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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 28 mars 2024, n° 23/02797

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arcante Développement (SAS), BTSG (SCP), BMA (SELARL)

Défendeur :

Armonia Consultant (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Soreau

Avocats :

Me Laforce, Me Galembert, Me Roquette, Me Le Roy, Me Hanachowicz

TC de Lille, du 4 mai 2023

4 mai 2023

EXPOSE DES FAITS

La société Groupe Arcante, dont le président fondateur était M.[D], a été créée en 2002 et avait pour objet le secteur du conseil et de la formation en négociation professionnelle, en particulier auprès de la grande distribution.

Le groupe détient par ailleurs l'entier capital de quatre filiales, les sociétés Antegos Consulting, Eva consulting, Mercates consulting et Arcante Académie à travers lesquelles il fournit ses services.

Le 28 janvier 2022 les trois dirigeants de la société ont signé un protocole de cession de la société Groupe Arcante à la société Arcante Développement, représentée par la société financière [J] investissements présidée par M. [J], pour la somme de 6 400 000 euros, dont 1 800 000 euros revenant à M. [D].

L'acte de cession, réitéré le 9 février 2022 prévoyait à la charge de M. [D] :

en son article 10.2 une obligation d'accompagnement dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en son article 11 une obligation de non-concurrence, non-débauchage, non-sollicitation.

Le 11 juillet 2022 M. [D] a présenté sa démission qui a pris effet le 6 octobre 2022, après rupture anticipée de son préavis.

Le 19 octobre 2022 il a fait immatriculer sa société Armonia Consultant dont l'objet social est la réalisation de prestations de conseils et accompagnements auprès des particuliers, entreprises, collectivités et autres organismes, avec une date de début d'activité fixée au 12 octobre 2022.

Par déclaration en préfecture du 14 février 2023, il a déposé les statuts de l'association Lab'Accords d'avenir, plateforme de partage destinée à tous les acteurs de la distribution alimentaire.

Le 9 novembre 2022 il a saisi le conseil des prud'hommes de Tourcoing pour voir déclarer nulle la clause de non concurrence du contrat de cession, au motif qu'il aurait été salarié au moment de sa conclusion. Il a été débouté de sa demande par décision du 11 décembre 2023.

Estimant que M. [D] n'avait pas respecté son obligation d'accompagnement et violait désormais sa clause de non- concurrence, la société Arcante Developpement a, par actes des 28 mars 2023 et 3 avril 2023, assigné la société Armonia

Consultant et M. [D] devant le juge des référés afin d'obtenir, sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile :

la condamnation de M.[D] à une provision de 2 825 000 euros sous astreinte pour n'avoir pas respecté son obligation d'accompagnement ;

sa condamnation, avec sa société, au respect immédiat de sa clause de non-concurrence et de l'article 11 du contrat de cession du 28 janvier 2022 assortie de plusieurs obligations sous astreinte.

Par ordonnance du 4 mai 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a :

débouté M. [D] et la société Armonia consultant de leur demande de se déclarer incompétent au profit du conseil des prud'hommes ;

renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

condamné la société Arcante Développement à payer à M.[L] [D] et la société Armonia Consultant la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Arcante Développement aux dépens ; débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Par déclaration du 19 juin 2023, la société Arcante Développement a interjeté appel de cette décision sur tous ses chefs, hormis ceux relatifs à la compétence.

Le 4 septembre 2023, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Arcante Développement. La société BMA a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire, la société BTSG en qualité de mandataire judiciaire.

Par assignation des 21 et 24 novembre 2023, ces derniers ont été attraits à la procédure pour reprise de l'instance qui avait été interrompue.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2023, la société Arcante Développement, la société BMA, ès qualités, et la société BTSG ès qualités, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, demandent à la cour de :

Sur la compétence :

- confirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 4 mai 2023 en ce qu'elle a jugé irrecevable l'exception d'incompétence formulée par Monsieur [L] [D] et Armonia Consultant ;

à titre subsidiaire :
- juger infondée l'exception d'incompétence soulevée par M. [D] et la société Armonia Consultant ; Sur l'obligation d'accompagnement :
- faisant droit à leur appel principal et leurs appels incidents
- infirmer l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau :

juger non sérieusement contestable l'obligation de M. [D] envers la société Arcante au titre de l'article 10.2 « accompagnement » du contrat de cession du 28 janvier 2022 ;

condamner M. [D] à verser à la société Arcante une provision de 2 825 000 euros sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la signification de la décision à intervenir et ce pendant une période de 30 jours à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution ;

Sur l'obligation de non-concurrence :
- faisant droit à leur appel principal et leurs appels incidents - infirmer l'ordonnance entreprise juger que les violations par M. [D] au titre de sa clause de non-concurrence constituent un trouble manifestement illicite et font peser sur la société Arcante un risque de dommages imminents ;

- condamner M. [D] et la société Armonia Consultant à respecter immédiatement et intégralement, directement et indirectement, l'article 11 du contrat de cession du 28 janvier 2022, jusqu'au 9 février 2027, sauf décision au fond exécutoire prononçant son invalidité, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner Monsieur [L] [D] et la société Armonia Consultant à adresser aux clients du groupe Arcante listés dans le dispositif de leurs conclusions :

Un courrier recommandé avec accusé de réception doublé d'un email dans les termes suivants : « Madame, Monsieur,

Comme vous le savez, j'ai cédé le 28 janvier 2022 la participation que je détenais dans la société Groupe Arcante et ses filiales et j'ai, à cette occasion, quitté mes fonctions de Président.

