CA Versailles, 12e ch., 22 septembre 2022, n° 21/05937
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
GILEAD SCIENCES (SAS)
Défendeur :
VIIV HEALTHCARE (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. THOMAS
Conseillers :
Mme MULLER, Mme CARIOU
Avocats :
SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, cabinet ALLEN & OVERY LLP
EXPOSE DU LITIGE
La société Gilead Sciences est un laboratoire de biotechnologie,qui développe et commercialise des médicaments notamment indiqués dans le traitement du VIH.
La société ViiV Healthcare est une entreprise pharmaceutique spécialisée dans le développement de traitements curatifs contre le VIH.
Le VIH est un rétrovirus qui s'attaque aux cellules du système immunitaire et les détruit ou les rend inefficaces. Le syndrome d'immunodéficience acquise (« SIDA ») est le dernier stade de l'infection par le VIH. Les traitements disponibles pour lutter contre l'infection par le VIH sont des traitements antirétroviraux (ci-après ARV) qui visent principalement à ralentir l'évolution de la maladie.
Les traitements visant à lutter contre le VIH ont longtemps consisté en des trithérapies (c'est-à-dire l'association de trois antirétroviraux). Depuis peu, des bithérapies (association de deux antirétroviraux) ont été développées, afin d'alléger le traitement des patients.
En 2018, 12,9 % des patients souffrant du VIH en France étaient traités par bithérapie. Le traitement antirétroviral standard de première ligne, prescrit à des patients « naïfs » (qui n'ont pas encore reçu de traitements) a longtemps consisté à associer trois médicaments antirétroviraux, en trithérapie. Les bithérapies ont été majoritairement utilisées en seconde ligne, autrement dit après une première période de traitement.
Le Dovato®, objet du présent litige, est la première bithérapie indiquée en première ligne.
Le 1er juillet 2019, la société ViiV Healthcare a obtenu de l'Agence européenne du médicament, une autorisation de mise sur le marché pour la spécialité Dovato®, indiqué: pour le traitement des patients naïfs ou prétraités, en tant qu'alternative aux trithérapies déjà disponibles,
- Dans le traitement de l'infection par le VIH de type 1 (VIH-1),
- Chez l'adulte et l'adolescent âgés de plus de 12 ans et pesant au moins 40 kg,
- Sans preuve actuelle ou antérieure de résistance aux molécules qui la compose.
Le 25 juillet 2019, la société ViiV Healthcare a soumis à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ci-après l'ANSM) le courriel de lancement présentant la spécialité Dovato®.
Le 28 septembre 2019, la société ViiV Healthcare a obtenu le visa de publicité nécessaire (délivré par l'ANSM) à la diffusion du courriel de lancement et de la publicité.
Le 13 mars 2020, la société ViiV Healthcare a diffusé un courriel de présentation du Dovato® auprès des professionnels de santé, peu de temps après le lancement du Dovato®.
Le 6 avril 2020, la société Gilead Sciences a envoyé à la société ViiV Healthcare une lettre de réclamations portant sur le courriel de lancement, soutenant qu'il souffrait de nombreux manquements au regard de la réglementation encadrant la publicité des médicaments auprès des professionnels de santé.
Le 7 mai 2020, la société ViiV Healthcare a indiqué à la société Gilead Sciences que les mentions du courriel de lancement avaient reçu l'assentiment de l'ANSM, acceptant toutefois de modifier une des mentions (réduction de l'exposition aux ARV remplacée par réduction du nombre d'ARV).
Le 19 juin 2020, la société Gilead Sciences a assigné la société ViiV Healthcare en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'interdire, notamment la poursuite et la réitération de la
Par ordonnance du 22 juillet 2020, le président de ce tribunal a débouté la société Gilead Sciences de l'ensemble de ses demandes.
Par acte du 23 décembre 2020, la société Gilead Sciences a assigné la société ViiV Healthcare devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir cette dernière condamnée à lui verser la somme de 1.922.821 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale dénoncés.
Par jugement du 30 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Déclaré recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence matérielle formée par la société ViiV Healthcare ;
- S'est déclaré compétent pour juger de l'action en concurrence déloyale intentée par la société Gilead Sciences ;
- Débouté la société Gilead Sciences de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;
- Débouté la société ViiV Healthcare de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive ;
- Condamné la société Gilead Sciences à payer à la société ViiV Healthcare la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Gilead Sciences aux dépens.
Par déclaration du 28 septembre 2021, la société Gilead Sciences a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 22 février 2022, la société Gilead Sciences demande à la cour de : - Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Gilead Sciences ;
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement rendu le 31 juillet 2021 en ce qu'il a :
- Déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par ViiV Healthcare ;
- Débouté la société Gilead Sciences de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;
- Condamné la société Gilead Sciences à payer à la société ViiV Healthcare la somme de 50.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Gilead Sciences aux dépens ;
Et statuant à nouveau,
- Déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société ViiV Healthcare ;
A titre subsidiaire, si par impossible l'exception d'incompétence était jugée recevable, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société ViiV Healthcare,
- Recevoir la société Gilead Sciences en ses écritures et les dire bien fondées ;
- Condamner la société ViiV Healthcare à verser à la société Gilead Sciences la somme de 2.200.000 euros, à parfaire à la date de délibéré, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;
- Condamner la société ViiV Healthcare à verser à la société Gilead Sciences la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice d'image et de réputation subi du fait des actes de concurrence déloyale ;
- Ordonner à ViiV de cesser d'utiliser dans ses communications portant sur le Dovato en France,
sous quelque forme que ce soit, les allégations suivantes, seules ou en combinaison : «Powered by DTG », « Efficacité démontrée chez les patients naïfs vs une trithérapie », « Réduction de l'exposition aux ARV, sans TDF ni TAF vs une trithérapie », « Réduction du nombre d'ARV, sans TDF ni TAF vs une trithérapie » ou leur équivalent traduit dans une autre langue, ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et infraction constatée à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir ;
- Ordonner la publication du dispositif du jugement (sic) à intervenir, aux frais de la société ViiV Healthcare :
- En haut de la page d'accueil des sites Internet suivants, dans une police de caractère identique à celle des principaux messages mis en avant sur cette page d'accueil :
https://viivhealthcare.com/fr-fr/
https://fr.viivexchange.com/
https://gskpro.com/fr-fr/
- et dans deux publications au choix de Gilead dans la limite de 5.000 euros par publication ;
- Ordonner la diffusion par la société ViiV Healthcare d'un email adressé aux professionnels de
santé destinataires de l'email du 13 mars 2020 rédigé dans les termes suivants :
