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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 11 septembre 2024, n° 23/11590

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Renovatico (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gerard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Szepetowski, Me Samak

T. com. Nice, du 5 sept. 2023, n° 2023R0…

5 septembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [N] et M [D] [E] sont associés à parts égales au sein de la SAS Renovatico, qui exerce une activité de marchand de biens, M. [H] [N] en étant le directeur général et M. [D] [E] le président.

Des dissensions sont intervenues entre les associés et, par application de l'article 23 des statuts, M. [D] [E] a révoqué M. [H] [N] de ses fonctions de directeur général le 3 avril 2023.

Lors de l'assemblée générale annuelle du 26 juin 2023, destinée notamment à statuer sur l'approbation des comptes clos au 31 décembre 2022, M. [H] [N] s'est opposé aux résolutions à l'exception de celles concernant la vente d'une villa.

Par acte du 16 mai 2023, M. [H] [N] a fait assigner M. [D] [E] et la SAS Renovatico devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nice pour voir désigner un administrateur provisoire.

Reconventionnellement, M. [D] [E] et la SAS Renovatico ont formé des demandes de communication de pièces et sollicité la désignation d'un mandataire ad hoc avec mission d'assister à l'assemblée générale et de voter au nom de M. [H] [N] dans le sens de décisions conformes à l'intérêt social et de proposer toutes modifications.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, le président du tribunal de commerce de Nice, statuant en référé a :

- dit mal fondée la demande de désignation d'un administrateur provisoire présentée par M. [H] [N], l'en a débouté,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication de mandats de vente,

- renvoyé les demandeurs à se pourvoir éventuellement au fond,

- désigné la SELARL [C] [R] & associés, prise en la personne de Me [C] [R], en qualité de mandataire ad hoc pour une durée de trois mois, avec la mission d'assister à une nouvelle assemblée générale convoquée sur le même ordre du jour que l'assemblée du 26 juin 2023 et de voter au nom de M. [H] [N] dans le sens de la régularisation de conventions ayant permis à la société d'agir conformément à son intérêt social et de proposer toutes modifications qu'il jugera utiles dans ce sens,

- fixé la rémunération de Me [R] à 1.200 € (mille deux cents euros),

- dit que la SAS Renovatico financera cette mesure,

- dit que l'administrateur provisoire devra rendre compte de sa mission au président du tribunal de commerce de Nice, ou à son délégataire, et solliciter la taxation de ses honoraires,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts renvoyant le demandeur à se pourvoir éventuellement devant le juge du fond,

- condamné M. [H] [N] à payer à M. [D] [E] et à la SAS Renovatico la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. [H] [N] a interjeté appel par déclaration du 12 septembre 2023.

Par conclusions notifiées et déposées le 16 avril 2024, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] [N] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce du 5 septembre 2023 sauf en ce qu'elle a débouté M. [E] et la SAS Renovatico de leurs demandes de dommages et intérêts et de condamnation sous astreinte à fournir la communication de mandats de vente,

et, statuant à nouveau,

Sur "l'abandon des demandes liées au mandat ad hoc" par les intimés du 8 avril 2024,

- donner acte à M. [E] et la SAS Renovatico de leur désistement du chef de la désignation et de la mission du mandataire ad hoc prononcée dans l'ordonnance du 5 septembre 2023,

- juger que l'ensemble des frais exposés par Me [R] seront mis à la charge de M. [E] qui a fait la demande de cette mesure avant de se rétracter le 8 avril 2024,

- condamner M. [E] et la SAS Renovatico à rembourser la somme de 3 592,31 € en exécution forcée de l'ordonnance du 5 septembre 2023 alors qu'ils indiquent le 8 avril 2024 se désister de leurs demandes,

en tout état de cause,

- débouter M. [E] et la SAS Renovatico de leur demande de désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission de voter en lieu et place de M. [N],

- désigner un administrateur provisoire pour la société SAS Renovatico avec pour mission :

de gérer et d'administrer la société avec tous les pouvoirs du président en lieu et place de M. [E], ainsi que de prendre toutes les mesures qu'imposent l'urgence et la nécessité,

de vérifier les comptes et avoir seul procuration sur le compte bancaire de la société Renovatico,

de convoquer les associés en assemblée générale conformément aux statuts lorsqu'il est nécessaire de prendre une décision collective ou de faire approuver des conventions réglementées,

de représenter la société dans tous les contrat, marchés, actes juridiques permettant la réalisation de l'objet social et notamment les avant-contrats et actes notariés permettant la vente des biens immobiliers de la SAS Renovatico,

de régulariser tous les actes nécessaires pour aboutir à la vente de la villa située [Adresse 5] à [Localité 1] au nom et pour le compte de la SAS Renovatico,

- débouter M. [E] et la SAS Renovatico de leurs demandes de modification de la mission du mandataire ad hoc d'appel tant dans son objet que sa durée et sa rémunération,

- débouter M. [E] et la SAS Renovatico de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouter la SAS Renovatico de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER M. [E] à verser à M. [N] la somme de 8.000€

sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Par conclusions notifiées et déposées le 18 avril 2024, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS Renovatico et M. [D] [E] demandent à la cour de :

- recevoir M. [E] et la société Renovatico en leur désistement du chef de la désignation et de la mission du mandataire ad hoc.