Le contrat de cession que j'ai conclu avec l'acquéreur de Groupe Arcante, la société Arcante Développement, contient une clause de non-concurrence, non-débauchage et non-sollicitation qui m'interdit en particulier de m'intéresser ou d'exercer directement ou indirectement, pour mon compte ou celui de toute entité, en quelque qualité que ce soit, une activité concurrente à celle du groupe Arcante, à savoir le conseil et la formation en négociation professionnelle.

J'ai été condamné en référé à la demande d'Arcante Développement à respecter cette obligation de non-concurrence, non-débauchage et non-sollicitation dans l'attente d'une décision au fond sur sa validité.

Il m'est donc interdit d'entretenir avec votre société et ses salariés la moindre relation d'affaires directe ou indirecte, par quelque intermédiaire que ce soit, qui contreviendrait à cette obligation.

Il m'est en particulier interdit d'exercer la moindre activité visée par cette obligation par l'intermédiaire de toute société, dont :

- Armonia Consultant (la société que j'ai créée après avoir quitté le groupe Arcante) ;

- Negos Consulting, Vitis Consulting, Negoscientia, JBH Conseil (les sociétés créées par d'anciens consultants du groupe Arcante) ;

- ou toute autre société.

Toute personne qui chercherait à exercer avec moi toute activité contrevenant à cette obligation engagerait sa responsabilité pour complicité de sa violation.

Statuant à nouveau :

Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l'expression de mes respectueuses salutations. [L] [D] / Armonia Consultant »,

sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la signification de la décision à intervenir et ce pendant une période de 30 jours à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution ;

- Faire interdiction jusqu'au 9 février 2027 à Monsieur [L] [D] d'intervenir ou de se présenter dans tout média ou sur tout réseau social comme exerçant une activité en lien avec le conseil ou la formation en négociation professionnelle, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Faire interdiction jusqu'au 9 février 2027 à M. [L] [D] et la société Armonia Consultant d'entretenir, directement ou indirectement, des rapports professionnels de quelque nature que ce soit avec :

' MM. [F] [Z], [C] [D], [S] [R] et [Y] [M],

' leurs sociétés Negos Consulting, Negoscientia, Vitis Consulting, JBH Conseil ' Cabinet de Négociation et RS Nego Consulting,

de s'afficher avec celles-ci, leurs salariés et dirigeants, dans des correspondances, présentations, formations, dans le secteur du conseil et de la formation en négociation professionnelle, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Condamner Monsieur [L] [D] à cesser immédiatement toute implication dans l'association « Lab Accords d'Avenir », jusqu'au 9 février 2027, en adressant à celle-ci et ses adhérents et dirigeants un courrier recommandé avec accusé de réception doublé d'un email en ce sens, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter du 10 e jour suivant la signification de la décision à intervenir et ce pendant une période de 30 jours à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution ;

- Faire interdiction jusqu'au 9 février 2027 à Monsieur [L] [D] d'entretenir, directement ou indirectement, des rapports professionnels de quelque nature que ce soit avec les associations « Institut de liaisons et d'études des industries de consommation » et « Association nationale des industries alimentaires » et leurs dirigeants, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

En tout état de cause :
- se réserver la liquidation des astreintes prononcées ;

- condamner solidairement M. [D] et la société Armonia Consultant au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 29 décembre 2023, M. [D] et la société Armonia Consultant demandent à la cour de :

Vu les articles L.1411-1, R.1455-6 et R.1455-7 du code du travail,
Vu les articles 31, 32, 73, 74, 122, 440, 873 et 860-1 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu le jugement du Conseil de Prud'hommes de Tourcoing en date du 11 décembre 2023, Vu les pièces versées au débat,

A titre principal,

Déclarer recevable et fondé l'appel incident de M. [D] et de la société Armonia Consultant à l'encontre de l'ordonnance de référé du 4 mai 2023,

Reformer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole en date du 4 mai 2023 en ce qu'elle :

* les a déboutés de leur exception d'incompétence au profit du conseil de Prud'hommes,

* omis de statuer sur leur demande d'irrecevabilité des demandes formulées par la société Arcante Developpement pour défaut d'intérêt à agir,

Et statuant à nouveau,

A titre liminaire, se déclarer incompétent au profit conseil de Prud'hommes de Tourcoing ; Renvoyer l'affaire devant le conseil de Prud'hommes de Tourcoing ;

A défaut, déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Arcante Développement pour défaut d'intérêt à agir,

A titre subsidiaire,

Déclarer mal fondé l'appel principal de la société Arcante Developpement à l'encontre de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole en date du 4 mai 2023,

Confirmer, au besoin par substitution de motifs, l'ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce de Lille- Métropole en date du 4 mai 2023, en ce qu'elle a :

* jugé n'y avoir lieu à référé ;
* renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

* condamné la société Arcante Developpement à payer à M. [D] et la société Armonia Consultant la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamner la société Arcante Developpement à payer à M. [D] et la société Armonia Consultant la somme totale de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Arcante Developpement aux entiers dépens de l'instance d'appel.