« Docteur, ViiV Healthcare vous a envoyé plusieurs documents promotionnels vous informant de la mise à disposition de Dovato®. Par un arrêt du (date), la cour d'appel de Versailles a interdit la diffusion de ces documents en ce qu'ils sont constitutifs de concurrence déloyale à l'égard des spécialités de trithérapie de la société Gilead. La cour a condamné ViiV à verser à la société Gilead la somme de (à compléter) à titre de dommages-intérêts, outre des mesures de publication. »
La diffusion de cet email devant intervenir sous le contrôle d'un huissier de justice que la cour désignera dans l'arrêt à intervenir, l'officier ministériel devant s'assurer de son envoi effectif aux professionnels de santé concernés, selon des modalités identiques ou similaires à celles ayant permis l'envoi de l'email du 13 mars 2020, aux frais de ViiV (y compris les coûts éventuels de tous prestataires extérieurs), Gilead étant autorisée à en faire l'avance afin d'éviter toute difficulté dans l'exécution de la décision ;
- Condamner la société ViiV Healthcare à verser à la société Gilead Sciences la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société ViiV Healthcare aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la société Minault Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, la société ViiV Healthcare demande à la cour de :
- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par la société la société Gilead Sciences ;
- L'en débouter ;
- Déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par la société ViiV Healthcare ;
Y faisant droit,
A titre principal et in limine litis,
- Confirmer le jugement du 30 juillet 2021 en ce qu'il a déclaré recevable l'exception d'incompétence matérielle formée par la société ViiV Healthcare ;
- Réformer le jugement du 30 juillet 2021 en ce que le tribunal s'est déclaré compétent pour juger de l'action en concurrence déloyale intentée par la société Gilead Sciences contre la société ViiV Healthcare ;
Et statuant à nouveau,
- Se déclarer incompétente pour connaître de la présente action au profit du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, et en conséquence renvoyer la société Gilead Sciences à mieux se pourvoir ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour se déclarait compétente pour juger de l'action intentée par la société Gilead Sciences,
- Confirmer le jugement du 30 juillet 2021 en ce qu'il a débouté la société Gilead Sciences de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;
- Confirmer le jugement du 30 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société Gilead Sciences à verser à la société ViiV Healthcare la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
- Réformer le jugement du 30 juillet 2021 en ce qu'il a débouté la société ViiV Healthcare de sa demande en condamnation pour procédure abusive ;
Et statuant à nouveau,
- Condamner la société Gilead Sciences à régler une amende civile de 10.000 euros pour procédure abusive ;
- Condamner la société Gilead Sciences à verser à la société ViiV Healthcare la somme de 120.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la procédure abusivement intentée à son encontre et de l'appel abusif de la société Gilead Sciences ;
A titre infiniment subsidiaire, si la cour ordonnait à la société ViiV Healthcare de ne plus diffuser les Documents Promotionnels ou les mentions contestées,
- Déclarer que la société ViiV Healthcare pourra continuer à utiliser les Documents Promotionnels et tout document existant contenant les mentions contestées jusqu'à l'octroi de nouveau visas PM de l'ANSM pour des documents modifiés soumis à l'ANSM lors de la période de dépôt qui suivra l'arrêt à intervenir ;
En tout état de cause :
- Débouter la société Gilead Sciences de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Gilead Sciences à payer à la société ViiV Healthcare la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Gilead Sciences aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société ViiV Healthcare au profit des juridictions administratives
La société ViiV Healthcare (ci après société ViiV) reprend devant la cour l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée en vain devant le premier juge, et demande à la cour de se déclarer incompétente au profit des juridictions
1-1- sur la recevabilité de l'exception d'incompétence
La société Gilead soutient que l'exception d'incompétence soulevée par la société ViiV est irrecevable en ce que celle-ci n'a pas soulevé cette exception in limine litis et qu'elle n'a pas respecté les dispositions des articles 74 et 75 du code de procédure civile. Elle fait observer que le tribunal de commerce a fait usage de la procédure écrite simplifiée (article 446- 2 du code de procédure civile), de sorte que la société ViiV devait, à peine d'irrecevabilité de l'exception soulevée, indiquer dès ses premières conclusions quelle était la juridiction compétente, ce qu'elle n'a pas fait. Elle ajoute que l'application de la procédure écrite simplifiée ne nécessite aucun accord des parties, leur simple consultation étant suffisante.
La société ViiV soutient qu'il n'y a pas eu application de la procédure écrite simplifiée dès lors que les parties n'ont pas été consultées, et n'ont pas donné leur accord sur ce point, les notes d'audience et les mentions du jugement ne faisant pas état de l'usage d'une telle procédure.
Il résulte de l'article 74 du code de procédure civile que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
Il résulte de l'article 75 du même code que s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
Il résulte enfin de l'article 446-1 du code de procédure civile, applicable devant le tribunal de commerce, que les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal. Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui.
Il résulte de l'article 446-2 du même code que lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d'accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces (...).
Les parties s'opposent en premier lieu sur le fait de savoir si le tribunal de commerce a fait usage de la procédure orale (article 860-1 et 446-1 du code de procédure civile) ou de la procédure écrite simplifiée (article 446-2 du code de procédure civile).
Le seul fait que l'affaire ait fait l'objet de plusieurs renvois est insuffisant à démontrer que le juge a 'organisé les échanges entre les parties' et 'recueilli leur avis' pour ce faire, ce qui supposerait a minima une demande d'avis, outre l'établissement d'un calendrier de procédure, aucune pièce n'étant produite à ce titre. Il ressort au contraire des termes du jugement que 'le tribunal n'ayant ni établi de calendrier de procédure, ni dispensé les parties de comparaître, Gilead Sciences est mal fondée à invoquer les dispositions de l'article 446-2 du code de procédure civile'.
Le tribunal indiquant lui-même qu'il n'a pas fait application de l'article 446-2 précité, et ce point n'étant pas utilement contesté par la société Gilead, la cour dira que la procédure utilisée devant le tribunal de commerce était orale.
La procédure étant orale et le tribunal retenant dans son jugement que l'exception d'incompétence a été soulevée oralement à l'audience avant toute défense au fond, avec indication du tribunal administratif de Cergy Pontoise comme tribunal compétent, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré recevable l'exception d'incompétence. Le jugement sera confirmé de ce chef.
