantie.

Le 11 mai 2023, à l'issue des délais consentis par le tribunal de commerce, faisant valoir le risque manifeste de tirage abusif de la garantie bancaire par son bailleur, la société Hôtel Astor a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, afin d'obtenir la mise sous séquestre de la somme de 900 000 euros nécessaire à la reconstitution de la garantie bancaire en l'attente de l'issue des deux procédures pendantes devant le tribunal judiciaire de Paris en contestation des commandements et d'une troisième en révision du loyer devant la même juridiction.

Dans le cadre de ce litige, la société de Participations Hôtelière Paris Astor a contesté la compétence territoriale du juge des référés en l'état d'une clause attributive de juridiction contenue à l'article 14 du bail commercial au profit du tribunal de commerce de Paris, et a contesté le bien-fondé de la demande de mise sous séquestre.

Par ordonnance en date du 22 juin 2023 le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille a statué comme suit :

Nous déclarons matériellement et territorialement compétent ;

Vu l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile,

Ordonnons à titre conservatoire la mise sous séquestre des sommes nécessaires à la reconstitution de la garantie bancaire, soit un montant de 900 000 € (neuf cent mille euros) entre les mains de la S.C.P. Ajilink [P] Bonetto, mission conduite par Maître [I] [P], en qualité de séquestre, dans l'attente de l'issue définitive des procédures opposant la société Hôtel Astor et la Société de Participation Hôtelière [Localité 8] Astor, à savoir :

0 La procédure devant le Tribunal judiciaire de Paris enrôlée sous le numéro 20/09315 ;

0 La procédure devant le Tribunal judiciaire de Paris enrôlée sous le numéro 21/13502 ;

0 La procédure en révision du loyer devant le juge des loyers commerciaux près le Tribunal judiciaire de Paris enrôlée sous le numéro 21/07393,

et sous la condition du paiement des loyers par la société Hôtel Astor ;

En conséquence,

Ordonnons à la société Hôtel Astor prise en la personne de son liquidateur amiable, Maître [E] [Z] de déposer la somme de 900 000 € (neuf cent mille euros) sur un compte séquestre de Maître [I] [P] à la Caisse des Dépôts et Consignation dans les 8 (huit) jours du prononce de la présente ordonnance ;

Condamnons la Société de Participation Hôtelière [Localité 8] Astor S.A.S. à payer à la société Hôtel Astor prise en la personne de son liquidateur amiable, Maître [E] [Z] la somme de l000 € (mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile,

Condamnons la Société de Participation Hôtelière [Localité 8] Astor S.A.S. aux dépens toutes taxes comprises de la présente ordonnance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de Procédure Civile,

Rejetons tout surplus des demandes comme non justifié

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Par acte en date du 3 juillet 2023 la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor (SAS) a interjeté appel de l'ordonnance.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 17 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor (SAS) demande à la cour de :

Vu l'article L 873 alinéa 1er du Code de procédure civile,

Vu l'article R 211-4 du Code de l'Organisation Judiciaire,

Vu l'article 1104 du Code civil,

Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,

Infirmer l'ordonnance en date du 22 juin 2023 dans l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

In limine litis à titre principal

Juger que le contrat de bail en date du 31 juillet 2014 contient une clause attributive de compétence au bénéfice du tribunal de commerce de Paris,

Juger que le tribunal de commerce de Marseille saisi en référé était est demeure incompétent,

Sur le fond à titre subsidiaire

Juger que la demande formulée par la société Hôtel Astor porte sur une modification substantielle d'une obligation contractuelle incombant au preneur ne relevant pas de la compétence du Juge des référés ;

Juger qu'aucune urgence ni qu'aucun dommage imminent ne peuvent être caractérisés en l'espèce ;

En conséquence :

Débouter la société Hôtel Astor de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

Condamner la société Hôtel Astor au paiement de la somme de 10.000 € pour procédure abusive ;

Condamner la société Hôtel Astor au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

La société appelante fait valoir que :

