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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 septembre 2024, n° 23/17542

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ALM Literie (SAS)

Défendeur :

La Halle au Sommeil Développement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Jougla, Me Balestas, Me Ohana, Me Delon

T. com. Paris, du 5 oct. 2023, n° 202302…

5 octobre 2023

La SAS La Halle au Sommeil Développement HSD (ci-après « la société HSD ») est franchiseur d'un réseau de distribution, notamment dans le secteur de la literie sous l'enseigne « LA HALLE AU SOMMEIL ».

La SAS ALM Literie (ci-après « la société ALM ») était franchisée « LA HALLE AU SOMMEIL » depuis 2006 et, au dernier état de leurs relations, les sociétés HSD et ALM ont signé le 8 décembre 2020 un contrat d'une durée de cinq ans, afférent à l'exploitation de la franchise dans des locaux situés à [Localité 3]. Ce contrat stipulait, outre des obligations pour le franchiseur, des obligations pour le franchisé, y compris après sa cessation, concernant les marques exploitées par la société HSD.

Le 12 janvier 2022, les parties ont signé une convention de rupture anticipée du contrat de franchise à effet au 31 mars 2022 et la société ALM a débuté l'exploitation d'une activité sous sa propre franchise nouvellement créée « EASY LIT ».

Selon la société HDS, la société ALM a continué à utiliser dans ses supports de communication les références aux marques et enseigne LA HALLE AU SOMMEIL, malgré l'interdiction contractuelle qui lui en était faite, et a fait établir, le 26 janvier 2023, un constat d'huissier sur les informations accessibles sur Google pour le magasin EASY LIT à [Localité 3] et sur la page Facebook du magasin.

La société HSD a adressé à la société ALM, le 20 février 2023 une mise en demeure de « supprimer l'utilisation de toutes photographies, images, références quelconques à l'une ou l'autre des marques dont est titulaire la société HSD' sur tous documents de communication, commercialisation et de promotion qu'ils soient matériels ou dématérialisés' » et de « formaliser une proposition d'indemnisation », en rappelant les stipulations contractuelles du contrat de franchise et le constat d'huissier.

La société ALM a répondu, par courrier du 28 mars 2023 que la société HSD n'était pas, contrairement à ses dires, titulaire des marques dont elle faisait état, que la seule marque visée au contrat de franchise encourait la nullité, n'étant pas exploitée, et ne correspondait à aucun des actes litigieux, que sa mise en demeure ne faisait pas état de faits ayant date certaine, et qu'aucun élément postérieur à la date de cessation des effets du contrat n'était établi.

La société HSD a fait établir, le 12 avril 2023, un nouveau constat d'huissier avant d'engager une instance en référé devant le tribunal de commerce, suivant assignation délivrée le 25 mai 2023.

Par ordonnance rendue le 5 octobre 2023 dont appel, le président du tribunal de commerce de Paris a:

dit l'exception d'incompétence soulevée par la SAS ALM Literie recevable ;

s'est déclaré compétent ;

débouté la SAS ALM Literie de sa fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de HSD ;

dit l'action de la SAS La Halle au Sommeil Développement ' HSD recevable ;

condamné la SAS ALM Literie à payer à la SAS La Halle au Sommeil Développement ' HSD, à titre de provision la somme de 106 000 euros.

condamné la SAS ALM Literie à supprimer l'utilisation de toutes photographies, images, références quelconques à l'une ou l'autre des marques sur lesquelles la SAS La Halle au Sommeil Développement ' HSD est titulaire des droits exclusifs d'exploitation et, en particulier, des marques « LA HALLE AU SOMMEIL », « NOCTURNAL », « FRANCE NUIT », « LA HALLE AU SOMMEIL 1ER DISCOUNT LITERIE DE MARQUE » et le « LOGO MARMOTTRE » ainsi que l'enseigne, sur son référencement Google.fr, ou à justifier avoir mis tous les moyens possibles en 'uvre pour les faire supprimer, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter du 30ème jour après la signification de la présente ordonnance, et ce pendant une période de 60 jours à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution, rejetant la demande de la SAS La Halle au Sommeil Développement ' HSD pour le surplus ;

débouté la SAS ALM Literie de sa demande reconventionnelle de condamnation de La Halle au Sommeil Développement ' HSD à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 40 500€ ;

condamné la SAS ALM Literie à payer à la SAS La Halle au Sommeil Développement ' HSD la somme de 3 000€, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant la demande de la SAS La Halle au Sommeil Développement ' HSD pour le surplus,

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

condamné en outre la SAS ALM Literie aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93€ TTC dont 6,78€ de TVA ;

commis d'office l'un des huissiers audienciers du tribunal pour signifier leur décision :

dit que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.