1-2- sur le bien fondé de l'exception d'incompétence
La société ViiV soutient que le tribunal administratif était seul compétent, au motif que les demandes formées par la société Gilead tendent en fait à remettre en cause la validité de décisions prises par une autorité administrative, en l'espèce l'ANSM (agence nationale de sécurité du médicament). Elle affirme que le juge judiciaire n'est pas compétent pour remettre en cause la légalité d'un acte administratif, ou lorsque les demandes présentées pourraient le conduire à remettre en cause, ou priver d'effet la décision d'une autorité administrative dans l'exercice de ses pouvoirs. Elle fait valoir que les demandes de la société Gilead (notamment interdiction de certaines mentions des documents promotionnels du Dovato) tendent bien à remettre en cause les appréciations de l'ANSM sur les documents promotionnels du Dovato, de sorte qu'elles ne relèvent pas du juge judiciaire, mais du juge administratif. Elle ajoute que les faits de concurrence déloyale qui lui sont reprochés reposent entièrement sur des manquements allégués à la règlementation applicable en matière de publicité du médicament que l'ANSM est chargée de contrôler, de sorte que les demandes de la société Gilead s'inscrivent précisément dans le champ du contrôle de l'ANSM, relevant d'autant plus de la compétence du juge administratif.
La société Gilead soutient au contraire que le tribunal judiciaire est seul compétent pour connaître de l'action en concurrence déloyale qu'elle exerce. Elle admet que le juge judiciaire ne doit pas substituer - sur une décision administrative - son appréciation à celle de l'autorité administrative, soutenant toutefois que cela n'affecte pas la compétence du juge judiciaire pour réparer, par équivalent, les préjudices causés et prendre toute mesure de nature à les faire cesser qui ne contrarie pas les mesures prises par l'administration. Elle invoque un partage de compétence entre les tribunaux, judiciaires d'une part, administratifs d'autre part, soutenant que seuls les intérêts pris en compte par l'autorisation administrative relèvent de la compétence administrative quant à une réparation en nature, les autres intérêts non pris en compte par une police spéciale (ANSM) pouvant être appréciés par le juge judiciaire au soutien d'une réparation en nature. Elle indique qu'en l'espèce, l'ANSM ne détient aucun pouvoir d'appréciation et de police en matière de concurrence et qu'elle n'a procédé à aucun contrôle à ce titre - son contrôle étant exclusivement destiné à assurer la protection de la santé publique et des patients - de sorte que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur ses demandes relatives à des faits de concurrence déloyale. Elle indique que l'objet du contrôle de l'ANSM est nécessairement limité, à caractère sanitaire et médical, dans l'objectif de protéger la santé des patients, et qu'il n'inclut pas le contrôle du respect des règles de concurrence. Elle ajoute enfin que le pouvoir d'appréciation du juge judiciaire n'est pas restreint en ce qui concerne le caractère trompeur ou dénigrant des publicités en cause dès lors notamment que l'ANSM ne dispose d'aucun pouvoir exclusif pour effectuer un tel contrôle, étranger à sa mission, et que le juge judiciaire intervient uniquement dans la perspective de la réparation de dommages causés par la diffusion de la publicité autorisée.
Il résulte de l'article L.5311-1 du code de la santé publique que l'ANSM participe à l'application des lois et règlements et prend, dans les cas prévus par des dispositions particulières, des décisions relatives à l'évaluation, aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l'importation, à l'exportation, à la distribution en gros, au courtage, au conditionnement, à la conservation, à l'exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité, à la mise en service ou à l'utilisation des produits mentionnés au premier alinéa du présent II. (soulignement par la cour) (...) Elle contrôle la publicité en faveur de tous les produits, objets, appareils et méthodes revendiquant une finalité sanitaire ainsi que celle en faveur des produits listés à l'annexe XVI du règlement (UE) 2017/745 relevant de sa compétence.
* la délivrance des visas de publicité par l'ANSM
Il résulte de l'article L.5122-8 du code de la santé publique que la publicité auprès du public pour un médicament mentionné à l'article L. 5122-6 ainsi que les campagnes publicitaires auprès du public pour les vaccinations sont soumises à une autorisation préalable de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (= abrégé ANSM) dénommée visa de publicité. Ce visa est délivré pour une durée qui ne peut excéder la durée de l'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments soumis à cette autorisation.
Il résulte en outre de l'article L. 5122-2 du même code que la publicité définie à l'article L. 5122-1 ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage. Elle doit respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de Santé (HAS).
En l'espèce, la société ViiV a formé, pour son médicament Dovato, deux demandes successives de visa de publicité auprès de l'ANSM qui lui a délivré un premier visa en septembre 2019, et un second visa (publicité plus complète) en juin 2020.
* les décisions du Tribunal des conflits invoquées par la société ViiV relatives au partage de compétence entre juge
Les parties admettent toutes deux que le juge judiciaire est incompétent pour connaître d'un litige - même entre deux personnes privées et ne portant pas directement sur la légalité d'un acte administratif - lorsque les demandes qui lui sont présentées pourraient le conduire à remettre en cause la décision d'une autorité administrative ou à s'immiscer dans l'exercice des pouvoirs dévolus à l'administration.
Par un arrêt du 14 mai 2012 relatif à l'implantation d'antennes-relais, le Tribunal des conflits a ainsi décidé que : ' l'action portée devant le juge judiciaire, quel qu'en soit le fondement, aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages, implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l'exercice de la police spéciale dévolue aux autorités compétentes en la matière' (en l'espèce ARCEP). Le Tribunal des conflits en conclut : 'le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire - auquel il serait ainsi demandé de contrôler les conditions d'utilisation des fréquences radioélectriques au regard des nécessités d'éviter les brouillages préjudiciables et de protéger la santé publique et partant, de substituer, à cet égard, sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée sur les mêmes risques ainsi que, le cas échéant, de priver d'effet les autorisations que celles-ci a délivrées - soit compétent pour connaître d'une telle action.'
* les demandes formées par la société Gilead entraînent-elles une immixtion dans l'exercice de la police spéciale dévolue à l'ANSM, et le juge judiciaire risque-t-il de substituer sa propre appréciation à celle portée par l'ANSM '
Il a été démontré que le champ de compétence et le rôle de l'ANSM, par l'octroi des visas de publicité, correspondent au domaine de la santé publique, la publicité ne 'devant pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique'. La publicité doit également présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage.