MOTIFS

1/ sur l'exception d'incompétence

La société Arcante Développement et les organes de sa procédure collective font valoir que l'exception d'incompétence formulée en première instance ne l'a pas été in limine litis, M. [D] n'ayant pas débuté sa plaidoirie par son exception d'incompétence et n'ayant pas même indiqué s'en rapporter à ses conclusions ; que ce n'est qu'au cours de la plaidoirie des défendeurs, et après plaidoirie des demandeurs, que le juge a pris connaissance de cette demande, comme l'a relevé l'ordonnance.

M. [D] et la société Armonia Consultant répliquent que cette exception d'incompétence a été plaidée après les observations formulées par Arcante développement, mais que leurs conclusions y faisaient bien référence in limine litis, qu'ils ont respecté la distribution de parole voulue par le président de l'audience et prévue à l'article 440 du code de procédure civile, et qu'ils se sont rapportés à leurs conclusions lors de leur plaidoirie.

Réponse de la cour

L'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Comme prévu à l'article 860-1 du code de procédure civile, la procédure devant le tribunal de commerce est orale.

En procédure orale, est soulevée avant toute défense au fond l'exception présentée oralement par le plaideur avant qu'il ne développe son argumentation au fond, peu important qu'il n'ait pas plaidé en premier (civ 2ème, 22 octobre 2009, n°08-20.924).

Le fait que le président d'audience n'ait pas donné la parole en premier à celui qui soutient l'exception d'incompétence est donc sans incidence.

L'exception d'incompétence pouvait toujours être soulevée, à condition toutefois qu'elle le soit avant toute défense au fond.

Or, dans son ordonnance du 4 mai 2023, le président du tribunal de commerce a précisé, en ce qui concerne cette exception d'incompétence, que « le juge des référés prend connaissance de cette demande en cours de plaidoirie des défendeurs, après plaidoirie du demandeur ».

Les notes d'audience n'établissent pas que l'exception d'incompétence aurait été plaidée par les défendeurs avant leur défense au fond et mentionnent au contraire que l'exception n'a pas été soulevée in limine litis.

Les défendeurs ne démontrent pas non plus qu'ils se seraient rapportés à leurs conclusions avant toute défense au fond.

L'ordonnance de référé sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable cette exception d'incompétence, faute d'avoir été soulevée avant toute défense au fond.

2/ sur l'irrecevabilité des demandes pour défaut d'intérêt à agir

M. [D] et la société Armonia Consultant soutiennent que :

le premier juge a omis de se prononcer sur cette fin de non-recevoir mais qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la cour de réparer une éventuelle omission de statuer du premier juge (civ 2ème, 22 octobre 1997, n°95- 18.923)

est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir (article 32 du code de procédure civile) ; que l'auteur d'une prétention doit prouver qu'il a un intérêt légitime, né et actuel, direct et personnel ; que le tiers à un contrat n'a ainsi aucune qualité à agir à l'encontre de l'un des cocontractants faute pour lui de justifier d'un intérêt direct et personnel

la Cour de cassation a confirmé l'irrecevabilité des demandes formulées par un tiers qui ne bénéficiait pas de la clause de non-concurrence (Com, 14 avril 2021, n°19-18.296) ;

M. [J] a intenté son action en référé par l'intermédiaire de la société Arcante Développement ; que celle-ci est la société- mère de la société Groupe Arcante qui employait M.[L] [D] ;

l'accompagnement s'est formalisé par un contrat de travail liant M. [D] et Groupe Arcante, son seul employeur ; qu'à l'inverse Arcante Développement, qui est une société dont l'unique activité est celle de holding, ne pouvait pas bénéficier d'un engagement d'accompagnement dans le domaine de formation en négociation professionnelle ;

la clause de non-concurrence a également été stipulée dans le seul intérêt de la société Groupe Arcante, employeur et non de la société Arcante développement qui ne dispose d'aucun droit d'action propre, n'ayant aucun salarié, et donc aucune activité susceptible d'être concurrencée.

La société Arcante Developpement et les organes de sa procédure collective, font valoir que :

il n'est pas sérieusement contestable qu'aux termes du contrat de cession conclu avec la société Arcante Développement, c'est envers elle que M. [D] s'est engagé ;

les obligations d'accompagnement et de non-concurrence ont été souscrites par la société Arcante Développement qui est partie au contrat de cession et dispose donc d'un droit propre à les faire respecter.

Réponse de la cour

L'article 463 du code de procédure civile autorise la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande à compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

Selon les dispositions de l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel où il sera statué à nouveau en fait et en droit, certaines conditions et limites encadrant l'effet dévolutif de l'appel.

Il ressort de l'ordonnance du 4 mai 2023 contestée, que le défaut d'intérêt à agir d'Arcante Développement avait bien été soulevé et que le juge des référés n'y a pas répondu. Aucune requête en omission de statuer n'a été déposée devant la juridiction de jugement en application de l'article 463 précité.

Toutefois, l'entière décision ayant été frappée d'appel, l'effet dévolutif autorise la cour à se prononcer sur le défaut d'intérêt à agir soulevé.

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'acte de cession du 28 janvier 2022, réitéré le 9 février 2022 prévoyait à la charge des cédants une clause d'accompagnement dans son article 10.2 et une clause de non-concurrence, non-débauchage et non-sollicitation dans son article 11.