- au vu de la clause attributive de juridiction contenue au contrat de bail le tribunal de commerce de Marseille était territorialement incompétent ; il n'existe pas d'exception générale au profit de la procédure de référé, sauf s'agissant d'une mesure d'instruction ; en tout état de cause, aucun critère de rattachement ne justifie la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Marseille, d'autant que la garantie à première demande est une obligation contractuelle et non une obligation découlant du plan de redressement,

- sur le fond, au visa de l'alinéa 1 de l'article 873 du code de procédure civile, elle conteste le risque de tirage abusif invoqué par la société Hôtel Astor en faisant observer qu'il n'existe pas de dommage imminent ni d'urgence dès lors qu'en l'absence de dette du preneur la garantie bancaire n'a pas vocation à être appelée par le preneur, et que les procédures en cours ne remettent pas en cause cette obligation ; la demande de la société Hôtel Astor vise à modifier une obligation essentielle du bail commercial et ne peut être ordonnée en référé ; la société Hôtel Astor est de mauvaise foi puisqu'elle n'a jamais actionné la garantie en l'absence de dette de la société Hôtel Astor et que le contexte économique et la situation financière de la société Colsun Histo France attestent de la mauvaise foi de la société Hôtel Astor, justifiant sa condamnation pour procédure abusive

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 14 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Hôtel Astor demande à la cour de :

Vu l'article 873 alinéa 1' du Code de procédure civile,

Vu l'article R. 662-3 du Code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de commerce de Marseille 22 juin 2023 dans toutes ses dispositions ;

Débouter, en conséquence, la Société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la Société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

La société Hôtel Astor réplique que :

- le tribunal de commerce de Marseille est compétent tant matériellement que territorialement dès lors que la clause attributive de juridiction ne lie pas le juge des référés s'agissant de mesures provisoires ; la compétence du tribunal de Marseille est en outre justifiée par la présence du siège social de la société Hôtel Astor et le lieu d'exécution de la mesure de séquestre ; la compétence du tribunal de commerce de Marseille est enfin justifiée par les dispositions d'ordre public de l'article R.662-3 du code de commerce donnant compétence au tribunal en charge de la procédure de redressement judiciaire,

- elle est confrontée à un dommage imminent au regard du risque de nouveau tirage abusif de la garantie par le bailleur, lequel a prélevé la garantie en pleine crise sanitaire et a multiplié les procédures en dépit des délais accordés et de la conciliation en cours ; la mise sous séquestre, à titre conservatoire, des sommes nécessaires à la reconstitution de la garantie bancaire est indispensable ; aucun comportement de mauvaise foi ne peut lui être reproché alors même qu'elle entend mettre les sommes séquestrées à l'abri du comportement abusif du bailleur et que cette mise sous séquestre n'entraîne aucune modification du bail et ne porte pas atteinte au bailleur

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Par conclusions déposées par voie dématérialisée le 20 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Colsun Histo France (Sas) demande à la cour de :

Vu l 'article 873 alinéa 1' du Code de procédure civile,

Vu l'article R. 662-3 du Code ale commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Marseille 22 juin 2023 dans toutes ses dispositions ;

Débouter, en conséquence, la Société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor de l'ensemble de ses demandes, 'ns et conclusions ;

Condamner la Société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor à payer à la société ColSun Histo France la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la Société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor aux entiers dépens d'appel.

La société Colsun Histo France fait valoir que :

- le tribunal de commerce de Marseille est compétent dès lors que sa demande de mise sous séquestre est une mesure provisoire faite pour prévenir un dommage imminent et ne se rattache nullement au statut des baux commerciaux ; la clause attributive de juridiction est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés et la mesure provisoire devait intervenir à [Localité 7], justifiant la compétence du juge des référés de cette ville ; la compétence du tribunal de commerce de Marseille se justifie d'autant plus au regard de la procédure collective engagée,

- la mesure se justifie au regard du dommage imminent auquel elle est confrontée en raison du risque de nouveau tirage abusif de la garantie par le bailleur, lequel a prélevé la garantie en pleine crise du covid et a multiplié les procédures en dépit des délais accordés et de la conciliation en cours ; la garantie bancaire à première demande n'est pas une obligation essentielle du bail et sa mise sous séquestre ne porte pas atteinte aux droits du bailleur,

MOTIFS

Sur la compétence territoriale du juge des référés :

Aux termes des articles 14 du contrat de cession de fonds de commerce et 37 du contrat de bail commercial signés le 31 juillet 2014 entre la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor et la société Hôtel Astor, il a été convenu que tout litige résultant de ces contrats serait soumis aux juridictions de Paris.