Les demandes formées par la société Gilead, fondées sur la concurrence déloyale, reposent toutes sur la publicité émise par la société ViiV, telle qu'autorisée par l'ANSM, soit du fait de 'l'utilisation dévoyée et trompeuse par ViiV de documents promotionnels non mis à jour', soit du fait 'd'allégations déloyales' dans ces publicités.
S'agissant de 'l'utilisation dévoyée' et qualifiée de trompeuse des documents publicitaires, il apparaît que cette question ne touche pas au contenu même de cette publicité et au contrôle effectué par l'ANSM à ce titre, mais uniquement à l'utilisation faite (soulignement par la cour) par la société ViiV de cette publicité (diffusion de documents non mis à jour), après obtention du visa de l'ANSM. La demande formée devant le juge judiciaire n'implique donc aucune immixtion de ce dernier dans l'exercice de la police spéciale dévolue à l'ANSM, et il n'existe aucun risque de substitution de l'appréciation du juge judiciaire à celle déjà apportée par l'autorité administrative.
S'agissant des allégations déloyales prétendûment contenues dans la publicité, la société Gilead ne soutient à aucun moment que le médicament Dovato risquerait de porter atteinte à la santé publique, ce qui entraînerait alors une immixtion dans l'exercice de la police dévolue à l'ANSM. La société Gilead soutient uniquement que les comparaisons opérées par la société ViiV dans la publicité entre le traitement par bithérapie et le traitement par trithérapie sont déloyales, ce qui ne remet pas en cause la valeur même du Dovato, aucune atteinte à la santé publique - seul domaine de compétence de l'ANSM - n'étant invoquée.
Il n'existe donc aucune immixtion de la société Gilead dans l'exercice de la police spéciale dévolue à l'ANSM, et il n'existe aucun risque de substitution de l'appréciation du juge judiciaire à celle déjà apportée par l'autorité administrative. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le tribunal judiciaire était compétent pour statuer sur les demandes formées par la société Gilead.
2 - sur l'action en concurrence déloyale exercée par la société Gilead
La société Gilead fonde son action en concurrence déloyale, d'une part sur 'l'utilisation dévoyée et trompeuse par ViiV de documents promotionnels non mis à jour', d'autre part sur des allégations déloyales et dénigrantes dans ces documents promotionnels. Il convient de revenir sur ces deux points.
2-1- sur l'utilisation dévoyée et trompeuse par ViiV de documents promotionnels non mis à jour
La société Gilead soutient que la société ViiV a fait usage, en mars et septembre/octobre 2020 de publicités trompeuses en ce qu'elle a diffusé, à ces dates, des publicités qu'elle avait volontairement omis de mettre à jour, s'agissant pour la publicité diffusée en mars 2020, d'une part de la mention relative à la place du médicament dans la stratégie thérapeutique, d'autre part des mentions relatives aux conditions de prise en charge, et s'agissant pour la publicité diffusée en septembre/octobre 2020, d'une référence à un visa obsolète. Elle affirme que la violation de la réglementation quant à la mise à jour des publicités constitue un acte de concurrence déloyale, en ce que cette violation accorde un avantage au concurrent.
La société ViiV conteste l'utilisation dévoyée et trompeuse qui lui est imputée. Elle fait valoir que l'obligation de mise à jour des publicités s'entend uniquement à la date de la demande de visa, contestant toute caducité éventuelle du visa litigieux. Elle fait notamment valoir que la survenance d'un nouvel avis (en l'espèce l'avis de la HAS (Haute Autorité de Santé) sur la place du médicament dans la stratégie thérapeutique) ne lui interdisait pas de diffuser la publicité ancienne n'incluant pas cet avis, à défaut de quoi les laboratoires seraient privés de la possibilité de faire une publicité continue (nécessité, pour chaque nouvel événement, d'attendre un nouveau visa ANSM).
Il résulte de l'article R.5122-8 du code de la santé publique que la publicité pour un médicament auprès des professionnels de santé mentionnés à l'article L. 5122-9 est adaptée à ses destinataires. Elle précise la date à laquelle elle a été établie, ou révisée en dernier lieu, et comporte au moins les informations suivantes (cet article énonce une liste d'informations).
Il résulte de l'article R.5122-9 du même code que les informations contenues dans cette publicité doivent être exactes, à jour, vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament. (Souligné par la cour).
Il résulte enfin de l'article R.5122-13 du même code que les demandes de visa sont réputées acceptées en l'absence de décision du directeur général de l'agence dans un délai de deux mois à compter du jour suivant la fin de la période au cours de laquelle elles ont été déposées. La durée de validité du visa est de deux ans.
Il est enfin prévu une procédure de retrait ou suspension du visa en cas de mésusage, de pharmacodépendance ou d'abus.
* sur le défaut de mise à jour de la publicité du 13 mars 2020
La société Gilead fait valoir que la société ViiV a diffusé, le 13 mars 2020, une publicité - ayant obtenu un visa en septembre 2019 - qui n'était pas à jour dès lors qu'elle ne comportait ni la mention de la place du médicament dans la stratégie thérapeutique (objet de l'avis de la HAS du 8 janvier 2020), ni la mention relative aux conditions de prise en charge par la sécurité sociale (objet de l'avis de la CEPS du 3 mars 2020), ajoutant que ces deux mentions étaient tout à fait substantielles, de sorte que leur omission volontaire crée un avantage concurrentiel pour la société ViiV, en ce qu'elle évitait d'informer les médecins sur les limites d'utilisation du Dovato.
La question se pose, comme le fait observer la société ViiV, de savoir si les dispositions précitées ( article R.5122-9 du code de la santé publique) imposent que la publicité soit à jour à la date de sa présentation à l'ANSM en vue de l'obtention du visa, ou également à la date de sa diffusion, ce qui impliquerait alors que le visa ne puisse plus être utilisé en présence d'un nouveau contexte pharmaceutique (intervention des avis HAS ou CEPS).
L'article R.5122-9 précité ne fournit aucune précision à ce titre, puisqu'il impose uniquement que les informations contenues dans la publicité soient 'exactes et à jour'.
Il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que toutes les publicités sont soumises à un visa obligatoire, l'ANSM disposant d'un délai maximum de 2 mois pour le délivrer, ce visa ayant ensuite une durée de validité de 2 ans.
