Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 16 novembre 2023, n° 22/13716

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LYS MARTAGON (SCI)

Défendeur :

RAPIDE SANDWICHES (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme LEYDIER

Conseillers :

Mme NETO, Mme PERRAUT

Avocats :

SELARL CHAMBONNAUD BAGNOLI SECHER, SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES

TJ GRASSE, du 15 sept. 2022

15 septembre 2022

Suivant acte en date du 3 octobre 2003, la société civile immobilière (SCI) Lys Martagon a consenti à la société à responsabilité limitée (SARL) Rapide Sandwiches un bail commercial portant sur un local situé sein de l'ensemble immobilier [Adresse 5], [Adresse 3], à [Localité 4], afin d'y exercer une activité de restauration rapide et vente à emporter.

Reprochant à la société Rapide Sandwiches des nuisances olfactives résultant de son système d'extraction d'air, le syndicat des copropriétaires [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse ainsi que la société Lys Martagon aux fins de les voir condamner solidairement à l'enlèvement des extracteurs d'air à l'origine des nuisances et à procéder aux travaux qui s'imposent afin de se mettre en conformité avec le règlement sanitaire départemental des Alpes Maritimes.

Par ordonnance en date du 9 juin 2022, ce magistrat a :

- jugé le syndicat des copropriétaires recevable et fondé en son action ;

- condamné in solidum la société Lys Martagon et la société Rapide Sandwiches à procéder à l'enlèvement des extracteurs d'air, tels qu'ils figurent aux pages 5 à 11 du constat du 8 mars 2022, sous astreinte de 150 euros par jour de retard qui commencera à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné in solidum la société Lys Martagon et la société Rapide Sandwiches à mettre un terme aux nuisances olfactives en procédant aux travaux qui s'imposent afin de se mettre en conformité au règlement sanitaire départemental des Alpes Maritimes et à l'arrêté du 22 octobre 1969 relatif aux conduits de fumée desservant des logements, sous astreinte de 150 euros par jour de retard qui commencera à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné in solidum la société Lys Martagon et la société Rapide Sandwiches à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Lys Martagon et la société Rapide Sandwiches aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des procès-verbaux de constat d'huissier des 22 février 2021 et 8 mars 2022 ;

- déclaré irrecevables les demandes formées par la SARL Rapide Sandwiches contre la SCI Lys Martagon, faute pour la SARL Rapide Sandwiches de justifier avoir fait signifier ses demandes à la partie adverse non constituée.

Sur ce dernier chef de l'ordonnance, la SARL Rapide Sandwiches a saisi le même magistrat d'une requête en omission de statuer, le 15 juin 2022, au motif qu'elle a procédé à la signification de ses conclusions n°1 par acte d'huissier en date du 1er mars 2022.

- jugé recevable et bien fondée la requête en omission de statuer ;

- complété l'ordonnance du 9 juin 2022 en rétablissant le véritable exposé des prétentions respectives des parties et leurs moyens, à savoir que les demandes formées par la société Rapide Sandwiches à l'encontre de la société Lys Martagon lui ont été régulièrement communiquées et lui sont contradictoires ;

- condamné la SCI Lys Martagon à relever et garantir la SARL Rapide Sandwiches de la condamnation d'avoir à procéder à l'enlèvement des extracteurs d'air, tels qu'ils figurent aux pages 5 à 11 du constat du 8 mars 2022, sous astreinte de 150 euros par jour de retard qui commencera à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné la SCI Lys Martagon à relever et garantir la SARL Rapide Sandwiches d'avoir à mettre un terme aux nuisances olfactives en procédant aux travaux qui s'imposent afin de se mettre en conformité au règlement sanitaire départemental des Alpes Maritimes et à l'arrêté du 22 octobre 1969 relatif aux conduits de fumée desservant des logements, sous astreinte de 150 euros par jour de retard qui commencera à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné la SCI Lys Martagon aux dépens de l'instance en omission de statuer ;

- dit que, conformément aux dispositions de l'article 463 du code de procédure civile, la décision sera mentionnée sur la minute et donnera ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.

Suivant déclaration transmise au greffe le 14 octobre 2022, la société Lys Martagon a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 15 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle réforme l'ordonnance du 15 septembre 2022 rendue sur requête en omission de statuer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau qu'elle :

- rejette la requête en omission de statuer déposée par la SARL Rapide Sandwiches ;
- la déclare irrecevable en ses demandes ;
- la déboute de ses demandes ;
- la condamne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - la condamne aux dépens.

Elle expose que l'article 463 du code de procédure civile permet au juge de compléter une décision mais non de revenir

Par ordonnance en date du 15 septembre 2022, ce magistrat a :

sur un chef effectivement tranché. Elle souligne qu'alors même que le premier juge a tranché la question de la recevabilité des demandes formées par la SARL Rapide Sandwiches à son encontre, ce dernier est revenu sur sa décision. Elle relève que le fait pour ce dernier d'avoir commis une erreur dans son appréciation des éléments du dossier dans sa première ordonnance ne l'autorisait pas, sous couvert d'une requête en omission de statuer, de porter atteinte l'autorité de la chose jugée en statuant une seconde fois. Elle affirme que cette seconde appréciation en fait et en droit relevait de la compétence de la cour d'appel. A titre subsidiaire, elle conteste la décision qui a été prise aux regard des stipulations contractuelles.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 15 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice ;
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 1.00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux dépens de l'appel avec distraction au profit de la SCI Badie Simon-Thibaud Juston, avocat aux offres de droit.

