CA Rennes, 10 octobre 2022, n° 22/03228
RENNES
Ordonnance
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. ADAM
EXPOSE DU LITIGE :
En 2016, Mme [C] [J] a confié à Me Isabelle Franza-Mazauric, avocate au barreau de Nantes, la défense de ses intérêts dans le cadre d'une action à introduire devant le tribunal de grande instance de Nantes contre son ancien conjoint pour obtenir le remboursement de sommes qu'elle lui avait prêtées.
Les parties ont signé le 22 mars 2016 une convention d'honoraires au forfait (1 200 euros TTC) comprenant, en outre, un honoraire de résultat.
L'action, introduite devant le tribunal le 3 juin 2016, a été conduite à son terme, c'est à dire jusqu'au prononcé d'un jugement le 25 mai 2020 faisant droit à la demande à hauteur de la somme de 30 785 euros.
L'avocate a adressé à sa cliente une facture récapitulative de 5 898 euros TTC et lui a réclamé, après déduction de la provision versée (1 200 euros) un solde de 4 698 euros TTC.
Ne parvenant à obtenir le règlement de cette somme, Me [V], a par requête du 2 septembre 2021, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes aux fins de fixation de sa rémunération.
Par ordonnance du 30 décembre 2021, le bâtonnier a prorogé de quatre mois le délai pour statuer.
Par décision du 26 avril 2022, le bâtonnier a fixé à la somme de 5 898 euros TTC les frais et honoraires dus à Me [V] et a condamné Mme [J] au paiement d'une somme de 4 298 euros TTC, après déduction de la provision de 1 600 euros TTC déjà versée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 18 mai 2022, Mme [J] a formé un recours contre cette ordonnance.
Elle rappelle avoir confié deux dossiers à Me [V], un dossier de pension alimentaire qui n'a donné lieu à aucune facture, et le dossier de recouvrement de prêt qui fait l'objet de la présente procédure. Elle met en cause la qualité de la prestation, l'avocate n'ayant pas vraiment tenu compte de ses demandes, et reproche à son conseil de ne pas lui avoir proposé de travailler à l'aide juridictionnelle.
Me [V] n'ayant pas retiré sa convocation, Mme [J] a été invitée par le greffe (25 juillet 2022), conformément aux dispositions de l'article 470-1 du code de procédure civile, à l'assigner ce qu'elle a fait par acte du 25 août 2022, déposé en étude.
Me Isabelle Franza-Mazauric nous a adressé des conclusions écrites pour solliciter la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier, réclamer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 1 240 du code civil et 1 000 sur le fondement de l'article 700, outre le prononcé d'une amende civile.
Elle a précisé (lettre du 26 août 2022) qu'elle n'entendait pas se déplacer à l'audience pour formuler des observations orales ce à quoi le greffe lui a rappelé le 9 septembre que la procédure était orale et qu'il lui appartenait soit de se déplacer soit de faire connaître les motifs de son absence.
Aucune réponse n'a été apportée et l'avocate n'a pas comparu à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La procédure suivie en matière de contestation d'honoraires d'avocats est la procédure orale, sans représentation obligatoire. Cette procédure suppose (article 446-1 du code de procédure civile) que les parties se présentent à l'audience pour soutenir leurs prétentions ou se référer à leurs écritures. Elles peuvent être dispensées de comparaître à condition d'en faire la demande.
En l'occurrence, Me [V] n'a sollicité aucune demande de dispense de comparution et n'a pas fait connaître les motifs de son absence. Il ne sera donc pas tenu compte de ses écritures (et des prétentions qu'elles contiennent).
Le recours de Mme [J], effectué dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 est recevable.
Les parties ont signé le 22 mars 2016 une convention d'honoraires comprenant un honoraire de base forfaitaire de 1200 euros TTC et un honoraire complémentaire de résultat égal à 15 % du résultat lorsqu'il est compris entre 1 et 35000 euros et 10 % lorsqu'il est compris entre 35001 et 70000 euros. La convention stipule que ' en situation de demande, les honoraires de résultat ne pourront être sollicités qu'après le règlement des condamnations ou indemnités allouées au demandeur, sauf en cas de transaction intervenue en cours de procédure '.
En l'espèce, il convient de rappeler que la mission de l'avocat a été conduite à son terme mais que Mme [J] a renoncé au recouvrement des sommes alors qu'il était entrepris par son conseil (procès verbal de saisie attribution du 10 septembre 2020) en raison de menaces proférées à son encontre par son ex-conjoint.
La facture établie par le conseil (IFM 210125 du 29 janvier 2021) se présente ainsi : - honoraires de base : 1200 euros TTC,
- honoraires de résultat (15 % de 30785) : 4 617,75 euros TTC,
- frais d'assignation : 67,25 euros,
- droit de plaidoirie : 13 euros,
total : 5 898 euros TTC à déduire provision 1 200 euros TTC solde 4 698 euros TTC.
Le bâtonnier a intégralement fait droit à la demande en taxant les frais et honoraires à la somme de 5 898 euros TTC.
Ce faisant, il a statué sur les dépens (article 695 du code de procédure civile) qui comprennent les émoluments des officiers publics ou ministériels (695 6°) et les droits de plaidoirie (695 7°) et a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, la taxe des dépens relevant de la procédure d'ordre public prévue aux articles 704 et suivants. L'ordonnance sera donc infirmée en ce qu'elle a inclus la somme de 80,25 euros.
L'honoraire de base (1200 euros) ne fait l'objet d'aucune contestation.
S'agissant de l'honoraire de résultat, il est constant que la somme n'a pas été versée par M. [H] qui avait été condamné à la payer (si ce n'est 311 euros saisis), mais ce en raison de la décision prise le 29 janvier 2021, par Mme [J] de ne pas la recouvrer.
Cette décision a privé l'avocat d'une partie de sa rémunération qu'elle est fondée à réclamer. Cependant au regard du montant stipulé (15 %) et de la situation financière de Mme [J] qui était alors sans emploi, l'honoraire de résultat réclamé est excessif et doit être réduit à 8 % TTC du résultat soit la somme de (30 785 x 8%) 2 462,80 euros TTC, étant ajouté que l'argumentation tirée d'un éventuel manquement au devoir de conseil est inopérante, le juge de l'honoraire n'ayant pas le pouvoir de statuer sur la responsabilité éventuelle de l'avocat.
Les honoraires dus par Mme [J] à Mme [V] seront donc fixés à la somme de 3 662,80 euros TTC. La cliente sera condamnée à verser à l'avocate la somme de 2 462,80 euros TTC, après déduction de la provision versée.
Chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, réputé contradictoirement,
Vu l'article 446-1 du code de procédure civile,
Constatons le défaut de comparution sans motifs légitime de Me [W] [V] et disons qu'il n'y a lieu de tenir compte de ses écritures.
Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes du 26 avril 2022,
Statuant à nouveau :
Fixons à la somme de 3 662,80 euros TTC les honoraires dus par Mme [C] [J] à Me [W] [V],
Après déduction de la provision versée (1 200 euros), condamnons Mme [C] [J] à payer à Me [W] [V] une somme de 2 462,80 euros TTC.
Disons que chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.