- dire ce désistement d'action au stade du référé parfait nonobstant toute contestation.

- confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus.

- condamner M. [H] [N] à verser à la société Renovatico et à M. [E] la somme de 20.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

- condamner M. [H] [N] à verser à la société Renovatico et à M. [E] la somme de 8.000 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouter et déclarer irrecevable l'ensemble des demandes fins et prétention de M. [H] [N] ;

- condamner M. [H] [N] aux entiers dépens

MOTIFS

En l'état du désistement de M. [D] [E] et de la SAS Renovatico de leur demande de désignation d'un administrateur ad hoc, accepté par M. [H] [N], la cour n'est plus saisie que de la demande de désignation d'un administrateur provisoire.

Il n'y a pas lieu de modifier la répartition des dépens et des frais relatifs à la désignation de l'administrateur ad hoc justement mis à la charge de la SAS Renovatico dans l'intérêt de laquelle était prise la mesure.

M. [H] [N] soutient qu'il est nécessaire de désigner un administrateur provisoire de la société dès lors que M. [D] [E] l'a évincé en le révoquant de ses fonctions et qu'il utilise la société pour en tirer un profit exclusivement personnel au détriment de l'intérêt social.

Il précise qu'il a découvert que M. [E] lui faisait signer des documents rédigés dans des langues qu'il ne maîtrise pas (anglais et français) comportant des conventions douteuses non approuvées en assemblée générale et prévoyant des intérêts exorbitants de 5% sur les apports en compte courant. Il critique les conditions de versement des prix de vente de villa rénovées par la société et conteste les motifs invoqués pour sa révocation.

Il affirme enfin que la société est menacée d'un péril imminent en ce que M. [E] utilise la société pour en tirer un profit exclusivement personnel au détriment de l'intérêt social comme en témoignent les conditions auxquelles sont soumis les accords de prêts que M. [E] a rédigés et lui a fait signer sans lui préciser la portée de ces actes qui sont particulièrement suspects.

Les intimés répliquent que la révocation de M. [N] a été effectuée conformément aux statuts, que ce dernier conserve ses droits d'associé, que ses allégations sur les conventions conclues M. [E] et la société sont mensongères, que la société fonctionne, que ses comptes ont été approuvés et que M. [N] avait consenti aux conventions fixant les intérêts des prêts.

Sur ce, la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.

En l'espèce, le désaccord entre associés est manifeste quant à l'interprétation des conventions conclues, mais la cour observe, tout comme le premier juge que l'appelant a signé en sa qualité de dirigeant de la SAS Renovatico les accords de prêts qu'il conteste aujourd'hui.

Ces conventions sont rédigées en français et en anglais, sans que M. [H] [N] ne justifie de sa méconnaissance de ces langues alors qu'il est produit en pièce 51 par les intimés la copie d'un mail rédigé en anglais par M. [D] [N].

Enfin, les assemblées générales ont été convoquées et tenues.

Par ailleurs il est produit aux débats, l'attestation de l'expert-comptable Fidexcom du 22 mai 2023 de laquelle il résulte que les intérêts des prêts litigieux n'ont pas été versés au prêteur et les comptes arrêtés 31 décembre 2022 qui confirme leur non-versement, ce qui exclut tout grief d'accaparement de l'actif social par M. [E].

La SAS Renovatico fonctionne normalement nonobstant le désaccord entre les associés égalitaires et aucun péril n'est caractérisé.

C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté M. [H] [N] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire.

Sur l'appel incident, s'il est possible à la cour, statuant comme juge des référés, de se prononcer sur le dommage causé par le comportement abusif de l'une des parties dans le développement procédural dont elle a eu à connaitre, il n'est justifié en l'espèce d'aucun abus dans l'exercice de la voie de recours qui était ouverte à M. [H] [N], ni mauvaise foi de sa part.

L'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande.

M. [H] [N], qui succombe, est condamné aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate le désistement de M. [D] [E] et de la SAS Renovatico de leur demande de désignation d'un administrateur provisoire, et le déclare parfait,

Rejette les demandes de remboursement de frais et honoraires formées à ce titre par M. [H] [N],

Confirme pour le surplus l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nice du 5 septembre 2023,

Condamne M. [H] [N] aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [H] [N] à payer à M. [D] [E] et la SAS Renovatico, ensemble, la somme de 3 000 euros.