Il s'en déduit que, lorsque - du fait de l'intervention d'une décision de la HAS postérieurement à un premier visa de publicité - il est nécessaire de mettre à jour la publicité initiale, la 'démarche de mise à jour' nécessite une certaine durée pouvant aller de 2 mois jusqu'à 4 ou 5 mois (étant précisé que les dépôts de publicité se font au cours de périodes précises définies par l'ANSM).
Si, comme le soutient la société Gilead, la nécessité de mise à jour devait empêcher la diffusion d'une publicité antérieure tant que le visa nouveau n'est pas délivré, cela empêcherait toute diffusion durant plusieurs mois, ce qui n'est pas prévu par les textes et n'est pas conforme au fait même qu'un visa dispose d'une validité de 2 ans.
En l'espèce, force est de constater que dès réception de l'avis de la HAS le 8 janvier 2020, la société ViiV a formé, le 30 janvier 2020, une nouvelle demande de visa sur une publicité intégrant cet avis. L'ANSM disposait alors d'un délai jusqu'au 30 mars 2020 (a minima) pour délivrer le nouveau visa. Entre le 8 janvier et le 30 mars 2020, aucune disposition n'interdisait à la société ViiV de diffuser l'ancienne publicité qui était à jour au moment de la délivrance du premier visa, dès lors qu'elle était en attente de la délivrance du nouveau visa (sur la publicité mise à jour).
Ainsi que le fait observer la société ViiV, le défaut de mise à jour de la publicité diffusée le 13 mars 2020 ne pouvait en outre induire un avantage concurrentiel, dès lors que l'information manquante (place du Dovato dans la stratégie thérapeutique) devait au contraire conduire les médecins à penser qu'à défaut de cette information, le médicament ne pouvait être remboursé, les dissuadant ainsi de le prescrire, de sorte que la société ViiV ne pouvait en tirer aucun avantage.
S'agissant de l'avis de la CEPS (Comité Economique des Produits de Santé), la société Gilead fait valoir que la publicité diffusée le 13 mars 2020 ne mentionnait pas non plus les conditions d'agrément aux collectivités, mention pourtant obligatoire et dont la société ViiV disposait depuis l'arrêté du 3 mars 2020, publié le 12 mars 2020. La société Gilead soutient que cette absence d'information sur la publicité diffusée le 13 mars 2020 était faite en connaissance de cause afin de favoriser une prescription élargie de Dovato, hors des limitations définies par les arrêtés (catégorie limitée de patients).
La société ViiV répond que l'arrêté du 3 mars publié le 12 mars 2020 était incomplet (conditions de remboursement du Dovato pour les patients naïfs uniquement), de sorte qu'elle ne pouvait inclure ces informations incomplètes dans la publicité du 13 mars 2020.
Contrairement à ce qui est soutenu par la société Gilead, la société ViiV n'avait aucune obligation de reporter la diffusion de ses publicités jusqu'à la publication d'arrêtés complets. A la date du 13 mars 2020, et dès lors que les arrêtés complets relatifs aux conditions d'agrément aux collectivités n'étaient pas parus, rien n'empêchait la société ViiV de diffuser une publicité qui, par nature, ne pouvait contenir des arrêtés non encore parus. Dès lors que les arrêtés complets n'étaient pas parus, la publicité diffusée le 13 mars 2020 n'était pas erronée.
* sur la référence à un visa obsolète sur la publicité 'intermédiaire', datée de juin 2020, encore délivrée en septembre/octobre 2020
La société Gilead reproche à la société ViiV d'avoir diffusé en septembre/octobre 2020 une publicité du Dovato (avec la place dans la stratégie thérapeutique) datée de juin 2020 avec toutefois le visa obsolète de septembre 2019. Elle fait valoir que ce document, en ce qu'il comporte la place du Dovato dans la stratégie thérapeutique résultant de l'avis de la HAS de janvier 2020, ne pouvait être diffusé sans obtenir un nouveau visa ANSM. Elle fait valoir que la violation de la règlementation est un acte de concurrence déloyale qui rompt l'égalité au préjudice de ceux qui respectent les dispositions règlementaires.
La société ViiV soutient que l'ajout de la place dans la stratégie thérapeutique dans le document visé (pièce 19 adverse) ne faisait que reprendre le contenu de l'avis de la HAS, tel que déjà validé par l'ANSM pour d'autres documents promotionnels, dont l'Annonce Presse, de sorte que cela ne pouvait nuire à la société Gilead.
Le reproche adressé ici à la société ViiV tient au fait que la publicité litigieuse (pièce 19 de la société Gilead), en ce qu'elle mentionne la place du Dovato dans la stratégie thérapeutique, ne pouvait porter mention du visa ANSM obtenu en septembre 2019, avant même que la HAS émette son avis à ce sujet (en janvier 2020).
Ainsi que le fait observer la société ViiV, la mention relative à la place du Dovato dans la stratégie thérapeutique, telle qu'elle apparaît sur la publicité litigieuse éditée en juin 2020, est totalement identique à la mention portée à ce sujet dans l'annonce presse de mars 2020 (pièce C16 de la société ViiV) sur laquelle figure le visa ANSM sollicité en janvier 2020, de sorte que cette mention relative à la place du Dovato a bien été visée par l'ANSM, peu important que la publicité litigieuse porte mention d'un visa obsolète.
Il n'existe dès lors aucune irrégularité affectant la publicité intermédiaire de juin 2020 diffusée par la société ViiV en septembre/octobre 2020.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est justifié d'aucune utilisation dévoyée ou trompeuse, par la société ViiV, de documents promotionnels non mis à jour.
Il n'existe dès lors aucune irrégularité affectant la publicité diffusée par la société ViiV le 13 mars 2020.
La société Gilead soutient que les trois publicités diffusées par la société ViiV caractérisent des actes de concurrence déloyale en ce qu'elles sont déloyales et dénigrantes, invoquant le grief de concurrence déloyale par dénigrement à l'égard des produits qu'elle commercialise. Elle met en cause trois mentions présentes dans chacune de ces publicités, figurant immédiatement sous l'intitulé 'données cliniques, études Gemini 1 et Gemini 2", à savoir les mentions : 'powered by DTG', 'efficacité démontrée chez les patients naïfs versus une trithérapie', et 'réduction de l'exposition aux ARV, Sans TDF ni TAF, versus une trithérapie'.Il convient de revenir sur ces trois items, repris ci-après :
a) S'agissant de la première mention 'powered by DTG', la société Gilead soutient qu'elle renvoie au pouvoir ou à la puissance qui serait caractéristique de la molécule Dolutégravir (DTG) du Dovato, faisant écho au slogan de la publicité qui est 'la puissance à 2" (bithérapie). Elle observe que les études Gemini 1 et 2 ne fournissent aucune information par rapport à la puissance du DTG, de sorte que l'information donnée n'est pas scientifiquement étayée et qu'elle est déloyale.