Régulièrement intimée par la signification de la déclaration d'appel, des conclusions et des pièces de l'appelant, par acte d'huissier en date du 17 novembre 2022, la SARL Rapide Sandwiches n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 25 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'omission de statuer

En application de l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut compléter sa décision sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties.

La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.

En l'espèce, tout en retenant les dernières conclusions signifiées par la société Rapide Sandwiches le 2 mai 2022, locataire, aux termes desquelles elle formait, à titre subsidiaire, un appel en garantie à l'encontre de la société Lys Martagon, bailleresse, dans le cas où elle serait condamnée à faire les travaux sollicités par le syndic des copropriétaires [Adresse 5], le premier juge a, dans son ordonnance en date du 9 juin 2022, déclaré ces demandes irrecevables, faute pour la société Rapide Sandwiches de les avoir signifiées à la société Lys Martagon, partie non comparante comme n'ayant pas constitué avocat. C'est ainsi que le premier juge a tranché cette fin de non-recevoir tant dans les motifs que dans le dispositif de sa décision.

Justifiant avoir signifié à la société Lys Martagon ses premières conclusions transmises le 8 février 2022, par acte d'huissier en date du 1er mars 2022, et ses dernières écritures transmises le 2 mai 2022, par voie électronique le 3 mai 2022, aux termes desquelles elle formait, à titre subsidiaire, un appel en garantie à l'encontre de sa bailleresse, la société Rapide Sandwiches a demandé au premier juge de compléter sa décision pour avoir omis de statuer sur cette demande.

En jugeant irrecevables les demandes subsidiaires formées par la société Rapide Sandwiches à l'encontre de la société Lys Martagon, le premier juge ne s'est pas prononcé sur le fond de l'appel en garantie dont il avait été saisi pour non- respect du principe du contradictoire.

Il reste que si, en application de l'article 5 du code de procédure civile, le juge est tenu de se prononcer sur tout ce qui est demandé par les parties, soit de rétablir le véritable exposé des prétentions respectives des parties, il ne peut revenir sur un chef effectivement tranché.

Tel est le cas de l'ordonnance en date du 9 juin 2022 qui statue formellement dans son dispositif sur une fin de non- recevoir et qui, dès lors, a autorité de la chose jugée relativement à la contestation ainsi tranchée, conformément aux dispositions de l'article 480 du code de procédure civile.

Même à supposer que le premier juge a, dans son ordonnance du 9 juin 2022 fait une mauvaise appréciation du respect du principe du contradictoire à l'égard de la société Lys Martagon, il ne lui était pas possible, sous couvert d'une omission de statuer, de revenir sur la fin de non-recevoir tranchée dans son dispositif sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée de sa décision sur ce point.

Il appartenait à la société Rapide Sandwiches, non pas de déposer une requête en omission de statuer, mais d'interjeter appel à l'encontre de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a, notamment, déclaré irrecevables ses demandes formées à l'encontre de la société Lys Martagon.

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en date du 15 septembre 2022 en ce qu'elle a fait droit à la requête en omission de statuer présentée par la société Rapide Sandwiches et de rejeter cette requête.

En revanche, la cour n'étant saisie que de l'ordonnance en date du 15 septembre 2022 ayant fait droit à la requête en omission de statuer et non de l'ordonnance en date du 9 juin 2022 ayant notamment statué sur la recevablité des demandes subsidiaires formées par la société Rapide Sandwiches à l'encontre de la société Lys Martagon, cette dernière sera déboutée de sa demande de voir déclarer la société Rapide Sandwiches irrecevable en ses demandes.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'omission de statuer de la société Rapide Sandwiches ayant été rejetée, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Lys Martagon aux dépens de l'instance en omission de statuer.

La société Rapide Sandwiches sera donc condamnée aux dépens de première instance et d'appel résultant de la procédure en omission de statuer avec distraction au profit de la SCP Badie-Simon-Thibaud Juston, avocats aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande en outre de condamner la société Rapide Sandwiches à verser à la société Lys Martagon la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés dans le cadre de la présente procédure non compris dans les dépens.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des mêmes dispositions en faveur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, de sorte qu'il sera débouté de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise en date du 15 septembre 2022 rendue par le juge des référés du tribunal jucidiaire de Grasse sur requête en omission de statuer en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Rejette la requête en omission de statuer présentée par la SARL Rapide Sandwiches ;

Déboute la SCI Lys Martagon de sa demande de voir déclarer irrecevables les demandes de la SARL Rapide Sandwiches ;

Condamne la SARL Rapide Sandwiches à verser à la SCI Lys Martagon la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, de sa demande formulée sur le même fondement ;

Condamne la SARL Rapide Sandwiches aux entiers dépens de première instance et de la procédure d'appel avec distraction au profit de la SCP Badie-Simon-Thibaud Juston, avocats aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.