CA Fort-de-France, ch. civ., 8 novembre 2022, n° 21/00497
FORT-DE-FRANCE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme PARIS
Conseillers :
Mme DONNIZAUX, M. PLUMENAIL
Avocat :
Me GASPARDO
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat du 6 juillet 2017, Madame [D] a loué un logement à usage d'habitation appartenant à Monsieur [L] situé [Adresse 1]) pour une durée initiale de trois ans renouvelables et un loyer mensuel de 550 euros. Un dépôt de garantie de 550 euros était prévu par le contrat.
Madame [E] [D] expose que, en raison de la perte de son emploi, elle a voulu mettre fin au bail et a adressé à Monsieur [W] [L], avec son autorisation, par mail du 24 septembre 2018, son préavis de départ prévu le 30 octobre 2018.
Suivant déclaration au greffe le 15 mars 2019, déposée au greffe le 19 mars 2019, Madame [E] [D] a fait convoquer Monsieur [W] [L] devant le tribunal d'instance de Fort-de-France aux fins d'obtenir la condamnation du bailleur au paiement d'une somme en principal de 550 euros au titre du dépôt de garantie non restitué, outre 1.100 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 31 décembre 2019 par défaut et en dernier ressort, le tribunal d'instance de Fort-de-France a :
- condamné Monsieur [W] [L] à verser à Mme [E] [D] une somme de 550 Euros au titre du dépôt de garantie, outre une somme de 660 euros au titre de la pénalité légale de 10% ;
- condamné Monsieur [W] [L] à verser à Mme [E] [D] une somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [W] [L] aux dépens de la procédure, incluant les frais de citation ; - rejeté le surplus des demandes de Mme [D] ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par courrier reçu le 10 novembre 2020, Monsieur [W] [L] a formé opposition à l'encontre de ce jugement, indiquant :
- qu'il n'avait eu connaissance du jugement que le 20 octobre 2020 ;
Monsieur [W] [L] a sollicité un jugement au fond et s'est fait représenter à l'audience du 21 juin 2021.
Bien qu'avisée en personne de la date de renvoi lors de l'audience du 03 mai 2021, Madame [E] [H] [D] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter à l'audience du 21 juin 2021.
Par jugement rendu le 19 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France a :
- déclaré recevable l'opposition formée par Monsieur [W] [L] à l'encontre du jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Fort-de-France dans l'affaire opposant Madame [E] [D] à Monsieur [W] [L] ;
- constaté en conséquence la mise à néant du jugement du 31 décembre 2019 ; - débouté Madame [H] [D] de sa demande de restitution du dépôt de garantie ;
- débouté Madame [H] [D] de sa demande tendant à la condamnation de Monsieur [W] [L] à lui verser 1.100 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamné Madame [H] [D] à verser à Monsieur [W] [L] la somme de 1100 euros au titre des deux mois de préavis non réglés ;
- constaté que Monsieur [W] [L] reconnaît devoir la somme de 550 euros à Madame [H] [D] au titre du dépôt de garantie ;
- ordonné la compensation entre la somme de 1100 euros due par Madame [H] [D] et la somme de 550 due par Monsieur [W] [L] à Madame [H] [D] ;
- condamné en conséquence Madame [H] [D] à verser la somme de 550 euros à Monsieur [W] [L] ; - débouté Monsieur [W] [L] de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamné Madame [H] [D] à verser 400 euros à Monsieur [W] [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Madame [H] [D] aux dépens ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 03 septembre 2021, Madame [E], [H] [D] a critiqué tous les chefs de jugement.
- que le logement avait été laissé dans un état déplorable.
Monsieur [W] [L] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel a été signifiée à personne.
Dans ses conclusions d'appel en date du 02 décembre 2021, Madame [E] [H] [D] demande à la cour d'appel de :
- DECLARER l'appel de Madame [D] recevable et bien fondé ;
Et par conséquent,
IN LIMINE LITIS, PRONONCER la nullité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 19 juillet 2021.
- INFIRMER le jugement querellé en ce qu'elle a condamné Madame [D] à verser à Monsieur [L] la somme de 1100 euros au titre des deux mois de préavis non réglés ;
- CONDAMNER à nouveau Monsieur [W] [L] à verser à Madame [D] la somme de 550 euros au titre de dépôt de garantie ;
- INFIRMER le jugement querellé en ce qu'elle a condamné Madame [D] à verser à Monsieur [L] la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et statuant à nouveau ;
- CONDAMNER Monsieur [W] [L] à payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER Monsieur [W] [L] aux entiers dépens.
Madame [E] [H] [D] expose qu'il y a lieu de prononcer la nullité du jugement querellé dès lors qu'il est mentionné dans la décision susvisée qu'elle était comparante en personne, alors qu'elle était absente lors de l'audience du 21 juin 2021. Madame [E] [H] [D] fait valoir que la reprise de possession des lieux loués vaut renonciation à la nullité du congé et que Monsieur [L], suite à la perte d'emploi subie par la locataire, avait donné son consentement pour un préavis d'un mois envoyé par email. Elle ajoute que Monsieur [L] a reconnu devant le premier juge qu'il avait récupéré les clés et pris possession de l'appartement le 1er novembre 2018.