2-2- sur les allégations déloyales et dénigrantes dans les publicités de la société ViiV
La société ViiV soutient pour sa part que cette mention 'powered by DTG', pouvant être traduite par 'à base de DTG' vise seulement à souligner la place du DTG dans la composition du Dovato, sans que l'on puisse y associer des idées de puissance ou d'efficacité.
L'expression 'powered by' est couramment utilisée dans le sens de 'fonctionne avec' ou 'alimenté par', et doit ainsi être comprise comme démontrant que le médicament Dovato est 'composé par' ou comprend la molécule DTG, sans référence à une idée de puissance qui serait inexacte. Il n'est donc justifié d'aucune déloyauté dans l'affirmation 'powered by DTG'.
b) s'agissant de la mention ' efficacité démontrée chez les patients naïfs versus une trithérapie'
Le dénigrement constitutif de concurrence déloyale consiste à jeter publiquement le discrédit sur l'entreprise, les produits, ou les prix d'un concurrent.
Le dénigrement des produits consiste à critiquer les productions de la concurrence en mettant l'accent sur leurs prétendues piètres performances ou qualités. Le dénigrement par omission consiste à vanter ses propres produits ou services (ce qui en soi n'est pas critiquable) en laissant à penser que les autres ne peuvent pas présenter des qualités identiques.
En l'espèce, la société Gilead soutient que la mention ' efficacité démontrée chez les patients naïfs versus une trithérapie', ou 'par opposition à une trithérapie' est particulièrement déloyale, car les études Gemini 1 et 2, d'une part n'emploient pas le terme 'efficacité démontrée', mais uniquement 'non infériorité démontrée', d'autre part car elles ne portent que sur certaines trithérapies (DTG + TDF/FTC), enfin car la non-infériorité n'a été démontrée que sur une partie des patients naïfs de traitement. Elle indique ainsi que le lecteur, ne sachant pas à quelle trithérapie il est fait référence, est enclin à penser que le Dovato est plus efficace qu'une trithérapie en général, et donc à toutes les trithérapies. Elle invoque en outre une confusion d'ensemble, par la combinaison avec la mention suivante : 'réduction de l'exposition aux ARV, sans TDF ni TAF versus une trithérapie'.
La société ViiV rappelle que la raison même de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du Dovato est le fait qu'il peut être prescrit en lieu et place des trithérapies déjà disponibles. Elle fait valoir que l'efficacité d'un médicament ne se démontre jamais vis à vis de l'ensemble des thérapies existantes, ce qui serait impossible, et soutient qu'elle était légitime à invoquer l'efficacité du Dovato. Elle soutient que les termes utilisés, à savoir 'efficacité', 'démontrée' 'vs une trithérapie' sont tous exacts et justifiés, de sorte qu'il n'existe aucune déloyauté dans la mention utilisée.
Les différents termes de la mention 'efficacité démontrée chez les patients naïfs versus une trithérapie', apposée immédiatement après : 'données cliniques, études Gemini 1 et Gemini 2" ne doivent pas être analysés séparément, comme le suggère la société ViiV, mais de manière globale.
Cette mention tend à inciter les professionnels de santé, auxquels cette publicité est destinée, à penser que les études Gemini 1 et 2 prouvent que le Dovato est efficace, chez les patients naïfs, par opposition à une trithérapie, ce qui sous- entend clairement que la trithérapie, en général, serait moins efficace chez ces patients.
Or, les parties s'accordent à dire que les études Gemini 1 et 2 - qui sont des études de non-infériorité - ne font pas usage du seul terme 'efficacité', mais du terme ' efficacité durable non inférieure', étant au surplus observé que la seule trithérapie étudiée est celle composée des molécules DTG + TDF/FTC.
En utilisant le terme 'efficacité démontrée, chez les patients naïfs, versus une trithérapie', en particulier auprès de professionnels de santé qui connaissent le sens des 'études de non-infériorité' la société ViiV a voulu présenter le Dovato à ces derniers comme bénéficiant d'une 'efficacité démontrée' par opposition à une trithérapie, laissant ainsi à penser que son médicament était plus efficace qu'une trithérapie, alors même que les études litigieuses concluent uniquement que le Dovato a une efficacité qui n'est pas inférieure à la trithérapie DTG +TDF/FTC, cette 'non infériorité' n'ayant absolument pas le même sens qu'une efficacité démontrée versus une trithérapie.
S'il est exact que le RCP (résumé des caractéristiques du produit) du Dovato précise que 'l'efficacité de Dovato repose sur les données de 2 études identiques de phase III de non infériorité', cela ne permet pas pour autant de conclure que le Dovato est 'efficace' par opposition aux trithérapies, mais uniquement que son 'efficacité n'est pas inférieure' à une trithérapie, de sorte que la mention litigieuse est inexacte et tendancieuse en ce qu'elle vante une qualité du Dovato qui n'est pas démontrée par les études auxquelles il est fait référence.
Le fait que la mention litigieuse renvoie par une note de bas de page au RCP du Dovato, donnant le détail des études ayant servi à évaluer l'efficacité du Dovato ne permet pas d'écarter la déloyauté du procédé utilisé par la société ViiV, visant à omettre - dans son schéma publicitaire attractif, étant précisé qu'une part infime des lecteurs se reportera à la note de bas de page qui fait référence à un DCP de 54 pages que les lecteurs devront se procurer - de mentionner des informations essentielles permettant d'éclairer les professionnels de santé sur les mérites du Dovato par comparaison avec les trithérapies.
Cette formulation omet de préciser que l'efficacité - ou plus exactement la non-infériorité - n'a été démontrée que chez certaines catégories de patients naïfs. En évoquant une 'efficacité démontrée chez les patients naïfs' sans préciser que cette efficacité/non infériorité ne concerne que certains patients naïfs, la société ViiV procède également de manière déloyale.