Si ces obligations visent les activités du « Groupe », à savoir les quatre sociétés filiales de la société, il apparaît que l'acte de cession a été conclu entre M.[D] et la société Arcante Développement, créancière de ces engagements.

L'obligation d'accompagnement prévue à l'acte de cession précise en outre, dans les missions qui seront celles de M. [D], celles d'un « transfert de connaissance auprès de [E] [J] sur les activités de conseil et de formation du Groupe, les méthodologies et outils Arcante utilisés pour les exécuter » ainsi qu'une « introduction et présentation de [E] [J] à l'ensemble des clients et prospects », démontrant que la société Arcante Développement que [E] [J] préside par l'intermédiaire de sa société financière, avait un intérêt direct dans cet accompagnement.

Quand bien même ces obligations s'exécuteraient par le biais d'un contrat de travail conclu avec les filiales, qui pourraient également s'en prévaloir comme le précise l'arrêt de la Cour de cassation évoqué par les intimés, c'est au bénéfice de la société holding dirigée par M.[J] qu'elles ont été prises.

La société Arcante Développement justifie donc d'un intérêt à agir et la fin de non-recevoir soulevée sera donc rejetée.

3/ sur le caractère non contestable de la clause d'accompagnement et la provision

La société Arcante Développement et les organes de sa procédure collective font valoir que :

la valeur ajoutée de la société reposait essentiellement sur M. [D] et qu'en raison de ce fort intuitu personae les parties étaient convenues d'une composante centrale de l'acte de cession avec l'article 10.2 du contrat de cession intitulé
« Accompagnement » qui imposait à M. [D] d'assurer une transmission optimale et opérationnelle de la société ; dès le printemps 2022, M. [D] a refusé de faire toute prospection de clientèle et a arrêté d'entretenir au profit de la société Arcante Développement son très important réseau, l'effondrement du chiffre d'affaires relevé sur l'exercice 2021- 2022 étant exclusivement dû à la violation volontaire par M. [D] des engagements pris au contrat de cession ;

il a démissionné brutalement le 11 juillet 2022 alors que son accompagnement était prévu jusqu'en juin 2023 ;

il a refusé de transmettre les supports et les connaissances sur l'activité de la société et n'a pas informé efficacement les clients de la reprise intervenue, allant même jusqu'à reprocher à M.[J] de vouloir le suivre le plus souvent possible dans ses missions de debriefing avec les clients ;

M.[D] a ainsi manifestement violé son obligation d'accompagnement ;

M. [H], expert, a évalué à 5 650 000 euros les préjudices subis en conséquence des fautes de M. [D] ; qu'une demande de provision à hauteur de la moitié est réclamée au titre de la violation manifeste de cette obligation non sérieusement contestable ;

M. [D] et la société Armonia, estimant que la demande de provision se heurte à une contestation sérieuse, répliquent que :

M. [D] a régulièrement rendu compte et informé M. [J] de ses activités, notamment dans des courriels du 30 mars 2022, 6 avril, 7 avril, 15 avril, 21 mai 2022 ; que ce dernier était informé des actions réalisées et n'y trouvait rien à dire ;

M. [J] a été présenté à six clients majeurs entre le mois de février et juillet 2022 ; qu'il aurait pu être présenté à cinq autres clients s'il n'avait pas refusé ou oublié les rendez-vous ;

M.[D] a organisé le transfert des moyens de réalisation des missions lors de réunions avec les consultants (courriel du 5 avril 2022), proposé la mise en place d'événements commerciaux aux fins d'obtenir de nouvelles missions de conseil (courriel du 5 juillet 2022), adressé la liste de tous les clients à prospecter ainsi que les interlocuteurs habituels parmi les collaborateurs de la société Groupe Arcante (mail du 5 juillet 2022), sans suite donnée ;

il a tenté d'aider M. [J] à plusieurs reprises, afin notamment de l'alerter sur son comportement qui mettait en péril la société (courriel 21 avril 2022), de lui permettre d'améliorer ou de corriger l'accompagnement ; que les insuffisances professionnelles de M. [J] et son management despotique n'ont pu être raisonnés et ont conduit à dégrader la relation entre cédant et repreneur ;

M. [D] a, de manière réitérée, proposé de poursuivre l'accompagnement proposé sous la forme d'un contrat de prestations de services ;

M. [J] est le seul responsable de sa propre infortune, ayant catégoriquement refusé de se former à la négociation professionnelle (attestation de M. [K]) ;

le quantum de la provision sollicité s'appuie sur un rapport d'expertise totalement subjectif puisque basé uniquement sur les faits racontés par M.[J] ; le débat sur l'exécution par M. [D] de son obligation d'accompagnement a été tranché par le conseil des prud'hommes qui a jugé la rupture avant terme du préavis comme abusive et vexatoire et lui a accordé 30 625 euros à ce titre, indiquant en outre que le contrat de travail avait été exécuté de manière déloyale par le Groupe Arcante bien avant la démission de M. [D], ce qui a justifié des dommages et intérêts à hauteur également de 30 625 euros.

Réponse de la cour

L'article 484 du code de procédure civile, prévoit que l'ordonnance de référé est une décision provisoire, rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires.