La société ALM Literie a interjeté appel de ce jugement le 25 octobre 2023.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 1er mars 2024, la société ALM Literie, appelante, demande à la cour de :

réformer l'ordonnance prononcée par le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Paris le 5 octobre 2023 en ce qu'elle a :

rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SAS ALM LITERIE au profit du Tribunal Judiciaire de LYON ;

débouté la SAS ALM LITERIE du défaut de qualité pour agir de la société HSD;

condamné la SAS ALM LITERIE à titre de provision à la somme de106.000,00€ ;

condamné la SAS ALM LITERIE à supprimer l'utilisation de toutes photographie, images, références quelconques (') ;

condamné la même à justifier avoir mis tous les moyens possibles pour faire supprimer ses publicités sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 30ème jour après la signification de l'ordonnance querellée ;

permis à la société HSD, passé une période de 60 jours, de reprendre son action;

condamné la société ALM LITERIE à la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais de l'instance.

Statuant de nouveau,

Au principal : sur la compétence du Tribunal de Judiciaire de LYON

juger que l'action engagée par la SAS HSD fait suite à la diffusion de prospectus diffusés par SAS ALM LITERIE afin qu'elle cesse et que par suite ladite action s'analyse comme une lutte contre une concurrence déloyale consécutive à la diffusion de produits issus de la marque SAS HSD.

juger que l'action introduite par la SAS HSD nécessite de vérifier si cette dernière est propriétaire des dessins, publicités et autres signes commerciaux qui figureraient sur le site Internet de la société SAS ALM LITERIE alors qu'en réalité la SAS ALM LITERIE prouve qu'elle était l'auteur intellectuel de ces signes publicitaires bien avant la signature du contrat de franchise liant les parties.

juger que cette action civile introduite par la SAS HSD relève de la compétence exclusive du Tribunal Judiciaire de LYON.

Subsidiairement : sur la compétence du Tribunal de Commerce de Grenoble

juger que comme l'a indiqué la société HSD cette action a pour fondement la lutte contre la concurrence déloyale.

juger qu'il s'agit d'une action en responsabilité de droit commun.

juger que seul le Tribunal de Commerce de GRENOBLE est compétent pour arbitrer ce litige de nature extracontractuelle

annuler la décision et inviter la SAS HSD à mieux se pourvoir.

Plus subsidiairement : sur la faute contractuelle reprochée

juger que la société HSD ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que la société ALM LITERIE aurait contrevenu aux dispositions contractuelles telles qu'édictées dans le nouveau contrat de rupture anticipée de franchise régularisé entre les parties le 12 janvier 2022 puisqu'aussi bien les deux constats d'Huissiers ne respectent pas les règles édictées lorsqu'il s'agit de sites Internet via Google et que les prospectus ne font qu'indiquer que le magasin HALLE AU SOMMEIL devient le magasin EASYLIT.

juger que la convention de rupture anticipée ne reprend pas toutes les dispositions contractuelles à l'origine du contrat de franchise et notamment l'existence d'une astreinte fixée à hauteur de 500 € par jour de retard.

juger que l'interprétation de ces preuves invoquées par HSD relève de la compétence du juge du fond.

Très subsidiairement :

juger que l'action doit être qualifiée d'extracontractuelle puisque postérieure à la rupture amiable du contrat

juger inapplicable les dispositions de l'article 12-3 du contrat de franchise.

juger que cette disposition est manifestement disproportionnée au regard de l'activité commerciale du magasin ALM LITERIE et du préjudice éventuellement subi par la société HSD.

juger qu'il convient d'écarter cette disposition contractuelle.

juger que cette discussion relève de la compétence exclusive du juge du fond rendant incompétent le juge des référés.

débouter la société HSD de sa demande à titre provisionnelle de condamnation à la moindre somme financière au titre d'une astreinte contractuelle manifestement excessive.