Enfin, la mention litigieuse ne distingue pas les différentes formes de trithérapie, puisqu'elle indique que l'efficacité est démontrée 'versus une trithérapie', ce qui s'entend, faute de précision, d'une trithérapie en général, alors même que les études Gemini 1 et 2 n'ont étudié que les trithérapies associant le DTG avec le TDF/FTC. Cette omission vante à nouveau le Dovato qui aurait une efficacité démontrée versus toutes les trithérapies, alors même que l'étude ne vise qu'une non infériorité par rapport à une certaine forme de trithérapie.
La société ViiV n'avait bien évidemment aucune obligation de comparer le Dovato à l'ensemble des trithérapies existantes. Elle ne pouvait toutefois se prévaloir - sans une certaine déloyauté et même si le code de la santé n'a aucune exigence à cet égard - de l'efficacité de son médicament par opposition à la trithérapie en général dès lors que son étude de référence ne portait que sur une forme particulière de trithérapie, ce qu'elle aurait dû mentionner.
Il est d'ailleurs intéressant de comparer la publicité utilisée par la société ViiV en France - dont il vient d'être démontré le caractère déloyal visant à vanter le Dovato au détriment des trithérapies en omettant de fournir des informations pourtant essentielles - avec celle qu'elle utilise à l'étranger comportant les trois mêmes mentions, dont la suivante : 'durable non-inferior efficacy vs DTG +TDF/FTC at 96 weeks in treatment naïve patients, with 0 resistance in both groups (Dovato or DTG+TDF/FTC at 96 weeks), ce qui se traduit par ' efficacité durable non inférieure versus DTG+ TDF/FTC à 96 semaines sur des patients naïfs de traitement avec zéro résistance dans les deux groupes (Dovato ou DTG+ TDF/FTC à 96 semaines)'.
Dans la publicité diffusée à l'étranger, la société ViiV a pris le soin de donner des informations complètes et conformes aux études Gemini 1 et 2, notamment 'l'efficacité durable non inférieure' du Dovato par opposition à une forme particulière de trithérapie, à savoir celle utilisant le DTG + TDF/FTC.
Il n'est pas contesté que la société ViiV avait toute liberté de promouvoir son produit Dovato, et même de le comparer aux trithérapies, la seule limite à cette comparaison étant celle d'une information complète et exacte, particulièrement en ce qu'elle s'adresse à des professionnels de santé qui connaissent les différentes formes de trithérapie, et leur efficacité sur les patients naïfs. En conduisant ces derniers à penser que le Dovato avait une efficacité démontrée sur tous les patients naïfs, par opposition à toute forme de trithérapie, alors même que l'étude dont elle se prévalait concluait seulement à une efficacité non inférieure du Dovato par opposition à une forme particulière de trithérapie, et encore sur certains patients naïfs uniquement, la société ViiV a agi de manière déloyale en dénigrant ainsi l'ensemble des trithérapies.
Il n'est pas établi toutefois que ces faits de dénigrement visent spécifiquement la société Gilead. La mention litigieuse vise en effet l'ensemble des trithérapies et non pas spécifiquement les trithérapies produites par la société Gilead.
Cette mention 'efficacité démontrée chez les patients naïfs versus une trithérapie' ne contient à elle seule aucun élément permettant d'identifier la société Gilead. Contrairement à ce que soutient cette société, aucun élément ne permet en outre d'affirmer que cette mention doive se lire en combinaison avec la mention disposée à côté , à savoir : 'réduction de l'exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, versus une trithérapie'. Chacune des trois mentions de la publicité vise en effet une qualité différente du Dovato sans qu'il soit possible d'établir un lien direct entre elles : la première mention vise à informer que le Dovato contient du DTG, la seconde mention est relative à l'efficacité du Dovato sur les patients naïfs, et la troisième tend à informer de la réduction de l'exposition aux ARV (absence de TDF et de TAF).Il en résulte que la mention litigieuse est certes dénigrante à l'égard de l'ensemble des producteurs de trithérapie, mais qu'elle ne contient en elle-même aucun élément permettant d'identifier la société Gilead.
Si l'on devait même admettre, pour les besoins du raisonnement, que cette mention doive se lire en combinaison avec la mention suivante 'réduction de l'exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, versus une trithérapie' (souligné par la cour) il conviendrait alors de noter ce qui suit : il est certain que la société Gilead est seule, en France, à utiliser du TAF dans les trithérapies qu'elle produit (cf : répertoire des spécialités pharmaceutiques de l'ANSM); toutefois, elle n'est pas la seule à utiliser du TDF que l'on retrouve dans des trithérapies produites par d'autres concurrents; si la société ViiV avait utilisé la formule 'sans TAF', la société Gilead pouvait alors être identifiée; cependant, la formule 'sans TDF ni TAF', en ce qu'elle s'applique à un ensemble de producteurs de trithérapies utilisant soit du TDF, soit du TAF, soit éventuellement les deux molécules combinées, ne permet pas d'isoler la société Gilead et de dire que celle-ci est expressément visée et donc identifiable. Ce sont en effet tous les producteurs de trithérapie utilisant du TDF ou du TAF qui sont identifiables, mais pas uniquement la société Gilead, et ce d'autant plus que - comme le relève la société ViiV - le TAF est utilisé à l'étranger par des sociétés autres que Gilead.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour dira que la mention 'efficacité démontrée chez les patients naïfs versus une trithérapie', bien que déloyale et dénigrante à l'égard de l'ensemble des producteurs de trithérapie, ne permet pas d'identifier la société Gilead parmi ces derniers, de sorte qu'aucun acte de concurrence déloyale par dénigrement n'est caractérisé à ce titre à l'encontre de la société Gilead.
c) s'agissant de la mention 'réduction de l'exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, versus une trithérapie', devenue ensuite : 'réduction du nombre d'ARV, sans TDF ni TAF, versus une trithérapie'.
La société Gilead soutient que cette mention - qui se lit en combinaison avec les deux autres mentions - vise directement les produits qu'elle fabrique contenant du TDF et du TAF, étant précisé qu'elle est seule à utiliser du TAF en France. La société Gilead soutient que si le Dovato entraîne une réduction de l'exposition aux ARV versus la trithérapie envisagée dans les études Gemini, il n'en est pas de même pour d'autres trithérapies dans lesquelles l'exposition aux ARV est supérieure avec le Dovato. Elle ajoute que la mention 'sans TDF ni TAF' vise clairement à dénigrer ses produits de trithérapie, dès lors que cette exclusion est présentée comme bénéfique, la référence à ces molécules ayant uniquement pour objet de stigmatiser les effets secondaires sous-entendus (réduction de l'exposition à ces molécules). Elle ajoute que les études Gemini ne portent pas sur le TAF de sorte que l'exclusion de cette molécule n'est pas justifiée, et s'étonne en outre que la molécule ABC, présente dans une thérapie produite par la société ViiV ne soit pas citée.