L'article 872 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 873 du même code prévoit que, le président peut, dans les mêmes limites, « et même en présence d'une contestation sérieuse », prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, « ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

Il se déduit de ces deux derniers textes que la condamnation en référé au versement d'une provision ne peut advenir que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

En l'espèce, il est admis par les parties, et cela ressort clairement de l'article 10.2 de l'acte de cession du 28 janvier 2022, réitéré le 9 février 2022, que M. [D] était tenu envers la société Arcante Développement d'une obligation d'accompagnement devant s'effectuer dans le cadre d'un contrat de travail à plein temps jusqu'au10 juin 2023 au plus tôt. Ce contrat de travail a été signé le 9 février 2022 avec effet rétroactif au 1er février 2022.

Si cette mission d'accompagnement paraît s'être bien déroulée jusqu'à la mi-avril 2022, comme en atteste la teneur des courriers échangés entre M. [J] et M. [D] (notamment courriel du 25 février 2022 pièce 13, courriel 13 mars 2022 pièce 15, courriel du 15 avril 2022 pièce 17), des dissensions sont rapidement apparues dès le mois de mai 2022, opposant M. [J] à M. [D] mais également à d'autres salariés du Groupe.

La société Arcante Développement soutient que M. [D] a été totalement défaillant dans sa mission, faisant le point de ses griefs dans un courriel du 6 juillet 2022 produit aux débats : le non-renouvellement d'un nombre important de lettres de mission et l'absence de nouvelles missions pour compenser, le peu de rendez-vous organisés, une prospection insuffisante, une absence de production de documentation à l'appui de ses actions, un manque de loyauté dans l'exécution du contrat notamment.

Il justifie son préjudice de 5 650 000 euros et sa demande de provision pour la moitié de cette somme, en se basant sur le seul rapport de M. [H], rapport « de partie » qui n'a pas été contradictoirement discuté.

M. [D] soutient de son côté que le comportement de M. [J] rendait impossible l'exécution de cette obligation d'accompagnement. Il verse, pour le démontrer, divers courriels échangés avec M. [J], les attestations de ses anciens associés M. [K] et Mme [W], et fait valoir le jugement du conseil des prud'hommes de Tourcoing du 11 décembre 2023 qui note l'exécution déloyale du contrat de travail par M. [J], bien avant la démission de M. [D], justifiant d'allouer à ce dernier la somme de 30 625 euros de dommages et intérêts.

En l'état de ces déclarations contradictoires des parties, et des contestations sérieuses existant sur les conditions d'exécution de cette clause d'accompagnement, il n'appartient au juge des référés de trancher le litige existant entre les parties, et un débat approfondi devant les juges du fond se justifie, lesquels devront se prononcer tant sur l'exécution de la clause d'accompagnement par M. [D] que sur le préjudice qui en découlerait.

La décision sera confirmée en ce qu'elle n'a dit avoir lieu à référé sur ce point.

4/ sur les mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble illicite

La société Arcante Développement et les organes de sa procédure collective font valoir que :

c'est au 28 janvier 2022, jour de la signature de l'acte de cession, qu'il faut dater l'engagement de non-concurrence de M. [D], l'acte réitératif du 9 février 2022 se bornant à constater la réalisation des engagements ; que la clause de non- concurrence a été souscrite avec la société Arcante Développement et non avec la société Groupe Arcante son futur employeur ; qu'elle n'avait donc pas à être rémunérée puisque M. [D] n'était pas salarié lorsqu'il l'a souscrite ;

même en cas de contestation sérieuse, le juge des référés peut, en application de l'article 873 du code de procédure civile, prescrire en référé les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent ;

que la clause de non-concurrence est pleinement valide et que M. [D] la viole ouvertement ; qu'il a immatriculé le 12 octobre 2022 une société Armonia Consultant à travers laquelle il a admis fournir des « prestations de conseil en négociation commerciale ; qu'il est impliqué dans la création d'un think-Tank « Lab Accords d'avenir » alors que sa clause de non-concurrence lui interdit toute intervention en lien avec l'activité de la société Arcante Développement, par tout type de structures, associations comprises ;

il agit avec des salariés démissionnaires à l'objet social concurrent de la société Arcante Développement, et qui ont déjà commis des actes de détournement de clientèle avérés à son préjudice ; il est à craindre qu'il agisse aujourd'hui en collusion avec d'anciens salariés avec lesquels il a travaillé pendant 20 ans ;

il intervient fréquemment à la télévision en se présentant comme conseiller en stratégie ou expert en négociation commerciale ;

il a tenté déloyalement de recruter à son profit M. [A], salarié de la société Arcante Développement, ce qui constitue une violation de la composante non-débauchage de cette clause ;

l'activité de conseil pilotée par M. [D] a été anéantie et présente un chiffre d'affaires comptablement négatif en 2022- 2023 compte tenu des remboursements d'acomptes réclamés par les clients ; l'activité de formation est préservée mais accuse des pertes ;

la validité de la clause est démontrée ; que les contestations élevées avec mauvaise foi par M. [D] à l'égard de cette clause ne font pas obstacle à ce qu'il soit condamné par le juge des référés à la faire respecter ; que la tierce complicité de la société Armonia consultant dans les agissements de M. [D] constitue aussi un trouble manifestement illicite ;

les fautes dolosives de M. [D] font peser sur la société Arcante Développement un risque de dommages
imminents tenant à l'impossibilité de refonder une activité de conseil, le risque de perte de nouveaux clients en formation, 50 jours de formation ayant été récemment annulés par les clients, le risque de dégradation plus forte du plan d'affaires qui fait déjà apparaître un plan d'action 2022-2023 très dégradé ;

la situation commerciale et financière de la société Arcante Développement est compromise, quelques mois seulement après la reprise et alors que Groupe Arcante doit financer sa dette d'acquisition ; que la poursuite par M. [D] de ses activités concurrentes et déloyales expose la société Arcante Développement à une aggravation irrémédiable de la situation ;

son placement en redressement judiciaire confirme la difficulté, non irrémédiable, de sa situation, et la nécessité des mesures demandées.