Par ailleurs, Madame [D] demande que soit constatée la validité du congé de départ donné par la locataire et que, en conséquence, le jugement de première instance soit infirmé sur ce point. L'appelante sollicite également que soit confirmé le jugement du 19 juillet 2021 en ce qu'il a constaté la reconnaissance par la partie adverse de la dette de dépôt de garantie de 550 euros et que Monsieur [L] soit condamné à lui payer cette somme.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées par l'appelante.
L'affaire a été plaidée le 09 septembre 2022. La décision a été mise en délibéré au 08 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Par application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Aux termes de l' article 459 du code de procédure civile , l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.
En l'espèce, Madame [D] fait valoir qu'il est mentionné dans la décision susvisée qu'elle était comparante en personne, alors qu'elle était absente lors de l'audience du 21 juin 2021.
Toutefois, la cour relève que, si cette mention erronée a été portée page 1 du jugement querellé et qu'il est également indiqué dans le dispositif que le juge des contentieux de la protection a statué par jugement contradictoire, alors que le jugement était réputé contradictoire, en revanche il ressort de l'exposé du litige que le premier juge a statué en ces termes: 'Après plusieurs renvois à la demande des parties, l'affaire a été retenue à l'audience du 21 juin 2021. A cette audience, Madame [D], bien qu'avisée de la date de renvoi lors de l'audience du 03 mai 2021 (renvoi effectué à sa demande dans la mesure où elle avait indiqué, sans toutefois, en justifier, qu'elle avait déposé une demande d'aide juridictionnelle) n'a pas comparu et n'était pas représentée.'
Il est constant que l'inexactitude d'une mention ne peut entraîner la nullité d'un jugement pour des causes purement formelles.Il est établi que Madame [D] avait connaissance de la date de renvoi lors de l'audience du 03 mai 2021 et n'a pas comparu ou ne s'est pas fait représenter sans fournir de motif légitime, . .
Ainsi, l'irrégularité formelle dont se prévaut l'appelante ne traduit en réalité aucune privation de Madame [D] de son droit au procès équitable et alors que la régularité de la procédure, notamment quant au respect du principe du contradictoire, n'est pas contestable.
Enfin, Madame [E] [D] se borne à demander à la cour de prononcer la nullité du jugement rendu le 19 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France sans expliciter le lien existant entre l'irrégularité relevée et son défaut de comparution devant le premier juge à l'audience du 21 juin 2021.
En conséquence, l'exception de nullité soulevée par Madame [E], [H] [D] sera rejetée.
En vertu de l'article 15, I de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, le délai de préavis est de trois mois lorsqu'il émane du locataire. Toutefois en cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois.
Le locataire est tenu de justifier de la perte d'emploi invoquée au moment de l'envoi de sa lettre de congé (arrêt Cour de cassation, 3e Civ., 28 novembre 2019, pourvoi n° 18-16.352).
Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, Madame [E] [D] n'a pas justifié de la perte d'emploi alléguée dans son courrier de congé, de sorte qu'elle ne pouvait donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois. Il résulte également des échanges par sms entre les parties que Monsieur [L] n'a pas consenti expressément à ce que Madame [D] bénéficie d'un délai de préavis réduit.
Madame [E] [D] prétend également que, Monsieur [W] [L] ayant récupéré les clés et pris possession de l'appartement le 1er novembre 2018, le bailleur a sans équivoque renoncé à toute nullité qui aurait entaché le préavis de départ envoyé par Madame [E] [D] avec effet au 31 octobre 2018.
Toutefois, il est constant que la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire (arrêt Cour de cassation, 3e Civ., 14 avril 2015, pourvoi n° 14-11.064) et que l'acceptation de la remise des clés et la prise de possession des lieux, qui n'établissent que la libération des lieux, ne suffisent pas à caractériser la renonciation non équivoque de Monsieur [W] [L] aux loyers dus par la locataire jusqu'au terme du délai de préavis de trois mois.
En l'espèce, l'appelante ne justifie pas que le bailleur ait renoncé à lui réclamer le paiement des loyers de novembre et décembre 2018 au titre des deux mois de préavis non réglés.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame [E], [H] [D] à verser 1.100 euros au titre des deux mois de préavis non réglés.
En application de l'article 22 alinéa 3 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées.
Monsieur [W] [L] a reconnu qu'il aurait dû restituer à Madame [E], [H] [D] son dépôt de garantie d'un montant de 550 euros.
En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en ce quil a :
- constaté que Monsieur [W] [L] reconnaît devoir la somme de 550 euros à Madame [H] [D] au titre du dépôt de garantie,
- ordonné la compensation entre la somme de 1100 euros due par Madame [H] [D] et la somme de 550 due par Monsieur [W] [L] à Madame [H] [D],
- condamné en conséquence Madame [H] [D] à verser la somme de 550 euros à Monsieur [W] [L].
Les dispositions du jugement déféré sur les frais irrépétibles, les dépens et l'exécution provisoire seront confirmées.
Il ne sera pas fait droit à la demande présentée par Madame [E], [H] [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant, Madame [E], [H] [D] sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
REJETTE l'exception de nullité soulevée par Madame [E], [H] [D] ;
CONFIRME le jugement rendu le 19 juillet 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort- de-France dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;
CONDAMNE Madame [E], [H] [D] aux dépens de la présente instance.