La société ViiV fait valoir que la HAS évoque elle-même, avec le Dovato, une réduction de l'exposition médicamenteuse, de sorte que cette expression n'est pas déloyale, exposant uniquement le passage de trois ARV à deux ARV. Elle ajoute que la mention 'sans TDF ni TAF' n'est ni déloyale ni dénigrante, correspondant uniquement à des faits objectifs et justifiés au regard des études Gemini 1 et 2 et de l'étude Tango. Elle ajoute que les TDF et TAF font partie de la même classe d'ARV, les prescripteurs ayant intérêt à comprendre que le Dovato n'inclut pas ces molécules, l'unique but étant la complète information des professionnels de santé.
Dans un courrier du 7 mai 2020 adressé à la société Gilead, la société ViiV indique : 'concernant l'utilisation de la mention 'réduction de l'exposition aux ARV', nous vous informons que nous avons déposé un document modifié auprès de l'ANSM début 2020 (en attente d'évaluation par l'ANSM retardée du fait du Covid 19), et cette mention se lira désormais 'réduction du nombre d'ARV'.
Ce faisant, la société ViiV a admis que la mention initiale 'réduction de l'exposition aux ARV', en ce qu'elle faisait référence à la teneur (quantité chimique) en molécules ARV, et non pas simplement au nombre de molécules antirétrovirales (2 ou 3), était erronée. Comme le fait observer la société Gilead, s'il est exact qu'une bithérapie comporte une molécule de moins qu'une trithérapie, elle ne comporte pas nécessairement une teneur (en mg), c'est à dire une exposition inférieure à celle des trithérapies.
Il en résulte que les deux premières publicités diffusées par la société ViiV en mars et septembre/octobre 2020 comportaient une mention inexacte.
La mention 'sans TDF ni TAF versus une trithérapie' - suivant immédiatement la mention 'réduction de l'exposition aux ARV', devenue 'réduction du nombre d'ARV' - vise bien à présenter une caractéristique du Dovato, par opposition aux trithérapies, en ce que ce médicament ne contient pas les ARV contenant les molécules TDF ou TAF.
S'il est certain que les molécules TDF ou TAF ne sont pas les seules molécules contenues dans les trithérapies, mais absentes du Dovato, et que le choix de ces deux seules molécules présentées dans la publicité reste inexpliqué, il n'en reste pas moins, d'une part que la publicité litigieuse est exacte (le Dovato ne contient ni TDF ni TAF), d'autre part que la référence à ces deux molécules ne comporte aucune appréciation péjorative. La thèse de la société Gilead, selon laquelle l'exclusion du TDF et du TAF sous-entendrait que ces ingrédients sont nocifs ou indésirables n'est en effet étayée par aucun élément de la publicité litigieuse.
Il s'en déduit que la seule mention 'sans TDF ni TAF versus une trithérapie' vise uniquement à établir un fait objectif, à savoir que ces deux ARV ne sont pas présents dans le Dovato, sans aucune imputation critique, et sans que l'on puisse en déduire le caractère indésirable ou nocif de ces molécules, de sorte que le slogan ainsi utilisé par la société ViiV ne peut être qualifié de dénigrant.
Il a en outre été démontré que la formule 'sans TDF ni TAF' ne s'applique pas uniquement aux produits commercialisés par la société Gilead, d'autres fabricants de trithérapies commercialisant également des produits contenant du TDF ainsi que du TAF pour des produits étrangers, de sorte qu'il n'est pas possible d'identifier la société Gilead au travers de la mention contestée.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour dira que la mention 'réduction de l'exposition aux ARV, sans TDF ni TAF, versus une trithérapie', ou 'réduction du nombre d'ARV, sans TDF ni TAF, versus une trithérapie', ne contient pas de propos dénigrants et ne permet pas d'identifier la société Gilead, de sorte qu'aucun acte de concurrence déloyale par dénigrement à son encontre n'est caractérisé à ce titre.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Gilead de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.
3 - sur la demande reconventionnelle formée par la société ViiV
La société ViiV forme une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et appel abusif. Elle fait valoir que la société Gilead a multiplié les procédures à son encontre en France et à l'étranger, ajoutant qu'elle a usé de procédés déloyaux dans la conduite de la procédure, lui reprochant notamment d'avoir fait usage de procédures de référé d'heure à heure, ou à bref délai. Elle invoque en outre l'inanité de ses arguments, rappelant que les publicités ont reçu le visa de l'ANSM, que les termes employés ne sont pas déloyaux. Elle soutient que la société Gilead profère à son encontre des accusations portant atteinte à sa réputation mettant en cause l'efficacité du Dovato. Elle soutient que la société Gilead aurait pour unique but de freiner le développement de son concurrent.
La société Gilead conteste tout abus dans les procédures qu'elle a initiées.
Il convient de rappeler que l'appréciation inexacte et de bonne foi qu'une partie peut faire de ses droits n'est pas constitutive d'un comportement abusif, et l'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus qu'à condition que ce dernier soit caractérisé.
Le simple fait qu'une partie multiplie les procédures ne permet pas de caractériser un abus dès lors que l'on ignore tout des suites données à ces instances. De même, le fait de recourir à des procédures urgentes, soumises à autorisation préalable d'un magistrat, ne peut en aucune manière caractériser un abus. Il a enfin été démontré que certains arguments de la société Gilead étaient fondés, au regard notamment de la déloyauté de certaines publicités, ce qui suffit à écarter toute notion d'abus dans l'action en justice introduite par la société Gilead. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées à ce titre.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Gilead aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Tenant compte, d'une part du fait que la société Gilead succombe en ses demandes, d'autre part de l'attitude partiellement déloyale de la société ViiV à l'égard de l'ensemble des producteurs de trithérapie, il convient de dire que chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens d'instance et d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir son droit.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 30 juillet 2021 en toutes ses dispositions, à l'exception de celles concernant les dépens et les frais irrépétibles,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.