M. [D] et la société Armonia Consultant répliquent que :

le trouble manifestement illicite visé à l'article 873 du code de procédure civile, est constitué uniquement si la licéité de la clause de non-concurrence litigieuse est caractérisée avec l'évidence requise en référé ;

si la clause ne remplit pas avec évidence les conditions de validité exigées, aucun trouble manifestement illicite ne peut en être tiré, ni une mesure conservatoire ordonnée ;

l'engagement de non-concurrence de M. [D] doit être apprécié à la date de conclusion de l'acte réitératif, au jour de laquelle il était déjà salarié de la société Groupe Arcante depuis le 1er février 2022 ; que les modalités essentielles du contrat de travail avaient déjà été fixées dès le protocole de cession du 28 janvier 2022 ; que c'est une clause de non- concurrence qui devait donc être appréciée sous le prisme du droit du travail et qui n'est pas conforme au droit social, étant non rémunérée, disproportionnée dans le temps puisque qu'elle court jusqu'en 2027, et portant une atteinte disproportionnée à sa liberté de travailler.

il n'y a pas de dommage imminent imputable à M. [D] ; que c'est le management de M. [J] qui a conduit à la démission de nombreux salariés, malgré les alertes répétées ; que M. [J] a refusé de se former à la négociation professionnelle ;

M. [D] a aidé à la reprise en prêtant une somme de 333 333 euros par contrat d'émission d'obligations et n'a aucun intérêt financier à mettre la société Arcante Développement, dont il est créancier, face à un péril imminent ; qu'il a proposé à M. [J] de racheter les titres de ce dernier au capital de la société Arcante Développement pour reprendre la direction du groupe ;

les mesures sollicitées sont manifestement disproportionnées et lui interdiraient, non seulement d'exercer une activité professionnelle mais également de partager son expérience professionnelle par n'importe quel moyen; qu'elles sont sans commune mesure avec le périmètre de la clause de non-concurrence ;

l'association Labs Accords d'Avenir n'est qu'un club de réflexion, qui n'a pas vocation à distribuer des conseils au titre de négociations commerciales et ne peut faire concurrence à la société Arcante Développement ;

Réponse de la cour

1 ' sur la clause de non-concurrence :

Il convient de constater que la clause de non-concurrence discutée a été énoncée à l'article 11 de l'acte de cession du 28 janvier 2022 et non dans le contrat de travail conclu par M. [D] le 9 février 2022, qui n'y fait pas même référence.

C'est d'ailleurs ce qu'a constaté le conseil des prud'hommes de Tourcoing dans sa décision du 11 décembre 2023 en précisant que la « clause de non-concurrence n'apparaît pas dans le contrat de travail signé par M. [D]. Cette clause n'existant pas, il ne peut y avoir de litiges nés de celle-ci », et en déboutant ce dernier de ses demandes d'indemnités à ce titre.

Par ailleurs, cette clause de non-concurrence a été reprise dans l'article 10.2 de l'acte de réitération du 9 février 2022, qui n'est qu'une confirmation des engagements pris dans l'acte de cession du 28 janvier 2022, après réalisation des conditions suspensives de l'article 6 du contrat de cession, lesquelles ne portaient que sur le déblocage des prêts et des fonds propres.

Il mentionne que l'engagement de non-concurrence, identique à celui convenu dans l'acte de cession, prendra effet « à compter de ce jour », soit le 9 février 2022.

C'est donc bien à la date du 28 janvier 2022 et dans le cadre de la cession que M. [D], en qualité d'associé et non de salarié, a négocié les obligations liées à la clause de non-concurrence. Les conditions posées par le droit du travail d'une rémunération de la clause ne s'appliquent donc pas en l'espèce, et la clause de non-concurrence, qui a pu être prise en compte dans le prix de cession, n'a pas à être compensée par une contrepartie financière.

La contestation soulevée par M. [D] sur ce point n'apparaît pas sérieuse.

L'article 1103 du code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi a ceux qui les ont faits ».

L'article 1104 ajoute que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».

L'article 8 de l'acte réitératif de cession du 9 février 2022, reprenant le contenu de la clause de l'article 11 de l'acte de cession du 28 janvier 2022, intitulée « non-concurrence, non-débauchage et non-sollicitation » énonce que :

« Les cédants s'interdisent chacun pendant une période de cinq ans à compter de ce jour :

de s'intéresser et/ou de participer directement ou indirectement, pour leur compte personnel ou celui de l'une quelconque de leurs entités affiliées ou pour celui d'un tiers, en quelque qualité que ce soit, à toute entreprise exerçant une activité identique à l'activité du Groupe ;

de débaucher, directement ou indirectement, pour leur compte personnel ou celui de l'une quelconque de leurs entités affiliées ou pour celui d'un tiers, des salariés ou mandataires du groupe ;

de démarcher directement ou indirectement, pour leur compte personnel ou celui de l'une quelconque de leurs entités affiliées ou pour celui d'un tiers ou des clients du Groupe, en vue de l'exercice d'une activité identique à l'activité du Groupe.