L'article 4.2 de la garantie autonome et à première demande émise par le Crédit Agricole en faveur de la société de Participations Hôtelière Paris Astor, en exécution de l'avenant signé le 12 novembre 2019, donne également compétence exclusive aux « juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris ».

Néanmoins, au-delà de la compétence attribuée exclusivement aux juridictions de Paris par les clauses contractuelles convenues entre les parties, les dispositions de l'article R.662-3 du code de commerce donnent compétence au tribunal saisi de la procédure collective pour statuer sur les contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique (Com. 3 mars 1998, Com. 21 janvier 2003, Com. 16 juin 2015, Com, 8 mars 2023 n°21-20.738).

Le tribunal a également compétence pour ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Les règles de compétence territoriale applicables au redressement et à la liquidation judiciaire étant exclusives et d'ordre public, les clauses attributives de compétence ne peuvent dès lors faire échec à la compétence du tribunal de la procédure.

En l'espèce, il apparaît d'une part, que la garantie à première demande a été instituée par avenant du 12 novembre 2019, soit postérieurement à la procédure collective ouverte à l'égard de la société Hôtel Astor le 27 septembre 2017, sous l'égide de maître [E] [Z], représentant cette société.

D'autre part, le litige opposant le bailleur et le preneur quant à la reconstitution et l'affectation des sommes composant la garantie à première demande ressort essentiellement du comportement abusif reproché au bailleur au regard des délais de paiement et de la conciliation ordonnées par le tribunal de commerce de Marseille dans le cadre de la procédure ouverte à l'égard de la société Hôtel Astor.

Il en résulte qu'au cas particulier, le contentieux relatif à la garantie à première demande doit être considéré comme essentiellement né de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Hôtel Astor au regard des griefs tenant au non-respect des aménagements consentis au débiteur pendant le cours de la procédure collective, et au risque allégué de détournement des sommes affectées à la garantie, justifiant la demande de séquestre formée par le preneur à l'issue du délai de douze mois accordé par le tribunal de commerce au preneur afin de reconstituer le montant de la garantie.

Au demeurant, les reproches énoncés à l'encontre du bailleur, notamment s'agissant du caractère surévalué du loyer ou des mesures liées à la crise sanitaire de 2020, s'ils ne sont pas nés de la procédure collective, ne relèvent pas, en tout état de cause, du juge des référés saisi de la demande de mise sous séquestre au visa de l'article 873 du code de procédure civile, mais du juge du fond.

En conséquence, l'ordonnance déférée doit être confirmée en ce que le juge du tribunal de commerce de Marseille s'est déclaré compétent à l'effet de statuer sur le litige opposant la société de Participations Hôtelière Paris Astor à la société Hôtel Astor et à son repreneur la société Colsun Histo France.

Les autres moyens soulevés tenant au lieu d'exécution de la mesure, en ce qu'ils ne sont pas davantage de nature à faire obstacle à la compétence exclusive et d'ordre public du tribunal de la procédure collective, sont inopérants.

Sur les mesures ordonnées :

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Par ailleurs, en application de l'article 873 alinéa 1 du même code, le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer (Com. 13 avril 2010).

Constitue un trouble manifestement illicite toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

La condition d'urgence ne résulte pas en revanche des dispositions de l'article 873 alinéa 1 du code de commerce sauf par l'appréciation de l'imminence du dommage et de l'existence actuelle d'un trouble.

En l'espèce, ne peut constituer un trouble manifestement illicite la seule mise en 'uvre par le bailleur d'une stipulation contractuelle convenue entre les deux parties.