Sur l'appel incident :

juger que la société HSD ne rapporte aucun élément venant démontrer le comportement fautif et délibéré d'ALM LITERIE de nature à la sanctionner pour un tel comportement.

débouter la société HSD de cet appel incident.

condamner la société HSD à la somme de 10.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 8 avril 2024, la société HSD, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

CONFIRMER l'ordonnance en ce qu'elle a :

déclaré le Juge des référés du Tribunal de commerce de PARIS compétent,

débouté la société ALM LITERIE de sa fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT - HSD,

condamné la société ALM LITERIE à payer à la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT ' HSD, titre de provision, la somme de 106.000 euros,

condamné la société ALM LITERIE à supprimer l'utilisation de toutes photographies, images, références quelconques à l'une ou l'autre des marques sur lesquelles, la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT - HSD est titulaire des droits exclusifs d'exploitation et, en particulier, des marques LA HALLE AU SOMMEIL®, NOCTURNAL®, FRANCE NUIT®, «LA HALLE AU SOMMEIL 1ER DISCOUNT LITERIE DE MARQUE » ® , et le « LOGO MARMOTTE » ® ainsi que de l'enseigne, sur son référencement Google.fr ou à justifier avoir mis tous les moyens possibles en 'uvre pour les faire supprimer, sous astreinte,

débouté la société ALM LITERIE de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT - HSD à lui payer la somme provisionnelle de 40.500 €,

condamné la société ALM LITERIE à payer à la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT - HSD la somme de 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société ALM LITERIE aux dépens de 1ère instance,

la réformer en ce qu'elle a :

accordé à la société ALM LITERIE un délai pour se mettre en conformité jusqu'au 30ème jour après la signification et corrélativement débouté la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT ' HSD de sa demande tendant à voir fixer le point de départ de l'astreinte dans la continuité de l'ordonnance,

limité à 500 € par jour de retard l'astreinte postérieure à l'Ordonnance et corrélativement débouté la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT ' HSD de sa demande tendant à voir doubler le montant de l'astreinte,

limité à 60 jours la durée de l'astreinte postérieure à l'Ordonnance,

limité à 3.000 € le montant de l'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la 1ère instance,

En conséquence,

débouter la société ALM LITERIE de son exception d'incompétence au profit du Tribunal judiciaire de LYON,

déclarer irrecevable l'exception d'incompétence subsidiaire soulevée par la société ALM LITERIE au profit du Tribunal de commerce de GRENOBLE,

Subsidiairement,

débouter la société ALM LITERIE de son exception d'incompétence au profit du Tribunal de commerce de GRENOBLE,

débouter la société ALM LITERIE de sa demande tendant à voir annuler l'ordonnance,

débouter la société ALM LITERIE du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

condamner la société ALM LITERIE à payer à la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT ' HSD, à titre de provision, la somme de 106.000 euros au titre de l'astreinte conventionnelle du 07.03.2023 au 05.10.2023,

condamner la société ALM LITERIE à supprimer l'utilisation de toutes photographies, images, références quelconques à l'une ou l'autre des marques sur lesquelles, la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT - HSD est titulaire des droits exclusifs d'exploitation et, en particulier, des marques LA HALLE AU SOMMEIL®, NOCTURNAL®, FRANCE NUIT®, «LA HALLE AU SOMMEIL 1ER DISCOUNT LITERIE DE MARQUE » ® , et le « LOGO MARMOTTE » ® ainsi que de l'enseigne, sur son compte Google.fr ou à justifier avoir mis tous les moyens possibles en 'uvre pour les faire supprimer, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du 05.10.2023 et ce, sans limitation de durée,

condamner la société ALM LITERIE à régler à la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la 1ère instance,

condamner la société ALM LITERIE à régler à la société LA HALLE AU SOMMEIL DEVELOPPEMENT la somme de 4.800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de l'appel,

condamner la société ALM LITERIE aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

La société ALM Literie a notifié, postérieurement à l'ordonnance de clôture, le 30 avril 2024, des conclusions N°3 et de nouvelles pièces.