La présente clause de non-concurrence s'appliquera sur le territoire de la France métropolitaine et des DOM-TOM.

Il est précisé que [X] [K] aura la possibilité d'avoir des fonctions salariées dans une activité identique à l'activité du Groupe.

L'acquéreur précise en tant que de besoin que l'activité exercée par Monsieur [L] [D], Madame [P] [W] et Monsieur [B] [K] au sein du Groupe conformément aux dispositions de l'article 10.2 n'aura pas pour objet de faire échec au respect du présent engagement. »

Or, il ressort des pièces produites, que M. [D], qui a quitté la société Arcante Développement le 6 octobre 2022 a, dès le 19 octobre 2022, fait immatriculer sa société Armonia Consultant dont l'activité, « la réalisation de prestations de conseil et accompagnement auprès des particuliers, des entreprises, des collectivités et autres organismes publics ou privés », est identique à celle des sociétés du Groupe Arcante dont l'objet est : « holding, prestation de service administratif, commercial, comptable, marketing financier, conseil et formation en entreprise », et lui fait donc directement concurrence.

Les pièces produites par les sociétés appelantes établissent que les prestations délivrées par la société Arcante Développement sont marquées par un fort intuitu personae, comme souligné par M. [D] lui-même dans divers courriels produits aux débats le 15 avril 2022 (pièce 17) ou du 21 mai 2022 (pièce 18) ou le 21 mai 2022 (pièce 34 intimés), et que ce dernier était perçu comme un élément central dans la réussite du groupe, raison pour laquelle il s'était engagé notamment à une obligation d'accompagnement prévue à l'article 10.2 du contrat de cession. Ceci ressort clairement du « Business Plan » de la société qui souligne que « le Groupe Arcante présente des forces liées à la qualité de ses prestations et à leur impact client, et des faiblesses liées au fait qu'une partie de l'activité conseil repose sur la personne du PDG, M. [L] [D] » (pièce 9, page 36)

Il s'évince également des pièces produites que, dès le départ de ce dernier de la société Arcante Développement, plusieurs sociétés clientes, telles que la société Beiersdorf dans un courrier du 13 octobre 2022, la société Bonduelle dans un courriel du 13 octobre 2022, la société Marie, la société Lindt, la société Carambar le 7 novembre 2022, la société Bel dans un courrier du 21 octobre 2022, ont très rapidement décidé de revenir sur leurs lettres de mission, précisant qu'elles avaient été conclues sous la condition que cette mission soit prise en charge personnellement par M. [D] (pièce 10)

Selon les informations transmises par M. [D] à M. [J] par courriel du 25 février 2022, ces clients avaient un montant de lettres de mission de 60 000 euros chacun, 70 000 euros pour la société Bonduelle, 140 000 euros s'agissant de la société Bel. (pièce13 appelant) .

Il apparaît également que M. [D], outre qu'il exerce à travers sa propre société, intervient dans des émissions télévisées et a créé une association Lab'Accords d'avenir propres à entretenir son influence et ses réseaux. Son intervention dans l'émission « complément d'Enquête » le 1er septembre 2022, a entraîné une lettre de protestation de la société Kronenbourg à M. [J] le 27 octobre 2022, cette dernière estimant que l'obligation de confidentialité à laquelle la société Arcante Développement était tenue avait été violée par les propos tenus publiquement par M. [D] dans l'émission, et annonçant une demande dommages et intérêts prochaine (pièce 10).

En revanche, il ne se déduit pas des pièces produites que M. [D] aurait débauché des salariés de la société Arcante Développement. En effet, s'il a pu faire une proposition de collaboration à M. [A], qui avait travaillé pour la société Arcante Développement alors qu'il en était président, c'était avant que ce dernier ne s'engage à nouveau pour M. [J]. Aucun autre élément ne vient corroborer un éventuel débauchage ou risque de débauchage de salariés en activité au sein de la société Arcante Développement.

Il ressort des conclusions de M. [H], expert-comptable sollicité par la société Arcante Développement pour chiffrer son préjudice, que l'activité de conseil en négociation de la société Arcante, autrefois pilotée par M. [D], est en grande difficulté.

S'il s'agit d'une expertise de partie, il n'en demeure pas moins que la société Arcante Développement a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole le 4 septembre 2023 pour insuffisance d'actif, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 20 août 2023, ce qui objective les difficultés financières que rencontre cette société.

L'article 873 du code de procédure civile susvisé, autorise, même en cas de contestation sérieuse, à prendre en référé des mesures conservatoires pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Bien que contestant la teneur de la clause de non-concurrence souscrite qu'il estime disproportionnée dans le temps et dans l'objet, il apparaît que M. [D], en entamant moins d'une semaine après son départ de la société Arcante Développement, une activité directement concurrente par la création de sa société Armonia Consultant, a violé son obligation de non-concurrence, qui était indéniablement applicable à la date des faits, cette violation causant un trouble manifestement illicite à la société Arcante Développement, lequel perdure et expose cette dernière à un dommage imminent, celui de l'effondrement d'un pan important de ses activités de conseil et de formation, en venant rechercher une clientèle qui lui est attachée et qui a déjà commencé à se désengager.