En effet, s'il appartient à la juridiction du fond, saisie d'une action en responsabilité à l'encontre du bailleur, de déterminer le cas échéant le caractère abusif des tirages opérés par ce dernier au titre de la garantie à première demande, il apparaît que toute action ou toute demande du bailleur visant à se prévaloir du non-respect par le preneur d'une obligation contractuelle mise à sa charge ne constitue pas une violation évidente d'une règle de droit autorisant le juge, statuant en référé, à annihiler les effets de la clause contractuelle par la constitution d'un séquestre sur les sommes composant la garantie, étant observé que les délais de paiement accordés au preneur dans le cadre de la conciliation ordonnée par le tribunal de commerce de Marseille ont pris fin le 13 mai 2023 à l'issue du délai de douze mois consenti pour la reconstitution de la garantie.

Ainsi, le caractère manifeste de la violation invoquée par la société Hôtel Astor ne peut être déduit des seules procédures initiées par la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor, cette appréciation nécessitant également l'examen des conditions dans lesquelles la garantie à première demande a été instituée, sauf à préjuger de l'issue à venir des litiges qui sont actuellement pendants devant les juridictions du fond et sur lesquels il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que la garantie a été instaurée pendant le cours de la procédure collective, au constat notamment que le bailleur a été contraint de mettre en 'uvre la totalité du montant du cautionnement bancaire initialement prévu le 27 juin 2017, que le repreneur a alors remis au bailleur une nouvelle garantie pour le compte et dans l'intérêt du preneur, sous la forme de deux garanties à première demande « afin d'assurer la pérennité de l'exploitation hôtelière » (page 3 de l'avenant n°1 signé le 12 novembre 2019).

De même, après avoir constaté que le preneur est à jour de ses paiements, le premier juge ne peut retenir l'existence d'un dommage imminent tenant au risque de tirage abusif dès lors que le montant de la garantie ne peut être mis en 'uvre qu'en cas de retard de paiement des loyers.

En outre, la société Hôtel Astor, qui reconnaît n'avoir reconstitué la garantie qu'à l'issue de l'ordonnance querellée autorisant le séquestre, ne peut à la fois se prévaloir du dommage imminent tenant au risque de tirage abusif sur une somme dont elle ne s'était pas acquittée au moment de la saisine du juge des référés, et se prévaloir tout à la fois du risque d'action en résolution du bail en l'absence de reconstitution du capital composant la garantie.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision attaquée en ce qu'elle a ordonné à titre conservatoire la mise sous séquestre des sommes nécessaires à la reconstitution de la garantie bancaire, soit un montant de 900 000 € (neuf cent mille euros) entre les mains de la S.C.P. Ajilink [P] Bonetto, mission conduite par Maître [I] [P], en qualité de séquestre, dans l'attente de l'issue définitive des procédures opposant la société Hôtel Astor et la Société de Participation Hôtelière [Localité 8] Astor, et sous la condition du paiement des loyers par la société Hôtel Astor, et en ce qu'elle a ordonné à la société Hôtel Astor prise en la personne de son liquidateur amiable, Maître [E] [Z] de déposer la somme de 900 000 € (neuf cent mille euros) sur un compte séquestre de Maître [I] [P] à la Caisse des Dépôts et Consignation dans les 8 (huit) jours du prononcé l'ordonnance.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Invoquant la mauvaise foi de la société Hôtel Astor, la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.

En l'espèce, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée faute pour la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor de rapporter la preuve d'une intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société Hôtel Astor, et faute d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.

Sur les frais et dépens :

La société Hôtel Astor et la société Colsun Histo France, parties succombantes, conserveront in solidum la charge des dépens de première instance et d'appel et seront tenues, aux mêmes conditions, de verser à la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 22 juin 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'elle :

- a déclaré le juge compétent matériellement et territorialement,

- a débouté la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déboute la société Hôtel Astor et la société Colsun Histo France de leur demande tendant à la mise sous séquestre des sommes nécessaires à la reconstitution de la garantie bancaire à première demande, soit un montant de 900 000 euros entre les mains de la S.C.P. Ajilink [P] Bonetto, en qualité de séquestre, dans l'attente de l'issue définitive des procédures opposant la société Hôtel Astor et la Société de Participation Hôtelière [Localité 8] Astor,

Condamne in solidum la société Hôtel Astor et la société Colsun Histo France aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum la société Hôtel Astor et la société Colsun Histo France à payer à la société de Participations Hôtelière [Localité 8] Astor la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.