Le 2 mai 2024, la société la Halle au Sommeil Développement a conclu au rejet des dernières pièces et conclusions de l'appelante.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le rejet des conclusions et pièces signifiées après l'ordonnance de clôture

En vertu de l'article 802 du code de procédure civile, « Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption. »

Et selon l'article 803 du même code, « L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. ('.) »

En l'espèce, il n'est pas contesté que les dernières conclusions de la société ALM Literie ont été notifiées le 30 avril 2024, à 17H06 au RPVA, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture notifiée ce même jour aux parties à 15h05.

La cour constate par ailleurs que la société ALM n'évoque aucun motif ou cause grave au soutien de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 30 avril 2024 et que ces conclusions ne remplissent aucun des critères prévus à l'article 802 du code de procédure civile pour admettre leur recevabilité après la clôture des débats.

En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées le 30 avril 2024, postérieurement à l'ordonnance de clôture par la société ALM.

Sur les chefs non contestés de l'ordonnance

Nonobstant les termes de la déclaration d'appel, l'ordonnance déférée n'est pas critiquée en ce que le premier juge a :

- débouté la SAS ALM Literie de sa fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de HSD ;

- débouté la SAS ALM Literie de sa demande reconventionnelle de condamnation de La Halle au Sommeil Développement ' HSD à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 40 500€.

L'ordonnance sera confirmée de ces chefs pour les justes motifs qu'elle comporte.

Sur les exceptions d'incompétence

Au profit du tribunal judiciaire de Lyon

La société ALM soulève l'incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal judiciaire de Lyon aux motifs que la société HSD, faute de pouvoir démontrer la propriété intellectuelle des dessins, logos et de tout signe utile à la diffusion des produits objet du litige, ne peut se prévaloir de l'application contractuelle édictée ; que la discussion relative à la compétence territoriale ne relève pas de la compétence du juge des référés qui est juge de l'évidence ; qu'en application combinée de l'article L. 716-5 du code de propriété intellectuelle et du décret n° 2019-912 du 30 août 2019, le tribunal judiciaire de Lyon est compétent.

La société HSD fait valoir que le contrat de franchise, dans son article 16, attribue compétence exclusive au tribunal de commerce de Paris, et ce même en cas de procédure de référé; que par ailleurs la société HSD n'exerce ni une action en concurrence déloyale ni une action relative au droit des marques et ne formule aucune demande in futurum ou ne fonde son action sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle mais s'appuie sur le contrat signé par les parties ; que dès lors, ayant choisi d'agir en responsabilité contractuelle de droit commun, le droit spécial de la propriété intellectuelle ne s'applique pas et seul le tribunal de commerce de Paris est compétent.

Sur ce, la cour approuve le premier juge qui a relevé, sans excéder son office, que la demande présentée par la société HSD était fondée uniquement sur le non-respect des dispositions du contrat de franchise et ne nécessitait nullement l'examen de droits de propriété intellectuelle ou de faits de concurrence déloyale et parasitaire, de sorte que le tribunal de commerce de Paris était compétent pour juger de l'affaire en vertu de la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat de franchise, clause nullement remise en cause par la convention de rupture anticipée.

L'ordonnance déférée est en conséquence confirmée de ce chef.

Au profit du tribunal de commerce de Grenoble

La société ALM soutient, à titre subsidiaire, la compétence du tribunal de commerce de Grenoble estimant que ce sont en réalité des faits de concurrence déloyale et parasitaire qui sont dénoncés.

La société HSD rappelle que cette exception aurait dû être soulevée in limine litis, que les demandes nouvelles formées en cause d'appel sont irrecevables, de sorte que cette exception d'incompétence doit être écartée.

Sur ce, la cour constate que cette exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Grenoble n'a pas été soulevées in limine litis dans les premières conclusions d'appel notifiées par la société ALM, appelante, en violation des dispositions des articles 74 et 910-4 du code de procédure civile.

En conséquence, cette exception d'incompétence doit être déclarée irrecevable.