Ces éléments autorisent à prendre les mesures conservatoires qui s'imposent en application de l'article 873 susvisé.

2 ' sur les mesures conservatoires ou de remise en état

Il est de jurisprudence constante que les juges sont tenus de délimiter le champ d'application des mesures qu'ils prononcent en référé et qu'ils ne peuvent prononcer une mesure d'interdiction générale dénuée de tout lien avec les agissements en cause.

La mesure prise doit être appropriée pour faire cesser le trouble manifestement illicite constaté ou à prévenir le dommage imminent.

Les mesures conservatoires ou de remise en état prescrites doivent être justes et proportionnées (Com 29 janvier 2013 ' 11-28979 ; Com., 13 mars 2019, pourvoi n° 18-11.046)

Compte tenu du trouble manifestement illicite identifié par la création immédiate de la société Armonia consultant, il y a lieu de condamner M. [D] à respecter la clause de non-concurrence visée à l'article 11 du contrat de cession du 28 janvier 2022, reprise à l'article 10.2 de l'acte réitératif du 8 février 2022 en ce qu'elle lui interdit :

de s'intéresser et/ou de participer directement ou indirectement, pour leur compte personnel ou celui de l'une quelconque de leurs entités affiliées ou pour celui d'un tiers, en quelque qualité que ce soit, à toute entreprise exerçant une activité identique à l'activité du Groupe ;

de démarcher directement ou indirectement, pour leur compte personnel ou celui de l'une quelconque de leurs entités affiliées ou pour celui d'un tiers ou des clients du Groupe, en vue de l'exercice d'une activité identique à l'activité du Groupe ;

sur le territoire de la France métropolitaine et des DOM-TOM.

et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, et pendant une période de 12 mois, en application des articles L.131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, sans qu'il n'y ait lieu que la cour se réserve le pouvoir de liquider cette astreinte.

La société Armonia Consultant étant l'instrument à travers lequel la clause de non-concurrence a été enfreinte et les actes de concurrence sont susceptibles d'être organisés, avec la complicité de M. [D], il y aura lieu, pour éviter la persistance du trouble manifestement illicite ci-dessus caractérisé, et tout dommage à venir, de la condamner in solidum avec ce dernier au respect des deux points de cette clause de non-concurrence.

Par ailleurs, afin de prévenir toute intervention néfaste, il sera fait interdiction à M. [D], sous les mêmes conditions d'astreinte, d'intervenir ou se présenter dans tout média ou sur tout réseau social comme exerçant une activité en lien avec le conseil ou la formation en négociation professionnelle.

Infirme l'ordonnance pour le surplus et,

Ces mesures étant suffisantes, proportionnées et de nature à faire cesser le trouble constaté et à prévenir tout dommage, la société Arcante Développement sera déboutée de ses autres demandes de mesures.

5/ sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

M. [D] et la société Armonia Consultant, qui succombent, assumeront in solidum les entiers dépens d'instance et d'appel.

Ils seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés in solidum à verser à la société Arcante Développement, la société BMA, ès qualités, et la société BTSG, ès qualités une indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rectifiant l'omission de statuer affectant la décision entreprise :

REJETTE la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir soulevée par M. [D] et la société Armonia Consultant ;

Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les intimés

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à la condamnation de M. [D] à verser à la société Arcante Développement une provision de 2 825 000 euros sous astreinte en réparation du préjudice subi pour n'avoir pas respecté sa clause d'accompagnement ;

Condamne in solidum M. [D] et la société Armonia Consultant à respecter la clause de non-concurrence visée à l'article 11 du contrat de cession du 28 janvier 2022, reprise à l'article 10.2 de l'acte réitératif du 8 février 2022 en ce qu'elle interdit :

* de s'intéresser et/ou de participer directement ou indirectement, pour leur compte personnel ou celui de l'une quelconque de leurs entités affiliées ou pour celui d'un tiers, en quelque qualité que ce soit, à toute entreprise exerçant une activité identique à l'activité du Groupe ;

* de démarcher directement ou indirectement, pour leur compte personnel ou celui de l'une quelconque de leurs entités affiliées ou pour celui d'un tiers ou des clients du Groupe, en vue de l'exercice d'une activité identique à l'activité du Groupe ;

sur le territoire de la France métropolitaine et des DOM-TOM.

et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, et pendant une période de DOUZE mois ;

Fait interdiction à M. [D] d'intervenir ou de se présenter dans tout média ou sur tout réseau social comme exerçant une activité en lien avec le conseil ou la formation en négociation professionnelle et ce, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, et pendant une période de DOUZE mois ;

Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation des astreintes prononcées ;

Deboute la société Arcante de ses autres demandes de mesures conservatoires ou de remise en état ;

Condamne in solidum M. [D] et la société Armonia Consultant aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

statuant de nouveau des chefs infirmés :

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Armonia Consultant et de M. [D] et les condamne in solidum à verser à la société Arcante Développement, la société BMA, ès qualités, et la société BTSG, ès qualités, la somme globale de 10 000 euros.