Sur la violation des obligations du contrat de franchise et la demande de provision

La société ALM soutient essentiellement que son adversaire ne démontre pas qu'elle n'aurait pas respecté les obligations mises à sa charge suite à la rupture du contrat de franchise actée dans la convention de rupture anticipée régularisée par les parties le 12 janvier 2022 fixant la fin des relations contractuelles au 31 mars 2022, que les constats d'huissier de justice versés au débat ne sont pas probants, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir communiqué auprès de ses clients sur le changement d'enseigne ainsi imposé, et ce alors que la société HSD, via ses filiales, vient d'implanter, à moins de 500 mètres de son magasin, un commerce ayant la même activité. Enfin, elle ajoute qu'il est impossible aujourd'hui techniquement d'obtenir de Google ou d'Instagram le retrait immédiat des images ou photographies installées sur une messagerie.

La société ALM plaide également que si le contrat de franchise prévoit en son article 12-3 l'instauration d'une astreinte, cette disposition contractuelle n'est pas reprise dans la convention de rupture anticipée régularisée le 12 janvier 2022 et que cette clause contractuelle est totalement disproportionnée par rapport à l'activité même du magasin ALM qui ne dégage pas un chiffre d'affaires de 500€ par jour.

La société HSD estime que les manquements sont manifestes ; que la société ALM ne conteste pas avoir signé le contrat de franchise ainsi que la convention actant sa résiliation anticipée ; que l'enseigne et les marques visées dans le contrat de franchise ont continué d'être visibles sur le profil Google de son ancienne franchisée ainsi que sur ses réseaux sociaux Facebook et Instagram au-delà de la date du 31 mars 2022 comme en attestent les constats d'huissiers effectués; que le prospectus publicitaire établi pour les portes ouvertes des 25, 26 et 27 décembre 2022 reproduit la marque « LA HALLE AU SOMMEIL » et le logo Marmotte, deux signes distinctifs protégés que la société ALM LITERIE avait l'interdiction d'utiliser après le 31 mars 2022.

La société HSD soutient que la clause relative au paiement d'une astreinte s'applique, rien dans la convention de rupture anticipée ne venant modifier sur ce point le contrat de franchise et qu'elle doit s'appliquer en conséquence au vu du non-respect de ses obligations par la société ALM.

En vertu des articles 872 et 873 du code de procédure civile relatifs aux pouvoirs du président du tribunal de commerce , « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend » et « le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

En l'espèce, il ressort des pièces produites que les parties étaient liées depuis le 7 novembre 2006 par un contrat de franchise autorisant la société ALM à utiliser la marque La Halle au Sommeil. Un nouveau de contrat de franchise a été régularisé le 8 décembre 2020 entre la société HSD et la société ALM l'autorisant à faire usage de la marque semi-figurative française « La Halle au Sommeil les Mille et une Literies » enregistrée sous le numéro 93470619 ainsi que de « toute autre marque sur laquelle le franchiseur serait titulaire de droits et qu'il déciderait de substituer ou d'ajouter aux marques définies ci-dessus pour l'exploitation de tout ou partie du réseau. »

Il est stipulé, dans ce contrat, un article 13 qui organise les relations des parties à la cessation des effets du contrat et notamment la cessation de l'usage des marques. Le contrat prévoit également le paiement d'une astreinte en cas d'inexécution par les parties d'une des obligations mises à leur charge, à hauteur de 500€ par jour de retard et par manquement, montant dû dans les quinze jours de la notification d'une mise en demeure de se conformer à ses obligations contractuelles.

En outre, dans le cadre de la convention de rupture anticipée du 12 janvier 2022 signée entre les parties, ces dernières ont convenu d'une fin des relations commerciales au 31 mars 2022, date à laquelle « tous les signes distinctifs de l'enseigne (mobilier, enseigne, plv, présence sur les réseaux) et de manière non exhaustive tous les éléments constitutifs du savoir-faire et de l'identité Halle au Sommeil devront être systématiquement supprimés. »

À cet égard, la cour retient, sans contestation sérieuse, que la convention de rupture ne se substitue pas au contrat de franchise mais vient, uniquement, préciser les conditions de la rupture anticipée du contrat de franchise, sans remettre en cause à aucun moment son contenu.

Par ailleurs, il ressort des procès-verbaux de constat réalisés les 26 janvier, 12 avril et 31 octobre 2023 par la société HSD dont la validité n'est pas sérieusement contestée, le commissaire de justice ayant respecté les prérequis en la matière, que la marque semi-figurative La Halle au Sommeil n° 93470619, mentionnée dans le contrat de licence était encore utilisée par la société ALM sur un flyer pour annoncer à ses clients son changement de dénomination commerciale en novembre 2022 et que cette même marque figurait encore sur certaines photos publiées sur ses réseaux sociaux ou sur son profil GOOGLE représentant la façade de son magasin, nonobstant une mise en demeure adressée le 20 février 2023.

Il s'en évince que, sans contestation sérieuse, la société ALM n'a pas rempli, dans son intégralité, l'interdiction qui lui était faite de poursuivre l'usage des signes en cause malgré la mise en demeure adressée en ce sens le 20 février 2023, ne justifiant par aucune pièce de son impossibilité de faire procéder au retrait des derniers clichés litigieux, et que l'astreinte prévue conventionnellement a pu courir du 7 mars 2023 (quinze jours après la mise en demeure) au 5 octobre 2023, date à laquelle le juge des référés a statué.

Si la société ALM soulève le caractère disproportionné de cette clause, la cour rappelle que si le juge des référés peut accorder une provision sur le montant non contestable d'une clause pénale, il n'entre pas dans ses pouvoirs de diminuer ce montant à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle de l'obligation a procuré au créancier (Civ 3e 19 février 2003 01-16991), étant rappelé cependant qu'une astreinte conventionnelle peut s'analyser en une clause pénale ( Civ 2e 3 septembre 2015 14-20431).

Cependant, la cour relève que, sur ces mêmes constats, il est établi que la société ALM avait modifié sa devanture ainsi que ses documents publicitaires, dès avant le premier procès-verbal de constat du 26 janvier 2023 pour ne plus faire usage de la marque en cause, seuls persistant les usages de certaines dénominations revendiquées à titre de marques par la société HSD, mais non listées dans le contrat de franchise, et l'usage de la marque visée sous une forme modifiée sur un prospectus et sur d'anciennes pages de réseaux sociaux, supprimées ensuite par la société ALM, seules persistant des représentations de l'ancienne devanture sur une page GOOGLE.

Aussi, au vu de cet ensemble d'éléments, la cour retient qu'il convient de condamner la société ALM Literie à verser à la société HSD, suite au non-respect non sérieusement contestable de ses obligations, à titre de provision à valoir sur le montant de l'astreinte conventionnelle liquidée, telle que fixée à l'article 12-3 du contrat de licence, une somme de 50.000€, l'ordonnance déférée étant infirmée de ce chef.

Sur le montant et la durée de l'astreinte à venir

La société HSD estime que le montant de l'astreinte conventionnelle de 500 € n'est pas suffisamment dissuasif puisque la société ALM persiste dans son inexécution depuis plus de 2 ans malgré la résiliation du contrat de franchise et sollicite, en conséquence, son doublement sans limitation de durée.

La société ALM conteste les demandes formulées à ce titre.

Sur ce, c'est par de justes motifs approuvés par la cour que le premier juge après avoir constaté qu'à compter d'avril 2023 il n'était plus fait référence à l'enseigne, au logo ou aux marques en cause, à l'exception d'une présence résiduelle sur GOOGLE, a retenu que le doublement de l'astreinte demandé par la société HSD n'apparaissait pas nécessaire à son efficacité, en laissant un délai de 30 jours pour la mise en 'uvre des diligences, l'astreinte courant sur une période de 60 jours, la société HSD ne produisant à hauteur d'appel aucun élément de nature à remettre en cause la décision déférée sur ce point.

L'ordonnance critiquée doit en conséquence être confirmée de ces chefs.

Sur les autres demandes

La société ALM, succombant, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de débouter la société HSD de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Déclare irrecevable les conclusions et pièces signifiées le 30 avril 2024, postérieurement à l'ordonnance de clôture, par la société ALM Literie,

Confirme l'ordonnance déférée, sauf en ce que le juge des référés a condamné la société ALM Literie à payer à la société La Halle au Sommeil Développement HSD à titre de provision une somme de 106.000€,

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société ALM Literie au profit du tribunal de commerce de Grenoble,

Condamne la société ALM Literie à payer à la société La Halle au Sommeil Développement HSD à titre de provision une somme de 50.000€,

Déboute la société La Halle au Sommeil Développement HSD de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ALM Literie aux dépens d'appel.